samedi 31 août 2019

Koechlin (Charles)

Charles Koechlin


Charles Koechlin


Charles Koechlin, né le 27 novembre 1867 dans le 16e arrondissement de Paris et mort le 31 décembre 1950 au Rayol-Canadel-sur-Mer (Var), est un compositeur français. C’est un des compositeurs les plus prolifiques de son époque avec environ 250 œuvres distinctes. Il a laissé de nombreux écrits sur la musique dont son traité de l’orchestration qui reste encore aujourd’hui un ouvrage de référence. 

Orchestrateur hors pair il est sollicité par son maître Gabriel Fauré pour réaliser l’orchestration de Pelléas et Mélisande. De la même façon, l’éditeur de Debussy lui demande d’orchestrer le ballet Khamma de ce dernier. Musicalement, Koechlin est l’héritier de compositeurs comme Claude Debussy ou Erik Satie, mais il prend rapidement possession de son propre style. 

Koechlin a séjourné à de nombreuses reprises dans une charmante petite station balnéaire de Normandie: Villers-sur-mer, située entre Cabourg et Trouville.

La musique de Koechlin est contemplative, sérieuse, parfois mélancolique, souvent évocatrice. Les couleurs de son orchestration sont très sophistiquées ce qui a fait dire à Heinz Holliger (célèbre compositeur, hautboïste et chef d'orchestre Suisse) qu'il était un "alchimiste des sons". Si vous vous laissez envoûter par la musique de Koechlin, l'expérience sera passionnante.

Je vous propose une playlist qui a pour but de vous faire voyager dans la musique orchestrale et la musique de chambre de Koechlin.

Voici les liens vers la playlist.

Spotify:
Qobuz:
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Deezer:


En outre, je vous propose de découvrir Charles Koechlin en 10 Albums.


1 - The Seven Stars Symphony



En 1933, Koechlin compose une suite symphonique intitulée "The Seven Stars Symphony" Op. 132. En effet, Koechlin est passionné de cinéma. Il compose donc cette pièce en sept mouvements et chaque mouvement est consacré à une star d’Hollywood. 

Cette symphonie s’inspire de la musique impressionniste de Debussy tout en prenant de grandes libertés avec la tonalité. 
  • Le 1er mouvement est dédié à Douglas Fairbanks (en souvenir du « Voleur de Bagdad »), c’est un mouvement lent assez triste dans lequel le rôle principal est tenu par la clarinette. 
  • Le 2nd mouvement, plus léger, est dédié à Lilian Harvey. Il s’agit d’un menuet enserré dans une fugue. Koechlin rendra d’ailleurs d'autres hommages à Lilian Harvey en 1934 et 1935, avec les deux recueils de "L'Album de Lilian". 
  • Dans le 3ème mouvement il fait le portrait de Greta Garbo de façon très originale : pour cette beauté mystérieuse, il drape son orchestration des miroitements des ondes Martenot. 
  • Pour le 4ème mouvement on revient à une musique plus exubérante pour illustrer l’actrice Clara Bow et la joyeuse Californie. 
  • Suivent, dans le 5ème mouvement, des variations sur le nom de Marlène Dietrich, une musique qui diffuse l’aura de la star. 
  • Dans le 6ème mouvement, Koechlin rend hommage à l’acteur Emil Jannings en souvenir de son rôle dans "L’Ange Bleu". La musique, très triste, fait référence au cruel destin du professeur Immanuel Rath, le personnage joué par Emil Jannings. 
  • Enfin, le 7ème et dernier mouvement est consacré à Charlie Chaplin. Il s’agit de variations sur un thème fourni par son nom. Chaque variation évoque un film et se termine par l’apothéose de Charlot. 
Voici la version dirigée par James Judd à la tête du Deutsches Symphonie-Orchester Berlin.



Cette oeuvre est couplée avec Quatre Interludes Op. 214 et L'Andalouse dans Barcelone Op. 134 que Koechlin a écrit en 1933 pour le film documentaire "Croisières avec l'escadre" (la musique de Koechlin n'apparaît même pas dans le film).

Voici L'Andalouse dans Barcelone par James Judd, une pièce enjouée et hispanisante:




2 - Le livre de la jungle


"Le livre de la jungle", d’après Rudyard Kipling, est le chef-d’œuvre de Koechlin. Il s’est consacré à sa composition de 1899 à 1950, c’est dire si cette partition avait une importance à ses yeux. Le thème principal de cette œuvre est celui de l’éducation, du passage de l’enfance à l’état d’homme, du passage des préceptes (illustrés par "La loi de la jungle") à l’acquisition de l’indépendance (illustrée par "La course de printemps"). Les quatre principales parties de ce poème symphonique sont :

  • « La course de printemps » Op. 95 : C’est une longue pièce où alternent passages lents (« Le printemps dans la forêt », « Nuit ») et passages rapides (« Mowgli », « La course »). Le morceau « La course » étonne par sa modernité.
  • « La méditation de Purun Baghat » Op. 159 : c’est une pièce lente qui utilise une polyphonie modale pour signifier l’ascension spirituelle du sage ermite.
  • « La loi de la jungle » Op. 175 : Dans l’œuvre de Kipling, la loi de la jungle est un mystère fondamental. Le mystère est dessiné par les vents - surtout par les cuivres - et l'ensemble symphonique fonctionne sur une phrase répétée, avec un mode oriental.
  • « Les Bandar-Log » Op. 176 : Les Bandar-log, ce sont les singes que Kipling, d'une manière générale, dépeint avec nombre de défauts, en particulier la paresse. Pour Koechlin, les singes, ce sont les esprits enfermés dans des systèmes, des esprits menés par des opinions, des vogues. On les reconnaît facilement, avec le talent fort espiègle du compositeur, à leur style néoclassique, atonal ou polytonal. Puis les maîtres que représentent Baloo et Bagheera les font fuir, la jungle retrouve alors sa sérénité.

Une version intégrale de l’œuvre a été enregistrée par David Zinman à la tête du Radio-Symphonie-Orchester Berlin. 

A noter également la superbe interprétation de Fabien Gabel donnée en concert sur France Musique le 27 novembre 2006.

Voici "La loi de la jungle" par David Zinman:



Voici "Les Bandar-Log" par Simon Rattle:




3 - Le saxophone lumineux


En 2002 est sorti un album original intitulé "Le Saxophone lumineux" avec Federico Mondelci au saxophone et Kathryn Stott au piano sur le label anglais Chandos. Cet album contient 15 études pour saxophone et piano Op. 188 et 7 pièces pour saxophone et piano Op. 180. Ce sont les premiers enregistrements de ces œuvres. 

La sonorité de ces pièces est particulièrement inusitée car l’utilisation du saxophone est peu fréquente dans les œuvres de cette époque. La musique est envoûtante et l'expérience est sensoriellement mémorable ! 

A noter que Brilliant Classics a sorti en 2012 une intégrale de la musique pour saxophone de Koechlin en 3 CDs.

Voici une version audio des 15 études pour saxophone et piano Op. 188:



4 - Œuvres pour Basson


Une découverte passionnante que ces œuvres pour basson de Koechlin, qui nous emmènent dans un monde enveloppé par la sonorité chaude et mélancolique du Basson.

On retrouve les œuvres suivantes dans cet album du bassoniste Eckart Hübner:
  • Silhouettes de comédie Op. 193
  • 3 Pièces Op. 34
  • Sonate pour basson Op. 71
Voici, pour commencer quelques extraits de Silhouettes de comédie.

Le matamore:



On a toute l'ironie du basson dans "Monsieur Prud'homme au bal des humoristes":



Voici 3 pièces Op. 34 par Hubert Mittermayer Nesterovskiy au basson et Nenad Lecic au piano.



On termine la revue de cet album avec la sonate pour basson Op. 71. Cette sonate est en 3 mouvements:
  1. Andante moderato - Allegro scherzando
  2. Nocturne
  3. Final: Allegro
Il s'agit d'une oeuvre pleine de charme et de volubilité, où se distingue la couleur chaude du basson.

Andante moderato - Allegro scherzando

Nocturne

Final: Allegro



5 - Sonate pour violon et piano Op. 64 / Quintette pour piano et cordes Op. 80



Cet album regroupe deux des plus importantes œuvres de musique de chambre de Koechlin dans une interprétation remarquable.

Koechlin a composé sa sonate pour violon et piano en 1916 et l'a dédiée à Gabriel Fauré.

Voici le contenu de sa dédicace:

« J’ai voulu ne vous dédier qu’une oeuvre où j’avais l’impression d’avoir mis, réellement, quelque chose de moi en un langage qui fut le mien et pourtant, de la musique. Y suis-je parvenu, c’est ce que l’avenir décidera. L’essentiel, pour l’artiste, c’est d’avoir écrit son oeuvre, de son mieux. »

Placée sous le signe de la polyphonie modale, elle est en cela hautement représentative de son auteur. Elle tire son atmosphère de sérénité songeuse, évocatrice d’un passé lointain et légendaire, de l’usage de lignes mélodiques très souples, dont le parfum archaïsant repose sur l’emploi d’échelles modales et qui s’entrecroisent en un contrepoint libre et naturel, dont la science repose sur un commerce prolongé avec l’oeuvre de Bach.

La Sonate accueille des agrégations sonores neuves et originales : accords fondés sur des superpositions de quartes et de quintes largement espacés entre le grave et l’aigu ou superpositions d’accords parfaits issus de tonalités différentes — chez Koechlin, cette coexistence de plusieurs tonalités concerne essentiellement des accords et très rarement des lignes mélodiques, aussi est-il préférable de parler de polyharmonie plus que de polytonalité.

Bien que composée pendant la première guerre mondiale, Koechlin a voulu faire de cette sonate une oeuvre légère et onirique:

« […] à cette époque angoissée, sombre, tragique, je n’ai pu que me réfugier dans un monde irréel de féérie et de rêve. Cette musique, pour moi, se passe comme dans une forêt enchantée, dans une atmosphère de contes et de légendes. »

La sonate est en quatre mouvements:
  1. Calme, sans lenteur cependant - Lumineux et féerique
  2. Scherzo : Très modéré. Allegro con moto - Dans un décor de forêt légendaire
  3. Andante : Lent (quasi adagio) - Nocturne, grave et féerique
  4. Final : Allegro mais très modéré
Au disque j'ai sélectionné la version de Stéphanie Moraly, violon et Romain David, piano.

En vidéo, voici la version interprétée par Francis Duroy, violon et Thierry Rosbach, piano.



Le Quintette pour piano et cordes est l’une des œuvres de Koechlin les plus profondes et les plus achevées. Il tire son inspiration d’une idée chère au musicien : celle de la résurrection après l’adversité, du triomphe de la vie et de la joie sur la douleur.

Par la complexité de son écriture et son ampleur monumentale, le Quintette est une oeuvre orchestrale implicite : Koechlin envisageait d’ailleurs de l’orchestrer comme il l’avait fait avec son Second Quatuor devenu la Symphonie n° 1.

Cette oeuvre magistrale est loin de répondre aux canons de la forme sonate. Il s’agit bien là d’un véritable poème symphonique. Le sens de la construction de l’auteur et sa science de la polyphonie lui permettent d’élaborer des structures solidement étayées, aptes à recueillir le message dont il se sent investi. Chez Koechlin, la forme est modelée par la pensée et ne répond à aucun schéma préétabli.

Au disque j'ai sélectionné la version du quintette Syntonia.

Sur Youtube, j'ai sélectionné la version du Centre National de Musique de Chambre d'Aquitaine.

Les quatre mouvements sont découpés de la manière suivante:
  • I. "L'attente obscure de ce qui sera" [00:00]
  • II. "L'assaut de l'adversaire, la blessure" [10:36]
  • III. "La Nature consolatrice" [21:06]
  • IV. "La Joie" Final [31:40]





6 - Œuvres vocales avec orchestre




Cet album fait partie de la superbe collection d'enregistrements que nous devons à l'éditeur Hänssler Classic qui nous permet d'entendre des œuvres de Koechlin et en particulier ses œuvres orchestrales dirigées par Heinz Holliger à la tête de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Stuttgart.

Koechlin a réalisé environ 80 mélodies jusqu'en 1910, et même si la plupart furent écrites pour voix et piano, le compositeur avait dans l'idée l'orchestre et il en orchestra la moitié.

Tout comme d'autres compositeurs français de cette époque, Koechlin se laissa particulièrement inspirer par la poésie des « Parnassiens ». Leconte de Lisle (1818-1894), Théodore de Banville (1823-1891), Sully Prudhomme (1839- 1907), José-Maria de Heredia (1842-1905), Edmond Haraucourt (1857-1941) et Albert Samain (1858-1900) comptaient parmi ces poètes de la deuxième moitié du XIX e siècle.

Quand on entend ce double CD, on reste sidéré par le fait que jusqu'à présent ces œuvres merveilleuses étaient inédites.

J'ai sélectionné les œuvres suivantes, interprétées par la soprano allemande Juliane Banse.

"Clair de Lune" sur un poème d'Edmond Haraucourt. 

Pour des raisons de santé, Koechlin termine sa carrière de polytechnicien en 1889. Il décrit ainsi son début de carrière dans la musique:

« Me voilà donc libre ; je vais voir Charles Lefebvre [compositeur français, 1843-1917], je lui montre le "Clair de lune" que je viens d'écrire ; il en est fort impressionné, et me fait étudier le contrepoint. Comme je n'avais pas fait d'harmonie, mon contrepoint était assez médiocre. Je demandais à Ch. Lefebvre s'il me conseillait d'entrer au Conservatoire pour apprendre l'harmonie. Avec une grande honnêteté, il me dit que oui, et me donna un mot pour Théodore Dubois. Celui-ci me reçut avec une correction froide, mais polie, et me trouva trop âgé pour entrer à sa classe (j'allais avoir 23 ans !) Alors je m'adressais au petit père [Antoine] Taudou, qui voulut bien m'admettre (à l'automne de 1890) comme "auditeur" à sa classe. Taudou était un excellent musicien, de goût très sûr. »



"Épiphanie" sur un poème de Leconte de Lisle. 

Les mélodies pour orchestre de cet album, mis à part "La Prière du mort" et "Épiphanie", n'ont encore jamais été exécutées - ce que l'on a certes peine à croire - et ne sont publiées selon les autographes qu'à l'occasion de cette production SWR. C'est comme si nous recevions une bouteille qui aurait été jetée à la mer il y a une centaine d'années, un message d'une époque marquée par le départ vers de nouveaux horizons. Les œuvres précoces choisies ici veulent montrer et mieux faire comprendre le développement du compositeur Koechlin jusqu'en 1910. Les compositions vocales jouaient pour lui un rôle primordial durant cette période. Elles montrent son envie d'opposer des tonalités très éloignées ou de les relier de façon surprenante.



"Le Sommeil de Canope" sur un texte d'Albert Samain. 

Ce poème évoque les deux amants Alcis et Canope qui assistent depuis une terrasse au coucher du soleil, ils entendent des fontaines qui sont les seules à perturber le calme et le silence, la mer est murmurante et les deux amants sont pris d'une ivresse lente et solennelle.



"Chant funèbre à la mémoire des jeunes femmes défuntes".

Le "Chant funèbre à la mémoire des jeunes femmes défuntes" op. 37 (1902-08) pour double chœur, orgue et orchestre utilise des textes de la messe de Requiem en latin. Pour le fond programmatique, Koechlin s'inspire du poème "Vierges mortes" de Haraucourt mais il ne le met pas en musique dans la composition. 

Dans un commentaire inédit, Koechlin écrit : 

« Une sorte de Requiem, une évocation du poème de Haraucourt. Mon oeuvre est un cri de pitié et de révolte, non point seulement pour les jeunes filles qui meurent dans leur rêve non réalisé, mais surtout pour les jeunes femmes que le sort arrache à leur foyer déjà fondé. 

Ce poème symphonique traduit les sentiments, évoque les visions que nous suggère ce deuil si cruel, injuste entre tous : la mort d'un être jeune plein d'espoir et de beauté. D'abord, c'est le cortège funèbre décrit par le poète Haraucourt... Puis, comme en une chapelle de campagne aux cloches grêles, dans une atmosphère lourde de sanglots et de fleurs, après une longue plainte de l'orchestre, la voix des chœurs s'élève : "Requiem aeternam dona eis... ". 

On songe, sans pouvoir se résigner à ce qui est, sans presque le croire, on songe à la vie qui s'épanouissait avec tant de promesses. Mais dans un brusque sursaut, l'orchestre répond par la réalité de la mort. En un long crescendo de l'orchestre, des chœurs, de l'orgue ("Ad te omnis caro veniat... "), les voix proclament l'irrémédiable destinée finale des corps ; elles disent la lumière éternelle en échange promise. 

Les chants s'éloignent, la voix blanche des flûtes reprend le cortège du début. Sur un souvenir attendri plane un instant comme un fantôme de voix très lointaine. Lourd et douloureux apaisement où cesse la pensée. »




7 - Vers la voûte étoilée Op. 129 & Le Docteur Fabricius Op. 202



Charles Koechlin a dédicacé "Vers la voûte étoilée" à l'astronome français Camille Flammarion, il faut se rappeler que Koechlin au départ voulait devenir astronome avant de se tourner vers la musique.

Koechlin déclare: "C’est une évasion loin, très loin de la Terre, mais non des sentiments humains".

Une première version de l'oeuvre sera aboutie provisoirement en 1933. Cependant Koechlin ne fut complètement satisfait qu’après avoir révisé la partition en 1939, avec des réductions et de petits remaniements. Le morceau sommeilla dans un tiroir et la première ne fut jouée qu’en 1989 lors du 39e Festival de Berlin.

Au disque j'ai sélectionné la version dirigée par Heinz Holliger.

Sur Youtube, voici une version dirigée par Ariane Matiakh.



Dans une lettre à Paul Collaer, Koechlin expose le sujet du "Docteur Fabricius" :

« L'auteur de la nouvelle suppose être allé voir, dans son ermitage, un certain docteur Fabricius, philosophe qu'il a connu quelques années auparavant. Le docteur l'invite à passer la nuit chez lui. Repas en silence. Mystère qui plane sur le docteur. Celui-ci enfin rompt le silence et explique à son hôte pourquoi il s'est retiré du monde. 

« La vie », dit-il, « est une duperie, la nature est éternellement indifférente, elle se sert de nous pour entretenir la vie et ne fait rien pour diminuer nos malheurs » (ceci se trouve dans les dialogues philosophiques d'Ernest Renan). Injustices immenses... très âpre contre les puissances qui nous gouvernent. 

Conclusion : le docteur Fabricius s'est retiré dans cet ermitage (ancien monastère) et dans un désespoir farouche qui lui laisse les yeux secs. Il souhaite bonne nuit à son hôte. Celui-ci, rentré dans sa chambre, ouvre la fenêtre sur la nuit étoilée. Alors le calme rentre dans son âme, puis l'espoir. Une si grande et si vaste harmonie des mondes ne peut nous laisser croire que l'ordre n'existe pas... 

Puis le matin se lève et voici qu'il se réveille. Ce n'était qu'un rêve, il est encore à l'auberge d'où il comptait partir pour aller voir le docteur. Vous voyez tout ce qu'il y a à faire sur ce sujet admirable ».

Les mouvements du poème symphonique s’enchaînent sans interruption :

1. Le Manoir: Un thème monodique, « austère et grave », se déploie pendant près de cinq minutes.
2. La Douleur: Choral I, Choral II et Choral III en canon à 6 parties. Ce nouveau thème, selon Koechlin, finit par devenir "un peu énigmatique" par sa polytonalité (et l'emploi de canons multiples) et enfin "s'exaspère" pour mener à la révolte du troisième mouvement.
3. La Révolte : dans ce mouvement les interrogations font place à des sursauts instrumentaux, à des appels, entrecoupés de silence, qui se rassemblent et s'organisent "comme des vagues de tempête"… 
Le choral protestant Aus tiefer Not schrei ich zu Dir (équivalent du De profundis : "Du fond de la détresse, je crie vers Toi…") fortissimo littéralement "hurlé" par l'orchestre, "rugi" par les cuivres, est suivi d'un silence qui n'a rien d'une pause.
4. Le Ciel étoilé: Silence. Une longue monodie, confiée aux ondes Martenot, s'élève sur un fond renaissant de cordes, "disant le calme et l'ordre mystérieux".
5. La Nature, la Vie, l’Espoir
6. Réponse de l’Homme: De longues phrases richement harmonisées, modulant et se fondant les unes dans les autres, ramènent à un volume sonore tel qu'éclate la joie du 7ème mouvement.
7. La Joie: les thèmes ébauchés dans les précédents mouvements s'unissent en un flot continu, dont l'expression va grandissant jusqu'à un nouveau sommet chanté fortissimo, d'une sérénité lumineuse suivie du seul coup de cymbales de l'œuvre, d'un trille pianissimo des cordes et d'un unique coup de cymbales antiques au terme d'un frôlement ascendant de harpes, signifiant le réveil.
8. Choral final: Le thème du Manoir initial est repris, d'abord aux cordes seules, métamorphosé en une polyphonie modale écrite successivement à deux, puis à trois, enfin à quatre voix, d'une grande noblesse.

L'exécution dure un peu moins d'une heure.  

En voici le quatrième mouvement "Le Ciel étoilé":




8 - Quintette "Primavera" Op. 156



Le Quintette "Primavera" est un quintette pour flûte, violon, alto, violoncelle, et harpe. 

Composé en 1936, il est créé le 14 mars 1944 par son dédicataire l'Ensemble Pierre Jamet. 

L'oeuvre est en quatre mouvements:
  1. Allegro quasi allegretto
  2. Adagio
  3. Intermezzo
  4. Finale
Il se caractérise par sa grâce, sa légèreté et sa bonne humeur.

Je ne connais qu'une seule version de cette oeuvre charmante, celle du Centre National de Musique de Chambre d'Aquitaine. Elle est couplée au quintette pour piano et cordes Op. 80.





9 - Œuvres pour Ensembles



Cet album, interprété par les ensembles Initium et Contraste nous permet d'entendre les œuvres suivantes:
  1. Paysages et Marines
  2. Deux sonatines
  3. Septuor
  4. Sonate à sept
J'ai choisi de vous parler du Septuor: Koechlin écrivit d’abord la fugue finale comme un "caprice sur le retour de mon fils Yves", sous le coup de la joie et de la sérénité recouvrées au terme d’une fugue qui avait mené jusqu’à Menton son fils Yves, alors âgé de quinze ans. 

Cette fugue adopte pour sujet un thème "chanté par mon fils à l’âge de quatre ans", déjà utilisé dans "Jeux", septième numéro de la suite pour piano "L’Ancienne maison de campagne". Ce morceau d’un entrain communicatif retrouve l’esprit des plus belles gigues des Suites anglaises de Bach. 

Le septuor fut terminé au cours de la tournée du musicien aux États-Unis de juillet à août 1937 : le quatrième mouvement (une autre fugue) fut écrit "pendant le voyage en train de Chicago à Los Angeles, alors que le confort des wagons américains me permettait de travailler dans le calme." 

Les deux premières pièces (monodie pour clarinette puis pastorale pour flûte, clarinette et basson) prennent leurs quartiers dans les décors virgiliens des "Paysages et marines". 

L’intermezzo, avec ses joyeux appels de coucou, fait revivre l’esprit des anciennes gaillardes avant le rythme ternaire de valse stylisée de l’interlude central. 

La première fugue déploie une habileté contrapuntique confirmée : renversement du sujet à la flûte, contresujet très librement varié. 

Le cœur de l’oeuvre est cependant le morceau lent (Sérénité) situé entre les deux fugues : une émouvante mélodie en notes répétées au saxophone se réfracte au travers du kaléidoscope d’harmonies insolites tenues par les autres protagonistes. 

L’utilisation d’instrumentations différentes et conformes au caractère de chaque pièce introduit un contraste bienvenu entre les mouvements. 

Dédiée au musicologue et chef d’orchestre belge Paul Collaer (1891-1989), infatigable défenseur de Koechlin, cette oeuvre importante fut créée le 17 mars 1943 par la Radiodiffusion belge.

Cette oeuvre est en 6 mouvements:
  1. Monodie (2'04)
  2. Pastorale (3'45)
  3. Intermezzo (1'46)
  4. Fugue (1’31)
  5. Sérénité (3’12)
  6. Fugue (1'37)
Voici, en extrait, le mouvement appelé "Sérénité":





10 - Le Buisson Ardent Op. 203 & 171



Le Buisson ardent est un poème symphonique en deux parties de Charles Koechlin, d'après un épisode du roman Jean-Christophe, de Romain Rolland.

La première partie fut achevée en 1945, et porte le n° d'opus 203, alors que ce qui en constitue la seconde partie fut composée avant, de 1935 à 1938, et porte le n° d'opus 171. 

Il s'agit de la dernière œuvre pour grand orchestre de Koechlin, dont la création posthume eut lieu le 19 novembre 1951, par l'Orchestre national de France, placé sous la direction de Roger Désormière. 

Cette œuvre bénéficie d'une orchestration assez importante, qui comprend, en plus des instruments traditionnels du grand orchestre, 5 saxophones, une onde Martenot, un piano, un grand orgue, et une formation de percussions dont un gong, un tamtam et une cloche. 

Le thème est résumé par Koechlin lui-même dans ses "Notes détaillées sur diverses de mes œuvres", rédigées en 1945:

[...] Le poème symphonique que j'ai écrit débute par le moment où Jean-Christophe sent à nouveau le flot de la vie couler en lui. Puis, dans son "audition intérieure", chantent toutes sortes de thèmes étranges, des appels de trompettes qui se croisent avec des arpèges fantaisistes de l'orgue, en bitonalité. Et Jean-Christophe est de nouveau d'aplomb. Il redevient humain, il retrouve même la joie, et l'œuvre conclut par un choral triomphant.- Mais j'avais esquissé la 1ère partie de ce sujet magnifique : Jean-Christophe désemparé, complètement à plat végète.- Soudain c'est la fin de l'hiver, le vent du Sud (Foehn) se met à souffler en tempête. Et c'est la résurrection, par ce souffle chaud qui pénètre en lui. [...] 

Voici la première partie:



On termine avec la seconde partie:






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