jeudi 28 avril 2022

Saga

 

Saga

Saga


Saga est un groupe de rock progressif canadien, originaire d'Oakville, en Ontario. Il est formé en 1977 par Michael Sadler et Jim Crichton. Issu du rock progressif post-1970, le groupe canadien tire ses influences de la musique blues, funk et classique.

Saga est l’un des groupes néo-prog qui connaît le plus grand succès sur une échelle internationale, aux côtés de Marillion et Pendragon, parmi d’autres.

On voit sur la photo ci-dessus les membres du groupe vers 2018. Les membres ont été relativement stables tout au long de la carrière du groupe, seul le batteur a souvent changé.

On a de gauche à droite: Mike Thorne (batterie), Ian Crichton (guitare), Michael Sadler (chant, guitare, basse et claviers), Jim Gilmour (claviers) et Jim Crichton (basse).

Ils ont réalisé, depuis 1978, 22 albums studio. Les quatre premiers albums sont exceptionnels. J'estime que leurs 7 derniers albums sont moins intéressants que les précédents.

Le groupe Saga ne produit pas un pur rock progressif, mais plutôt un mélange entre pop rock et rock progressif, ce que les puristes appellent le "Crossover Prog".

Lors d'une interview, Michael Sadler a d'ailleurs déclaré: "Le label progressif était attaché au groupe, je pense en grande partie, à cause du nombre de claviers que nous utilisions. Nous étions tout simplement "différents" à l'époque. Aujourd'hui, je ne qualifierais pas nécessairement Saga de groupe progressif. J'aime nous considérer comme un très bon groupe de rock qui a de très fortes influences et tendances progressives."

J'ai découvert ce groupe au début des années 80 avec leur tube "Don't be late", qui pour moi est l'un des meilleurs morceaux de rock progressif. Ce que j'aime le plus chez ce groupe ce sont les mélodies, la voix du chanteur Michael Sadler et le jeu virtuose des claviers de Jim Gilmour et de la guitare de Ian Crichton.

Une particularité de la discographie de ce groupe est qu'ils ont égrainés dans leurs albums de 1978 à 2003 16 chapitres (chapters) d'une histoire. Les chapitres apparaissent dans le désordre sur les albums. Il faudra attendre 2005 et la publication de l'album "The Chapters Live" pour entendre les 16 chapitres en version concert et dans l'ordre.


Voici une anthologie du groupe Saga.


1978 - Saga



Le premier album du groupe est déjà une très belle réussite et possède le son Saga. De plus, il montre sur sa pochette l'insecte cyborg qui représente certainement une "Saga Pedo" (sorte de sauterelle, également appelée "magicienne dentelée") et qui apparaîtra sur la plupart des albums du groupe.

Il faut noter que Saga attache une grande importance au visuel de ses albums et la plupart des pochettes sont somptueuses.

Voici en extrait le morceau "Humble Stance", qui raconte l'histoire de quelqu'un qui est trop humble et se laisse marcher dessus: "il n'y a personne pour t'aider". 

La vidéo est celle du concert de 2017 "Live at Rock of Ages", "Humble Stance" est un des morceaux préférés des fans.



Voici "Tired World (Chapter Six)" qui parle d'un monde post-apocalyptique, à noter le superbe solo de guitare de Ian Crichton.





1979 - Images at Twilight



Le second album est également excellent et sa pochette est superbe avec une ville futuriste et un avenir apocalyptique.

L'album contient 2 "chapters" et le morceau "You're Not Alone", qui parle de quelqu'un qui n'écoute personne et suit son propre chemin.




1980 - Silent Knight




Silent Knight est certainement mon album préféré.

On y trouve deux chapitres consacrés à la vie du jeune Albert Einstein, Don't Be Late (chapitre 2) et (You've Got)Too Much Too Lose (chapitre 7). Le monument sur le devant de la pochette est largement inspiré de la Tour Einstein, le télescope solaire situé à Potsdam en Allemagne.

L'album sera certifié disque d'or au Canada (42e place dans les charts). Les titres Don't Be Late et Careful Where You Step sortiront en single et seront repris dans l'album In Transit - Live en 1982.

Voici quelques morceaux extraits de cet album.

"Time to Go" raconte l'histoire d'un rêveur qui peut se trouver ailleurs instantanément.



"Compromise" est une chanson sur quelqu'un de perfectionniste mais qui doit faire des compromis pour tenir les délais dans son travail. On remarque un beau travail instrumental sur ce titre.



"Careful where you step" est une chanson sur un soldat qui doit faire attention où il marche à cause des mines anti-personnels. Voici une version live de 2012:



"Don't Be Late (Chapter 2)" est pour moi le chef-d'oeuvre du groupe. Il raconte l'histoire de quelqu'un qui court et qui a un paquet sous le bras, il ne peut pas se permettre d'être en retard.

Voici une version live interprétée par les Roxxbusters et Michael Sadler au chant en 2018.




1981 - Worlds Apart



Dans cet album, le groupe clôt (provisoirement) la série de chansons (Chapters) consacrées à la vie du jeune Albert Einstein avec "No Regrets"(Chapter V) chanté par Jim Gilmour et "No Stranger" (Chapter VIII).

Propulsé par les singles "Wind Him Up" (No. 64 US) et "On the Loose", cet album sera le plus grand succès du groupe. Il atteindra la 26e place du Billboard 200 aux États-Unis et la 22e place des charts canadiens. Il établira aussi le groupe en Europe et notamment en Allemagne où l'album atteindra la 9e place des charts où il sera classé pendant 44 semaines.


Voici "On The Loose", sur quelqu'un qui décide à moment donner de se libérer de toute contrainte.



Et "Wind him up" sur un joueur compulsif qui ne peut pas s'arrêter de jouer.




1983 - Heads or Tales



Le cinquième album du groupe est encore excellent. Il se classa à la 92e place du Billboard 200 aux États-Unis et la 17e place des charts canadiens. Mais c'est en Europe que l'album fut consacré, notamment en Allemagne, Suisse, Suède et Norvège où il se classa dans le top 10.

Voici la chanson "The Flyer": Écrite par le chanteur principal de Saga Michael Sadler et le bassiste Jim Crichton, cette chanson a été conçue en réaction à leur style de vie trépidant - Saga tournait constamment et était toujours en mouvement.

Grâce à sa qualité unique, ce titre est rapidement devenu un favori du public, à tel point qu'ils en ont eu assez de le jouer. "C'était comme à chaque fois que nous construisions un set, quelqu'un disait: "Faisons Flyer"", a dit Michael Sadler dans une interview. "C'est un favori éternel que nous avons arrêté de jouer, en fait, en concert. On ne le joue qu'en deuxième rappel si nous en obtenons un."


On retrouve aussi le morceau "Cat Walk", sur quelqu'un qui se tient à distance des gens, ne se rapproche jamais trop près, et fait "une promenade de chat". Voici le clip de l'époque:


Enfin, "The Vendetta (Still Helpless)" est une chanson sur une femme maltraitée et violentée par son mari: "je me sens si impuissante".



1987 - Wildest Dreams



Wildest Dreams est le septième album du groupe. Il est nettement plus pop et est beaucoup critiqué par les puristes du rock progressif. Personnellement, je ne suis pas si attaché que ça aux étiquettes du moment que les morceaux sont bons, et c'est le cas ici.

J'ai sélectionné le morceau "Only Time Will Tell", qui raconte la perte des amis et celle probable de l'être aimé: "seul le temps nous le dira". Voici le clip de l'époque.



1987 - The Beginners Guide to Throwing Shapes



L'album suivant me semble un peu en deçà des précédents, toujours dans une veine pop.

J'ai néanmoins sélectionné le morceau "Scarecrow", sur quelqu'un qui hésite à agir et qui attend trop, sa peur est comme un "épouvantail".



1994 - Steel Umbrellas



L'album Steel Umbrellas est toujours résolument pop. Bien que critiqué par les amateurs de rock progressif, c'est pour moi l'album le plus réussi de la période pop du groupe. A vous de juger.

Voici, tout d'abord, le morceau "Why Not ?" qui parle de quelqu'un qui a tout, mais qui ne sait pas au fond ce qu'il veut, quelque chose lui manque, il est prêt à tout laisser tomber.


Ensuite, "Shake that Tree", qui fait un penser à du George Michael, c'est vous dire si on est loin du rock progressif des débuts.


Enfin, j'ai sélectionné le titre "Steamroller", qui est une parabole amoureuse où l'homme dit qu'il est un "rouleau compresseur" qui a besoin d'huile ...



1997 - Pleasure & The Pain



Avant cet album, le groupe Saga a produit "Generation 13" un concept-album dans la pure tradition du rock progressif. Très apprécié des adeptes, cet album ne m'a pas convaincu, car je n'ai été attiré par aucun morceau en particulier. 

Le premier titre sélectionné sur "Pleasure & The Pain" est "Heaven can wait". Il s'agit d'un morceau dans une veine hard rock, sur quelqu'un qui n'est pas pressé de mourir et qui veut savoir qui il est. Dans ce morceau Saga renoue avec du vrai bon rock.


Le morceau "Pleasure & The Pain" commence par une citation de "My Way", puis continue avec une version à la guitare acoustique de "No stranger", qui parle de leur carrière passée, sur une mélodie qui fait médiévale.




1999 - Full Circle



Avec "Full Circle" qui est le treizième album du groupe, on attaque à nouveau une série d'albums de haut niveau (avec les deux suivants) qui vont nous distiller les 8 derniers chapitres de la saga d'Albert Einstein.

J'ai sélectionné le morceau "The One" qui est dans la lignée rock progressif avec un son hard.


Ensuite, j'ai choisi le titre "Follow Me", une chanson au style folk avec un chœur d'enfants. Le sujet est un homme qui demande à son aimée qui n'était pas là quand il avait besoin d'elle de le suivre.



2001 - House of Cards



Cet album continue sur la lancée de l'album précédent.

J'ai sélectionné le morceau "Only Human", une chanson qui dit qu'on n'a pas toujours le contrôle.


Enfin, voici le titre éponyme "House of Cards", une chanson qui raconte que la richesse est comme un château de cartes dans un ouragan.



2003 - Marathon



Marathon est le quinzième album du groupe et le dernier album studio de ma sélection. Il livre les derniers chapitres de la saga d'Albert Einstein.

J'ai tout d'abord choisi le titre éponyme, un morceau hard rock de grande qualité.



Je termine avec "Rise and Shine", un morceau qui raconte l'histoire d'une mariée qui attend vainement le marié, personne ne respecte les règles, il est temps de croire en soi et de "se lever et briller". Un morceau à la très belle mélodie utilisant une boîte à rythmes.



2005 - The Chapters Live



En général, je ne cite que les albums studio, mais je suis obligé de faire une exception pour l'album "The Chapters Live", puisque comme annoncé plus haut c'est le seul album qui nous permet d'entendre les 16 chapitres de la saga d'Albert Einstein.

L'album compile les 16 chansons "Chapter" au format live dans son ordre correct, qui ont été initialement publiées sur huit albums studio à partir de 1978 et se terminant en 2003. Les versions studio ont été publiées sur une période de 25 ans dans un ordre mélangé. pour créer un puzzle conceptuel.

L'histoire a été inspirée par la guerre froide et la préservation du cerveau d' Albert Einstein, qui a été conservé par Thomas S. Harvey, MD. Il existe également des thèmes de science-fiction, tels que des extraterrestres inquiétés par l'autodestruction de l'humanité et la résurrection des morts grâce à la technologie.

Voici l'intégralité de l'album:



J'ai composé une playlist intitulé "Le melomane eclectique - Saga Chapters" regroupant, quand elles existaient, des versions studio des "Chapters".

Sur Qobuz: https://open.qobuz.com/playlist/9121780

Sur Spotify: https://open.spotify.com/playlist/3B3LEI6duhDv59MlNVgs6p?si=ec4f37074c8549d5

Bonne écoute !







mardi 26 avril 2022

Betty Davis

 

Betty Davis

Betty Davis


Betty Davis, née Betty Gray Mabry le 26 juillet 1944 à Durham (Caroline du Nord, États-Unis) est une chanteuse américaine de soul et de funk.

Si j'ai souhaité lui consacrer un article c'est qu'elle nous a quitté récemment, le 9 Février 2022.

Je lui avais déjà consacré quelques lignes dans mon article sur les divas de la soul, mais voici une sélection beaucoup plus fournie.

Betty Mabry rencontre Miles Davis en 1967, et l'épouse en 1968 à l'âge de 23 ans (ils avaient 20 ans d'écart). Le mariage ne dure qu'un an, Miles Davis demandant le divorce en 1969 car, selon ses mots, son épouse est « trop jeune et sauvage » pour lui. 

Le trompettiste affirmera plus tard que Betty Davis eut beaucoup d'influence sur son travail, lui faisant notamment découvrir le rock psychédélique de Jimi Hendrix et le funk novateur de Sly Stone. Cette influence se retrouve entre autres sur l'album "Filles de Kilimanjaro", qui contient un morceau nommé "Mademoiselle Mabry" et dont la pochette a été réalisée à partir de plusieurs clichés de Betty Davis.

L'influence d'Hendrix et de Sly Stone sur Miles Davis est également perceptible sur l'album Bitches Brew, souvent considéré comme fondateur du courant jazz-rock et un des meilleurs albums de Miles.

Betty Davis est certainement la chanteuse de funk la plus sous-estimée et méconnue qui existe. Elle semble avoir été trop en avance sur son temps. Elle fut donc un météore de la musique ses albums ayant été enregistrés entre 1968 et 1979 (même si, comme on va le voir, certains ont été édités beaucoup plus tard).

Betty Davis a un énorme charisme et un talent aussi grand. Elle est funky, groovy, sensuelle, énergique, elle a une gouaille formidable. Sa voix nous gifle, elle râle, elle gémit. Ses textes parlent de sexe, de racisme, de politique et d'inégalités. 

Je vous propose de partir à la découverte de sa discographie avec cette petite sélection.

1973 - Betty Davis



Betty Davis utilise ses nombreux contacts dans le milieu de la musique pour former son propre groupe, avec lequel elle enregistre son premier album homonyme, qui sort en 1973. Le disque réunit des musiciens issus de groupes célèbres de la côte Ouest des États-Unis, dont la section rythmique de Sly & the family Stone. On y retrouve des artistes comme Sylvester et les Pointer Sisters dans les chœurs.

L'album est produit par Gregg Errico qui joue également de la batterie. Il contient quelques morceaux sexuellement très explicites pour l'époque, choque certaines consciences, valant notamment à son auteure les remontrances de la NAACP (National Association for the Advancement of Coloured People, Association pour le progrès des gens de couleur), estimant qu'elle représente une « honte » pour les Noirs américains. 

Des groupes religieux organisent même des manifestations lors de ses concerts, dont plusieurs doivent être annulés. 

Le morceau "If I'm In Luck I Might Get Picked Up" est de plus interdit de diffusion dans la ville de Détroit, et de nombreuses radios du pays refusent de le passer à l'antenne. Une station de Kansas City s'attire même de sévères remontrances pour avoir diffusé le titre par accident.

Voici quelques titres de cet album totalement avant-gardiste pour l'époque.

Voici le morceau "If I'm In Luck I Might Get Picked Up", écoutez cette rythmique d'acier et les interventions de l'orgue.



On poursuit avec "Anti Love Song", une chanson à nouveau explicite, qui a été reprise par Skunk Anansie.



Toujours le funk le plus hard avec "Your Man My Man" sur deux femmes qui partagent le même homme:


"Game is my middle name" sur les jeux de l'amour:



Il reste très peu de témoignages live de Betty Davis. Voici un très court extrait de la chanson "Stepping in Her I. Miller Shoes":


Voici quelques extraits de concerts qui apparaissent dans un documentaire sur Betty Davis:



1974 - They Say I'm Different



L'année suivante Betty Davis sort un nouvel album, mais, tout comme le premier il ne rencontrera pas beaucoup de succès.

Voici "Shoo-B-Doop And Cop Him", un morceau très groove:


On poursuit avec le titre "He was a big freak", le gros monstre dont la chanson parle, serait-ce Miles ? En tout cas Betty Davis en fait des tonnes ...



"They Say I'm Different" ("Ils disent que je suis différente"), on peut penser qu'il s'agit d'une profession de foi:



Voici un morceau plus jazzy: "Special People".




1975 - Nasty Gal




Betty Davis sort de nouveau un album l'année suivante. Même si je trouve la musique globalement un peu plus sage, il n'en est rien de la pochette provocante et du titre "Nasty Gal", la "vilaine fille".

Le succès n'est toujours pas au rendez-vous, ce qui confirme l'hypothèse selon laquelle Betty Davis était trop en avance sur son temps.

Voici le titre "Nasty Gal" :



Voici "F.U.N.K.":


Et "Gettin' Kicked Off, Havin' You":





1976 - Is It Love or Desire



Rien ne va plus entre Betty Davis et le producteur du label Island Records Chris Blackwell. Il semble qu'il s'agisse de désaccords artistiques, Betty Davis ne voulant rien changer à son style. Résultat des courses, l'album ne sort pas et cela sonne le glas de la carrière de Betty Davis.

Il faudra attendre 2009 pour que l'album soit finalement publié, soit plus de 30 ans après !

Les musiciens sur cet album sont: Semmie (Nickey) Neal Jr. à la batterie, Larry Johnson à la basse, Carlos Morales à la guitare et Fred Mills aux claviers.

Voici "Whorey Angel"sur lequel Fred Mills chante avec Betty Davis:


Voici "Crashin' From Passion":


"When Romance Says Goodbye" est la chanson la plus délicate que Betty Davis ait jamais enregistrée, ce qui montre un net changement de cap. La chanson est très orientée soul.



"For My Man" est à nouveau un titre funk, où Betty Davis redevient sensuelle.





1995 - Crashin' From Passion



En 1979, Betty Davis fait une dernière session d'enregistrement avec des artistes connus comme Herbie Hancock aux claviers, ainsi que Martha Reeves et les Pointer Sisters dans les chœurs. 

Mais cela ne change rien, la carrière de Betty Davis se termine abruptement et de manière inexplicable. L'album lui ne sortira qu'en 1995.

Sur le premier morceau "Quintessence of Hip" on peut entendre plusieurs références telles un riff de guitare à la Jimi Hendrix, une évocation de "Superstition" de Stevie Wonder et une de "Respect" d'Aretha Franklin.

On peut également entendre le titre "Crashin' For Passion" qui a le même titre qu'un autre morceau de l'album "Is It Love or Desire", mais qui est différent.

Enfin, sur plusieurs titres tels que "All I Do is Think About You", on peut entendre une chanteuse plus apaisée dans un style soul ou disco. Ce qui n'est peut-être pas l'orientation que Betty Davis souhaitait prendre (cela rend l'album plus commercial et "respectable"). 

Voici l'album complet:





2016 - The Columbia Years 1968-1969



En octobre 1968 puis en mai 1969, Betty mettra en boîte deux sessions pour Columbia, le label de Miles. 

La première se déroule à Los Angeles et réunit quelques pointures parmi lesquelles Masekela, Joe Sample et Wayne Henderson. 

Pour la seconde, à New York cette fois, elle est entourée de géants du jazz comme Herbie Hancock, Wayne Shorter et John McLaughlin, ainsi que des complices d’Hendrix, Mitch Mitchell et Billy Cox. 

Derrière la console pour produire, Miles est présent, épaulé par son producteur attitré, Teo Macero. Betty chante ses propres compositions et reprend également Politician Man de Cream et Born on the Bayou de Creedence Clearwater Revival. 

Des démos qui resteront des années dans les archives de Columbia, peu motivé pour les publier. A moins que Miles lui-même, craignant l’ombre qu’aurait pu lui faire sa charismatique compagne, n’ait poussé son label à volontairement les oublier…

On ne saura jamais le fin mot de l'histoire. Finalement l'album est publié ... mais seulement en 2016.

Voici "Politician" (ou "Politician Man"), on entend la voix de Miles au début du morceau:



On termine avec "Born on the Bayou":




Aujourd'hui, Betty Davis reste une figure culte, à laquelle de nombreux artistes comme Carlos Santana ont rendu hommage. Elle est souvent considérée comme une créatrice en avance sur son temps. Sa musique a notamment été samplée par des rappeurs comme Ice Cube ou Talib Kweli.

Les albums "Betty Davis" et "They Say I'm Different" ont été réédités par le label de Seattle Light in the Attic le 1er mai 2007.



lundi 18 avril 2022

Camel

 

Camel


Camel


Camel est un groupe de rock progressif britannique, originaire de Guildford, comté de Surrey, en Angleterre. Mené par le membre fondateur et guitariste Andrew Latimer, ils comptent quinze albums studio et diverses compilations et albums en public.

Le groupe mêle des éléments de jazz et de musique classique, à du blues, du rock progressif et de la musique électronique.

On voit sur la photo ci-dessus les membres du groupe au début de leur carrière, vers 1971. De gauche à droite et de haut en bas: Andy Ward (batterie), Andrew Latimer (guitare et chant), Doug Ferguson (basse) et Peter Bardens (claviers).

Le membre permanent du groupe et leader est Andrew Latimer, un guitariste et compositeur hors pair.

Si j'ai choisi de vous parler de ce groupe c'est qu'il est à mon avis trop peu connu et sous-estimé, alors qu'ils ont publié une superbe discographie avec des morceaux accessibles et délicats, aux très belles mélodies, souvent lentes et mélancoliques.

Je vous ai concocté une playlist basée sur ma sélection.

Voici les liens vers la playlist, on notera que la playlist la plus complète est celle d'Apple Music qui fournit tous les albums studio du groupe.


Voici donc une anthologie de leurs meilleurs morceaux.


1973 - Camel



Le groupe Camel sort son premier album au titre éponyme en 1973 sur le label MCA. L'album n'aura malheureusement pas de succès et MCA rompra immédiatement après son contrat avec le groupe.

Ce manque de succès n'est pas mérité car l'album est déjà d'un très bon niveau et possède une belle pochette où l'on voit un chameau calé sur une locomotive qui exprime l'énergie de l'album.

D'une manière générale on peut dire que les quatre premiers albums de Camel sont sans doute les meilleurs, et sont typiques de ce début des années 70 qui était si riche en créations.

Pour illustrer ces propos j'ai choisi deux titres de l'album.

"Mystic Queen" est une chanson onirique et surréaliste d'une reine mystique qui se promène en limousine. La musique est planante et rappelle un peu Pink Floyd.


"Never Let Go" est un morceau très jazzy, la chanson est une mobilisation contre les prédicateurs d'un avenir sombre qui pensent qu'il n'y a pas assez de place pour toute l'humanité. "On ne lâchera jamais prise".

On retrouve sur ce live à la BBC en 1977 deux nouveaux membres du groupe: Richard Sinclair (ex-Caravan) au chant et à la basse et Mel Collins au saxophone.




1974 - Mirage



Mirage est certainement le meilleur album du groupe avec sa pochette imitée du paquet de cigarettes de la marque du même nom.

Cette pochette posera d'ailleurs quelques problèmes au groupe que l'on croira affidé au cigarettier.

C'est peut-être pour cette raison que la pochette américaine est différente et représente un hybride de chameau et de dragon.


On trouve sur cet album deux très belles suites musicales.

La première s'intitule "Nimrodel / The Procession / The White Rider" et elle est inspirée par le Seigneur des Anneaux de Tolkien. 

Nimrodel est une elfe de la Lothlorien, elle donna son nom à une rivière qui est décrite par la musique. 

Dans "The Procession" on entend une sorte de marche (on retrouvera le même esprit dans le morceau "The Homecoming" sur l'album Nude). 

"The White Rider" parle du magicien Gandalf; "son cheval blanc vole. Alors qu'il était Gandalf le gris, il est tombé, il est revenu et est devenu Gandalf le blanc. Quand il est présent il sait faire comme s'il n'était pas là." On entend dans le morceau une basse à la Black Sabbath et on entend le solo de guitare le plus complexe de la discographie.


La suite "Encounter / Smiles for You / Lady Fantasy" est certainement le plus beau morceau de Camel. Il s'agit d'une chanson d'amour romantique et imagée: "la lune est dans ton œil, je t'ai vu chevaucher un nuage de lune, je t'ai vu assise sur un rayon de soleil." Une fabuleuse intro aux claviers est suivie par une très belle mélodie à la guitare au thème lancinant.




1975 - Music inspired by The Snow Goose



En 1975, le groupe décide de s'isoler dans un cottage dans le Devon pour produire en un mois seulement l'album The Snow Goose. Il s'agit d'un album purement instrumental qui devient rapidement un classique incontournable du groupe. 

Grâce à cet album, Camel rencontre enfin un succès en Grande-Bretagne, l'album The Snow Goose arrive dans le Top 30 des ventes et le groupe est élu meilleur espoir 1975 par l'hebdomadaire musical Melody Maker. 

Pourtant, l'histoire commence bien mal. Inspirée par le conte éponyme de Paul Gallico, ce dernier, farouche militant anti-tabac et convaincu de la collusion du groupe avec le cigarettier, pose un veto absolu à l'utilisation de son texte. 

Contraints de penser leur œuvre sans paroles, Andy Latimer et Peter Bardens écrivent une symphonie. Lors de la sortie de l'album, Paul Gallico attaque le groupe en justice pour avoir baptisé l'album du titre de son livre. Les tribunaux lui donnent raison et les albums sont retirés de la vente. 

Quelques semaines plus tard, une nouvelle version portant la mention "music inspired by" devant "The Snow Goose" est mise en vente. 

Mais justice sera rendue aux musiciens par le succès qu'ils rencontrent notamment lors du concert qu'ils donnent au Royal Albert Hall en octobre 1975, accompagnés de l'Orchestre Symphonique de Londres.

"The Snow Goose" ("L'oie des neiges") raconte l'amitié qui lie Philip Rhayader, un artiste qui vit en ermite et Fritha, une petite fille qui lui amène un jour une oie des neiges qui a été blessée, pour qu'il l'a soigne. Alors que Fritha a grandi, Rhayader et son petit voilier sont finalement perdus lors de l'évacuation de Dunkerque, après avoir sauvé plusieurs centaines d'hommes.

Voici un document historique, la version live de "The Snow Goose Medley" en 1975 à la BBC.

Ce medley contient "The Snow Goose" et son joli thème, "Friendship" sur des instruments à vent classiques et le synthé, et "Rhayader Goes To Town" un des morceaux les plus célèbres de Camel.



On traverse le temps, et on arrive à un concert de 2014 à Birmingham pour un autre medley superbe comprenant: "The Great Marsh / Rhayader / Rhayader Goes To Town". "Rhayader" est un morceau joué à la flûte par Andrew Latimer.


A noter que le groupe ré-enregistre une nouvelle version de "The Snow Goose" en 2013.



1976 - Moonmadness



Moonmadness est le quatrième album du groupe. Il ne s'agit pas à proprement parlé d'un concept-album mais plutôt d'avoir un titre de l'album pour chacun des membres du groupe.

C'est certainement l'album le plus réussi dans l'esprit du rock progressif.

On retrouve un peu dans la pochette l'esprit de celles du groupe Yes en plus fade.

J'ai sélectionné le morceau "Song within a song", une chanson à la mélodie nostalgique, dans laquelle on entend la flûte d'Andrew Latimer. "La rêverie est comme une chanson. Cette chanson restera avec vous à jamais." On y admirera les broderies aux synthés.



Le morceau "Lunar Sea" est associé au batteur Andy Ward, personnage dynamique et complexe, qui aimait bien le jeu de mots sur "Lunar Sea" = "Lunacy" ("Folie").

Voici un live de 1977: après une intro lente et planante, on est envoûté par les nappes de synthés. Le morceau devient typique du jazz fusion et on assiste à des solos de guitare et de saxophone qui se répondent. Une composition très ambitieuse.




1978 - Breathless



Changement de style avec ce sixième album qui se veut moins progressif et plus pop. Il s'agit pour le groupe d'essayer d'avoir un hit, en cette période où le rock progressif a moins la cote avec l'arrivée du punk.

Le groupe est encore fidèle à son style sur "Echoes" qui raconte l'histoire de la "longue marche" des Navajos: "10000 Navajos étaient libres, en phase avec le monde. On entend les échos de leurs cris de guerre, morts sur leurs lèvres".



On voit nettement la transition vers la pop avec un morceau quasiment disco "Summer Lightning". C'est sympathique, mais soudain on est plus près des Bee Gees que de Pink Floyd !



1979 - I can see your house from here



"I Can See Your House from Here" est le septième album studio du groupe, sorti en 1979.

Une nouvelle formation a été introduite avec toujours les membres fondateurs Andrew Latimer (guitare) et Andy Ward (batterie), cette fois rejoints par le bassiste Colin Bass (en remplacement de Richard Sinclair) et les claviéristes Jan Schelhaas (entrés en 1978 pour la tournée Breathless) et Kit Watkins (ex-Happy The Man) qui a remplacé David Sinclair.

A noter que Phil Collins a participé aux percussions sur cet album.

"Hymn to Her" est une chanson sur la difficulté d'aimer et de ne pas se sentir seul. Elle utilise par moment un rythme reggae et fait un peu penser à Genesis.



"Ice" est un morceau instrumental lent et mélancolique avec un solo de guitare incroyable.



1981 - Nude



C'est avec cet album que j'ai découvert Camel alors que j'étais en prépas. Il a donc toujours une résonance particulière à mes oreilles et je le trouve excellent de bout en bout.

C'est un album-concept qui s'inspire en partie de l'histoire du soldat japonais Hirō Onoda (d'où le surnom "Nude" pour le personnage principal de l'album).

Hiro Onoda était un soldat japonais en poste sur l'île de Lubang dans les Philippines qui refusa de croire à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à la reddition du Japon en 1945 et qui continua la guerre avec trois autres soldats jusqu'en 1974.

Dans le morceau "Drafted", le personnage "Nude" reçoit sa lettre de mobilisation. Il n'a pas d'autre choix que d’obéir aux instructions. 


Dans "Docks", il s'embarque avec d'autres soldats sur un bateau.


Enfin, avec le morceau "Lies", on voit le retour au Japon de Nude. Malgré son retour et l'accueil chaleureux qu'il reçoit, ses années de solitude et le manque de communication le conduisent à la dépression. Il est en fait dépassé par la publicité qu'on lui fait.




1984 - Stationary Traveller



Stationary Traveller est le dixième album studio de Camel, sorti en août 1984. Il s'agit d'un album-concept consacré aux transfuges du bloc de l'Est tentant de franchir le mur de Berlin durant la guerre froide.

Le titre "Stationary Traveller" nous permet d'entendre Andrew Latimer à la flûte de pan. Le morceau fait un peu penser à du Ennio Morricone. On a encore droit à un superbe solo de guitare.




1991 - Dust and Dreams



Dust and Dreams est le onzième album studio de Camel, sorti en 1991. Il s'agit d'un album-concept inspiré du roman de John Steinbeck Les Raisins de la colère.

Sur cet album, le titre qui se détache très nettement est "Mother Road", un morceau très bluesy, qui raconte le départ vers l'ouest de la famille.

"Ils ont choisi de partir et se posent des questions. Est-ce que la voiture durera ? Est-ce qu'on va s'en sortir ? Est-ce que leur malchance est derrière eux ? Ils doivent avoir confiance en eux-mêmes et affronter cette route."

Voici une version live de 2018:




1996 - Harbour of Tears



Harbour of Tears est un concept-album. Il raconte l'histoire d'une famille irlandaise qui est douloureusement séparée alors que ses jeunes partent aux États-Unis à la recherche d'un avenir meilleur. Sorti en 1996, il s'agit de leur douzième album studio.

Le chanteur et guitariste du groupe Andrew Latimer a appris que la dernière vue de l'Irlande que la famille de sa grand-mère avait vue était le port de Cóbh, un port en eau profonde qui a vu la fracture de milliers de familles alors que leurs fils et leurs filles partaient vers l'Amérique. Ainsi, l'album a été appelé d'après le surnom du port: "Harbour of Tears" ("Le port des larmes").

"Irish Air" est une chanson gaélique: "loin de ma patrie, mon cœur est vide, je souhaite revenir en Irlande pour y mourir".





Dans "Harbour of Tears": cinq des sept frères doivent quitter l'Irlande. Le père leur souhaite "Bon Dieu", et leur dit qu'ils vont lui manquer.



"Watching the Bobbins" raconte l'histoire d'une couturière qui travaille dur, elle épargne, car elle a encore une passion pour la liberté.



"Coming of Age" est un instrumental dans lequel la guitare pleure et plane très haut, elle évoque une sorte de dramatisme. Elle est accompagnée par un synthé qui tresse des broderies virtuoses.

Voici un live de 1997:




2002 - A Nod and a Wink



A Nod and a Wink est le quatorzième album studio de Camel, sorti en juillet 2002. Il est dédié à Peter Bardens, le premier claviériste du groupe, décédé en janvier 2002.

C'est, à ce jour, le dernier album du groupe à contenir du matériel original, puisque l'album studio sorti en 2013 est juste une réinterprétation de l'album "The Snow Goose".

"Fox Hill" raconte l'histoire d'un chasseur qui poursuit un renard à cheval. Le renard parie qu'on ne l'attrapera jamais. C'est le cas, le renard est heureux. Ce morceau est une sorte de comptine celtique qui contient un solo de guitare bluesy.

Sur ce live de 2013, Colin Bass (le bassiste du groupe) est au chant:



"For Today" est un des morceaux les plus émouvants du groupe. Il rend hommage au courage d'une personne qui, piégée dans le World Trade Center le 11 Septembre, a choisi de sauter.

Le texte dit: "Il ne faut pas regarder en arrière avec regret. Il n'y a pas de deuxième chance. Il faut profiter de chaque jour et vivre l'instant présent."

La guitare pleure, comme sait si bien le faire Andrew Latimer. A partir de la sixième minute le morceau devient hymnique, avec un chœur qui prend aux trippes.




L'album contient d'autres morceaux excellents, tels que "A Nod and a Wink" et "Simple Pleasures", mais je ne les ai pas trouvé sous Youtube.



mardi 12 avril 2022

Franck (César)

 

César Franck


César Franck


César Auguste Jean Guillaume Hubert Franck, né le 10 décembre 1822 à Liège, et mort le 8 novembre 1890 à Paris, est un professeur, organiste et compositeur belge, naturalisé français en 1870. 

César Franck est l'une des grandes figures de la vie musicale française de la seconde partie du XIXe siècle. 

L'influence de Franck a été déterminante dans le domaine de la musique de chambre tout d'abord, dont il a été le rénovateur, en introduisant le principe de la forme cyclique qui, par la résurgence des thèmes d'un mouvement à l'autre et leur superposition dans le volet final, assure une grande cohérence à la structure compositionnelle. 

Il fut organiste à Sainte-Clotilde, cela se ressent d'ailleurs dans certaines de ses pièces pour piano. Il a également composé de la musique orchestrale et de la musique religieuse. Sa science du contrepoint est fameuse. 

Cette année nous fêtons le bicentenaire de sa naissance, il me semblait donc important de marquer cet anniversaire par un article sur un compositeur aujourd'hui certainement méconnu et qui mérite une plus large reconnaissance.

D'autre part, j'ai concocté une playlist constituée des œuvres de 10 compositeurs belges, dont César Franck.

Voici les liens vers la playlist.

Spotify:
Qobuz:
Apple Music:
Deezer:

Je vous propose donc de découvrir César Franck en 10 albums. Les œuvres citées ont été classées par ordre chronologique de composition.


1835 - Concerto pour piano en si mineur No. 2 Op. 11



Franck était un jeune prodige et il n'avait que 13 ans quand il a composé son concerto pour piano No. 2.

Et vous me direz, qu'est devenu le concerto pour piano No. 1 ? Est-ce une invention de son père tyrannique pour faire de la publicité à son jeune fils ? Toujours est-il que, jusqu'à présent, ce concerto est un mystère et on ne l'a pas retrouvé.

Au cours de sa carrière de jeune pianiste virtuose, Franck dut naturellement écrire de la musique dans le style de l’époque : des variations opératiques, des fantaisies et des concertos. 

Son Deuxième Grand Concerto en si mineur, Opus 11, fut probablement composé en 1835, à l’époque de la Première Grande Sonate et des Variations brillantes sur la ronde favorite de Gustav III, entre autres compositions virtuoses pour le piano. 

L’intérêt de ce Concerto dépasse la simple démonstration de sa précocité. Le premier mouvement s’ouvre sur une impressionnante exposition orchestrale, menant à l’entrée du soliste dont la partie est extrêmement exigeante pour le pianiste, même si elle demeure conventionnelle. 

Une brève introduction orchestrale amorce l’entrée du soliste dans l’Adagio en sol majeur. Se développe ensuite un matériau musical qui contraste avec la tonalité majeure de l’ensemble du mouvement. 

Le drame du Rondo final fait place à une démonstration pianistique attendue, le but de toute l’œuvre, avant l’ultime retour de la tonalité d’ouverture.

En conclusion, il s'agit d'une oeuvre écrite dans le moule de l'époque, mais qui montre déjà une belle maîtrise de la composition, c'est vraiment remarquable.

J'ai sélectionné la version interprété par Martijn van den Hoek au piano, accompagné par le Arnhem Philharmonic Orchestra sous la direction de Roberto Benzi.




1862 - Prélude, fugue et variation Op. 18 FWV 30



Le prélude, fugue et variation est une oeuvre pour orgue, élaborée selon les formes et principes mis en place à la période baroque, d’après le modèle utilisé et développé par Johann Sebastian Bach dans ses compositions pour orgue :
  • Prélude : préparation du musicien à jouer l’ensemble instrumental. Le prélude est suivi d'un mouvement lent de courte durée, puisqu'il est composé de neuf mesures (trois périodes).
  • Fugue : développement contrapuntique.
  • Variation sur le thème du prélude : écriture réalisée selon le même modèle que la variation pour orgue "Ich ruf’ zu dir Herr Jesu Christ" de Bach.
L'oeuvre fut dédiée à Camille Saint-Saëns.

L'oeuvre d'orgue de César Franck est disponible dans un double CD interprété par Susan Landale.

Sur Youtube, j'ai sélectionné la version pour orgue interprétée par Olivier Penin à l'orgue de Sainte-Clotilde.



Et, parce que c'est très beau au piano également, voici une version par Nikolai Lugansky:




1874 - Rédemption FWV 52



César Franck écrivit Rédemption en 1872. Cet oratorio fait partie de ses œuvres injustement méconnues. Ce "Poème-Symphonie" fut inspiré par les désastres de la guerre de 1870. La partition fut écrite en six mois.

Le "Poème-Symphonie" Rédemption se compose de trois parties que Vincent d'Indy décrit ainsi dans son Programme :
  • Première partie (il y a 2000 ans) : Les hommes s'agitent au milieu des ténèbres égoïstes du paganisme ; ils croient trouver le bonheur dans les jouissances et dans la haine, il n'en résulte que des œuvres de mort. Tout à coup un vol d'anges illumine l'espace, l'un d'eux annonce la venue rédemptrice du Sauveur sur la terre, et les hommes, régénérés, unissent leurs voix en un cantique de Noël.
  • Deuxième partie : Morceau symphonique. Les siècles passent. Allégresse du monde qui se transforme et s'épanouit sous la parole du Christ. En vain s'ouvre l'ère des persécutions, la Foi triomphe de tous les obstacles [...]
  • Troisième partie (de la naissance du Christ au temps présent) : Les anges, se voilant la face de leurs ailes à l'aspect des crimes de la terre, pleurent sur l'homme retourné à la bestialité païenne. Mais l'archange vient, sur un ton plus grave, annoncer une nouvelle rédemption : le pardon des erreurs peut être obtenu par la prière. Et les hommes, apaisés et repentants, unissent leurs cœurs en un cantique de fraternelle charité.
A sa création l'oeuvre connaît un échec cuisant. Franck, profondément bouleversé, retoucha son oratorio sur les conseils de d'Indy. C'est alors qu'il composa le fameux Morceau Symphonique placé entre les deux parties de l'oratorio et ajouta le chœur d'hommes du début de la deuxième partie. La version remaniée date de 1874.

Dans cette deuxième mouture, l'œuvre connut une seconde vie plus favorable, sans jamais rencontrer toutefois le succès qu'elle aurait mérité.

Dans sa version complète, l'album dirigé par Michel Plasson, avec Béatrice Uria-Monzon (mezzo-soprano) dans le rôle de l'archange et Lambert Wilson en récitant, s'impose comme une référence.

A noter que l'on trouve souvent le morceau symphonique seul, pour ce dernier, je recommande la version de Daniel Barenboim à la tête de l'Orchestre Paris. 

Voici cette dernière version:




1879 - Quintette pour piano et cordes FWV 7



César Franck a composé un superbe quintette pour piano et cordes. Il est en 3 mouvement.
  • Molto moderato quasi lento
Ce premier mouvement débute sur un ton dramatique qui ensuite se développe dans un discours puissant et passionné.
  • Lento con molto sentimento (en la mineur, à 12/8)
Le deuxième mouvement d'un caractère plus élégiaque se présente comme une longue aria ou le piano dialogue avec le quatuor à cordes dans un discours musical aux contours harmoniques complexes.
  • Allegro non troppo ma con fuoco (en fa majeur, à 3/4)
Le final reprend les thèmes exposés aux mouvements précédents dans une atmosphère pleine de fougue mais également de suavité, pour ne pas dire de sensualité. En effet, la rumeur semble dire qu'à cette époque César Franck n'était pas insensible au charme de la belle compositrice Augusta Holmès, au grand dam de Mme Franck, qui abhorrait ce quintette, on comprend pourquoi.

La durée d'exécution est d'environ quarante minutes.

Je recommande vivement l'écoute de la version interprétée par le Quatuor Takacs et Marc-André Hamelin au piano. Mon choix est conforté par un diapason d'or ! Enfin, cette œuvre est couplée à une très recommandable interprétation du quatuor de Debussy, ce qui ne gâche rien.




Néanmoins, et ceci est assez rare pour le souligner, je voudrais vous recommander également, une autre version (qui pour moi est ex-aequo), il s'agit de la version du Quatuor Novus avec Michel Dalberto au piano. Cette interprétation a été récompensée par un Diapason d'or et un choc de Classica.

Sur Youtube, une troisième version a été sélectionnée, ce qui prouve la richesse du nombre de versions de cette oeuvre. Il s'agit d'une interprétation du Quatuor Ebène et de Bertrand Chamayou au piano.

Voici le 1er mouvement:




1884 - Les Djinns FWV 45



Les Djinns est un poème symphonique pour piano et orchestre.

La pianiste Caroline Montigny-Rémaury lui avait demandé une brève pièce pour piano et orchestre, mais elle ne joua jamais ce poème que Franck composa durant l'été 1884. Il fut créé le 15 mars 1885 par Louis Diémer au piano lors d'un concert à la Société nationale de musique.

L'œuvre est inspirée du poème du même nom des Orientales de Victor Hugo. Celui-ci a souvent inspiré Franck (des mélodies, et son premier essai de poème symphonique : Ce qu'on entend sur la montagne, composé en 1847-1848, donc au même moment que l'œuvre de Franz Liszt sur la même inspiration).

Franck reprend l'idée des forces mystérieuses et surnaturelles déchirant le ciel nocturne par leur passage, et surtout le rythme singulier du poème de Hugo, montant du calme en une tempête sonore, avant de retomber dans le silence de la nuit. 

La partie de piano est très virtuose, et Franck aima tant l'interprétation de Louis Diémer sur cette partition difficile qu'il écrivit pour lui ses Variations symphoniques, également pour piano et orchestre, marquant le renouveau de l'intérêt du compositeur pour cet instrument.

L'album sélectionné constitue une introduction idéale aux œuvres symphoniques avec ou sans piano de César Franck, puisqu'il nous permet d'entendre également les superbes pièces que sont le Chasseur Maudit, les Eolides et les Variations Symphoniques. Cédric Tiberghien au piano est dirigé par l'excellent François-Xavier Roth à la tête de l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège.

Sur Youtube, j'ai sélectionné l'excellente version de Bertrand Chamayou dirigé par Stéphane Denève.




1884 - Prélude, choral et fugue FWV 21


L'enregistrement suivant fait partie de ces fabuleuses découvertes, qui font penser que la musique classique se renouvelle indéfiniment et que chaque nouvelle génération apporte sa moisson de prodiges. 

Je suis donc très heureux de vous faire partager mon coup de cœur pour l'album "En miroir" (2016) de Marie-Ange Nguci, une jeune pianiste franco-albanaise qui avait 18 ans seulement lors de l'enregistrement de ce disque. 

Il s'agit d'un programme composé de deux œuvres de Franck, dont le "Prélude, choral et fugue" sélectionné ici, des "Litanies de l'ombre" de Thierry Escaich, de la chaconne de Bach/Busoni et enfin de la redoutable "Toccata d'après le cinquième concerto" de Saint-Saens. 

Toutes ces œuvres ont en commun d'être des pièces pour piano créées par des compositeurs organistes, cela se ressent d'ailleurs très nettement dans ces œuvres. 

L'interprétation du "Prélude, Choral et Fugue" par Marie-Ange Nguci est au-dessus de tout éloge : la fugue en particulier est époustouflante. 

Quand on demande à Marie-Ange Nguci de décrire César Franck en trois mots, elle a choisi: mystique, "cathédralesque" et architecture.

On notera en outre que Marie-Ange Nguci fait des études de musicologie, de direction d'orchestre et est titulaire d'un prix d'Ondes Martenot. 

Sur Youtube, on trouve cette oeuvre uniquement par d'autres interprètes, j'ai choisi à nouveau Nikolai Lugansky.





1886 - Sonate pour violon et piano FWV 8



Franck a composé une des plus célèbres sonates pour violon et piano de l'époque romantique. On compte à l'heure actuelle plus de 180 versions de cette œuvre. 

Le 1er mouvement est plein de douceur, mais en même temps de lyrisme, et fait place à un joli dialogue entre les deux instruments. 

Le 2ème mouvement est plein de fougue et de tension. 

Le 3ème mouvement est plus doux et recueilli. 

Enfin, le 4ème mouvement se caractérise par une superbe mélodie nostalgique. 

Parmi les versions récentes de cette œuvre, il me semble que la palme revient au superbe duo composé de Renaud Capuçon au violon et Khatia Buniatishvili au piano, qui font preuve d'un bel engagement et d'une expressivité parfaite. J'aime beaucoup les accentuations de Renaud Capuçon. 

Ensuite, je place une autre très belle version: celle d'Isabelle Faust au violon et Alexander Melnikov au piano. Une version un peu moins passionnée mais de haute tenue.

Sur Youtube, j'ai sélectionné la version de Renaud Capuçon et Martha Argerich.




1887 - Psyché FWV 47



Pendant l’été 1886, César Franck entreprend l’écriture de son ultime poème symphonique, Psyché, après le succès du Chasseur maudit (1882) et des Djinns (1884). Il renouvelle cependant l’expérience en composant cette fois une pièce pour chœurs et orchestre dont le projet est bien antérieur à sa conception.

César Franck écrit : « Je me suis remis au travail, comme tous les ans aux vacances. Je fais une Psyché. Voilà déjà plusieurs années que j’y pense. » 

Le compositeur célèbre de nouveau la culture antique en puisant son inspiration dans le mythe ancien de Psyché et du dieu de l’amour, Éros. 

Il fait appel à deux librettistes, Sicard et Louis de Fourcaud, qui adaptent un extrait des Métamorphoses d’Apulée. La pièce, conçue en trois parties, dépeint la félicité de Psyché songeant à Éros, le péché qu’elle commet en découvrant le visage de son amant puis la rédemption où les amoureux se rejoignent enfin. 

Franck réemploie l’un des thèmes principaux de son ancien poème, Les Éolides (1877), et le mêle à de nouveaux matériaux. La pièce dure environ 50 minutes.

J'ai sélectionné la version interprétée par Paul Strauss, les choeurs de la RTB-BRT et l'Orchestre de Liège.





1888 - Symphonie en ré mineur FWV 48



Une des œuvres orchestrales les plus célèbres de Franck est sa symphonie en ré mineur. Cette symphonie est en 3 mouvements et chaque mouvement contient de superbes mélodies. 

Comme de nombreuses œuvres de Franck elle fait appel à la forme cyclique qui revient tout le long de l'œuvre.

Cette symphonie a été plutôt mal reçue en France où la symphonie était considérée comme une spécificité allemande, mais elle a été bien reçue à l'étranger et a vite connu une énorme célébrité. 

La symphonie en ré mineur dure environ quarante minutes. Elle comprend trois mouvements, chacun faisant référence au thème de quatre mesures introduit au début de l'œuvre.
  1. Lento ; Allegro ma non troppo ;
  2. Allegretto ;
  3. Finale : Allegro non troppo.
Il existe de nombreuses excellentes versions de cette symphonie. Mon choix s'est porté sur la version de Pierre Monteux pour son dynamisme et l'excellente qualité de l'enregistrement malgré son âge (1961).

Sur Youtube, j'ai choisi la version de Cristian Macelaru à la tête de l'Orchestre National de France.





1890 - Quatuor à cordes en ré majeur FWV 9



Le Quatuor à cordes en ré majeur FWV 9 est l'ultime page de musique de chambre de César Franck. Composé en 1889-90, il représente le premier grand quatuor à cordes de l'école française de cette époque. 

Il est créé le 19 avril 1890 à la Société nationale de musique par Heymann, Gibier, Balbreck et Liégois avec un accueil quasi triomphal.

Un succès auquel Franck, alors âgé de soixante-sept ans, réagit en déclarant, un rien acerbe, qu’enfin le public français semblait l’apprécier.

Le quatuor comprend quatre mouvements :
  1. Poco lento - Allegro
  2. Scherzo : Vivace
  3. Larghetto
  4. Final : Allegro molto
Au disque, j'ai sélectionné la version du Dante Quartet, avec un excellent couplage avec le quatuor de Fauré.

Sur Youtube, voici la version par le Petersen Quartett.