lundi 13 mars 2023

Fasch (Johann Friedrich)

 

Johann Friedrich Fasch


Johann Friedrich Fasch


Johann Friedrich Fasch est un compositeur, violoniste et organiste allemand, né à Buttelstädt près de Weimar le 15 avril 1688 et mort à Zerbst le 5 décembre 1758.

Il est né dans une famille de musiciens et de théologiens. A l'âge de 12 ans, à la mort de son père, il fut engagé comme soprano à l'orchestre de la cour de Weissenfels. On lui trouva un tel talent vocal qu'à peine un an plus tard il entra à l'école Saint-Thomas de Leipzig, où il fut l'élève du cantor de l'époque, Johann Kuhnau. 

On notera au passage que le successeur de Kuhnau ne fut personne d'autre que le grand Johann Sebastian Bach, et que lui et Fasch sont d'exacts contemporains.

A cette époque, Georg Philipp Telemann résidait également à Leipzig, et Fasch comptait parmi ses admirateurs. Il commença à composer des ouvertures en le prenant pour modèle, et alla même jusqu'à faire passer une de ses œuvres pour une ouverture de Telemann, celle-ci eu beaucoup de succès et personne ne décela la supercherie.

En 1708, le jeune homme entama, tout comme Telemann, des études de droit à Leipzig, et y fonda un deuxième collegium musicum (le premier avait été créé par Telemann). C'est ainsi qu'il devint l'ami d'autres compositeurs tels que Heinichen et Pisendel.

En 1712, il se rendit à Darmstadt où il bénéficia de l'enseignement de Graupner et de Grünewald.

Une fois ses études de droit achevées, il travailla comme secrétaire à Gera, puis comme organiste et greffier municipal à Greiz. En 1717, il épousa Johanna Christina Laurentius qui lui donna une fille en 1720. Elle mourut en mettant au monde un garçon qui lui aussi décéda en bas âge. Il décida de quitter ce triste endroit et entra au service du comte Morzin à Prague.

Enfin, en 1722, on lui proposa de devenir maître de chapelle à la cour de Zerbst. Après deux refus, il finit par accepter l'offre et conserva ce poste jusqu'à sa mort 36 ans plus tard.

En 1728, Fasch eut une idée géniale: il contacta nombre de ses amis musiciens dans d'autres villes telles que Hambourg, Dresde et Darmstadt et suggéra un échange de partitions. Ainsi, quand on fit plus tard l'inventaire de la cour princière de Zerbst, on découvrit de nombreuses pièces d'autres compositeurs tels que Telemann, Heinichen, Pisendel, ainsi que de compositeurs français et italiens, en particulier d'Antonio Vivaldi. Cela permit à Fasch de se tenir régulièrement au courant de toutes le nouveautés.

Johann Friedrich Fasch a composé dans presque tous les genres musicaux en vogue à son époque: musique vocale (sacrée et profane), et musique instrumentale (ouvertures, concertos, trios, quatuors et sonates). Il est un compositeur respecté de tous, y compris de Bach, qui a copié plusieurs de ses ouvertures.

L’œuvre de Fasch a réalisé une transition entre les styles baroque et classique. Dans certaines de ses œuvres tardives, il anticipa de manière tout à fait remarquable les idiomes — mais pas les structures formelles — utilisés ensuite par Gluck, Haydn et Mozart.

Fasch est peu à peu tombé dans l'oubli après sa mort car aucune de ses œuvres ne fut publiée de son vivant. Sa musique ne fut reconnue qu'au vingtième siècle. Aujourd'hui encore, aucun éditeur n'envisage de publier l'intégrale de son œuvre et on commence seulement à prendre pleinement conscience du rôle très important qu'il joua à l'époque.

J'ai un penchant très net pour sa musique instrumentale, et en particulier pour ses ouvertures et concertos. Il composa pas moins de 96 ouvertures et 68 concertos, dans lesquels il fait appel à un nombre très varié d'instruments solistes tels que le basson, le hautbois, la guitare, la trompette, le chalumeau ou le cor de chasse (appelé "corno di caccia").

C'est toute cette musique que j'ai souhaité vous faire découvrir dans cette anthologie de 10 œuvres. Celles-ci ont été classées par ordre thématique dans la mesure où la datation de ces œuvres n'est pas très significative.

D'autre part, j'ai concocté une playlist basée sur ma sélection.





Concerto pour trompette en ré majeur FWV L:D1



Je vous propose de commencer avec un des plus beaux concertos de Fasch, le concerto pour trompette en ré majeur FWV L:D1.

On notera la numération du concerto dans le catalogue thématique FWV, qui signifie "Fasch Werk Verzichnis" (Catalogue des œuvres de Fasch). La première lettre indique le type d'œuvre (en l'occurrence L pour les concertos), suivi d'un autre code, ici D1.

Ce concerto fut créé dans les années 1740. Il s'agit d'un concerto en 3 mouvements suivant en cela la forme établie par Antonio Vivaldi, ils contient des éléments de style français.

J'ai sélectionné la version d'une des plus grandes trompettistes actuelles, la britannique Alison Balsom. Elle est ici dirigée par Pavlo Beznosiuk à la tête de l'Academy of Ancient Music, dans un programme musical qui comprend également des œuvres de Bach, Corelli et Torelli.

L'œuvre dure environ 6 minutes. Voici les 3 mouvements de ce concerto.

I. Allegro.



II. Largo.




III. Allegro.





Concerto pour guitare en ré mineur FWV L:d1



Comment ne pas penser à Vivaldi en entendant le concerto pour guitare de Fasch ? Il s'agit à nouveau d'une œuvre charmante typique du baroque de cette époque, influencée par la musique italienne.

J'ai sélectionné cet album interprété par Jozef Zsapka à la guitare, accompagné par le Slovak Chamber Orchestra dirigé par Bohdan Warchal. L'album contient également deux concertos de Vivaldi et un de Krebs.

Le concerto est en 3 mouvements et dure approximativement 16 minutes.

Voici la version audio du concerto.

I. Allegro moderato.




II. Andante.




III. Un poco allegro.





Concerto pour basson en ut majeur FWV L:C2



Le basson était un instrument de prédilection de Fasch et il lui a consacré de nombreux concertos, seul ou avec d'autres instruments.

J'ai sélectionné cet album dirigé par Pal Németh à la tête de la Capella Savaria, avec Paolo Tognon au basson. On y entend des concertos, des ouvertures et des symphonies de Fasch et de Graupner, qui fut son professeur à Darmstadt.

Le concerto pour basson sélectionné est en 3 mouvements et dure entre 8 et 9 minutes.

En voici la version audio.





Concerto pour deux cors de chasse en fa majeur FWV L:F2



Le concerto sélectionné fut probablement composé entre 1730 et 1755 et proposé par Fasch à la cour de Dresde, les effectifs semblant trop importants pour la petite chapelle de Zerbst.

Dans ce concerto les deux cors de chasse ne sont pas les seuls instruments solistes, même s'ils donnent au concerto une couleur particulière, les autres instruments solistes sont deux hautbois, un basson, et un violon solo dont la partie virtuose était probablement destinée à Pisendel, célèbre violoniste de la cour de Dresde.

Le concerto est dans la lignée directe de Vivaldi et permet à chaque instrument soliste de briller. Il est en trois mouvements (Allegro - Largo - Allegro) et dure environ 13 minutes.

J'ai choisi le bel album de Ludger Rémy et de son ensemble Les Amis de Philippe consacré aux Concertos, Sinfonias et Ouvertures composées par Fasch pour la cour de Dresde.

En voici la version audio.





Concerto pour chalumeau en si bémol majeur FWV L:B1



Le concerto sélectionné est intéressant à plus d'un titre: il est à la fois "moderne" et conservateur. En effet, il s'agit du premier concerto connu pour chalumeau, une sorte d'ancêtre de la clarinette (un instrument à perce cylindrique et à anche simple). Dans le même temps, Fasch utilise l'ancien plan lent-vif-lent-vif de la sonate d'église.

En effet, le concerto est en 4 mouvements (les deux premiers enchaînés): 
  1. Largo
  2. Un poco allegro
  3. Largo
  4. Allegro
et dure entre 11 et 12 minutes environ.

Voici la version audio du concerto, extrait de l'album sélectionné: Trevor Pinnock dirige The English Concert. Le chalumeau est joué par Colin Lawson.

1. Largo 2. Un poco allegro.



3. Largo



4. Allegro





Concerto pour violon en ré majeur FWV L:D8




Le concerto en ré majeur FWV L:D8 est un concerto pour violon, deux flûtes, deux hautbois, basson, cordes et basse continue. Il illustre l'approche innovative de Fasch en ce qui concerne les timbres des instruments et le langage harmonique. Il montre comment un violoniste peut impressionner une audience même et surtout quand il est entouré par d'autres instruments.

En particulier, le second mouvement a une structure en "quatuor": flûte, hautbois, violon et continuo.

L'ensemble de Philadelphie "Tempesta di Mare", qui a consacré plusieurs albums à Fasch, nous permet d'entendre le premier enregistrement de ce concerto, parmi une sélection d'ouvertures et concertos.

Le concerto est en trois mouvements: Allegro - Andante - Allegro et dure entre 10 et 11 minutes.

En voici une interprétation live par le Croatian Baroque Ensemble.





Ouverture en ré mineur FWV K:d3




L'Ouverture sélectionnée est typique des ouvertures de Fasch dans lesquelles il fait preuve de tout son savoir faire à l'égal d'un Telemann. Les mouvements extrêmes sont dans le style français.

J'ai sélectionné cet excellent album de Shalev Ad-El à la tête de l'Accademia Daniel. On notera qu'à côté des ouvertures et des concertos, cet album nous permet d'entendre deux cantates du compositeur et en ce sens fournit un tour d'horizon très intéressant de son œuvre.

Voici la version audio du premier mouvement de cette ouverture.





Ouverture pour trois hautbois, basson, cordes et continuo en sol majeur FWV K:G15




Cette ouverture est certainement une des plus belles composées par Fasch. Elle est incluse dans un album magnifique de Paul Dombrecht à la tête de son ensemble Il Fondamento.

Cette ouverture est en 7 parties et dure un peu plus de 20 minutes.

J'ai sélectionné plusieurs extraits de cette œuvre.

I. Ouverture. Dans le style français.



III. Jardiniers. Une pièce très vive et joyeuse.



V. Bourée.






Trios & Sonates



Fasch ne mérite pas d'être considéré comme un compositeur baroque important uniquement pour ses ouvertures et ses concertos. Il a également composé bon nombre de quatuors, trios et sonates qui font la part belle, à côté du violon, à ses instruments de prédilection que sont le hautbois et le basson.

L'album d'Epoca Barocca nous permet d'entendre 7 de ces pièces.

Comme Youtube propose actuellement l'intégrale de cet album, je me propose de vous faire écouter celui-ci en entier.






Passio Jesu Christi (Brockes-Passion) FWV F:1




Pour terminer cette sélection, j'ai choisi l'œuvre vocale la plus impressionnante de Fasch, la Passio Jesu Christi.

Elle fut probablement composée durant la période 1717-1719 où Fasch officiait à Greiz. Le texte utilisé "Mich von Stricke meiner Süden" ("Des liens de mes péchés") est une version écourtée du fameux livret que l'on doit au poète Barthold Heinrich Brockes, et qui fut utilisé par des compositeurs tels que Handel, Telemann ou Mattheson. Bach l'utilisa également pour sa Passion selon Saint-Jean.

Fasch a considérablement raccourci le texte, en a modifié et en a ajouté. L'œuvre dure environ 70 minutes.

Cette passion fait intervenir le chœur, l'orchestre et trois solistes: un ténor dans le rôle de l'évangéliste, une basse pour Jésus et une soprano pour la Fille de Sion.

J'ai choisi la version interprétée par Mary Térey-Smith à la tête du chœur de la Schola Cantorum Budapestiensis et de l'orchestre de la Capella Savaria.

Voici la version audio de la 1ère partie.









vendredi 10 mars 2023

Szymanowski (Karol)

 

Karol Szymanowski


Karol Szymanowski


Karol Szymanowski est un compositeur, pianiste et musicographe polonais né le 6 octobre 1882 à Tymochivka (alors en Russie, aujourd'hui en Ukraine) et mort le 29 mars 1937 à Lausanne (Suisse).

Dans sa famille il baigne dans une ambiance musicale. Dès son enfance il étudie le piano avec son père, puis avec son oncle, et s'essaie de bonne heure à la composition.

En 1905 il fonde, avec Fitelberg, Rozycki et Szeluto, le groupe "Jeune Pologne" qui reçoit le soutien actif des pianistes Arthur Rubinstein et Heinrich Neuhaus, et du violoniste Paul Kochanski.

Cherchant à s'enrichir de la découverte de contrées toujours plus dépaysantes, Szymanowski réalise de nombreux périples au cours des années 1908-1914. Il séjourne en Italie, en Afrique du Nord, en Sicile, en Egypte, mais également en France, où il est influencé par Debussy.

Il donne plusieurs concerts aux États-Unis, où Pierre Monteux dirige l'une de ses symphonies à Boston, et à Paris, où il rencontre les célébrités musicales de l’époque (Maurice Ravel, Alfred Cortot…).

Au cours de ses années d’enseignement, Szymanowski sacrifie un peu sa carrière de compositeur. 

Tuberculeux depuis son plus jeune âge, il meurt le 29 mars 1937 à Lausanne, à l'âge de 54 ans. Son corps repose au Panthéon des Grands Polonais, à l'église Saint-Michel-et-Saint-Stanislas de Skałka, à Cracovie.

Il nous laisse un peu plus de 60 œuvres dans la plupart des domaines musicaux.

Ce qu'il y a de très intéressant chez Karol Szymanowski, c'est qu'il existe chez lui trois périodes créatrices distinctes (les années précisées ci-dessous sont indicatives et ne sont pas à prendre pour des dates strictes):
  1. De 1900 à 1914, une période romantique où le compositeur est influencé en particulier par Chopin, mais également par Richard Wagner, Richard Strauss et Max Reger.
  2. De 1914 à 1922, une période marquée par un certain éclectisme, influencée par ses voyages en Méditerranée et en Orient. Elle est placée sous le sceau de l'impressionnisme, de l'orientalisme et de la mythologie. Le compositeur est fasciné par la musique de Debussy, Ravel, Stravinsky et certainement également par le symbolisme de Scriabine.
  3. De 1922 à 1934, le compositeur renoue avec ses propres racines et s'intéresse beaucoup à la musique populaire polonaise.
Szymanowski est la personnalité centrale du renouveau de l'école polonaise au début du XXe siècle. Assumant les influences postromantiques, symbolistes et impressionnistes, il a élaboré un langage harmonique et contrapuntique souvent complexe, raffiné et sensuel, qui a ouvert la voie à l'école polonaise contemporaine.

Ce que j'aime le plus chez Szymanowski ce sont les ambiances chatoyantes, aux harmonies mystérieuses, surtout de sa seconde période, et la magnifique utilisation qu'il fait des voix.

A noter que je propose un large panorama de la musique classique polonaise depuis la renaissance jusqu'à la période contemporaine, mêlant des compositeurs très connus et d'autres moins connus qui méritent une découverte, dans une playlist chronologique. On retrouve dans cette sélection plusieurs œuvres de Karol Szymanowski.


Dans cet article, j'ai préparé une anthologie de sa musique en 10 œuvres emblématiques. Les œuvres sont classées par ordre chronologique de composition.


Première Période: 1900-1914


1907 - Symphonie No. 1 Op. 15





La Symphonie No. 1 en fa mineur op. 15 est une œuvre inachevée qui a été composée entre 1906 et 1907. Prévue pour avoir trois mouvements, elle ne comporte finalement que deux mouvements achevés: le premier Allegro Pathétique et le troisième Allegretto con moto grazioso, alors que le mouvement central n'a pas été instrumenté, et n'a jamais été joué. 

Du vivant de Szymanowski, la symphonie n'a été présentée qu'une seule fois le 26 mars 1909 à Varsovie, sous la direction de Grzegorz Fitelberg. La seconde exécution - toujours avec le même chef - n'a eu lieu qu'après la mort de Szymanowski, le 6 octobre 1938 à la Radio polonaise à Varsovie.

Szymanowski n'aimait pas cette Symphonie. Dans une lettre à A. Klechniowska, en date du 11 juillet 1906, il écrit : « elle s'est révélée être une sorte de monstre orchestral à la fois contrapuntique et harmonique ».

Je trouve Szymanowski un peu sévère envers lui-même car cette symphonie romantique a de beaux élans. De plus, son orchestration est intéressante et ménage par moments un mystère que l'on retrouvera magnifié dans des œuvres ultérieures.

J'ai sélectionné la version dirigée par Karol Stryja à la tête de l'Orchestre Philharmonique de l'Etat Polonais (Katowice). La symphonie dure environ 20 minutes.





Seconde Période: 1914-1922


1914 - Chants d'Amour de Hafiz Op. 26




Szymanowski écrit initialement 6 mélodies pour voix et piano sur des textes d'un poète perse du XIVe siècle, Hafiz de Shiraz. Il aime tellement la poésie de Hafiz, qu'il décide d'orchestrer 3 des 6 poèmes et d'en ajouter 5 nouveaux. L'œuvre devient donc les "Chants d'Amour de Hafiz" pour voix et orchestre.

Les "Chants d'Amour de Hafiz" marquent la transition de sa période néoromantique, dans la lignée de Wagner et Strauss, vers sa deuxième période marquée par l'influence de l'orient.

Les poèmes ont été traduits en allemand par Hans Bethge, qui avait également traduit les poèmes chinois du "Chant de la Terre" que Gustav Mahler a mis en musique.

Les principaux thèmes de ces poèmes sont l'amour, le vin, la beauté physique, l'ivresse et la mort.

Les textes sont parfois chantés en polonais. C'est le cas dans la version dirigée par Karol Stryja, et interprétée par le ténor Ryszard Minkiewicz.

Voici la version audio d'une première moitié de l'œuvre.



J'ai également sélectionné dans l'album choisi un air fameux de Szymanowski, l'air de Roxana extrait de son opéra le "Roi Roger". L'air est chanté par la soprano Barbara Zagórzanka.





1915 - Chants de la Princesse des contes de fées Op. 31




On retrouve sur cet album à peu près les mêmes œuvres que celles de l'album précédant. La principale différence est que toutes les œuvres sont ici interprétées par des voix féminines.

Ici on trouve, il me semble, la meilleure version des "Chants de la Princesse des contes de fées", interprétés par la soprano Isabella Klosinska, accompagnée par l'Orchestre de l'Opéra d'Etat Polonais dirigé par Robert Satanowski.

Szymanowski a mis en musique trois poèmes de sa sœur Zofia Szymanowska. On retrouve dans sa musique des thèmes anciens et orientaux, et une influence de l'impressionnisme musical.

Il s'agit d'une de mes œuvres préférées du compositeur. On remarquera au passage la superbe pochette illustrée par le tableau "Les Vierges" de Gustav Klimt.

La musique influencée par l'orient de Szymanowski se caractérise par une mélodie colorature qui reflète l'émotion de la voix, des séquences chromatiques (imitant les micro-intervalles), des basses mélodiques, harmoniques et rythmiques, différentes percussions et, finalement, ses qualités expressives d'extase, de ferveur et de passion, qui sont l'essence de l'art perse.

Voici ces 3 poèmes.


1. La Lune solitaire. Dans ce morceau on appréciera notamment les vocalises de la chanteuse.



2. Le Rossignol. Ici l'évocation de l'oiseau qui virevolte n'est pas sans faire penser à "L'oiseau de feu" de Stravinsky.




3. La Danse. Dans ce dernier morceau, on retrouve de magnifiques vocalises.





1915 - Métopes Op. 29




En 1914, le compositeur se réfugie dans son village natal en Ukraine et y reste jusqu'à la Révolution Russe. Il revient d'un long séjour en Europe, en Sicile et en Afrique du nord, où il puise son inspiration pour les œuvres de ces années. 

Son style s'approche alors de l'impressionnisme debussyste et inaugure une série de musique à programme avec ses Métopes Op.29 pour piano, ses Mythes Op.30 pour violon et piano, et ses Masques Op.34 pour piano, ces trois œuvres formant une sorte de trilogie méditerranéenne, où prédomine l'influence de légendes de la Grèce antique.

Les Métopes, voilà un titre bien étrange. La définition de métope est la suivante: une métope est un panneau architectural de forme rectangulaire, le plus souvent décoré de reliefs. Elle est située au-dessus de l'architrave, en alternance avec les triglyphes (dans l'ordre dorique). L'ensemble forme une frise.

Les Métopes du compositeur sont inspirées de celles du temple de Sélinonte, situé sur la côte sud de la Sicile, qui sont conservées au musée de Palerme, et relatent trois épisodes de l'Odyssée d'Homère.

Elles se composent de trois pièces dont l'exécution dure environ vingt minutes :
  1. L'île des sirènes
  2. Calypso
  3. Nausicaa
J'ai sélectionné la version interprétée par le pianiste polonais Piotr Anderszewski.

Voici le premier mouvement, "L'île des sirènes".





1915 - Mythes Op. 30




Composée en 1915 à Zarudzie (Ukraine) et dédiée à son épouse Sophie, cette œuvre est jouée le 21 novembre 1921 à Budapest avec Joseph Szigeti au violon et Béla Bartók au piano.

Il s'agit de la seconde œuvre de cette période méditerranéenne et impressionniste.

Le caractère de cette musique est nettement slave, notamment dans le premier morceau. La pièce est en trois parties.
  1. La Fontaine d'Aréthuse (Aréthuse est le nom d'une nymphe), un morceau plein de mélancolie où se lit aussi l'influence de Chopin, Scriabine et Ravel,
  2. Narcisse, est marqué par un bithématisme et un lyrisme plus net, 
  3. Dryades et Pan, le finale, oppose la danse des Dryades et le personnage de Pan, satyre perturbateur dont la flûte affole et disperse ces dernières.
La version de référence est celle d'Alina Ibragimova au violon et Cédric Tiberghien au piano. Cet album a d'ailleurs été récompensé par un diapason d'or.

Sous Youtube, j'ai choisi la version interprétée par Diana Tischchenko au violon et Joachim Carr au piano.





1915-1916 - Masques Op. 34




L'œuvre "Masques" constitue un des sommets des pièces pour piano de Szymanowski. La partition est influencée par des compositeurs comme Stravinsky, Scriabine ou Debussy.

Les atmosphères sont vives et les textures diaprées, on y sent encore l'apport de l'exotisme méditerranéen.

La pièce est en 3 parties et dure environ 23 minutes.

Quel pianiste plus talentueux que le polonais Krystian Zimerman, pour mettre en valeur cette œuvre magnifique et virtuose ?

La première partie s'intitule "Shéhérazade", et Szymanowski nous décrit l'héroïne avec toute sa sensualité.



La second partie, "Tantris le bouffon", est basée sur la pièce d'Ernst Hardt qui a subverti Tristan et Isolde. Il décrit un Tristan (appelé Tantris) se déguisant en bouffon afin de rencontrer Isolde. La musique a l'impact d'un "Pétrouchka" de Stravinsky.



La troisième et dernière partie, "Sérénade de Don Juan", se moque du séducteur qui tente désespérément d'accorder sa guitare.





1916 - Symphonie No. 3 Op. 27 "Le Chant de la Nuit"



La symphonie No. 3 "Le Chant de la Nuit" est sans conteste l'œuvre la plus célèbre de Szymanowski et son chef-d'œuvre absolu. Si vous découvrez ce compositeur, je vous recommande de commencer par l'écoute de cette œuvre fantastique.

Il s'agit d'une symphonie pour ténor et chœur. Elle met en musique des poèmes du XIIIe siècle du poète persan Jalâl ul Dîn Rûmi, traduits en polonais par Tadeusz Micinski.

Szymanowski métamorphose en musique cette poésie nocturne et érotique, par une orchestration chamarrée, luxuriante et mystérieuse, et une utilisation phénoménale du chœur.

La symphonie est en 3 mouvements:
  1. Moderato assai
  2. Vivace, scherzando
  3. Largo
Son exécution dure à peu près vingt-cinq minutes.

Le premier mouvement évoque la supplique de Roumi à sa bien-aimée, lui demandant de ne pas dormir toute la nuit. 

Il est suivi par un exotique scherzo, imprégné de danse, dans lequel le chœur sans paroles enrichit la texture avec des harmonies lumineuses. 

Le mouvement lent conclusif évoque l'union avec la bien-aimée, confondue avec la divinité. Il débute par un passage très dépouillé et passe par des culminations successives d'un extrême raffinement orchestral, mettant notamment en avant les solos pour violon, les bois et percussion.

Au disque, je recommande la version dirigée par Antal Dorati, avec The Kenneth Jewell Chorale et le Detroit Symphony Orchestra. Le ténor est Ryszard Karczykowski. On est littéralement envoûté par l'orchestre et le chœur.

A noter qu'il existe une version pour soprano et chœur qui n'est pas inintéressante, avec Stefania Woytowicz (soprano) dirigée par Tadeusz Strugala. (L'album qui contient cette version fait d'ailleurs partie de ma sélection, voir plus loin l'album sélectionné pour le Stabat Mater).

Sous Youtube on trouve une version qui, pour moi, se hisse au même niveau de qualité. Il s'agit de la version dirigée par Jacek Kaspszyk à la tête du Warsaw Philharmonic Orchestra & Choir et Rafal Bartminski, ténor.





1916 - Concerto pour violon No. 1 Op. 35



Le Concerto pour violon No. 1 op. 35 de Karol Szymanowski a été composé en 1916, alors que le compositeur résidait à Zarudzie, en Ukraine.

Paweł Kochański, violoniste et ami de Szymanowski, le conseilla sur la technique délicate du violon lors de la composition de ce concerto, d'une grande virtuosité, et il en écrivit plus tard la cadence. L'œuvre lui est dédiée.

Ce concerto est sans doute inspiré par un poème de Tadeusz Miciński intitulé "Noc Majowa". Il privilégie une atmosphère de rêve féerique, avec une musique somptueuse et extatique. 

D'une grande complexité, il exploite toute l'étendue de l'instrument, mettant en particulier en avant le lyrisme du registre le plus aigu, auquel répondent les bois aigus colorés par diverses percussions (célesta, glockenspiel), auxquelles s'ajoutent la harpe et le piano. 

On y entend des influences de Scriabine et Stravinsky, mais l'intensité hallucinatoire de la musique, de même que la forme en un seul mouvement sont particulières à Szymanowski.

Il est créé le 1er novembre 1922 à Varsovie, avec pour soliste Józef Ozimiński. C'est depuis une des œuvres les plus populaires du compositeur. Dans l'esprit, il est assez proche de la Symphonie No. 3.

Sa durée d'exécution est d'environ 25 minutes.

Au disque, j'ai choisi la version avec Konstanty Kulka au violon, le Polish Radio National Symphony Orchestra est dirigé par Jerzy Maksymiuk.

En outre, ce double album constitue une superbe introduction à la musique de Szymanowski car il offre un panorama complet. Il contient: les 2 concertos pour violon, la symphonie concertante No. 4, la symphonie No. 3, les Litanies à la vierge Marie et le Stabat Mater.

Sous Youtube, je vous propose la version interprétée par Isabelle Faust, le NHK Symphony Orchestra est dirigé par Masaru Kumakura.





Troisième Période: 1922-1934


1925-1926 - Stabat Mater Op. 53



Szymanowski composa ce Stabat Mater à la demande de Bronislaw Krystall, mélomane et bienfaiteur des arts, en mémoire de sa femme Izabela.

Le Stabat Mater est en 6 parties et s'appuie sur un texte en polonais qui est la traduction d'une séquence du 13ème siècle. L'œuvre a une durée d'environ 30 minutes.

Le choix de la langue était très important pour Szymanowski qui ne souhaitait pas écrire son œuvre sur un texte latin, langue sublime certes, mais totalement figée et qui avait perdu son contenu émotionnel. Au contraire, Szymanowski était convaincu que l'utilisation du polonais aurait une charge affective bien plus importante.

La création de l'œuvre, le 11 Janvier 1929, lui donna raison car ce fut un succès éclatant. Ce Stabat Mater eu un impact important sur le futur de la musique sacrée polonaise, son influence perdura et continue de se faire sentir dans des œuvres comme le Beatus Vir (1979) de Gorecki ou le Requiem polonais (1980/84) de Penderecki.

Au disque, j'ai choisi la version dirigée par Stanislaw Wislocki à la tête du Grand Orchestre Symphonique de la Radio et de la Télévision Polonaise de Katowice, avec Andrzej Hiolski (baryton) et Stefania Woytowicz (soprano), que l'on retrouve dans la Symphonie No. 3 offerte en couplage.

Je signale au passage une autre très bonne version: celle dirigée par Simon Rattle.

Sous Youtube, j'ai sélectionné la version dirigée par Markus Stenz à la tête du Radio Philharmonic Orchestra et du Netherlands Radio Choir, avec Chen Reiss (soprano), Gerhild Romberger (contralto) et Mark Stone (baryton).






1932 - Symphonie concertante No. 4 Op. 60 pour piano et orchestre





Terminons cette anthologie avec la Symphonie Concertante No. 4 qui est une des dernières œuvres achevées du compositeur. Elle est inspirée par la musique des Tatras, et on y sent également les influences de Bartok et Prokofiev.

Cette symphonie est en 3 mouvements et dure environ 27 minutes.
  1. Moderato - tempo commodo: le premier mouvement est en forme sonate, la musique est sereine et même joyeuse.
  2. Andante molto sostenuto: le mouvement démarre par une large mélodie pour flûte solo et violon solo. On assiste ensuite à un grand crescendo suivi d'un calme.
  3. Allegro non troppo, ma agitato ed ansioso: enchainé directement, le troisième mouvement contient un rythme d'oberek, une danse en rond, très vive, presque orgiaque. Ensuite une mazurka est confiée au piano.
Cette Symphonie a généralement un esprit très polonais. La forme lui donne un caractère néo-baroque qui fait penser à du Stravinsky.

Voici le troisième mouvement dans la version de Jan Krzysztof Broja (piano) accompagné par le Warsaw Philharmonic Orchestra dirigé par Antoni Wit.









jeudi 2 mars 2023

Françaix (Jean)

 

Jean Françaix


Jean Françaix


Jean René Désiré Françaix, né le 23 mai 1912 au Mans et mort le 25 septembre 1997 à Paris, est un compositeur français du xxe siècle.

Les informations de cet article sont largement tirées du site officiel de Jean Françaix:


Ses dons musicaux exceptionnels ont pu se développer en toute liberté grâce à un entourage familial qui était favorable (son père était directeur du Conservatoire du Mans et sa mère professeur de chant). 

Ces dons sont en effet si extraordinaires que son illustre professeur Nadia Boulanger, à qui on le confie pour sa formation musicale lorsqu'il a dix ans, écrit à sa mère: "Madame, je ne sais pas pourquoi nous perdons du temps à lui apprendre l'harmonie, il sait l'harmonie. Je ne sais pas comment, mais il la sait, il est né la sachant. Faisons du contrepoint".

En 1922, il écrit "Pour Jacqueline", oeuvre dédiée à sa petite cousine et éditée deux ans plus tard par les éditions Sénart.

L'année suivante, en 1923, Maurice Ravel, en réponse à l'envoi d'un manuscrit, encourage l'enfant à continuer dans la voie qu'il a choisie et écrit notamment: "Parmi les dons de cet enfant, je remarque surtout le plus fécond que puisse posséder un artiste, celui de la curiosité".

A 18 ans il obtient son premier prix de piano, premier nommé, au Conservatoire National Supérieur de Paris. Deux ans plus tard, il représente, avec Claude Delvincourt, la jeune école française au Festival International de Vienne, où l'on joue ses "Huit Bagatelles", qui remportent un triomphe.

Le succès de son "Concertino pour piano et orchestre", en 1932, sera suivi par beaucoup d'autres et ses compositions seront dirigées par les plus grands chefs.

Son catalogue comprend plus de 200 œuvres.

Il a écrit les musiques de seize ballets, montés par des chorégraphes de grande réputation tels que Léonide Massine, Serge Lifar, Roland Petit ou Georges Balanchine.

Il a composé un oratorio, cinq Opéras et Opéras Comiques, dont "La Main de Gloire", et "La Princesse de Clèves".

Sa musique de chambre (du duo au dixtuor, avec plus de cinquante pièces), est constamment jouée et enregistrée dans le monde.

Il a composé environ quarante concertos pour presque tous les instruments de l'orchestre, dont les plus connus sont "L'Horloge de Flore" (1959), pour hautbois et orchestre, et le "Concerto pour clarinette et orchestre" (1967).

Mais, signe des temps, c'est avec ses partitions de musique de films écrites pour Sacha Guitry (dont le célèbre "Si Versailles m'était conté" ), que Jean Françaix obtint une certaine notoriété publique dans son pays. Néanmoins, il manque une interprétation récente de ces musiques, les interprétations de l'époque étant assez datées.

Il meurt à Paris le 25 septembre 1997, à l'âge de 85 ans.

Si j'ai choisi de vous parler de Jean Françaix, c'est que j'aime beaucoup la légèreté de sa musique et le fait qu'il ne se prend pas au sérieux, malgré son savoir-faire. D'autre part, il sait mettre en valeur les instruments à vent d'une façon remarquable, ce qui n'est pas sans rappeler ce dont Mozart lui-même était capable.

Enfin, même s'il dispose d'une riche discographie, il n'est plus tellement joué au concert. Il reste relativement rare en France et est plutôt joué en Angleterre, en Suisse, aux Etats-Unis ou au Japon.

Afin de pallier cette méconnaissance, je vous propose une sélection de mes œuvres préférées. Les œuvres ont été classées par ordre chronologique.



1932 - Concertino pour piano et orchestre




Le Concertino pour piano et orchestre est le premier succès d'un jeune compositeur de 20 ans, qui le crée lui-même au piano. Il reste une des pièces les plus connues du compositeur.

Cette pièce fait preuve d'un style élégant, espiègle et tendre, qui restera la marque de fabrique de Jean Françaix tout au long de sa carrière.

L'oeuvre est en 4 mouvements et fait preuve d'une belle concision, puisqu'elle ne dure que 8 minutes.

Au disque, j'ai sélectionné la version interprétée par Philippe Cassard au piano, l'Ulster Orchestra est placé sous la direction de Thierry Fischer. Celui-ci est un chef d'orchestre suisse qui a consacré plusieurs disques à Jean Françaix. 

Sur l'album choisi, le Concertino est complété par deux partitions très intéressantes: le ballet "Les malheurs de Sophie" inspiré du livre pour enfants de la Comtesse de Ségur, et la pièce orchestrale "Les bosquets de Cythère", une suite de valses pour orchestre.

Sous Youtube, j'ai sélectionné un enregistrement historique. Le Concertino est interprété par Claude Françaix, la fille du compositeur, le London Symphony Orchestra est dirigé par Antal Dorati.


 



1936 - Concerto pour piano




J'ai ensuite choisi le concerto pour piano. Composé en 1936, le concerto est en 4 mouvements:
  • I. Allegro
  • II. Andante
  • III. Scherzo
  • IV. Finale: Allegro.
C'est une oeuvre pleine de fantaisie et de légèreté. Au disque j'ai sélectionné une anthologie des concertos pour piano de compositeurs français: Massenet, Roussel, Chaminade, Lalo, Boieldieu et ... Françaix.

Le concerto pour piano est interprété par Claude Françaix en soliste, l'Orchestre de Radio Luxembourg est dirigé par Jean Françaix (on n'est jamais mieux servi que par soi-même!)

Voici cette version, le concerto dure un peu plus de 17 minutes.





1947 - L'Heure du Berger



L'Heure du Berger est un sextuor pour piano et quintette à vent composé en 1947. La pièce est en trois mouvements:
  1. Les vieux beaux
  2. Pin-up girls
  3. Les petits nerveux
L'heure du berger signifie le moment où la nuit tombe et où les amoureux se retrouvent. En l'occurrence, il semblerait qu'il s'agisse plus exactement d'un hommage à un célèbre restaurant parisien, mais cela n'est pas incompatible. 

Les trois mouvements désignent des personnages typiquement parisiens. Les vieux beaux sont décrits avec saveur par le basson et la clarinette, les pin-up girls par les arabesques langoureuses du mouvement lent, enfin les petits nerveux sont menés tambour battant sur l'adaptation libre d'un morceau de music-hall.

Au disque, je vous propose l'album du Prague Wind Quintet, qui permet d'entendre également les deux Quintettes à Vent ainsi qu'un autre tableau parisien composé trente ans plus tard, "Le Gai Paris".

Voici "L'heure du Berger" par des musiciens de l'Université du Michigan.




Et parce que cette pièce est dans la même veine humoristique, je vous propose d'écouter "Le Gai Paris" par l'Octuor à Vent de Paris.





1959 - L'Horloge de Flore, pour hautbois et orchestre




Voici une oeuvre à la fois belle, intéressante et diablement originale. Françaix compose "L'Horloge de Flore" en 1959, inspiré par un poème de Stéphane Mallarmé. Celui-ci se base sur un ouvrage du naturaliste suédois Carl von Linné, "L'Horologium Florae", qui répertorie les fleurs qui s'épanouissent à différents moments de la journée et de la nuit.

Les 7 mouvements du concerto de Jean Françaix reprennent 7 des fleurs citées par le botaniste: 
  • 3h: Galant de jour: lent et majestueux,
  • 5h: Cupidone bleue: tempo deux fois plus rapide,
  • 10h: Cierge à grandes fleurs: une sarabande librement transformée,
  • 12h: Nyctanthe de Malabar: un rythme aux relents d'Inde,
  • 17h: Belle de nuit: un mouvement délicat et capiteux,
  • 19h: Géranium triste: contrairement au nom de la fleur, il s'agit d'un moment pétillant et joyeux,
  • 21h: Silène noctiflore: on termine sur un humour léger et débridé.
L'oeuvre dure environ 17 minutes.

Au disque, j'ai choisi la très belle version interprétée par Lajos Lencses au hautbois. Il est accompagné par le Radio Symphonie Orchester Stuttgart dirigé par Uri Segal. L'album contient également le Concerto da Camera d'Honegger et la Symphonie Concertante d'Ibert.

En vidéo, je vous propose l'excellente version de l'hautboïste Felicia Greciuc. Elle est accompagnée par des Membres de la Kongelige Kapel, le V Coloris Quintet, et les DKDM students, qui sont tous placés sous la direction de Thomas Søndergård.






1959 - Concerto pour Clavecin



En 1959, Jean Françaix compose un concerto pour clavecin. Étrange destinée que celle de cet instrument qui était le roi des instruments durant la période baroque, puis fut peu à peu remplacé par le pianoforte, puis par le piano.

Certains compositeurs du XXème siècle ont choisi de le réutiliser, tels que Francis Poulenc, un peu avant Françaix, avec son concerto champêtre. Plus près de nous des compositeurs comme Philip Glass, Michael Nyman ou Henryk Gorecki, ont également composé des concertos pour clavecin mémorables.

Dans son concerto, Françaix s'est attaché à rendre à l'instrument son charme et sa personnalité irremplaçable. Comme il le dit lui même, il a voulu exprimer tous les sentiments qu'il peut rendre: le babil, la mélancolie ou l'ironie.

L'oeuvre est en 5 mouvements:
  • I. Toccata I
  • II. Toccata II [02:35]   
  • III. Andantino  [04:24]  
  • IV. Menuet  [08:11]  
  • V. Finale [13:09]
Les minutages sont ceux de la version choisie. L'oeuvre dure 17 minutes environ.

Au disque j'ai choisi la version interprétée au clavecin par Jean Françaix lui-même. Il est accompagné par le Rundfunk Sinfonie Orchester Saarbrücken dirigé par Emile Naoumoff.

Voici la même version sous Youtube.






1960 - Sonate pour Piano




La sonate pour piano de Françaix date de 1960 et fut dédiée à la pianiste turque Idil Biret, qui la créa la même année.

La sonate est en 4 mouvements qui portent des titres de la suite baroque:
  1. Prélude: s'inspire de Haydn,
  2. Élégie: un morceau plein d'émotion,
  3. Scherzo: très vif,
  4. Toccata: une pièce impressionnante, aux harmonies audacieuses.
L'oeuvre dure 9 minutes environ.

Au disque, j'ai sélectionné l'intégrale pour piano, piano à 4 mains, et pièces pour 2 pianos, menée par le pianiste britannique Martin Jones.

Outre la sonate, les points forts de cette intégrale sont la Danse des trois arlequins, les huit danses exotiques, la suite pour le film "Si Versailles m'était conté" et la suite du ballet "Scuola di Ballo" sur des thèmes de Boccherini.

Voici la sonate interprétée par Martin Jones.



Voici la danse des trois arlequins, qui exprime le chaos et les bêtises provoquées par trois clowns en faisant se rencontrer des rythmes à deux et trois temps.





1965 - Concerto pour 2 Pianos




Encore un point de ressemblance entre Francis Poulenc et Jean Françaix: ils ont tous les deux composé un concerto pour 2 pianos.

Françaix s'est amusé à composer un concerto dans lequel les 2 pianos se livrent à une lutte que l'on pourrait qualifier de "fratricide", en l’occurrence se sont les forces techniques du père et de la fille qui vont entrer en concurrence, puisque l'oeuvre sera créée par Jean Françaix et sa fille Claude.

Le concerto est composé d'un seul mouvement: Allegro giocoso - Scherzando - Allegro et dure un peu moins de 30 minutes. Françaix a voulu une pièce tantôt souriante, tantôt sérieuse, mais jamais "ennuyeuse".

J'ai sélectionné l'album "Françaix spielt Françaix" qui signifie en allemand "Françaix joue Françaix" (l'éditeur de l'album, Wergo, est une maison de disques allemande). Cet album contient également les œuvres "Variations sur un thème plaisant" et "Cinq portraits de jeunes filles".

Dans cette version les 2 pianistes sont bien sûr Jean Françaix et sa fille Claude. Ils sont accompagnés par le Sinfonieorchester des Südwestfunks Baden-Baden dirigé par Pierre Stoll.

Voici la version audio du concerto.






1966 - Concerto pour Flûte



Le concerto pour flûte de Françaix nous permet à nouveau d'entendre la magie avec laquelle le compositeur fait sonner les instruments à vent.

Composé en 1966 et dédié au flûtiste Jean-Pierre Rampal, ce concerto allie la délicatesse à l'élégance, et fait parfois preuve d'une gentille ironie. Le but principal du compositeur qui est de faire plaisir est ici largement atteint. L'oeuvre, par son humour et son côté sympathique, fait même sourire.

La partition dure environ 24 minutes et est en 2 mouvements:
  • I. Presto - Andantino (00:00-12:30)
  • II. Scherzo - Allegro con spirito molto - Allegro (12:30-24:25)
Le minutage correspond à la version choisie.

L'oeuvre est formidablement mise en valeur par la superbe interprétation de Manuela Wiesler, avec le Helsingborg Symphony Orchestra dirigé par Philippe Auguin.

L'album sélectionné comprend également des œuvres pour flûte et orchestre de Chaminade, Mouquet et Ibert.

Voici la version audio de ce concerto par Manuela Wiesler.






1967 - Concerto pour Clarinette




Le concerto pour clarinette est une des œuvres les plus connues de Françaix, et c'est à juste titre, car c'est probablement le concerto le plus réussi.

Les différents mouvements du concerto permettent au compositeur de mettre en valeur une écriture d'une grande diversité à laquelle la clarinette répond instantanément avec ses qualités propres : sentimentalité, souplesse, virtuosité... L'orchestre, dont les membres assument fréquemment un rôle de soliste, est également sollicité.

Jean Françaix utilise une forme en quatre mouvements, fortement influencée par la forme sonate à plusieurs mouvements, en lieu et place au lieu du modèle usuel de concerto à trois mouvements.

La pièce est constituée des quatre mouvements suivants:
  1. Allegro : forme sonate
  2. Scherzando : forme ternaire à trois sections enchaînées A-B-A
  3. Andantino : introduction - thème - trois variations - coda
  4. Allegrissimo : forme rondo
Le concerto dure environ 26 minutes.

Au disque, j'ai sélectionné la version de Philippe Cuper à la clarinette. Il est accompagné par l'Orchestre de Bretagne dirigé par Jean Françaix. L'album nous offre en couplage les concertos de Copland et Nielsen.

Sous Youtube, nous avons la chance de trouver une version live de qualité. Elle est interprétée par José-Luis Inglés, avec le Sinfonieorchester Basel dirigé par la cheffe Anu Tali.





1970 - Sept Danses d'après le ballet "Les Malheurs de Sophie"



En 1970, Françaix met au point les Sept danses, issues de sa musique pour le ballet "Les Malheurs de Sophie", créé à l’Opéra de Paris le 25 février 1948, d’après le célèbre roman de la Comtesse de Ségur. 

La partition orchestrale de ce spectacle, tendre et espiègle, restera l’une des plus emblématiques de Françaix. 

Les Sept danses en reprennent différents épisodes : 
  1. Le jeu de la poupée, morceau joyeux et rythmique; 
  2. Funérailles de la poupée, parodie de marche funèbre et bijou d’humour; 
  3. La présentation des petits amis, nonchalante et douce-amère; 
  4. Variation de Paul, qui dépeint le caractère joyeux du cousin allié; 
  5. Pas de deux entre Sophie et Paul, rêverie emplie de douceur; 
  6. Le goûter, avec ses motifs répétés sautillants et joyeux; 
  7. Danse des filets à papillons, pièce virtuose où les instruments virevoltent. 
Ces Sept danses furent créées à Zagreb, alors en Yougoslavie, le 25 mai 1970, par le Bläser Ensemble Mainz, dirigé par Klaus Rainer Schöll.

Au disque, j'ai choisi l'album "Works for Winds" interprété par l'Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de Nicolas Chalvin, qui contient un programme varié d’œuvres pour instruments à vent.

Extrait des "Sept Danses", voici la "Danse des filets à papillons".





1974 - Tema con variazioni pour clarinette et piano



Le Tema con variazioni fut écrit par Françaix pour son petit-fils Olivier. Il s'agit d'un thème suivi de 6 variations. Cette pièce se caractérise par la facilité que l'on a à l'apprécier, son humour, son côté dansant et très plaisant.

Initialement écrite pour clarinette et piano, la version sélectionnée au disque est une transcription pour clarinette et orchestre. L'interprète principal est le clarinettiste polonais Waldemar Zarow.

Sous Youtube, j'ai choisi une version qui revient à la formation initiale, clarinette et piano. La pièce est interprétée par Joë Christophe (clarinette) et Alexandre Lory (piano).






1984 - Musique pour faire plaisir (Dixtuor)



La "Musique pour faire plaisir" est issu de différentes pièces de Francis Poulenc transcrites par Jean Françaix pour un dixtuor de vents.

La pièce est en 3 mouvements:
  • I. Petite valse -- Introduction (basée sur la "Valse en ut" - 1919)
  • II. Élégie (basée sur "Élégie" pour 2 pianos - 1959 - et "Mélancolie" - 1940) [02:10]
  • III. L'embarquement pour Cythère, Grande valse démocratique (basé sur "L'embarquement pour Cythère" pour 2 pianos - 1951) [06:00]
Les minutages correspondent à la version choisie. La pièce dure un peu moins de 9 minutes.

Au disque, j'ai choisi la version du Bläser Ensemble Mainz avec Jean Françaix au piano. L'album contient un certain nombres d’œuvres parmi les plus charmantes et amusantes de Françaix, dont "Mozart new-look".

Voici la version audio de "Musique pour faire plaisir".



On termine avec la version audio de "Mozart new-look", une pièce humoristique qui combine des extraits de Carmen et de Don Giovanni et laisse la contrebasse gambader dans la plus grande virtuosité.