dimanche 7 juin 2020

Fux (Johann Joseph)

Johann Joseph Fux


Johann Joseph Fux


Johann Joseph Fux est un compositeur autrichien, né en 1660 à Hirtenfeld (en Styrie) et mort à Vienne le 13 février 1741.

J'ai souhaité consacrer ce troisième article de ma série sur les musiciens baroques autrichiens à ce compositeur assez méconnu aujourd'hui.

Il est passé à la postérité surtout pour avoir écrit un célèbre traité de contrepoint intitulé le "Gradus ad Parnassum" ("Montée au Parnasse"). On raconte que Joseph Haydn se forma en autodidacte en le lisant et que Mozart en possédait un exemplaire annoté.

Malheureusement pour lui, il semble que cet ouvrage a éclipsé le compositeur et que sa musique a longtemps souffert du préjugé suivant: si c'est l'oeuvre d'un théoricien alors sa musique ne peut être qu'austère et aride. Cet article a pour but de vous montrer qu'il n'en est rien.

Issu d'un milieu modeste, Fux gravit tous les échelons d'une brillante carrière et se retrouva en 1715 maître de chapelle de la cour impériale où il servit pas moins de cinq souverains. 

A noter que Fux fut également le professeur du compositeur Zelenka.

Fux composa de la musique religieuse (plusieurs messes et requiems), des oratorios (tels que "Il Fonte della Salute"), des opéras et des pièces instrumentales réunies dans le Concentus musico-instrumentalis de 1701.

Voici une petite sélection que j'ai réalisée à votre intention.

Concentus musico-instrumentalis


Ce recueil instrumental est constitué principalement d'ouvertures ou suites instrumentales, réalisées semble-t-il pour commémorer des événements festifs de la cour de Vienne. On y retrouve une certaine pompe comme dans les œuvres de cour de Schmelzer (voir comme exemple "la Margarita" chroniquée dans mon article sur Schmelzer).

En voici un bon exemple avec l'Ouverture en ré mineur E.109 interprétée par Lorenz Duftschmid à la tête de l'ensemble Armonico Tributo Austria:



Fux avait dédié ce "Concentus musico-instrumentalis" à l'empereur Joseph 1er. C'était l'occasion pour lui, comme l'avaient fait d'autres compositeurs autrichiens à la même époque, de fêter la victoire suite au siège de Vienne par les ottomans en 1683.

C'est pourquoi on retrouve parmi les suites de Fux une "Turcaria". C'est une pièce joyeuse qui fait appel aux percussions turques, tels le carillon que l'on entend dans l'oeuvre. Les turqueries allaient devenir à la mode dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Celle-ci préfigure en quelque sorte la musique turque utilisée par Mozart dans l'Enlèvement au Sérail.




Pièces pour clavecin


Fux a composé de très belles pièces pour clavecin. On sent dans sa musique un mélange de rigueur germanique et une capacité de développement et d'ornementation qui n'est pas sans rappeler son contemporain François Couperin.

La claveciniste Dorota Cybulska-Amsler nous en donne un bel exemple dans ce Capriccio et Fugue:



Kaiserrequiem



Fux a également composé de très belles œuvres de musique sacrée, notamment ce requiem. Il est écrit en 1720 pour les funérailles d’Eleonore Magdalene von Pfalz-Neuburg, veuve de l’empereur Léopold Ier. Par la suite, ce Requiem sera repris pour d’autres cérémonies funèbres de la cour, la dernière fois pour les funérailles de Karl VI en 1740. Tout cela justifie son appellation de Kaiserrequiem.

Il s'agit d'une oeuvre solennelle, belle et émouvante, sublimée par l'excellent chœur Vox Luminis. En voici un enregistrement live lors du festival de musique ancienne d'Utrecht en 2014:



Miserere



Dans un autre enregistrement du Kaiserrequiem de Fux par l'ensemble Musica Fiata dirigé par Roland Wilson, celui-ci a décidé d'y adjoindre d'autres pièces religieuses tels que ce Miserere. Cela m'a valu un nouveau coup de cœur que j'ai voulu partager avec vous.

Une musique solennelle et émouvante d'une réelle beauté servie par des interprètes d'exception:




lundi 1 juin 2020

Biber (Heinrich Ignaz Franz)

Heinrich Ignaz Franz Biber


Heinrich Ignaz Franz Biber


Heinrich Ignaz Franz Biber né le 12 août 1644 à Wartenberg, mort le 3 mai 1704 à Salzbourg, est un violoniste et compositeur baroque austro-tchèque.

Après l'article consacré à Schmelzer, il était naturel de continuer avec Biber, qui fut un élève du précédent et lui-aussi violoniste. S'il était important de vous faire découvrir Schmelzer, il me semble fondamental de vous dire quelques mots sur Biber, qui est considéré par certains critiques comme un des plus grands compositeurs baroques de la période précédent celle de Bach.

Biber mérite sa célébrité à plus d'un titre: il a composé les messes les plus monumentales de l'époque baroque, il a composé des sonates pour violon d'une grande complexité faisant appel à la technique de la "scordatura", une technique de jeu « désaccordé ». On diminue, ou on augmente, la tension d'une ou plusieurs cordes de l'instrument, afin de créer l'illusion d'un instrument utilisant des accords différents. Cette manière d'accorder le violon permit de jouer avec des instruments baroques, sur deux, trois ou quatre cordes. Cette technique donne des effets sonores insolites.

Enfin, on notera, pour l'anecdote, que Biber fut maître de chapelle auprès du prince-evêque de Salzbourg à partir de 1684. Mozart allait y occuper un poste similaire (Konzert Meister) vers 1776.

Biber nous a laissé les œuvres suivantes: deux Requiem (en fa et en la), deux opéras (dont Arminio), de nombreuses cantates, quatre messes, une sérénade, les "Mensa Sonora", cycle de musique de table pour deux violons, alto et basse continue, de nombreuses sonates, et des musiques pour usages divers comme la Battalia à 10.

En outre, j'ai réalisé une sélection d'œuvres de 8 compositeurs baroques autrichiens dont les plus connus sont Heinrich Ignaz Franz Biber, Johann Heinrich Schmelzer et Johann Joseph Fux, chacun ayant son article sur ce blog.

Voici les liens vers la playlist.

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Concernant Biber, voici une sélection de ses œuvres les plus marquantes.

Battalia à 10


La Battalia à 10 est une oeuvre pour cordes et continuo composée par Biber en 1673. Il s'agit d'une oeuvre burlesque est pleine d'humour, dont le titre complet est:
"Das liederliche Schwirmen der Musquetier, Mars, die Schlacht und Lamento der Verwundeten, mit Arien imitirt und Baccho dedicirt", ce qui se traduit par:
"La compagnie dissolue pleine d'humour, marche, la bataille et le Lamento des mousquetaires blessés, imité des airs et dédié à Bacchus".

On remarque dans le second mouvement intitulé "La compagnie dissolue pleine d'humour", des rencontres improbables de plusieurs tonalités et de plusieurs rythmes qui donnent un effet dissonant des plus modernes. Le troisième mouvement Presto est une danse très entraînante, enfin le morceau de bravoure apparaît dans le septième mouvement intitulé "Die Schlacht" ("La Bataille"), où deux violoncelles se livrent un combat féroce à coups de pizzicati. L'oeuvre se termine sur le lamento des mousquetaires blessés.

Au disque, je vous recommande la version de Jordi Savall, qui a publié de nombreux albums de pièces de Biber. La Battalia y est couplée au Requiem en la à 15 voix de 1687.

J'ai trouvé une vidéo interprétée par l'ensemble Voices of Music qui met bien en exergue le côté théâtral de ce petit chef-d'oeuvre. Ecoutez en particulier le combat des violoncelles vers 7:50, il semble que le claveciniste n'en sort pas indemne !



Les Sonates du Rosaire (Rosenkranzsonaten)


Les Sonates du Rosaire (Rosenkranzsonaten), également connues sous le titre de Sonates du Mystère, constituent un cycle de quinze sonates pour violon avec basse continue et une passacaille pour violon seul. Il s'agit d'une œuvre majeure du compositeur composée vers 1678.

Il s'agit d’œuvres intimistes consacrées à l'histoire de Marie et Jésus, de l'Annonciation jusqu'au couronnement de la Vierge. La passacaille finale est considérée comme étant dédiée à l'ange gardien.

Ce qui fait la particularité de cette oeuvre est l'utilisation de la scordatura: en effet, pour chaque sonate le violon est accordé différemment.

Ce cycle est considéré comme un des chef-d’œuvres de la musique baroque pour violon et ne sera surpassé que par les sonates pour violon de Bach.

Ma version favorite est celle de Rachel Podger, suivie de près par celle de Reinhard Goebel (qui a réalisé de très beaux albums d'oeuvres de Biber) et celle d'Andrew Manze.

Voici en extrait, Rachel Podger interprétant la Passacaille "L'ange gardien" qui termine le cycle:



Mensa sonora & Sonata representativa


Les Mensa sonora est un recueil de six partitas pour cordes et continuo composé par Biber en 1680. Il s'agit d'une musique de table comme pourront en composer plus tard Telemann (la Tafelmusik) ou Haendel (la Water music). Moins virtuose que ses sonates, cette musique est plaisante et délicate, elle coule de source.

L'interprétation de Reinhard Goebel et du Musica Antiqua Köln rend parfaitement le style de ces pièces. En outre, cet album offre un couplage avec la délicieuse et très amusante "Sonata representativa" dans laquelle Biber nous montre à nouveau une facette de son humour avec des imitations de cris d'oiseaux et d'autres animaux comme la grenouille, le coq et la poule, ou le chat.

Voici en extrait la troisième partie des Mensa Sonora par l'ensemble Chatham Baroque:



Ainsi que la charmante et comique "Sonata Representativa" par de jeunes interprètes:



Missa Salisburgensis (Messe de Salzbourg)



La Missa Salisburgensis (ou Messe de Salzbourg) est une messe à 53 voix, vocales et instrumentales, représentant ainsi l'un des sommets de la musique polyphonique baroque. Elle dépasse même en complexité contrapuntique et en richesse acoustique le Spem in alium de Thomas Tallis qui est déjà à 40 voix.

Cette messe a été composée par Biber vers 1682 afin de fêter les 1100 ans de l'archevêché de Salzbourg. Les historiens s'accordent sur le fait que cet anniversaire a du donner lieu à des fêtes qui dépassaient tout ce qui avait pu se faire auparavant en tant que magnificence et luxe.

Biber put utiliser la conformation de la cathédrale Saint Rupert de Salzbourg et ses différentes tribunes afin de répartir les huit chœurs vocaux et instrumentaux nécessaires à l'exécution de la messe, comme on le voit sur la pochette de l'album.

Il s'agit certainement d'une des œuvres les plus colossales de l'époque baroque.

J'ai sélectionné l'interprétation de Reinard Goebel et Paul McCreesh qui joignent les effectifs de leurs ensembles pour cette messe monumentale. L'enregistrement se caractérise par des effets orchestraux massifs qui reflètent bien l'effet qui avait sans doute été recherché à l'époque. Par contre, il y a une réverbération sonore due à l'enregistrement dans une église qui, si elle accentue les effets, réduit la lisibilité et la précision. A noter également que les interprètes ont choisi de faire précéder et suivre le Credo par une sonate, ce qui était fréquemment le cas à l'époque. Ils ont choisi les sonates XII et V du recueil "Sonatae tam aris quam aulis servientes". En outre l'enregistrement contient la belle sonate Sancti Polycarpi pour trompette et continuo et le motet "Plaudite tympana" qui demande les mêmes effectifs que la messe.

Si vous êtes intéressés par une version moins réverbérée et plus précise, je vous invite à écouter la version de Jordi Savall qui dispose en outre de très bons solistes. On y retrouve la sonate Sancti Polycarpi et le motet, mais Jordi Savall n'encadre pas le Credo par des sonates.

En vidéo j'ai sélectionné l'interprétation grandiose donnée par le chef Vaclav Luks à la tête du Collegium 1704, lors d'un concert à la cathédrale de Salzbourg:



Missa Bruxellensis (Messe de Bruxelles)


Cette messe fut composée par Biber à la fin de sa vie, vers 1700. Il s'agit d'une messe monumentale a 23 voix, elle n'est dépassée en complexité que par la Missa Salisburgensis.

Cette messe doit son nom au fait que le manuscrit de la partition a été retrouvé en 1970 à Bruxelles, mais elle dut être jouée, comme la messe précédente de Biber dans la cathédrale de Salzbourg.

C'est d'ailleurs dans cette même cathédrale que Jordi Savall enregistre cette messe en 1999. On peut d'ailleurs saluer la qualité de la prise de son vu les difficultés que cela représente dans ce type de lieu.

J'ai choisi de sélectionner également cette messe, car même si elle est moins impressionnante que la Missa Salisburgensis, elle reste néanmoins une oeuvre imposante et je la trouve même plus recherchée. Biber n'avait sans doute pas le même besoin de flamboyance que pour la messe précédente. On sent en écoutant cette messe une impression de sérénité.

Pour les amateurs, je signale les deux autres messes de Biber qui méritent également une écoute: la Missa Sancti Henrici et la Missa Christi Resurgentis.

Voici le Kyrie de la Missa Bruxellensis par Jordi Savall à la tête du Concert des Nations.