vendredi 31 juillet 2020

Les Classiques de Gainsbourg

Gainsbourg et la musique classique



Serge Gainsbourg


Gainsbourg était un faussaire de génie et a amplement pillé la musique classique pour l'intégrer de manière plus ou moins réussie dans sa musique.

Voici quelques-uns de ses "emprunts". J'ai d'abord cité la chanson de Serge Gainsbourg, puis la musique originale dont elle s'inspire.

Poupée de cire, poupée de son

En voici tout d'abord une adaptation pour orchestre de Jazz:


On prétend que le thème est inspiré par le 4ème mouvement de la sonate No. 1 de Beethoven. Pour moi ce n'est pas évident. Voici néanmoins la sonate interprétée par Daniel Barenboïm:




Charlotte for ever

Il s'agit d'un duo entre Gainsbourg et sa fille Charlotte:







Ce morceau est inspiré par l'Andantino de Khatchaturian extrait de son "Album pour les enfants" pour piano, en voici une interprétation par Lang Lang:





Baby Alone in Babylone

On retrouve la voix douce, à la limite de la rupture, de Jane Birkin dans cette ballade mélancolique:



La superbe mélodie de ce morceau provient du 3ème mouvement de la Symphonie No. 3 "Tragique" de Johannes Brahms. 




Dépression au dessus du jardin


Cette chanson mélancolique est interprétée par Gainsbourg en parlé-chanté. Gainsbourg en a emprunté le thème à un de ses compositeurs préférés: Chopin. Il s'agit de l'étude No. 9 Op. 10, en voici une version interprétée par Valentina Lisitsa:




Jane B.

De nouveau une chanson taillée sur mesure pour Jane Birkin:


Cette chanson s'inspire à nouveau de Chopin. Il s'agit cette fois du Prélude No. 4 Op. 28. Le voici par Khatia Buniatishvili:





Lemon Incest

Voici encore un duo entre Gainsbourg et sa fille Charlotte:



Encore un emprunt à Chopin. Il est facile de reconnaître la célèbre étude No. 3 Op. 10:



Initials B.B.

Cette chanson est un hymne à Brigitte Bardot:



Pour cette chanson, Gainsbourg s'est librement inspiré du 1er mouvement de la Symphonie No. 9 "du nouveau monde" de Dvorak. Plutôt que d'un simple plagiat, je pense qu'il faut ici parler d'une réinterprétation car le tempo n'est pas le même et la mélodie diverge rapidement.



Lost Song

Encore une chanson interprétée par Jane Birkin tirée de la musique classique. Jane Birkin en donnera d'ailleurs une version plus classique et plus proche de l'original dans son album de 2017: "Birkin Gainsbourg Le Symphonique":


Cette chanson provient du "Chant de Solveig" tiré de la musique de scène pour Peer Gynt d'Edvard Grieg, en voici une version par Anna Netrebko:



Ma Lou Marilou

Sur un rythme reggae - c'était une première à l'époque pour Gainsbourg qui n'avait pas encore sorti ses albums reggae - voici "Ma Lou Marilou" sur le génial album "L'homme à tête de chou":


Derrière ce titre se cache, étonnamment, la sonate No. 23 "Appassionata" de Beethoven. En voici une version par Daniel Barenboïm. On entend le thème utilisé par Gainsbourg vers 1:50.



Requiem pour un c..

Ce morceau est extrait de la bande originale du film "Le Pacha":


Ce morceau, aux superbes percussions, s'inspire librement du 4ème mouvement de la Symphonie du nouveau monde de Dvorak. Il faut avoir une bonne écoute pour retrouver le morceau de Gainsbourg dans le thème principal de ce mouvement:



My Lady Héroïne

Cette ballade sans prétention sort en 45 tours en 1977:


Le thème de ce morceau provient d'une pièce orchestrale d'Albert Ketelbey intitulée "Sur un marché persan". Gainsbourg ne s'en cache pas, puisqu'il conclut sa chanson en clin d'oeil:


"Oh ma lady héroïne
Mon opium ma cocaïne
Es-tu venue d'Extrême-Orient
Ou bien d'un marché persan."



Quizz

Gainsbourg n'a pas seulement emprunté à la musique classique. Il a également plagié trois morceaux du musicien nigérian Babatunde Olatunji dans son album "Gainsbourg percussions", sans le créditer.

Voici les trois morceaux originaux extraits de l'album "Drums of Passion" paru en 1960. Saurez-vous reconnaître les morceaux correspondants chez Gainsbourg ?

Akiwowo


Jin-go-lo-ba (à noter que ce titre a également inspiré "Jingo" à Carlos Santana)


Kiya Kiya

mardi 28 juillet 2020

Serge Gainsbourg - Du Jazz dans le Ravin

Serge Gainsbourg


Serge Gainsbourg et le Jazz


Né en 1928 et mort en 1991 à Paris, Serge Gainsbourg est un de mes artistes français préférés. Il était donc normal que je lui consacre cet article.

Il se trouve qu'en 1996 sort cette compilation "Du Jazz dans le ravin" qui regroupe quelques-unes des meilleures chansons de la période Jazz de Gainsbourg.

C'est cette période, qui s'étend environ de 1958 à 1964, et que couvrent les six premiers albums de Gainsbourg, que j'ai souhaitée vous présenter.

Gainsbourg donne ses lettres de noblesses à cet art qu'il considère mineur, lui qui n'a pas réussi dans cet autre art majeur qu'est la peinture, ce qui le minera très longtemps, pour ne pas dire toute sa vie.

Or s'il ne réussit pas dans la peinture, et s'il considère que la chanson est un art mineur, la postérité a reconnu ses multiples talents, en accordant à Gainsbourg une place de premier plan dans le panthéon de la chanson française.

Est-ce du à ses origines slaves, ou au fait qu'il avait un père pianiste de bar, toujours est-il que Gainsbourg se passionne pour le jazz et y excelle, nous livrant quelques pépites qui n'ont pas à rougir face aux jazzmen américains. Boris Vian ne s'y était pas trompé qui avait vite repéré le talent de ce jeune homme blafard et timide.

Je vous propose tout d'abord une libre excursion dans les chansons de Serge Gainsbourg avec les étapes suivantes: 
  • les débuts et l'enregistrement à la maison de la radio
  • l'époque jazz
  • les musiques de films
  • Initials B.B.
  • les concept-albums
  • le reggae (dub style)
  • les derniers titres
  • retour à l'époque yé-yé
  • quelques titres live
  • New York USA
  • Je suis venu te dire que je m'en vais
  • Jane
  • les chansons sur les femmes et les interprètes féminines
  • Lulu
Voici les liens vers la playlist.

Spotify:
Qobuz:
Apple Music:
Deezer:


Du Jazz dans le Ravin

Les chansons de Gainsbourg sont très noires, désabusées et pessimistes, à l'image de ce fameux titre "Du Jazz dans le ravin":

"Et pendant que tout deux agonisaient
La radio, la radio a continué d'gueuler
Demain on les ramassera à la petite cuillère…"


Black Trombone

Tiré de son quatrième album paru en 1964, ce titre distille un jazz avec big band. Les arrangements sont de son complice Alain Goraguer:




Intoxicated Man

Tiré du même album, Intoxicated Man est une chanson désabusée sur un homme livré à la drogue et à la boisson. On remarque dans la prosodie de cette chanson le rejet du mot "room". Musicalement, le rôle principal est dévolu à un orgue électronique. 



Requiem pour un twister

Ce titre est exactement dans la lignée du précédent. On peut penser que le twister, l'intoxicated man et Gainsbourg ne font qu'un:



La fille au rasoir

Cette chanson est tirée de "Gainsbourg Confidentiel", le cinquième album de Gainsbourg. Une chanson sur l'incommunicabilité, avec une mise en vedette de la guitare:



Elaeudanla téitéia

Voilà une idée géniale que d'avoir égrené les lettres du prénom Laetitia dans cette chanson de 1963:



Dieu, que les hommes sont méchantes

Voici une chanson moins connue, extraite de son spectacle au théâtre des Capucines de 1963. Juste accompagné par la contrebasse et une guitare, Gainsbourg nous livre une chanson sarcastique:





Quand mon 6.35 me fait les yeux doux

Voici une chanson tirée de son sixième album de 1964: "Gainsbourg Percussions". Gainsbourg nous livrerait-il son côté auto-destructeur ? A nouveau, on entend de superbes arrangements jazzy, on admirera aux passages les solistes: batterie et saxophone.



Coco and Co

Jazz big band puis ambiance piano bar pour cette chanson sur les accros aux diverses drogues. A noter les allitérations sur les verbes finissant par "ote", comme "pianote".



Angoisse (tiré de la BO de "L'eau à la bouche")

Voici un des quatre morceaux instrumentaux que j'ai sélectionnés. Des morceaux jazzy qui méritent d'être découverts, tirés de musiques de films écrites par Serge Gainsbourg.



Black March (tiré de la BO de "L'eau à la bouche")

Accompagnements jazzy sophistiqués pour Black March. A noter les solistes: trompette et saxophone, et toujours l'orchestre d'Alain Goraguer. Ce dernier a également fait des musiques de films, telles que celle pour le film "J'irai craché sur vos tombes" d'après le roman de Boris Vian.




Fugue (tiré de la BO "Les loups dans la bergerie")

Un titre expressif, où l'on entend bien la fuite du personnage:



Wake me at five (tiré de la BO de "Strip-Tease")

Ce morceau est tiré de la BO de "Strip-Tease", un film réalisé en 1963 par Jacques Poitrenaud avec la chanteuse Nico. Ce titre fait preuve d'une bonne progression dramatique.





dimanche 26 juillet 2020

Panorama de la musique contemporaine (2/2)

Pablo Picasso - La Baignade sur la Plage


Musique Contemporaine


Voici la seconde partie de ce panorama de la musique contemporaine: d'Arvo Pärt à Frank Zappa.

Arvo Pärt - Variations sur la guérison d'Arinushka



Arvo Pärt est un compositeur estonien né en 1935. Créateur de musique classique, de musique religieuse et de musique contemporaine. Son style se caractérise par une écriture minimaliste, une musique épurée qui donne une impression de simplicité. Il s'inspire aussi du son d'une simple clochette pour un style que l'on appelle le tintinnabulisme.

S'il y a une oeuvre représentative de ce style, ce sont bien les "Variations pour la guérison d'Arinushka". Comment passer un message musical d'une telle beauté avec une telle simplicité, presque enfantine. Cela me laisse pantois d'admiration, je vous laisse juge:



Arvo Pärt - Cantus in Memoriam Benjamin Britten

On ne peut pas parler d'Arvo Pärt sans évoquer sa dimension religieuse ou la grande ferveur exprimée par sa musique. J'ai choisi une oeuvre qui n'est pas à proprement parler religieuse, mais dont l'expression dramatique en est très proche. 

Il s'agit d'une histoire assez triste qui est arrivée à Arvo Pärt: ce dernier avait une grande admiration pour le compositeur britannique Benjamin Britten et aurait souhaité le rencontrer. Malheureusement, Arvo Pärt vivait sous l'emprise soviétique et ne pouvait donc pas quitter son pays. Le jour où l'Estonie s'ouvrit à l'occident et permit à ses citoyens de voyager, il était trop tard: Benjamin Britten était déjà mort et Arvo Pärt ne pourrait jamais rencontrer cet ami. La musique exprime la tristesse d'Arvo Pärt à l'idée de cette rencontre manquée. 

En voici une très poignante expression sous la baguette de Kent Nagano.




Krzysztof Penderecki - Metamorphosen, concerto pour violon et orchestre No. 2



Krzysztof Penderecki, né le 23 novembre 1933 à Dębica (Pologne) et mort le 29 mars 2020 à Cracovie (Pologne), est un compositeur et chef d'orchestre polonais.

Après avoir composé une musique sérielle et atonale, il revient, à partir des années 80, à une tonalité classique. Une de ses œuvres les plus célèbres est le Thrène à la mémoire des victimes d'Hiroshima, dans lequel Penderecki rend hommage aux victimes de la première bombe atomique. Cette musique fut un véritable choc.

J'ai choisi une musique plus douce et mélodique, même si ce concerto pour violon garde quelques rugosités, il est d'une grande expressivité, et est devenu un des chevaux de bataille de la grande violoniste Anne-Sophie Mutter. Voici le premier mouvement extrait de son album "Hommage à Penderecki":



Steve Reich - Electric Counterpoint


Retour à la musique minimaliste américaine avec le compositeur Steve Reich né en 1936 à New York. Il s'agit d'un des pionniers du genre.

Ses oeuvres les plus connues sont Drumming, The Desert Music, Music for 18 Musicians, Octet et Different Trains.

Parmi ses œuvres au caractère répétitif, mais dont la répétition n'est jamais tout à fait la même, grâce à un changement gradué et permanent, j'ai sélectionné une oeuvre spécialement écrite pour le guitariste de jazz Pat Metheny, en 1987. 

Dans Electric Counterpoint, le soliste pré-enregistre jusqu'à 10 guitares et 2 parties de basse électrique, puis joue la 11ème partie finale de guitare en direct en même temps que la bande. Cela donne un effet d'écho et de variations sonores particulièrement original et hypnotique.



Fazil Say - Concerto pour violon "1001 Nuits dans un Harem"


Fazil Say, né en 1970 à Ankara, est un pianiste et compositeur turc.

Même s'il est plus connu en tant que pianiste, il faut savoir que Fazil Say est également compositeur. Il a déjà composé un oratorio, quatre symphonies, dont l'excellente Symphonie No.2 "Mesopotamia", et de nombreux concertos.

Parmi ceux-ci, j'ai choisi le concerto pour violon intitulé "1001 Nuits dans un Harem" Op. 25, composé en 2007. Il s'agit d'un morceau tonal à l'inspiration orientale puisqu'il puise son sujet dans les contes des 1001 Nuits. Une oeuvre chaleureuse et chatoyante, faisant la part belle à l'exotisme et aux percussions orientales. Une oeuvre qui montre que musique contemporaine ne rime pas toujours avec aridité.



Toru Takemitsu - Autumn


Tōru Takemitsu, né le 8 octobre 1930 à Tokyo et mort le 20 février 1996 à Tokyo, est un compositeur japonais. Il est influencé à la fois par la musique traditionnelle japonaise et par la musique classique française, en particulier Debussy, Satie et Messiaen.

Il est considéré comme un pont entre les cultures d'orient et d'occident. Sa musique, un peu comme celle de Debussy, est très évocatrice.

J'ai sélectionné pour commencer une oeuvre intitulée "Autumn" et composée en 1973 dans laquelle Takemitsu fait intervenir, à côté de l'orchestre classique, deux instruments traditionnels japonais: le biwa, un instrument à cordes, et le shakuhachi, une flûte japonaise à cinq trous. Cela donne un résultat à la sonorité et aux timbres tout à fait spécifiques, et constitue une alliance étrange entre les différentes traditions.

En voici une version sous la direction de Peter Eötvös:


Je recommande également une autre oeuvre faisant intervenir les deux mêmes instruments, il s'agit de "November Steps".


Toru Takemitsu - And then I knew 'Twas Wind



J'ai ensuite sélectionné cette oeuvre que l'on retrouve dans un excellent album Naxos consacré à la musique de chambre de Toru Takemitsu.

Le morceau "And then I knew 'Twas Wind" est composé pour flûte, alto et harpe, et rappelle à nouveau l'influence qu'a exercée Debussy sur Takemitsu, lui-même ayant composé une sonate pour les trois mêmes instruments. Il s'agit d'une oeuvre pleine de délicatesse évoquant la nuit dans un jardin japonais.

 

Toru Takemitsu - Rain Tree

On trouve sur l'album précédent une autre oeuvre pleine de charme: "Rain Tree". Il s'agit cette fois d'une oeuvre pour trois percussionnistes. On entend nettement l'évocation de la pluie à travers le tintement des vibraphones.



Toru Takemitsu - Rain Coming


Le thème de la pluie, cher à Takemitsu, revient dans ce morceau de 1982 pour 14 instruments.

En voici une interprétation pleine de charme et de poésie par des membres de l'Ensemble Intercontemporain. Takemitsu nous fait entrer dans un monde étrange et mystérieux, plein de miroitements et d'irisations.



Edgar Varèse - Ionisation


Edgar Varèse est un compositeur français naturalisé américain, né à Paris le 22 décembre 1883 et mort à New York le 6 novembre 1965.

Il s'agit d'un compositeur très novateur et certainement jusqu'à présent passablement sous-estimé. La création de "Déserts", le 2 décembre 1954 à Paris, provoque d'ailleurs un scandale. Il est le premier à faire l'utilisation d'une sirène dans l'orchestre, et grâce aux progrès techniques, il peut réaliser une œuvre comme le "Poème électronique", pour l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958.

Il entretient des rapports étroits avec la communauté scientifique, car il s'intéresse beaucoup aux sciences. Cela transparaît dans une oeuvre comme "Ionisation" qui fait appel à 13 instruments: 13 percussions dont 1 piano, qui évoque la chimie.

En voici une version interprétée par l'Ensemble Intercontemporain:


Edgar Varèse - Arcana

En 1926-1927, Edgar Varèse compose une oeuvre pour grand orchestre qui évoque l'alchimie. Il s'agit d'une oeuvre abrupte et très rythmique faisant la part belle aux fanfares de cuivres. Cette oeuvre aura une influence certaine sur Frank Zappa.




John Williams - Concerto pour Violon No. 2



On ne le sait pas toujours mais John Williams n'est pas uniquement un compositeur de musiques de films aussi célèbres que celles de Star Wars ou Harry Potter. Il a également composé de la musique pure telle que ce concerto pour violon No. 2 dédié à la violoniste Anne-Sophie Mutter. 

Ce concerto est né d'une longue collaboration entre les deux artistes. Enregistré fin 2021, l'album est sorti en 2022 chez Deutsche Grammophon. 

A propose de ce concerto, John Williams a écrit: "Je ne peux penser à cette pièce que comme étant à propos d'Anne-Sophie. J'ai tiré mon inspiration et mon énergie directement de cette grande artiste elle-même."

Le concerto est en 4 mouvements: 1- Prologue, 2- Rounds, 3- Dactyls et 4- Epilogue. Voici le second mouvement: Rounds.





Iannis Xenakis - Rebonds B


Iannis Xenakis, né le 29 mai 1922 à Brăila en Roumanie et mort le 4 février 2001 à Paris, est un compositeur, architecte et ingénieur d'origine grecque, naturalisé français. 

Il est architecte et collabore avec Le Corbusier pour créer le Pavillon Philips pour l'exposition universelle de Bruxelles de 1958, maintenant détruit. Il est le premier Européen à utiliser un ordinateur pour composer de la musique et il a créé la musique stochastique.

Dans l'oeuvre riche de Xenakis, mais qui me semble difficile d'accès, car il utilise souvent la musique programmée par ordinateur, j'ai choisi une oeuvre pour percussions intitulée Rebonds B (il s'agit de la partie B de Rebonds).

Cette pièce est caractérisée par un rythme de bongo régulier que vient briser la grosse caisse par des accents décalés, les cinq wood-blocks interrompant plusieurs fois le discours dans un tempo plus rapide. Une pièce qui demande une grande virtuosité rythmique:



Frank Zappa - G-Spot Tornado



Je ne pouvais pas terminer ce panorama sans évoquer Frank Zappa, puisqu'il ne fut pas uniquement un grand guitariste de rock, mais également un compositeur d'avant-garde.

Frank Zappa ne cachait d'ailleurs pas les compositeurs qui l'avaient influencé tels que Bartok ou Stravinsky, mais surtout Edgar Varèse dont j'ai parlé juste avant.

J'ai sélectionné trois œuvres de Zappa, typique de son style "musique contemporaine", et tout d'abord le formidable et dynamique G-Spot Tornado interprété par l'Ensemble Modern:





Frank Zappa - Dog Breath Variations / Uncle Meat


J'ai ensuite sélectionné un document: l'une des dernières apparitions en public de Frank Zappa à Francfort en 1992 avec l'Ensemble Modern, qui nous interprète des compositions extraites de l'album "Uncle Meat": the Dog Breath Variations, un des chefs-d'oeuvre de Zappa:

 

Frank Zappa - The Black Page #1


Je termine avec un morceau pour percussions de Zappa. Zappa disait lui-même de ce morceau qu'il était "statistiquement dense". Je vous laisse juger avec cette excellente interprétation par l'Ensemble MusikFabrik:


Panorama de la musique contemporaine (1/2)

Vassily Kandinsky - Vers le haut

Musique Contemporaine


Je vous propose dans cet article en deux parties un bref panorama de la musique contemporaine. Je pense que dès les années 1920, et la prise de pouvoir progressive des musiques dodécaphoniques, sérielles, spectrales, concrètes, et j'en passe, la musique "classique" dite contemporaine s'est peu à peu éloignée du grand public pour devenir le domaine réservé d'une frange très minoritaire d'amateurs.

Je peux me tromper, mais j'imagine que ce désistement, ce manque d'attrait pour la création contemporaine, voire son rejet total, et le fait que la majorité des gens préfèrent aujourd'hui écouter de la musique "pop", a pour cause l'abandon partiel ou total de la mélodie et de tout repère tonal, pour une musique qui pour la plupart des œuvres (surtout depuis les années 50) devient un art purement intellectuel et qui ne touche plus l'auditeur car il ne s'adresse plus à ses sens et à son côté émotionnel mais uniquement à sa compréhension intellectuelle des intentions de l'auteur. Preuve en est, que l'on ne comprend pas la plupart des œuvres si on ne nous les explique pas d'abord, quand dans le pire des cas l'explication elle-même nous laisse désemparés.

Or, si l'on fait un peu attention à la musique contemporaine de ces dernières années, et cela commence dès les années 1970 avec la musique minimaliste américaine, on constate un retour progressif à des musiques modales, voire tonales de la part des nouvelles écoles nationales et un abandon progressif d'une musique complètement atonale, et qui donc n'offre aucun repère aux auditeurs.

Malheureusement, il me semble que le mal est fait et que la plupart des gens sont devenus méfiants vis à vis de la musique contemporaine.

Cet article a donc pour but de vous présenter une sélection d'une trentaine d’œuvres de musique contemporaine qui ont toutes en commun de m'avoir touché. 

Je reconnais qu'elles sont plus ou moins faciles d'accès, mais j'ai choisi avec soin des œuvres représentatives des styles et des périodes, de 1948 à nos jours, et qui, me semble-t-il, ne sont pas totalement absconses. Si vous êtes rétifs à la musique contemporaine je vous engage à écouter ces œuvres sans a-priori, peut-être ferez-vous des découvertes !

Je vous ai également préparé une playlist illustrant les compositeurs sélectionnés dans cet article.


Voici donc la première partie de ce panorama, et les quinze premières œuvres. J'ai choisi simplement de les classer par ordre alphabétique sur le nom du compositeur afin de brasser les époques et les styles. 

Cette première sélection va nous permettre d'entendre des œuvres de John Adams à Michael Nyman.

John Adams - Short Ride in a Fast Machine


John Adams est un compositeur américain né en 1947. Il est un principaux représentants de la musique minimaliste, pourtant aujourd'hui sa production n'est pas réduite à ce style. Il fait preuve d'une grande habileté orchestrale, il a composé des opéras qui remettent le genre au goût du jour. Il peut sans conteste être considéré comme un des compositeurs les plus influents de notre époque.

J'ai choisi pour commencer le morceau "Short Ride in a Fast Machine" composé en 1986, un morceau dynamique et enjoué, assez répétitif, avec une scansion omniprésente des percussions, d'une durée de 4:40 interprété ici par la cheffe Marin Alsop:


John Adams - Lollapalooza


Je continue avec une deuxième oeuvre de John Adams, composée en 1995 pour les quarante ans du chef d'orchestre Simon Rattle, la musique est basée sur le rythme du mot "lollapalooza" qui évoque quelque chose de grand mais pas très raffiné.

Il s'agit également d'un morceau répétitif, à l'orchestration chatoyante, avec une grande importance attribuée aux trombones et tubas. On y sent un mélange de musique classique et de jazz comme dans la musique de Léonard Bernstein. Une musique typiquement américaine assez enthousiasmante:




John Adams - Must the Devil Have All the Good Tunes ?

Le 17 avril 2020 sort chez Deutsche Grammophon l'une des partitions les plus enthousiasmantes de John Adams, son concerto pour piano très original intitulé "Must the Devil Have All the Good Tunes ?" ("Le diable doit-il avoir tous les bons morceaux?") merveilleusement interprété par Yuja Wang dirigée par Gustavo Dudamel à la tête du Los Angeles Philharmonic.

Il s'agit d'une partition endiablée (c'est le cas de le dire!), influencée par le jazz, en trois mouvements. Je pense qu'il s'agit d'un concerto pour piano qui marquera le XXIe siècle, je vous laisse juger, voici le 1er mouvement: "Gritty, Funky, But in strict Tempo".





Leonard Bernstein - Symphonie No. 2 "The Age of Anxiety"



On ne présente plus Leonard Bernstein, le célèbre chef d'orchestre et compositeur de "West Side Story".

J'ai choisi de vous faire découvrir sa Symphonie No. 2 "The Age of Anxiety" qui est inspirée par un poème de W.H. Auden et composée en 1948-1949.

Elle est écrite pour piano et orchestre et se compose de 2 parties: une première partie composée de deux séries de variations, et la seconde partie composée de "The Dirge" (morceau emphatique et dramatique), "The Masque" (passage énergique et jazzy où l'on retrouve le Bernstein de West Side Story) et "Epilogue" (une fin grandiose et pleine de foi en l'homme). 

Une oeuvre mélancolique sur la recherche illusoire du bonheur. Elle est complètement tonale.

En voici une interprétation mythique, dirigée par Leonard Bernstein lui-même, avec Krystian Zimerman au piano:



Au disque, je vous recommande fortement la version dirigée par Simon Rattle, avec encore Krystian Zimerman au piano.




Pierre Boulez - Sonatine pour flûte et piano


Pierre Boulez est un compositeur français de la deuxième moitié du XXe siècle. Il a marqué la musique par le développement des musiques sérielles, électroniques et aléatoires. Il a également fondé l'IRCAM et l'ensemble intercontemporain. Sa musique symbolise certainement une vision très intellectuelle de la musique, celle que j'évoquais en introduction.

C'est pourquoi j'ai choisi, parmi ses œuvres, une qui, n'ayant pas forcément de mélodie, et laissant une part d'aléatoire, me semble néanmoins très expressive et véhiculant une certaine force qui me permet de la trouver propre à me communiquer des impressions. Il s'agit de la sonatine pour flûte et piano, une oeuvre courte, tendue, agressive, pleine de vivacité rythmique et d'éclats incisifs. La voici interprétée par Sophie Cherrier, flûte et Sébastien Vichard, piano, membres de l'ensemble intercontemporain.



Guillaume Connesson - Jurassic Trip


Guillaume Connesson est un compositeur français né en 1970. Il est certainement un des compositeurs les plus prometteurs de la génération actuelle. Il compose une musique modale et revendique des influences diverses de Couperin à Messiaen, en passant par John Williams pour la musique de films et le funk de James Brown.

Il a déjà été nommé deux fois compositeur de l'année aux Victoires de la Musique Classique (en 2015 et 2019). Ces principales compositions sont la "Trilogie Cosmique", le concerto pour saxophone "A kind of Trane", le concerto pour violon "Les horizons perdus", "Techno parade" et "Disco Toccata".

Personnellement, j'adore sa musique de chambre, dont j'ai sélectionné la pièce "Jurassic Trip" pour flûte, clarinette, 2 pianos, percussion et quintette à cordes, en sept parties (1998). Voici la troisième partie intitulée "Attaque des raptors":



George Crumb - Vox Balaenae


George Crumb est un compositeur américain né en 1929 à Charleston. Je dirai que sa musique est relativement inclassable et très originale.

Mes compositions préférées sont "Ancient voices of Children" (1970), "Black Angels" pour quatuor à cordes électrifié (1970) et Makrokosmos I & II pour piano amplifié (1972 et 1973), une oeuvre prenante qui est constituée de 24 petites pièces sur les signes du zodiaque.

J'ai choisi une de ses œuvres les plus originales "Vox Balaenae" ("La voix des baleines") composée en 1971, pour flûte électrique, violoncelle électrique, et piano amplifié. Dans cette pièce, Crumb s'est inspiré d'une bande magnétique qu'il avait entendue et sur laquelle était enregistré le chant des baleines. 

En outre, Crumb demande que les instrumentistes jouent cette pièce en portant des masques noirs: "en effaçant un sentiment de projection humaine, [les masques] symboliseront les visages puissants et impersonnels de la nature", tandis que l'éclairage bleu souvent utilisé améliore l'immersion figurative dans la mer.

Vous me direz, c'est bien joli tout ça, mais c'est un peu du "pipotage". Je suis bien d'accord, moi je trouve l'utilisation des masques amusante, mais ce qui compte c'est la musique.

Je vous laisse donc juge. Voici la pièce interprétée par Mimi Stillman, flûte, Arlen Hlusko, violoncelle et Amy Yang, piano. Je trouve cela plein de poésie et de douceur dans un monde brutal ...




Pascal Dusapin - Double concerto pour violon et violoncelle "At Swim-Two-Birds"



Pascal Dusapin est un compositeur français né en 1955. Il étudie auprès d'Olivier Messiaen et de Iannis Xenakis. Il est l’auteur de nombreuses pièces pour solistes, musique de chambre et grand orchestre. Il inscrit plusieurs opéras à son catalogue : Roméo et Juliette (1984-1988) ; Medeamaterial (1990) ; To Be Sung (1991-1992) ; Perelà uomo di fumo (2003) ; Faustus, the Last Night (2006); Passion (2008).

Dusapin veux se dégager des carcans propres à la musique du milieu du xxe siècle et la libérer des contraintes dodécaphoniques et sérielles. Sa musique garde des libertés avec la tonalité mais reste expressive.

Parmi son oeuvre très riche, j'ai choisi le double concerto pour violon et violoncelle composé en 2017. 

Pascal Dusapin écrit: "[A cette époque] J’étais donc envahi de toutes parts par le violon et le violoncelle. C’est alors que Viktoria Mullova et Matthew Barley m’ont demandé si j’étais intéressé à écrire un double concerto pour eux deux. C’était une demande très douce et insistante qui m’a beaucoup impressionné. J’ai répondu que je ne savais pas encore, que c’était peut-être « trop » pour moi ces deux instruments encore… Alors, ils m’ont répondu qu’un violon et un violoncelle ensemble c’est un autre instrument. Cela a tout changé… "

Pascal Dusapin s'inspire du roman de Flann O’Brien publié en 1939: "At Swim-Two-Birds" qui raconte les rêveries d'un jeune étudiant paresseux. Les deux oiseaux du titre sont les deux instruments. Ce double concerto est une oeuvre mystérieuse et intense, formidablement interprétée par Viktoria Mullova et Matthew Barley:





Philip Glass - Metamorphosis


Philip Glass, compositeur américain, né en 1937 à Baltimore, est certainement un des compositeurs minimalistes les plus connus.

Il a composé de très nombreuses musiques de films telles que celles de The Hours, The Secret Agent, ou la trilogie des Qatsi de Godfrey Reggio. Il a également composé des œuvres pour ensemble, des opéras, 11 symphonies, des concertos et des œuvres pour soliste.

Parmi ses oeuvres, citons les deux symphonies inspirées par des albums de David Bowie: Low Symphony et Heroes Symphony.

Philip Glass est certainement un des compositeurs les plus influents du XXème siècle.

J'ai sélectionné mon oeuvre favorite, il s'agit de la suite pour piano intitulée Metamorphosis. Un cycle de cinq pièces composées vers 1988 pour une adaptation théâtrale de la Métamorphose de Kafka. Effectivement, l'oeuvre nous laisse entendre des thèmes qui se métamorphosent progressivement. Cette oeuvre est particulièrement prenante voire hypnotique par ses répétitions, mais elle n'est jamais lassante. Sans conteste un chef-d'oeuvre du XXème siècle.

Au disque, je recommande la version interprétée par Philip Glass lui-même dans l'album Solo Piano.




Sur Youtube, j'ai choisi la version interprétée par la pianiste yougoslave Branka Parlic:





Henryk Gorecki - Concerto pour clavecin


Henryk Gorecki (1933-2010) est un compositeur polonais. Il est tout d'abord influencé par le sérialisme de Boulez, puis son style se rapproche de la musique minimaliste et il est souvent comparé au compositeur estonien Arvo Pärt pour la place accordée à la musique sacrée d'inspiration catholique telle que dans son Miserere op. 44 de 1981.

Ses principales œuvres sont la Symphonie No. 3 dite "des chants plaintifs" op. 36 (1976), le quatuor à cordes No. 1 "La Nuit tombe" op. 62 (1988) et le concerto pour clavecin op. 40 (1980).

J'ai découvert ce compositeur grâce à la claveciniste Elżbieta Chojnacka, qui s'était spécialisée dans le clavecin contemporain. Il s'agit d'une oeuvre que l'on pourrait qualifier de néo-classique et répétitive, d'une grande virtuosité, et d'une tension constante. Elle me fait toujours éprouver, en version moderne, ce que l'on peut ressentir en écoutant un concerto pour clavecin de Bach avec les entrelacs du clavecin.






Henryk Gorecki - Symphonie No.3 "des chants plaintifs"


En 1992, le label Nonesuch Records, sort cet enregistrement de la Symphonie No.3 d'Henryk Gorecki avec Dawn Upshaw, soprano, et le London Sinfonietta dirigé par David Zinman. Cet album devient un véritable événement discographique avec près d'un million d'exemplaires vendus dans le monde, faisant de cet enregistrement le plus grand succès de la musique contemporaine, et permettant à cette musique d'être entendue au delà des cercles restreints d'amateurs. Je pense que ce qui a fait le succès de cette symphonie est sa déchirante beauté, sa formidable mélancolie et la belle voix plaintive de Dawn Upshaw.

Il s'agit d'une symphonie en trois mouvements:

  • Le premier mouvement, le plus ample de la Symphonie, commence par un vaste prélude orchestral préparant à une complainte qui s'inspire d'une lamentation des Chants de Lysagora du monastère de la Sainte Croix, écrits au xve siècle.
  • Le deuxième mouvement est une prière, Zdrowas Mario, à la Vierge Marie inscrite par une prisonnière, Helena Wanda Blażusiakówna, sur le mur de sa cellule dans le siège central de la Gestapo à Zakopane.
  • Le troisième mouvement, utilisant le texte d'un chant populaire, a pour thème le deuil d'une mère pour son fils. 





Gyorgy Ligeti - Hungarian Rock


Gyorgy Ligeti est un musicien de citoyenneté hongroise, naturalisé autrichien. Né le 28 mai 1923 et mort le 12 juin 2006 à Vienne.

Il a composé une oeuvre très diverse et très riche, abordant à peu près tous les genres du piano seul à l'opéra. Quant à son style il évolue également, à travers de multiples influences, de Bartok à Boulez, utilisant tantôt du dodécaphonisme, créant de véritables happening originaux et provocateurs, utilisant également des techniques micropolyphoniques et polyrythmiques, jusqu'à un retour progressif à la tonalité et à la mélodie, suivant en cela un mouvement général de la musique contemporaine.

Sa musique a été rendue célèbre notamment par l'utilisation de son morceau "Lux Aeterna", pour la bande originale du film "2001, Odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick, où elle évoque le mystère du monolithe noir.

J'ai sélectionné le morceau "Hungarian Rock" parce qu'il est représentatif de l'originalité, de la dynamique rythmique et de l'esprit débridé de Ligeti. En outre, l'interprétation du duo formé par Greg Anderson & Elizabeth Joy Roe mérite un éloge:





Gyorgy Ligeti - Mysteries of the Macabre

La pièce suivante est un morceau de bravoure, toujours d'une grande originalité et d'un caractère débridé proche du happening. Elle est magnifiée par l'interprétation sans faille de Barbara Hannigan, qui est capable à la fois de chanter et de diriger une oeuvre d'une complexité rythmique redoutable ce qui n'est pas un mince exploit. Cette femme sait tout faire, une pièce jubilatoire !




Martin Matalon - Trame VIII


Martin Matalon, né le 17 octobre 1958 à Buenos Aires, est un compositeur argentin, installé à Paris depuis 1993. Il est professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon depuis 2018.

Sa musique est un mélange de musique sérielle et spectrale.

Initiée en 1997, la série des "Trames", œuvres à la lisière de l’écriture soliste, du concerto et de la musique de chambre, forment un pan important de son catalogue.

Trame VIII constitue un véritable concerto pour percussions et ensemble de chambre:






Olivier Messiaen - Turangalîla-Symphonie




Olivier Messiaen, né le 10 décembre 1908 à Avignon et mort le 27 avril 1992 à Clichy (Hauts-de-Seine), est un compositeur, organiste et pianiste français.

Les principales caractéristiques de sa musique sont la couleur, les chants d’oiseaux (il était également ornithologue), les rythmes, en particulier les rythmes hindous, les modes à transposition limitée, l'inspiration chrétienne et la métrique grecque. 

Il est un des principaux initiateurs de la musique sérielle. Citons parmi ses principales œuvres: L'Ascension (1933), le Quatuor pour la fin du Temps (1940), les Vingt Regards sur l'Enfant-Jésus (1944), la Turangalîla-Symphonie (1946-48), Saint François d'Assise (1975-79) et la Messe de la Pentecôte (1950).

Il est considéré comme un des plus influents compositeurs de la seconde moitié du XXème siècle. Grand pédagogue, il a enseigné la composition à un nombre très important de compositeurs parmi lesquels Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Iannis Xenakis, Tristan Murail, ou George Benjamin.

Pour les amateurs de musique de chambre je recommande fortement l'écoute du magnifique "Quatuor pour la fin du temps". 

J'ai sélectionné ce qui est certainement son oeuvre la plus brillante et l'une des plus longues symphonies (elle dure 1h20 environ): la Turangalîla-Symphonie. 

Il s'agit d'une oeuvre sur l'amour et la mort, dans la lignée du mythe de Tristan et Yseult.  Turanga et Lîla sont deux mots en sanscrit, et la traduction de Turangalîla peut être « chanson d'amour, hymne de joie, mouvement, rythme, vie et mort ».

C'est une sorte de symphonie concertante dans laquelle le piano et les ondes Martenot jouent un grand rôle, ainsi que les fanfares de cuivres (Messiaen y fait appel à un grand nombre de trompettes) et les percussions, dont l'instrumentarium est impressionnant: triangle, temple-block, wood-block, petite cymbale turque, cymbales, cymbale chinoise, tam-tam, tambour, tambour de basque, maracas, tambour provençal, caisse claire, grosse caisse, vibraphone et huit cloches tubulaires !

L'originalité de cette symphonie réside principalement dans une orchestration très riche et chatoyante, la musique en reste très mélodique, la partie de piano est très virtuose, presque percussive par moments et utilise le résultat des recherches de Messiaen à l'époque sur les hauteurs et les intensités. Enfin, les ondes Martenot y ajoutent leur part de mystère.

J'ai choisi l'interprétation superlative donnée par Gustavo Dudamel à la direction du Simon Bolivar Orchestra, avec en solistes Yuja Wang, piano et Cynthia Millar, ondes Martenot. 

Ecoutez ne serait-ce que le mouvement intitulé "Joie du Sang des Étoiles", par moment on dirait presque du jazz, et quelle virtuosité, c'est un vrai régal !





Michael Nyman - Concerto pour clavecin et cordes



Michael Nyman est un compositeur anglais, né en 1944, surtout connu pour ses musiques de films. Il a composé la musique de la plupart des films de Peter Greenaway. Sa musique de film la plus célèbre est certainement celle du film de Jane Campion "La Leçon de piano" ("The Piano"). On peut rattacher son style à celui de la musique minimaliste.

Pour faire le pendant avec le concerto pour clavecin de Gorecki, j'ai choisi, dans un autre style, le concerto pour clavecin de Nyman, composé en 1995, qui est dédié à la claveciniste Elisabeth Chojnacka. Il s'agit d'une oeuvre dans la lignée de la musique minimaliste, aux intéressantes méandres, dérivé du morceau Tango for Tim, une pièce que Nyman avait écrite en hommage au compositeur Tim Souster. Il se trouve que, Elisabeth Chojnacka adorant le tango, elle demanda à Michael Nyman de composer un concerto pour clavecin en s'inspirant de ce morceau. Le résultat est audacieux et montre comment la sonorité du clavecin moderne s'adapte bien à la musique minimaliste.

Voici la version interprétée par Elisabeth Chojnacka: