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jeudi 20 juin 2024

Jean Sibelius

 



Jean Sibelius


Jean Sibelius (Johan Julius Christian Sibelius), né le 8 décembre 1865 à Tavastehus, dans le grand-duché de Finlande et mort le 20 septembre 1957 à Järvenpää, près d'Helsinki, est un compositeur finlandais de musique classique. 

Il est l'un des Finlandais qui symbolisent le mieux la naissance de l'identité nationale finlandaise. Ses œuvres les plus marquantes sont ses symphonies, son concerto pour violon et ses pièces symphoniques. 

La musique de Sibelius représente pour moi une des musiques les plus évocatrices de la musique classique. J’associe volontiers sa musique à une sorte d’étendue glacée, tantôt battue par les vents, tantôt illuminée par un soleil très blanc. 

Pour évoquer ma vision j’ai trouvé une photo de Laponie qui représente bien ce qu’évoque pour moi cette musique, en particulier la Symphonie No. 7.





Sur les 134 œuvres qui constituent le catalogue de Sibelius, j'ai sélectionné sous forme de playlist 28 partitions classées chronologiquement.

Voici les liens vers la playlist.

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D'autre part, j'ai effectué une sélection de 10 albums et œuvres disponibles sous YouTube. Voici cette sélection.


1892 - Kullervo Op. 7



Kullervo, op. 7 est un grand poème symphonique de Jean Sibelius, pour soprano, baryton, chœur d'hommes et orchestre. Il est considéré comme la naissance de la musique nationale finlandaise.

Il s'agit de l'une des premières œuvres symphoniques du musicien, écrite près de 7 ans avant sa première symphonie et un an avant sa célèbre Suite Lemminkäinen.

L'œuvre décrit les aventures de Kullervo, personnage des légendes et des épopées finlandaises (Kalevala, chants 31-36) qui furent une source d'inspiration constante pour Sibelius. Elle fut créée, sous la propre direction de Sibelius, le 28 avril 1892. 

Cette création, dans une salle remplie de partisans de l'indépendance finlandaise, fut un événement national et un grand succès tant critique que public, qui lança la carrière du jeune compositeur. 

Kullervo est une fresque dramatique en 5 parties qui dure environ 75 minutes. 

Kullervo est un personnage tragique de l'épopée nationale le Kalevala. Il rencontre une jeune fille, en tombe amoureux et il la viole. La jeune fille se suicide de honte. Kullervo découvre par la suite que la jeune fille était en fait sa sœur disparue. Il se suicide à son tour en se précipitant sur son épée.

Au disque, je vous recommande la version dirigée par Osmo Vänskä à la tête du Minnesota Orchestra.

Sous YouTube, j'ai sélectionné la version de Jukka-Pekka Saraste.






1892 - En Saga Op. 9



En saga op. 9 (en finnois : Satu; en suédois : En saga) est un poème symphonique écrit par Jean Sibelius durant l'hiver 1892 et révisé en 1901.

En saga est une partition épique et mystérieuse ; quoique Sibelius ait toujours insisté sur l'absence de source littéraire pour son poème symphonique, la mer ne semble jamais très loin. On sent déjà dans cette œuvre la pâte expressive typique de Sibelius, elle préfigure les grandes réussites de ses futures œuvres symphoniques.

On remarquera le premier thème, confié à l'alto solo, ainsi que les moments très expressifs où la clarinette chante en fin de morceau.

Le jeune chef d'orchestre finlandais Santtu-Matias Rouvali en donne une version d'une grande légèreté et d'une grande lisibilité à la tête du Gothenburg Symphony.

Sous YouTube, je recommande la version de Mikko Franck.





1893-1895 - Suite Lemminkäinen Op. 22



Les Légendes de Lemminkäinen (sous-titré Quatre légendes), op. 22, sont un ensemble de quatre pièces symphoniques écrites par Jean Sibelius entre 1893 et 1895.

Elles sont inspirées du Kalevala, cycle mythique finlandais, décrivant les aventures de Kullervo, ici le héros est Lemminkäinen.

La suite se compose de quatre mouvements :

  1. Lemminkäinen et les jeunes filles de l'île (inspirée des chants XI et XXIX du Kalevala) : Lemminkäinen, un guerrier doté de pouvoirs magiques, se réfugie dans une île, peuplée de nombreuses jeunes filles, peu après avoir tué le souverain d'un royaume voisin.
  2. Le cygne de Tuonela, inspirée du chant XIV. Cette pièce était initialement la troisième du cycle avant que le musicien n'intervertisse ces deux dernières en 1947. Tuonela est le royaume des morts, entouré d'un fleuve noir sur lequel nage un cygne de la même couleur. Le cor anglais, symbolisant l'animal funèbre, est omniprésent. Lemminkäinen doit partir en guerre pour obtenir la main d'une fille de Pohjola, pays mythique des régions polaires. Pour obtenir la main de cette nouvelle femme, Lemminkäinen doit accomplir trois prouesses, capturer un élan, brider un étalon et chasser le fameux cygne.
  3. Lemminkäinen à Tuonela, inspirée du chant XV : le héros a été tué et sa mère vient chercher sa dépouille dans le fleuve bordant le royaume des morts et le ressuscite. Jusqu'en 1947, cette pièce était placée à la seconde place.
  4. Le retour de Lemminkäinen, inspirée des chants XXIX et XXX. Ses terres ont été dévastées par les armées de Pohjola qui le cherchaient, mais le héros retrouve sa mère cachée dans une cabane discrète. Il lui annonce son intention de reconstruire leur maison et de partir en guerre contre Pohjola. Il va alors chercher son ancien compagnon de guerre Tiera pour l'assister. Alors, Louhi, la sorcière patronne de Pohjola, envoie le Froid contre leur expédition qui gèle la mer sous leur bateau. Lemminkäinen menace le Froid de le jeter dans le feu, ainsi celui-ci s'en va et les deux héros continuent leur marche à pied. Affamés et désespérés, les guerriers finissent par abandonner leur expédition et retournent auprès de leurs mères. Cette pièce a été profondément remaniée et notamment écourtée en 1896 par rapport à sa version initiale. La seconde version de cette pièce modifiée en 1897 a été créée le 1er novembre 1897.
L'exécution totale du cycle dure environ cinquante minutes.

Au disque, je recommande la version dirigée par Susanna Mälkki. En outre le couplage de l'album est très intéressant, avec la Karelia Suite et Rakastava.

Sous YouTube, je vous propose la version de Jukka-Pekka Saraste à la tête du Francfort Symphony Orchestra. A noter que dans cette version, "Le cygne de Tuonela" est replacé en troisième position, comme avant 1947.





1899 - Finlandia Op. 26



Finlandia, op. 26, est un poème symphonique en la bémol majeur pour orchestre symphonique. Le morceau révisé a été joué pour la première fois le 2 juillet 1900 par l'orchestre philharmonique d'Helsinki sous la direction de Robert Kajanus. 

Il s'agit d'une œuvre épique considérée comme l'hymne national officieux de la Finlande.

Au disque, je vous recommande la version dirigée par Paavo Berglund.

Il existe également une version chorale de l'œuvre. C'est cette dernière que je vous propose de découvrir sous la direction de Sakari Oramo.





De 1899 à 1924 - Les Symphonies




De 1899 à 1924, Sibelius a écrit 7 symphonies, qui font partie des plus belles symphonies de l'époque. Elles sont en tout cas envoûtantes et très descriptives.

L’essentiel de la célébrité de Sibelius provient, à juste titre, de ces 7 symphonies, qui sont autant de pièces ajoutées à ce « continent glacé » qu’est sa musique. Elles sont d’un style inimitable, très particulier et assez unique dans l’histoire de la musique. 

Elles ont pour moi une forte capacité à me faire m'évader et imaginer les contrées du Nord. On comprend en les écoutant comment Sibelius est devenu le symbole puissant de cette identité finlandaise.

En écoutant attentivement différentes versions, voici mes trois intégrales préférées:
  • La palme revient au chef d’orchestre finlandais Osmo Vänskä à la tête du Lahti Symphony Orchestra. Sa version des symphonies est limpide, légère et se caractérise par la clarté des textures. Attention, cette légèreté n’empêche pas d’exprimer la gravité quand cela s’impose. Ce qui semble distinguer les chefs d’orchestre finlandais des autres est cet art de la suggestion plutôt que de miser sur de gros effets.
  • En seconde position, pour sa fougue et sa passion, je retiens la version de Leonard Bernstein à la tête du New York Philharmonic.
  • Enfin, pour son authenticité et une lecture toute en finesse, je place en troisième la version de Leif Segerstam (encore un finlandais !) à la tête du Helsinki Philharmonic Orchestra. 
Au passage, je citerai également les versions de Santtu-Matias Rouvali (qui n'a pas encore réalisé une intégrale) et de Klaus Mäkelä (toujours des finlandais !).

Sous YouTube, j'ai sélectionné les deux symphonies de la maturité.

Voici la symphonie No. 6 interprétée par Leif Segerstam à la tête du Turku Philharmonic Orchestra.



Enfin, la symphonie No. 7, en un seul mouvement, dirigée par Paavo Järvi à la tête du Francfort Symphony Orchestra.




1903 - Valse triste, Op. 44 No. 1, extraite de Kuolema (La Mort)




La Valse triste opus 44 no 1 est une courte pièce d'orchestre. Originellement titrée "Tempo de valse lente - Poco risoluto", elle constituait le premier numéro de la musique de scène pour la pièce d'Arvid Jarnefelt, Kuolema (la mort) qui fut créée le 2 décembre 1903 à Helsinki.

La valse triste fut révisée en 1904 et depuis sa création le 25 avril 1904 à Helsinki a contribué grandement par son lyrisme et sa beauté mélodique à la popularité de son auteur. Elle est éminemment mélancolique et porte bien son nom.

Au disque, j'ai choisi la version d'Osmo Vänskä.

Sous YouTube, je vous propose la version dirigée par Paavo Järvi à la tête de l'Estonian Festival Orchestra.





1905 - Concerto pour violon Op. 47




Dans les années 1903-1904 Sibelius compose son concerto pour violon Op. 47, il sera révisé en 1905. 

Il s’agit pour moi d’un des plus beaux concertos du XXème siècle. Il allie la richesse thématique et la virtuosité du violon, c’est une œuvre réellement symphonique où l’orchestre ne se contente pas de donner la réplique au violon mais a un rôle réel. 
  • Le 1er mouvement débute par un thème mélancolique et romantique. En contrepoint, l’orchestre joue sur le dramatisme et le côté sombre, les timbales tenant un grand rôle. Pour moi, ce mouvement évoque l’homme se débattant dans une nature hostile. 
  • Le 2ème mouvement débute par une introduction très lente, puis intervient un magnifique thème au violon qui se veut rassurant et apaisant. Après quelques échanges entre le violon et l’orchestre, le mouvement s’achève dans une très grande douceur. 
  • Le début du 3ème mouvement opère une transition brusque : le violon s’emballe dans une course échevelée, l’orchestre intervient avec des cuivres qui jouent dans l’extrême grave, l’œuvre fait preuve d’une très belle orchestration. Le mouvement s’achève dans une péroraison du violon, reprise par l’orchestre, symbolisant une sorte de triomphe.
Au disque, j'ai sélectionné la version dirigée par Leif Segerstam, avec le violoniste finlandais Pekka Kuusisto. Cette version conserve le côté mystérieux de la partition, ce qui me semble essentiel. La prise de son est excellente et laisse entendre les différents pupitres de l'orchestre, en particulier les vents. Comme toujours, la direction de Leif Segerstam est très respectueuse de l'œuvre.

Sous YouTube, j'ai sélectionné la version interprétée par Hilary Hahn, pour son engagement et son phrasé. L'accompagnement de l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Mikko Franck est parfait. Cette version est réellement enthousiasmante.





1906 - La fille de Pohjola, Op. 49




La Fille de Pohjola (en finnois : Pohjolan tytär), op. 49, est un poème symphonique terminé par le compositeur en 1906.

Le passage du Kalevala qui a inspiré cette pièce, a connu diverses traductions comme "La Blessure" ou "Väinämöinen et la jeune fille de la Ferme du Nord" (Väinämöinen est un héros de l'épopée le Kalevala). 

Le poème symphonique présente Väinämöinen "vieux, avec la barbe blanche, qui voit la belle fille du Nord (Pohjola étant le territoire mythique du Nord)", assise sur un arc en ciel, tissant un drap d'or alors qu'il est monté sur un traîneau dans un paysage sombre. 

Väinämöinen lui demande de se joindre à lui, mais elle lui répond qu'elle ne partira qu'avec l'homme qui pourra effectuer un certain nombre de travaux difficiles, comme attacher un œuf avec des nœuds invisibles et, tout particulièrement, construire un bateau à partir de fragments de sa quenouille. 

Väinämöinen essaie d'accomplir ces tâches en se servant de la magie qu'il connaît. Il exécute avec réussite la plupart des travaux mais il se heurte finalement aux esprits mauvais lors de sa tentative de construire le bateau. Il se blesse avec une hache. Il abandonne les travaux et continue son voyage seul.

La fille de Pohjola est une pièce extrêmement contrastée et colorée, j'adore ses différentes ambiances, son modernisme et bien entendu son expressivité. Il s'agit probablement de mon poème symphonique préféré de Sibelius.

Le jeune chef finlandais Santtu-Matias Rouvali nous en livre une version qui, pour moi, se hisse au sommet de la discographie.

Sous YouTube, j'ai sélectionné la version extrêmement vivante dirigée par Esa Pekka Salonen à la tête du Tonhalle Orchestra. La fin du poème en pianissimo est particulièrement bien rendue.





1913 - Luonnotar, Op. 70



Sibelius composa Luonnotar, un poème symphonique pour soprano et orchestre, en 1913 pour la chanteuse Aino Ackté.

Luonnotar (la fille de l'air, ou l'esprit de la nature) est inspiré par un extrait du chant 1 du Kalevala qui raconte la création du monde. Sibelius en remania le texte.

Voici un résumé de ce que décrit le poème symphonique.

« Il était dans l'air une vierge, la superbe Luonnotar; très longtemps elle resta pure. Elle finit par s'ennuyer de rester toujours solitaire au fond des vastes cours de l'air. Elle se posa sur les grandes vagues, le vent ballota la vierge. 

Pendant sept cents années, mère des eaux, la vierge erra, nagea vers le midi, le nord, vers tous les horizons. Vint un vent violent qui couvrit d'écume la mer.

- Oh comme ma vie est pitoyable ! Oh Ukko, père des dieux, viens à moi quand je t'appelle ! 

Vint une cane, un bel oiseau volant d'horizon en horizon, cherchant un endroit pour faire son nid. 

- Non, non, non ! Mettrai-je mon nid sur le vent ou sur les vagues ? Le vent le renversera et les vagues l'engloutirons.

Alors la mère des eaux, la superbe vierge de l'air, sortit son genou de la mer ; et sur celui-ci la cane fit son nid et entreprit de couver ses œufs. Ressentant une chaleur ardente, la vierge agita sa jambe, le nid tomba à l'eau et se brisa en miettes. 

De ces morceaux apparut alors la beauté. Le haut de la coque des œufs devint le ciel sublime, le blanc, la lune et le reste devint les étoiles du firmament. »

Cette pièce reste rarement interprétée, cela est probablement du à la difficulté de la pièce et à sa particularité d'être chantée en finlandais. Il s'agit néanmoins d'un des chefs-d'œuvre du compositeur et de son époque.

Au disque, je vous propose encore une fois un version dirigée par Osmo Vänskä, à la tête du Lahti Symphony Orchestra. La soprano est la chanteuse d'opéra finlandaise Helena Juntunen.

Sous YouTube, pour sa présence scénique et la puissance de sa voix, j'ai sélectionné la version de Karita Mattila, le chef d'orchestre est Hannu Lintu.





1926 - Tapiola, Op. 112



Tapiola op. 112 est un poème symphonique. Tapiola dépeint Tapio, le dieu de la forêt mentionné dans la mythologie finlandaise tout au long du Kalevala. 

Ce dieu se cache derrière les denses forêts finlandaises de pins qui enveloppent Ainola, la maison isolée de Sibelius en dehors de Järvenpää.

Sibelius a envoyé à son éditeur une explication sur la place de Tapio dans la mythologie finlandaise. 

L'éditeur a préparé à partir de cela un quatrain pour la partition publiée. Le quatrain original proposé par Sibelius peut être traduit comme suit:

"Elles s’étalent amplement, les sombres forêts du Nord,
Anciennes, mystérieuses, emplies de rêves sauvages ;
Au milieu d’elles habite le puissant Dieu de la Forêt,
Et les lutins des bois dans l’ombre tissent de magiques secrets."

Tapiola est une des dernières œuvres de Sibelius. Elle dure entre 15 et 20 minutes. 

C'est une œuvre absolument magique et envoûtante, mais certainement un peu difficile d'accès, en tout cas c'est le sentiment que j'ai eu. Il m'a fallu de nombreuses écoutes afin d'en apprécier tous les mystères, mais l'effort vaut vraiment la peine.

Au disque, j'ai encore sélectionné la version d'Osmo Vänskä, qui décidément, demeure pour moi aujourd'hui l'interprète majeur de la musique de Sibelius.

Sous YouTube, j'ai sélectionné une version d'autant plus intéressante qu'elle n'est pas dirigée par un chef d'orchestre finlandais mais par le chef britannique Simon Rattle à la tête du London Symphony Orchestra. Les couleurs de cet orchestre emportent l'adhésion.








jeudi 28 mars 2024

Anne Louise Brillon de Jouy

 

Madame Brillon de Jouy par Fragonard


Anne Louise Brillon de Jouy


La musicienne et compositrice française Anne Louise Brillon de Jouy (1744-1824) mérite une découverte de son œuvre principalement dédiée au clavecin et au pianoforte.

Elle tient un salon prisé à Passy à la fin du XVIIIe siècle, où elle reçoit des musiciens, mais également le célèbre Benjamin Franklin, le premier ambassadeur et un des pères fondateurs des Etats-Unis, qui deviendra un de ses amis intimes.

Elle est une virtuose du clavecin et du pianoforte, d'ailleurs, plusieurs compositeurs tels que Johann Schobert, Luigi Boccherini, Charles Burney, Ernst Eichner et Henri-Joseph Rigel lui ont dédié des sonates.

Je laisse d'ailleurs la parole à Charles Burney, célèbre compositeur et musicologue de l'époque, qui témoigne des soirées musicales du salon de Mme Brillon:

"Elle exécuta de nombreuses pièces, et je compris qu'elle n'avait pas acquis sans mérite sa célébrité dans le monde musical. [...] Une grande musicienne, l'une des meilleures au clavecin en Europe, et, de l'opinion générale à Paris, la meilleure au pianoforte, ce nouvel instrument qui vient d'y faire ses débuts. Elle joue avec une grande facilité, mais aussi avec goût et sentiment. Elle déchiffre excellement, comme j'ai pu m'en convaincre lorsqu'elle a joué de la musique de mon propre cru."

Au moment de la révolution, la vie à Paris devenant trop dangereuse pour les aristocrates, Mme Brillon de Jouy se réfugie au château de Villers-sur-mer qui est la propriété de son gendre le général Antoine Marie Paris d'Illins qui a épousé sa fille Cunégonde. C'est d'ailleurs à Villers qu'elle s'éteint en 1824.

Elle laisse un catalogue d'environ 90 œuvres parmi lesquelles la plupart sont des œuvres pour clavecin ou pianoforte et quelques romances.

J'ai préparé une playlist constituée des quelques œuvres disponibles de la compositrice et des principaux compositeurs qui figurent dans sa bibliothèque musicale. 

Outre ceux mentionnés plus haut, on y trouve: Carl Friedrich Abel, André Ernest Modeste Grétry, François-Adrien Boieldieu, Johann Baptist Vanhal, Muzio Clementi, Jean-Baptiste Davaux, Jean-Frédéric Edelmann, Nicolas-Joseph Hüllmandel et le célèbre Jean-Chrétien Bach (elle a d'ailleurs été en relation avec lui pour commander par son intermédiaire un pianoforte anglais).

Voici les liens vers la playlist.

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Sonates pour piano

Le pianiste Nicolas Horvath nous permet d'entendre quelques sonates pour piano de Mme Brillon de Jouy dans cet album sorti en 2021.




Romances

The Raritan Players sortent en 2021 un album intitulé "In the Salon of Madame Brillon: Music and Friendship in Benjamin Franklin's Paris".

Voici un extrait de cet album, la romance "Viens m'aider o dieu d'amour".



samedi 16 décembre 2023

Anthologie Audiophile



 Anthologie Audiophile

J'ai constitué une anthologie audiophile sous forme de playlist, ce qui signifie que les morceaux ont été choisis pour la qualité de leur prise de son et leur diversité. En effet, on aborde de nombreux genres: classique, jazz, pop/rock, folk, dance, etc.

Ce qui fait la particularité de cette playlist est qu'elle utilise des transitions recherchées, c'est-à-dire qu'il existe toujours une relation entre un morceau et le morceau qui le suit. La relation est soit évidente, soit complètement tirée par les cheveux, je l'admets et même je l'assume totalement.

Je vous propose de choisir d'écouter cette playlist et de tenter de découvrir par vous-mêmes ces relations ou non.

Voici les liens vers la playlist.

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Pour les curieux, voici les relations cachées entre les morceaux de la playlist.

  • On commence avec l'Hallelujah du Messie de Handel.
  • Ensuite, on a Christmas Time is Here de Gregory Porter, le lien est Noël qui marque la naissance du Messie.
  • On continue avec un autre titre de Gregoy Porter, qui est le lien, Take me to the Alley.
  • Ensuite, on peut entendre une improvisation jazzy sur la lettre à Elise de Beethoven, le lien est le jazz.
  • Puis, un extrait de la sonate à Kreutzer, le lien est Beethoven.
  • Puis, un morceau jazz interprété à la guitare par Laurindo Almeida, le lien est encore Beethoven, car il interprète un mélange de la sonate au clair de lune de Beethoven et de 'round midnight de Thelonious Monk.
  • On continue avec le morceau Satin Doll, le lien étant Thelonious Monk.
  • Ensuite, Silk & Satin de Spyro Gyra, le point commun avec le titre précédent est le mot Satin.
  • Puis, on a So What! de Ronny Jordan, le lien est le genre, les deux morceaux étant de l'acid jazz.
  • On continue avec un autre titre de Ronny Jordan: Tinseltown.
  • Ce mot est contenu dans le titre d'un album de Frank Zappa, Tinseltown Rebellion, ce qui assure la transition avec le morceau jazzy suivant: Little Umbrellas.
  • Umbrella, le parapluie, protège de la pluie, ce qui correspond au sens du titre suivant "Shelter in the Rain" de Stevie Wonder.
  • On enchaîne avec un autre morceau de Stevie Wonder, le fameux Master, Blaster.
  • Le lien avec le morceau suivant se fait sur une partie du titre, il s'agit de Masterpiece de Ben Harper.
  • Les morceaux suivants sont de Ben Harper, j'avais envie de découvrir avec vous plusieurs titres de cet artiste que j'avais assez peu écouté jusqu'à présent.
  • Le dernier morceau, intitulé Istanbul, permet la transition avec le titre suivant "Turkish Delight" de Cleo Laine, qui n'est rien d'autre qu'une version fantaisiste de la marche turque de Mozart.
  • Ce qui nous amène inévitablement à la marche turque elle-même dans un arrangement de Daniel Hope.
  • On continue avec un hommage à Mozart assuré par Tchaikovsky dans sa suite orchestrale Mozartiana dont j'ai choisi le 4ème et dernier mouvement.
  • Tchaikovsky constitue le lien avec le morceau suivant: Nut Rocker, une adaptation déjantée en boogie-woogie des thèmes de Casse-Noisette.
  • On poursuit avec les adaptations déjantées et le boogie-woogie avec Bumble Boogie qui est une adaptation du vol du Bourdon de Rimsky-Korsakov.
  • On passe du Bourdon aux Abeilles avec le titre Telling the Bees de Big Big Train.
  • On poursuit avec Big Yellow Taxi de Scary Pockets, vous aurez devinez le lien on passe d'un gros train (Big Big Train) à un gros taxi jaune, toujours de gros engins de transport.
  • Il faut noter dans ce morceau l'importante partie de basse, superbement interprétée par ma bassiste de prédilection Tal Wilkenfeld. Ce qui me permet d'enchaîner avec un autre bassiste de légende, Jaco Pastorius dans le morceau double Kuru/Speak Like a Child.
  • Le morceau suivant s'intitule Mr Pastorius et constitue un hommage rendu par Miles Davis au célèbre bassiste.
  • C'est pour moi l'occasion de faire une petite séquence dédiée à Miles Davis, mon jazzman favori.
  • Le dernier morceau Filles de Kilimanjaro (Girls of Kilimanjaro) me permet de faire la transition, puisque l'on parle toujours de fille dans le titre suivant: Girl from the North Country, interprété par Bob Dylan et Johnny Cash.
  • On enchaîne avec un autre morceau de Johnny Cash: Orange Blossom Special.
  • La relation avec le titre suivant est moins évidente puisqu'il s'agit de la première marche des Pomp & Circumstance d'Edward Elgar. Le lien commun sur le mot Orange devient plus visible quand on apprend que ce morceau a été utilisé par Stanley Kubrick pour la bande originale du film Orange Mécanique (Clockwork Orange).
  • On continue avec une autre pièce d'Edward Elgar, intitulée Salut d'Amour, pour flûte et piano.
  • La flûte est le lien avec le morceau suivant Syrinx de Debussy.
  • On continue avec un autre instrument à vent, le saxophone baryton, qui nous permet d'entendre une étonnante transcription du prélude de la suite No. 1 pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach.
  • On poursuit avec Bach et l'adaptation jazzy de Jacques Loussier de son air, extrait de la suite No. 3.
  • De nouveau Bach avec un extrait de la sonate No. 2 pour violon et piano. Ici le piano est joué par Keith Jarrett, un maître du Jazz.
  • On poursuit avec Keith Jarrett et son trio dans un morceau envoûtant intitulé The Cure.
  • Ce qui me donne le lien avec le titre suivant, du groupe The Cure, Lullaby extrait de l'album Disintegration.
  • Cette désintégration me fait penser au monde atomique, ce qui me donne la transition avec l'album The Complete Atomic Basie et son titre Double-O.
  • Qui parle de monde atomique et d'explosion, comme sur la pochette de l'album de Count Basie, fait penser au physicien Albert Einstein. Le cerveau de ce dernier est au centre de l'histoire racontée par les "Chapters" du groupe Saga. On a ici le Chapitre 6 intitulé Tired World.
  • Le mot World est le lien avec le titre suivant: Big Lie Small World de Sting.
  • Sting fut le leader du groupe The Police qui interprète le morceau suivant: Every Little Thing she does is Magic.
  • La magie fait le lien avec le morceau suivant: Magic Bus du groupe The Who.
  • On continue avec l'ouverture de l'opéra rock Tommy des Who.
  • Tommy constitue le lien avec le titre Tommy Gun de The Clash.
  • Les armes servent à tuer, cela constitue la relation avec le titre suivant: Killer d'Alice Cooper.
  • La pochette du disque d'Alice Cooper représente un serpent qui assure la transition avec le morceau The Snake and The Moon de Dead can Dance.
  • La lune est le point commun avec le titre suivant Moon Goddess de Michael Lington.
  • Le lien suivant est plus ténu (voire capilo-tracté) car le mot Déesse (Goddess) me fait penser au sigle de la voiture DS, sachant que le symbole de la marque sont Les Chevrons, vous avez le titre du morceau de Catharsis.
  • Le mot déesse continue de faire le lien avec Sun Goddess de Ramsey Lewis. On continue avec deux autres titres de ce dernier, Spring High et Spring Fever.
  • Le mot Fever fait le lien avec Fever chanté par Petra Magoni.
  • Le titre suivant est du groupe Blue Fever qui interprète Mama.
  • Mama fait la relation avec Mama Says d'Ibeyi.
  • La relation mère/enfant nous amène au Voodoo Child de Jimi Hendrix.
  • On continue avec le Voodoo Chile Blues du même Jimi Hendrix, puis à la reprise de Voodoo Chile par Stefano Barbati à la guitare acoustique.
  • La guitare acoustique est le point commun avec les morceaux suivants: Ekwa Mwato de Richard Bona, Fragile de Sting et Private Investigations de Dire Straits.
  • Le mot Private fait le lien avec le titre suivant, place à la Dance avec le morceau Private Party.
  • La Dance est le point commun avec le titre Uptown Funk de Mark Ronson.
  • On enchaîne avec I Can't Lose écrit par Mark Ronson et Warren G.
  • Warren G que l'on retrouve pour le morceau rap Regulate.
  • On passe progressivement du rap de Warren G au raggamuffin de Chaka Demus & Pliers, qui font eux-mêmes la transition vers le reggae de Groundation: Jah Jah Know.
  • Le morceau suivant de Groundation s'intitule Hold your Head Up.
  • Le mot Hold fait le lien avec le titre Holding back the years de Simply Red.
  • Le mot years est le lien avec le superbe morceau de London Grammar: Wasting my Young Years.
  • Le mot London fait relation avec le titre d'Ed Sheeran, Take me Back to London.
  • On continue avec Ed Sheeran et on enchaîne Shape of You et Perfect Duet.
  • Le mot Duet établit la relation avec le titre suivant: Duet Jose Rossy & Omar Hakim, un redoutable duo de percussions du groupe Weather Report.
  • On retrouve ce groupe pour leur tube Birdland.
  • Puis le fabuleux bassiste du groupe, Jaco Pastorius, pour le titre: Soul Intro/The Chicken.
  • La basse est de nouveau la vedette du titre Bass & Drum intro du groupe Nils Lofgren Band.
  • La basse est toujours à l'honneur dans cet étonnant Concerto pour guitare basse et Orchestre du compositeur belge Robert Groslot. Ce morceau termine la playlist.


vendredi 10 mars 2023

Szymanowski (Karol)

 

Karol Szymanowski


Karol Szymanowski


Karol Szymanowski est un compositeur, pianiste et musicographe polonais né le 6 octobre 1882 à Tymochivka (alors en Russie, aujourd'hui en Ukraine) et mort le 29 mars 1937 à Lausanne (Suisse).

Dans sa famille il baigne dans une ambiance musicale. Dès son enfance il étudie le piano avec son père, puis avec son oncle, et s'essaie de bonne heure à la composition.

En 1905 il fonde, avec Fitelberg, Rozycki et Szeluto, le groupe "Jeune Pologne" qui reçoit le soutien actif des pianistes Arthur Rubinstein et Heinrich Neuhaus, et du violoniste Paul Kochanski.

Cherchant à s'enrichir de la découverte de contrées toujours plus dépaysantes, Szymanowski réalise de nombreux périples au cours des années 1908-1914. Il séjourne en Italie, en Afrique du Nord, en Sicile, en Egypte, mais également en France, où il est influencé par Debussy.

Il donne plusieurs concerts aux États-Unis, où Pierre Monteux dirige l'une de ses symphonies à Boston, et à Paris, où il rencontre les célébrités musicales de l’époque (Maurice Ravel, Alfred Cortot…).

Au cours de ses années d’enseignement, Szymanowski sacrifie un peu sa carrière de compositeur. 

Tuberculeux depuis son plus jeune âge, il meurt le 29 mars 1937 à Lausanne, à l'âge de 54 ans. Son corps repose au Panthéon des Grands Polonais, à l'église Saint-Michel-et-Saint-Stanislas de Skałka, à Cracovie.

Il nous laisse un peu plus de 60 œuvres dans la plupart des domaines musicaux.

Ce qu'il y a de très intéressant chez Karol Szymanowski, c'est qu'il existe chez lui trois périodes créatrices distinctes (les années précisées ci-dessous sont indicatives et ne sont pas à prendre pour des dates strictes):
  1. De 1900 à 1914, une période romantique où le compositeur est influencé en particulier par Chopin, mais également par Richard Wagner, Richard Strauss et Max Reger.
  2. De 1914 à 1922, une période marquée par un certain éclectisme, influencée par ses voyages en Méditerranée et en Orient. Elle est placée sous le sceau de l'impressionnisme, de l'orientalisme et de la mythologie. Le compositeur est fasciné par la musique de Debussy, Ravel, Stravinsky et certainement également par le symbolisme de Scriabine.
  3. De 1922 à 1934, le compositeur renoue avec ses propres racines et s'intéresse beaucoup à la musique populaire polonaise.
Szymanowski est la personnalité centrale du renouveau de l'école polonaise au début du XXe siècle. Assumant les influences postromantiques, symbolistes et impressionnistes, il a élaboré un langage harmonique et contrapuntique souvent complexe, raffiné et sensuel, qui a ouvert la voie à l'école polonaise contemporaine.

Ce que j'aime le plus chez Szymanowski ce sont les ambiances chatoyantes, aux harmonies mystérieuses, surtout de sa seconde période, et la magnifique utilisation qu'il fait des voix. Le meilleur exemple en est son chef-d'oeuvre, la Symphonie No. 3 "Chant de la Nuit", superbe et envoûtante.

Je vous propose une anthologie chronologique de ses plus belles oeuvres.

Voici les liens vers la playlist.

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A noter également que je propose un large panorama de la musique classique polonaise depuis la renaissance jusqu'à la période contemporaine, mêlant des compositeurs très connus et d'autres moins connus qui méritent une découverte, dans une playlist chronologique. On retrouve dans cette sélection plusieurs œuvres de Karol Szymanowski.


Dans cet article, j'ai préparé une anthologie de sa musique en 10 œuvres emblématiques. Les œuvres sont classées par ordre chronologique de composition.


Première Période: 1900-1914


1907 - Symphonie No. 1 Op. 15





La Symphonie No. 1 en fa mineur op. 15 est une œuvre inachevée qui a été composée entre 1906 et 1907. Prévue pour avoir trois mouvements, elle ne comporte finalement que deux mouvements achevés: le premier Allegro Pathétique et le troisième Allegretto con moto grazioso, alors que le mouvement central n'a pas été instrumenté, et n'a jamais été joué. 

Du vivant de Szymanowski, la symphonie n'a été présentée qu'une seule fois le 26 mars 1909 à Varsovie, sous la direction de Grzegorz Fitelberg. La seconde exécution - toujours avec le même chef - n'a eu lieu qu'après la mort de Szymanowski, le 6 octobre 1938 à la Radio polonaise à Varsovie.

Szymanowski n'aimait pas cette Symphonie. Dans une lettre à A. Klechniowska, en date du 11 juillet 1906, il écrit : « elle s'est révélée être une sorte de monstre orchestral à la fois contrapuntique et harmonique ».

Je trouve Szymanowski un peu sévère envers lui-même car cette symphonie romantique a de beaux élans. De plus, son orchestration est intéressante et ménage par moments un mystère que l'on retrouvera magnifié dans des œuvres ultérieures.

J'ai sélectionné la version dirigée par Karol Stryja à la tête de l'Orchestre Philharmonique de l'Etat Polonais (Katowice). La symphonie dure environ 20 minutes.





Seconde Période: 1914-1922


1914 - Chants d'Amour de Hafiz Op. 26




Szymanowski écrit initialement 6 mélodies pour voix et piano sur des textes d'un poète perse du XIVe siècle, Hafiz de Shiraz. Il aime tellement la poésie de Hafiz, qu'il décide d'orchestrer 3 des 6 poèmes et d'en ajouter 5 nouveaux. L'œuvre devient donc les "Chants d'Amour de Hafiz" pour voix et orchestre.

Les "Chants d'Amour de Hafiz" marquent la transition de sa période néoromantique, dans la lignée de Wagner et Strauss, vers sa deuxième période marquée par l'influence de l'orient.

Les poèmes ont été traduits en allemand par Hans Bethge, qui avait également traduit les poèmes chinois du "Chant de la Terre" que Gustav Mahler a mis en musique.

Les principaux thèmes de ces poèmes sont l'amour, le vin, la beauté physique, l'ivresse et la mort.

Les textes sont parfois chantés en polonais. C'est le cas dans la version dirigée par Karol Stryja, et interprétée par le ténor Ryszard Minkiewicz.

Voici la version audio d'une première moitié de l'œuvre.



J'ai également sélectionné dans l'album choisi un air fameux de Szymanowski, l'air de Roxana extrait de son opéra le "Roi Roger". L'air est chanté par la soprano Barbara Zagórzanka.





1915 - Chants de la Princesse des contes de fées Op. 31




On retrouve sur cet album à peu près les mêmes œuvres que celles de l'album précédant. La principale différence est que toutes les œuvres sont ici interprétées par des voix féminines.

Ici on trouve, il me semble, la meilleure version des "Chants de la Princesse des contes de fées", interprétés par la soprano Isabella Klosinska, accompagnée par l'Orchestre de l'Opéra d'Etat Polonais dirigé par Robert Satanowski.

Szymanowski a mis en musique trois poèmes de sa sœur Zofia Szymanowska. On retrouve dans sa musique des thèmes anciens et orientaux, et une influence de l'impressionnisme musical.

Il s'agit d'une de mes œuvres préférées du compositeur. On remarquera au passage la superbe pochette illustrée par le tableau "Les Vierges" de Gustav Klimt.

La musique influencée par l'orient de Szymanowski se caractérise par une mélodie colorature qui reflète l'émotion de la voix, des séquences chromatiques (imitant les micro-intervalles), des basses mélodiques, harmoniques et rythmiques, différentes percussions et, finalement, ses qualités expressives d'extase, de ferveur et de passion, qui sont l'essence de l'art perse.

Voici ces 3 poèmes.


1. La Lune solitaire. Dans ce morceau on appréciera notamment les vocalises de la chanteuse.



2. Le Rossignol. Ici l'évocation de l'oiseau qui virevolte n'est pas sans faire penser à "L'oiseau de feu" de Stravinsky.




3. La Danse. Dans ce dernier morceau, on retrouve de magnifiques vocalises.





1915 - Métopes Op. 29




En 1914, le compositeur se réfugie dans son village natal en Ukraine et y reste jusqu'à la Révolution Russe. Il revient d'un long séjour en Europe, en Sicile et en Afrique du nord, où il puise son inspiration pour les œuvres de ces années. 

Son style s'approche alors de l'impressionnisme debussyste et inaugure une série de musique à programme avec ses Métopes Op.29 pour piano, ses Mythes Op.30 pour violon et piano, et ses Masques Op.34 pour piano, ces trois œuvres formant une sorte de trilogie méditerranéenne, où prédomine l'influence de légendes de la Grèce antique.

Les Métopes, voilà un titre bien étrange. La définition de métope est la suivante: une métope est un panneau architectural de forme rectangulaire, le plus souvent décoré de reliefs. Elle est située au-dessus de l'architrave, en alternance avec les triglyphes (dans l'ordre dorique). L'ensemble forme une frise.

Les Métopes du compositeur sont inspirées de celles du temple de Sélinonte, situé sur la côte sud de la Sicile, qui sont conservées au musée de Palerme, et relatent trois épisodes de l'Odyssée d'Homère.

Elles se composent de trois pièces dont l'exécution dure environ vingt minutes :
  1. L'île des sirènes
  2. Calypso
  3. Nausicaa
J'ai sélectionné la version interprétée par le pianiste polonais Piotr Anderszewski.

Voici le premier mouvement, "L'île des sirènes".





1915 - Mythes Op. 30




Composée en 1915 à Zarudzie (Ukraine) et dédiée à son épouse Sophie, cette œuvre est jouée le 21 novembre 1921 à Budapest avec Joseph Szigeti au violon et Béla Bartók au piano.

Il s'agit de la seconde œuvre de cette période méditerranéenne et impressionniste.

Le caractère de cette musique est nettement slave, notamment dans le premier morceau. La pièce est en trois parties.
  1. La Fontaine d'Aréthuse (Aréthuse est le nom d'une nymphe), un morceau plein de mélancolie où se lit aussi l'influence de Chopin, Scriabine et Ravel,
  2. Narcisse, est marqué par un bithématisme et un lyrisme plus net, 
  3. Dryades et Pan, le finale, oppose la danse des Dryades et le personnage de Pan, satyre perturbateur dont la flûte affole et disperse ces dernières.
La version de référence est celle d'Alina Ibragimova au violon et Cédric Tiberghien au piano. Cet album a d'ailleurs été récompensé par un diapason d'or.

Sous Youtube, j'ai choisi la version interprétée par Diana Tischchenko au violon et Joachim Carr au piano.





1915-1916 - Masques Op. 34




L'œuvre "Masques" constitue un des sommets des pièces pour piano de Szymanowski. La partition est influencée par des compositeurs comme Stravinsky, Scriabine ou Debussy.

Les atmosphères sont vives et les textures diaprées, on y sent encore l'apport de l'exotisme méditerranéen.

La pièce est en 3 parties et dure environ 23 minutes.

Quel pianiste plus talentueux que le polonais Krystian Zimerman, pour mettre en valeur cette œuvre magnifique et virtuose ?

La première partie s'intitule "Shéhérazade", et Szymanowski nous décrit l'héroïne avec toute sa sensualité.



La second partie, "Tantris le bouffon", est basée sur la pièce d'Ernst Hardt qui a subverti Tristan et Isolde. Il décrit un Tristan (appelé Tantris) se déguisant en bouffon afin de rencontrer Isolde. La musique a l'impact d'un "Pétrouchka" de Stravinsky.



La troisième et dernière partie, "Sérénade de Don Juan", se moque du séducteur qui tente désespérément d'accorder sa guitare.





1916 - Symphonie No. 3 Op. 27 "Le Chant de la Nuit"



La symphonie No. 3 "Le Chant de la Nuit" est sans conteste l'œuvre la plus célèbre de Szymanowski et son chef-d'œuvre absolu. Si vous découvrez ce compositeur, je vous recommande de commencer par l'écoute de cette œuvre fantastique.

Il s'agit d'une symphonie pour ténor et chœur. Elle met en musique des poèmes du XIIIe siècle du poète persan Jalâl ul Dîn Rûmi, traduits en polonais par Tadeusz Micinski.

Szymanowski métamorphose en musique cette poésie nocturne et érotique, par une orchestration chamarrée, luxuriante et mystérieuse, et une utilisation phénoménale du chœur.

La symphonie est en 3 mouvements:
  1. Moderato assai
  2. Vivace, scherzando
  3. Largo
Son exécution dure à peu près vingt-cinq minutes.

Le premier mouvement évoque la supplique de Roumi à sa bien-aimée, lui demandant de ne pas dormir toute la nuit. 

Il est suivi par un exotique scherzo, imprégné de danse, dans lequel le chœur sans paroles enrichit la texture avec des harmonies lumineuses. 

Le mouvement lent conclusif évoque l'union avec la bien-aimée, confondue avec la divinité. Il débute par un passage très dépouillé et passe par des culminations successives d'un extrême raffinement orchestral, mettant notamment en avant les solos pour violon, les bois et percussion.

Au disque, je recommande la version dirigée par Antal Dorati, avec The Kenneth Jewell Chorale et le Detroit Symphony Orchestra. Le ténor est Ryszard Karczykowski. On est littéralement envoûté par l'orchestre et le chœur.

A noter qu'il existe une version pour soprano et chœur qui n'est pas inintéressante, avec Stefania Woytowicz (soprano) dirigée par Tadeusz Strugala. (L'album qui contient cette version fait d'ailleurs partie de ma sélection, voir plus loin l'album sélectionné pour le Stabat Mater).

Sous Youtube on trouve une version qui, pour moi, se hisse au même niveau de qualité. Il s'agit de la version dirigée par Jacek Kaspszyk à la tête du Warsaw Philharmonic Orchestra & Choir et Rafal Bartminski, ténor.





1916 - Concerto pour violon No. 1 Op. 35



Le Concerto pour violon No. 1 op. 35 de Karol Szymanowski a été composé en 1916, alors que le compositeur résidait à Zarudzie, en Ukraine.

Paweł Kochański, violoniste et ami de Szymanowski, le conseilla sur la technique délicate du violon lors de la composition de ce concerto, d'une grande virtuosité, et il en écrivit plus tard la cadence. L'œuvre lui est dédiée.

Ce concerto est sans doute inspiré par un poème de Tadeusz Miciński intitulé "Noc Majowa". Il privilégie une atmosphère de rêve féerique, avec une musique somptueuse et extatique. 

D'une grande complexité, il exploite toute l'étendue de l'instrument, mettant en particulier en avant le lyrisme du registre le plus aigu, auquel répondent les bois aigus colorés par diverses percussions (célesta, glockenspiel), auxquelles s'ajoutent la harpe et le piano. 

On y entend des influences de Scriabine et Stravinsky, mais l'intensité hallucinatoire de la musique, de même que la forme en un seul mouvement sont particulières à Szymanowski.

Il est créé le 1er novembre 1922 à Varsovie, avec pour soliste Józef Ozimiński. C'est depuis une des œuvres les plus populaires du compositeur. Dans l'esprit, il est assez proche de la Symphonie No. 3.

Sa durée d'exécution est d'environ 25 minutes.

Au disque, j'ai choisi la version avec Konstanty Kulka au violon, le Polish Radio National Symphony Orchestra est dirigé par Jerzy Maksymiuk.

En outre, ce double album constitue une superbe introduction à la musique de Szymanowski car il offre un panorama complet. Il contient: les 2 concertos pour violon, la symphonie concertante No. 4, la symphonie No. 3, les Litanies à la vierge Marie et le Stabat Mater.

Sous Youtube, je vous propose la version interprétée par Isabelle Faust, le NHK Symphony Orchestra est dirigé par Masaru Kumakura.





Troisième Période: 1922-1934


1925-1926 - Stabat Mater Op. 53



Szymanowski composa ce Stabat Mater à la demande de Bronislaw Krystall, mélomane et bienfaiteur des arts, en mémoire de sa femme Izabela.

Le Stabat Mater est en 6 parties et s'appuie sur un texte en polonais qui est la traduction d'une séquence du 13ème siècle. L'œuvre a une durée d'environ 30 minutes.

Le choix de la langue était très important pour Szymanowski qui ne souhaitait pas écrire son œuvre sur un texte latin, langue sublime certes, mais totalement figée et qui avait perdu son contenu émotionnel. Au contraire, Szymanowski était convaincu que l'utilisation du polonais aurait une charge affective bien plus importante.

La création de l'œuvre, le 11 Janvier 1929, lui donna raison car ce fut un succès éclatant. Ce Stabat Mater eu un impact important sur le futur de la musique sacrée polonaise, son influence perdura et continue de se faire sentir dans des œuvres comme le Beatus Vir (1979) de Gorecki ou le Requiem polonais (1980/84) de Penderecki.

Au disque, j'ai choisi la version dirigée par Stanislaw Wislocki à la tête du Grand Orchestre Symphonique de la Radio et de la Télévision Polonaise de Katowice, avec Andrzej Hiolski (baryton) et Stefania Woytowicz (soprano), que l'on retrouve dans la Symphonie No. 3 offerte en couplage.

Je signale au passage une autre très bonne version: celle dirigée par Simon Rattle.

Sous Youtube, j'ai sélectionné la version dirigée par Markus Stenz à la tête du Radio Philharmonic Orchestra et du Netherlands Radio Choir, avec Chen Reiss (soprano), Gerhild Romberger (contralto) et Mark Stone (baryton).






1932 - Symphonie concertante No. 4 Op. 60 pour piano et orchestre





Terminons cette anthologie avec la Symphonie Concertante No. 4 qui est une des dernières œuvres achevées du compositeur. Elle est inspirée par la musique des Tatras, et on y sent également les influences de Bartok et Prokofiev.

Cette symphonie est en 3 mouvements et dure environ 27 minutes.
  1. Moderato - tempo commodo: le premier mouvement est en forme sonate, la musique est sereine et même joyeuse.
  2. Andante molto sostenuto: le mouvement démarre par une large mélodie pour flûte solo et violon solo. On assiste ensuite à un grand crescendo suivi d'un calme.
  3. Allegro non troppo, ma agitato ed ansioso: enchainé directement, le troisième mouvement contient un rythme d'oberek, une danse en rond, très vive, presque orgiaque. Ensuite une mazurka est confiée au piano.
Cette Symphonie a généralement un esprit très polonais. La forme lui donne un caractère néo-baroque qui fait penser à du Stravinsky.

Voici le troisième mouvement dans la version de Jan Krzysztof Broja (piano) accompagné par le Warsaw Philharmonic Orchestra dirigé par Antoni Wit.









vendredi 10 février 2023

Hahn (Reynaldo)

 

Reynaldo Hahn


Reynaldo Hahn


Reynaldo Hahn, né le 9 août 1874 à Caracas et mort le 28 janvier 1947 à Paris, est un compositeur, chef d'orchestre, chanteur et critique musical français d'origine vénézuélienne.

Reynaldo Hahn est né d’un père issu de la bourgeoisie juive de Hambourg et d’une mère vénézuélienne. La famille s’installe à Paris en 1878, alors que Reynaldo a trois ans, et fréquente les milieux les plus en vue de la capitale. Très rapidement, l’enfant montre des dons musicaux hors du commun et compose quelques-unes de ses mélodies les plus célèbres avant même sa quinzième année. 

Élève de Théodore Dubois et surtout de Jules Massenet, il est tôt remarqué par ce dernier dont il restera l’un des disciples favoris.

Dans les salons parisiens les plus huppés (chez la princesse Mathilde, la comtesse de Guerne ou chez Madeleine Lemaire), Reynaldo Hahn chante ses mélodies en s'accompagnant au piano. Il s'illustrera brillamment dans ce genre musical durant la première partie de sa vie. Il rencontre de grands noms comme Stéphane Mallarmé ou Edmond de Goncourt. 

Chez Madeleine Lemaire, en 1894, alors qu'il est invité pour chanter "Les Chansons grises", il fait la connaissance de Marcel Proust dont il devient l'ami, et l'amant, jusqu'en 1896. Il entretiendra une amitié avec l'écrivain jusqu'à la mort de celui-ci.

Ses œuvres sont régulièrement exécutées, tels les opéras "L’Île du rêve" (1898), "La Carmélite" (1902), le ballet "La Fête chez Thérèse" (1907), créés à l’Opéra-Comique, ou l’oratorio "Prométhée triomphant" donné en 1908 aux Concerts Lamoureux. 

Naturalisé français en 1907, Reynaldo Hahn est mobilisé en 1914 ; les années qu’il passe au front le marqueront profondément, même si son désarroi n’apparaît qu’en filigrane dans la musique qu’il écrit durant ce temps d’épreuves. 

Durant la période de l’entre-deux guerres il compose plusieurs œuvres symphoniques, de la musique de chambre, l’opérette "Ciboulette", qui remporte un triomphe en 1923, collabore avec Sacha Guitry pour les comédies musicales "Mozart" et "Ô mon bel inconnu", et fait représenter en 1935, au Palais Garnier, l’opéra "Le Marchand de Venise". 

Parallèlement à son activité de compositeur, il poursuit une carrière de chef d’orchestre et dirige à l’Opéra de Paris ainsi qu’au Casino de Cannes  dont il élève singulièrement le niveau des représentations. 

Il fut directeur de l'orchestre du Casino de Deauville de 1925 à 1929, une rue de Deauville porte d'ailleurs son nom.

Les origines juives de Reynaldo Hahn le contraignent à quitter Paris en 1941 pour s’installer à Toulon, puis à Monte-Carlo. De retour dans la capitale en février 1945, il est élu membre de l’Institut, puis nommé directeur du Théâtre National de l’Opéra où il conduit notamment des représentations de quelques opéras de Mozart dont il est depuis longtemps un fervent interprète. 

Gravement atteint dans sa santé, il meurt à Paris, le 28 janvier 1947.

Il est caricatural de ne considérer Reynaldo Hahn que comme le compositeur de quelques mélodies célèbres et d’une opérette à succès intitulée "Ciboulette". L'appellation qui lui colle à la peau de "compositeur de la Belle Epoque" est très réductrice. 

Hahn est bien davantage que tout cela, et une écoute approfondie de son œuvre révèle des trésors cachés et une grande profondeur. Auteur caméléon, il est à l’écoute d’une période qui connut les bouleversements esthétiques peut-être les plus radicaux de l’histoire de la musique.

Reynaldo Hahn laisse environ 150 œuvres musicales dans tous les genres. 

Je vous ai concocté une petite anthologie en 23 œuvres que j'ai classées chronologiquement.

Voici les liens vers la playlist.

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De plus, vous trouverez ci-dessous une petite sélection discographique en 10 œuvres que j'ai classées chronologiquement.



1892 - L'Heure exquise, extraite du cycle Les Chansons Grises



"Les Chansons grises" constituent le premier des sept cycles importants de mélodies de Reynaldo Hahn. Elles tiennent une place remarquable dans la production musicale de ce compositeur : tout en réunissant de façon cohérente sur le plan littéraire sept poèmes de Paul Verlaine n’appartenant pas à un même recueil, elles s’illustrent par une unité musicale prouvant la maturité artistique et la maîtrise technique d’un jeune compositeur âgé seulement de dix-sept ans. 

C'est en interprétant "Les Chansons grises" chez Mme Lemaire au printemps 1894, que Reynaldo Hahn fait la connaissance de Marcel Proust qui était aussi invité à cette réception musicale.

J'ai sélectionné pour commencer cette anthologie une des mélodies les plus célèbres de Hahn, "L'heure exquise". Cette mélodie, initialement pour voix et piano, est souvent interprétée par un instrument soliste et le piano. En l'occurrence, j'ai choisi une version pour violon et piano interprétée par Maria et Nathalia Milstein. 

Cette pièce est extraite d'un album intitulé "La Sonate de Vinteuil", du nom d'un compositeur imaginaire, inventé par Marcel Proust dans son cycle de romans "A la recherche du temps perdu". "La Sonate de Vinteuil" représente une énigme car on ne sait toujours pas avec exactitude quelle oeuvre a servi de modèle à Proust, si tant est que Proust se soit inspiré d'une (ou de plusieurs) œuvres existantes.

Voici, pour commencer, "L'Heure exquise" interprétée par Maria Milstein au violon et Nathalia Milstein au piano.



Et, comme la version originale est pour voix et piano, je ne pouvais manquer de vous la faire écouter ainsi. Voici l'interprétation d'Héloïse Koempgen-Bramy (soprano) et Gilles Nicolas (piano).





1898 - L'Ile du rêve



Les opéras trop brefs de la fin du XIXème siècle sont complètement passés à la trappe. Mais, grâce au Palazzetto Bru Zane qui s'intéresse à la musique française romantique de la fin du XIXème siècle, on peut enfin redécouvrir cette pépite composée par Reynaldo Hahn alors que celui-ci n'a que 24 ans.

Hahn écrit cet opéra inspiré du "Mariage de Loti" de Pierre Loti, sur un livret de Georges Hartmann et André Alexandre. Il s'agit d'une oeuvre romantique sur un sujet exotique: les amours malheureuses d'une jeune tahitienne (Mahénu) avec un militaire français (Georges de Kerven, dit Loti). Il s'agit d'un sujet très à la mode à l'époque et qui a donné d'autres œuvres fameuses telles que Madame Butterfly de Puccini ou Lakmé de Delibes. 

L'opéra est en trois actes et dure une heure environ. On notera que le troisième acte fut composé durant l'été à Villers-sur-Mer où il séjourna en 1892.

L'album publié par le Palazzetto Bru Zane est dirigé par un habitué des réalisations de cet éditeur, il s'agit d'Hervé Niquet. Il est à la tête du Münchner Rundfunkorchester. On remarque dans la distribution Hélène Guilmette dans le rôle de Mahénu et Cyrille Dubois (le merveilleux interprète des mélodies de Fauré) dans le rôle de Loti.

Je vous ai sélectionné trois extraits qui montrent la belle maîtrise de Hahn en ce qui concerne les couleurs de l'orchestre et l'utilisation des voix.

Acte 1: O pays de Bora-Bora.



 Acte 3: Prélude et Chœur. Tihi 'ura teie.



Acte 3: Non, Mahénu ...





1905 - Pavane d'Angelo



S'il est un domaine où Reynaldo Hahn a donné la pleine mesure de son talent et de son exquise sensibilité, c'est bien la musique pour piano. C'est là que l'on retrouve à mon avis les pièces intimistes les plus profondes et les plus originales, et même si l'on sent parfois l'influence de Chopin, le style de Hahn reste très personnel. Il faut également reconnaître l'extrême précocité du compositeur puisqu'il écrit ses premières pièces dès l'âge de huit ans.

J'ai sélectionné ce merveilleux coffret interprété par Alessandro Deljavan qui nous livre, en 4 CDs, l'intégrale de la musique pour piano de Hahn.

La première pièce que j'ai sélectionnée est une Pavane composée en 1905 et dédiée à son amie Sarah Bernhardt à l'occasion de la reprise de la pièce de Victor Hugo "Angelo, tyran de Padoue". Il s'agit pour moi du plus beau morceau pianistique de Hahn par sa délicatesse et son côté archaïsant.



En 1915, Hahn réalise "Les jeunes lauriers", une marche enjouée qui rappelle Schubert. Elle est donnée aux bénéfice des soldats du 31ème régiment d'infanterie pendant la première guerre mondiale.



Hahn a également composé de nombreuses valses. Voici "Ninette" qui fait partie des "Premières Valses" composées en 1898. Une courte pièce qui déborde de dynamisme.



Composé en 1912, le cycle "Le Rossignol éperdu" est certainement l'oeuvre pianistique la plus ambitieuse et la plus personnelle de Hahn. Le cycle comprend 53 poèmes distribués en quatre parties intitulées respectivement: Série I, Orient, Carnet de Voyage et Versailles. Il s'agit d'une sorte de journal intime en musique dans lequel Hahn se livre tout entier et partage ses souvenirs de voyage, son émotion devant la nature et son amour pour la France.

J'ai choisi le morceau qui se trouve dans la série "Orient" et qui s'intitule "Rêverie nocturne sur le Bosphore" qui évoque les paysages que l'on voit depuis Istanbul.



On termine avec un morceau extrait des "Portraits de Peintre". Composé en 1894, ce cycle de 4 pièces illustre 4 peintres et était supposé accompagner des poèmes de Marcel Proust. Hahn aime tous les arts, et en particulier la peinture. J'ai choisi le portrait d'Antoine Watteau où le piano du compositeur se fait chatoyant de couleurs.





1916 - À Chloris



La beauté éminemment française des mélodies de Reynaldo Hahn réside dans leur charme tempéré d’un esprit classique. On l’entend clairement dans "À Chloris" (1916), pastiche néo-baroque dans le style d’un air expressif, sur des paroles du poète du XVIIème siècle Théophile de Viau.

J'ai sélectionné la version interprétée par Véronique Gens (soprano) et Susan Manoff (piano). La distinction et la diction de Véronique Gens font merveille dans ce répertoire.



Une version au disque c'est bien, mais une version live c'est mieux, surtout quand la chanteuse est la lumineuse Lea Desandre. Voici donc une autre version du sublime "À Chloris".



Revenons à l'album de Véronique Gens, j'ai également choisi le morceau "Néère" extrait des "Etudes Latines" (1910) et qui donne son titre à l'album. Une pièce mélancolique tirée des "Poèmes antiques" de Leconte de Lisle.



On termine avec "Pholoé", toujours tiré des "Etudes Latines".





1922 - Quintette avec Piano



Composée entre 1917 et 1922, la partition est publiée l'année suivante par les éditions Heugel. L’œuvre est créée le 28 novembre 1922 à Paris, salle Gaveau, par les interprètes Magda Tagliaferro, Jules Boucherit, Jacques Gasselin, Oscar Englebert et Gérard Hekking à la Société philharmonique de Paris.

Le quintette est en trois mouvements :
  • Molto agitato e con fuoco en fa dièse mineur, mouvement à "l'élégante franchise rythmique" ;
  • Andante (non troppo lento) en mi majeur, mouvement à la "pénétrante mélancolie" ;
  • Allegretto grazioso en fa dièse majeur, à deux temps (noté alla breve), mouvement plein de verve avec ses "rentrées ingénieusement ménagées et qui se termine en strette d'un dynamisme irrésistible".

J'ai sélectionné la version du Quatuor Tchalik et Dania Tchalik au piano. L'album nous permet d'entendre en outre les deux quatuors à cordes de Hahn.

Voici le premier mouvement du quintette dans une version live du Quatuor Tchalik et Dania Tchalik.




1923 - Ciboulette




Ciboulette est une opérette en trois actes, sur un livret de Robert de Flers et Francis de Croisset, créée le 7 avril 1923 au théâtre des Variétés à Paris.

Il s'agit sans doute de l'oeuvre lyrique la plus connue du compositeur, mais qui ne représente que le versant mondain de son auteur, ce qui a entraîné une vision déformée de celui-ci, car même s'il ne faut pas négliger cet aspect, comme on le voit cela n'est pas représentatif de toute l'oeuvre du compositeur.

Reynaldo Hahn avait un talent particulier pour trousser de jolies mélodies, il ne s'en prive pas dans cet opérette, dont voici l'argument:

En 1867 à Paris, une jeune maraîchère, Ciboulette, se fait prédire un magnifique mariage, mais la prédiction ne peut se réaliser que dans des circonstances farfelues. Elle rencontre un riche jeune homme, Antonin de Mourmelon. Elle le rencontre à nouveau, dans les circonstances décrites, mais Antonin la quitte pour une ancienne maîtresse, Zénobie. Présentée au compositeur Olivier Métra, Ciboulette devient ensuite une chanteuse vedette sous le nom de Conchita Ciboulero. Elle finit par épouser Antonin de Mourmelon.

J'ai sélectionné la version, disponible uniquement en Blu Ray et DVD, interprétée par Julie Fuchs dans le rôle de Ciboulette et dirigée par Laurence Equilbey.

Voici quelques extraits.

L'air "Moi, j'm'appelle Ciboulette" par Julie Fuchs.



Le duo "Nous avons fait un beau voyage" par Julie Fuchs et Jean-François Lapointe.



Le finale de l'opérette donné aux Chorégies d'Orange.





1927 - Concerto pour violon



S'il est une oeuvre de Reynaldo Hahn qui est restée méconnue, c'est bien ce concerto pour violon: il faut en effet attendre 2016 pour avoir le premier enregistrement mondial de cette oeuvre et quand on l'écoute cela semble assez incompréhensible. Il faudrait arrêter avec cet ostracisme et jouer plus souvent ce compositeur au concert!

Le concerto fut écrit vraisemblablement au cours des années 1926-1927 et dédié au violoniste Jules Boucherit. Il s'agit d'une oeuvre remarquable de solide facture aux superbes envolées.

Il est en 3 mouvements:
  • Décidé: Le premier thème est volontaire, le second est interrogateur. Le développement fait appel à un thème jazzy avec une grande importance accordée aux cuivres.
  • Chant d'amour - Souvenir de Tunis. Indiqué "Lent et calme", le mouvement est très tranquille.
  • Lent (récitatif). Vif et Léger: le concerto se termine dans une atmosphère de fête.
Voici donc la version de ce concerto par Denis Clavier au violon, l'Orchestre Philharmonique de Lorraine est dirigé par Fernand Quattrocchi.


 


1931 - Concerto pour piano




Le concerto pour piano de Reynaldo Hahn n'est guère plus gâté, restant très rare au disque. Heureusement, il figure en bonne place dans ce joyau qu'est l'album de Shani Diluka, une pianiste française d'origine srilankaise. 

Intitulé "The Proust Album", il est, comme son nom l'indique, consacré aux compositeurs qui étaient appréciés par l'auteur de "A la recherche du temps perdu". 

On retrouve également dans cet album un superbe Nocturne, qui selon Shani Diluka, pourrait parfaitement être une illustration de la fameuse "sonate de Vinteuil".

Quant au concerto, il fait appel à une redoutable virtuosité et à une belle volubilité des harmonies. L'Orchestre de chambre de Paris, sous la direction d'Hervé Niquet nous livre une version qui fait honneur au tapis mordoré des sons voulus par Hahn.

Le concerto qui fut dédié à la pianiste Magda Tagliaferro est en trois mouvements:
  1. Improvisation: Modéré très librement
  2. Danse: Vif
  3. Rêverie, Toccata et Finale: Lent – Gai, fortement rythme, pas trop vite – Allegro
Le voici interprété souverainement par Shani Diluka.

I. Improvisation.



II. Danse.



III. Rêverie, Toccata et Finale.





1933 - Ô mon bel inconnu



"Ô mon bel inconnu" est une comédie musicale donnée en 1933 pour la première fois au Théâtre des Bouffes-Parisiens à Paris composée par Reynaldo Hahn sur un livret de Sacha Guitry.

Voici un résumé de l'intrigue:

Dans une boutique de chapelier, Prosper Aubertin, honnête commerçant, vend des chapeaux, assisté de sa femme Antoinette, de sa fille Marie-Anne et de sa bonne Félicie. L'existence n'est pas bien drôle, parmi tous ces chapeaux... Aussi la famille Aubertin passe son temps à se disputer et à s'ennuyer. 

Le brave chapelier commence à rêver d'aventures: il fait paraître dans un journal une annonce : "Monsieur, célibataire, désire trouver âme sœur." 

Il reçoit cent cinquante réponses. Mais deux lettres lui arrachent des cris de surprise et d'indignation : elles sont l'une de l'écriture de sa femme, l'autre de celle de sa fille. Puis, il réfléchit et s'attendrit. 

Afin de les piéger il organise un séjour à Biarritz dans une belle villa où viennent sa femme, sa fille et sa bonne. Au final, la bonne échoit à M. Victor, le propriétaire de la villa. Celui-ci ramène la femme d'Aubertin dans le droit chemin. Quand à la fille de Mr Aubertin, on lui fera croire que c'est un charmant jeune homme, qui l'avait remarquée dans la boutique paternelle, qui lui a écrit à la poste les lettres qui l'ont fait rêver. Tout rentre dans l'ordre.

C'est à nouveau le Palazzetto Bru Zane qui nous permet d'entendre cette oeuvre dirigée par Samuel Jean, avec Véronique Gens dans le rôle d'Antoinette, Olivia Doray est Marie-Anne, Éléonore Pancrazi est Félicie et Thomas Dolié joue Prosper Aubertin.

Voici quelques extraits de cette oeuvre légère et comique.

Acte I: Ouverture.



Acte I: V. Duo. "Mais ! vous m'avez pincé le derrière !"



Acte II, Premier tableau: I. Entracte



Acte II, Second tableau: II. Trio. "Ô mon bel inconnu"




1944 - Concerto Provençal



On termine cette anthologie avec le Concerto provençal. C'est l’une des dernières œuvres de Reynaldo Hahn, qui a sans doute été composée autour de 1944. 

Il connaît une création radiophonique sur les ondes de la Radiodiffusion Française, le 30 juillet 1945, sous la direction d’André Girard ; la première exécution publique a lieu à Paris, le 7 avril 1946, sous la direction de Fernand Oubradous, qui en assure dans la foulée l’enregistrement pour les disques La Voix de son Maître. 

Il s’agit d’un concerto grosso faisant dialoguer un ensemble d’instruments à vent (flûte, clarinette, basson et cor) avec un orchestre à cordes, chacun de ses trois mouvements évoquant un arbre caractéristique de la Provence.

Les 3 mouvements sont:
  1. Sous les platanes
  2. Sous les pins
  3. Sous les oliviers
J'ai sélectionné un album de l'Ensemble Initium qui nous offre un panorama complet de la musique pour orchestre de chambre de Reynaldo Hahn.

Voici le troisième mouvement du concerto provençal: "Sous les oliviers". Une pièce enjouée où les instruments à vent ont la vedette.