jeudi 30 avril 2020

Godard (Benjamin)

Benjamin Godard

Benjamin Godard


Benjamin Louis Paul Godard est un compositeur romantique français de la second moitié du XIXe siècle, né le 18 août 1849 à Paris et mort le 10 janvier 1895 à Cannes.

Né dans une famille mélomane, Benjamin Godard étudie le violon dès ses plus jeunes années auprès de Richard Hammer et du célèbre violoniste belge Henri Vieuxtemps, puis il entre au Conservatoire de Paris en 1863, où il travaille la composition avec Henri Reber.

Il a écrit 8 opéras, dont les plus connus sont Jocelyn, d'après un poème de Lamartine, Dante, La Vivandière et Les Guelfes.

En musique orchestrale, il a composé 4 symphonies, 2 concertos pour violon et 2 concertos pour piano.

En musique de chambre, il a écrit  3 quatuors, 4 sonates pour violon et piano, une sonate pour violoncelle et piano, 2 trios avec piano et une centaine de mélodies.

Enfin, pour le piano, il a composé de nombreuses pièces dont se distinguent ses 2 sonates et ses 24 études.

Très célèbre de son vivant, il meurt à 45 ans de la tuberculose. Peu après, sa musique tombe dans un oubli quasi total, il est alors considéré comme un compositeur secondaire et ne bénéficie que d'une mention succincte dans les dictionnaires de la musique.

Si j'ai souhaité vous parler de ce compositeur, c'est qu'il sort peu à peu de son purgatoire et bénéficie maintenant de sorties discographiques particulièrement intéressantes. 

En particulier, paraît en 2017 une formidable réalisation du Palazzetto Bru Zane (le centre de musique romantique française spécialisé dans la publication - et le dépoussiérage - d'oeuvres romantiques françaises, dans des albums d'une grande qualité musicale et éditoriale): l'opéra Dante avec une distribution éclatante dirigée par le chef d'orchestre allemand Ulf Schirmer.

J'ai donc sélectionné une série de coups de cœur qui, assurément, raviront les amateurs de musique romantique.

Dante


En 1890, Godard compose ce très intéressant opéra librement inspiré de la vie de Dante Alighieri, poète et homme politique florentin, et de son oeuvre fameuse "La Divine Comédie". Cela donne l'occasion à Godard, dans le troisième acte, de nous livrer le rêve de Dante dans lequel il est conduit par Virgile à travers les bolges de l'enfer. 

Malheureusement, à l'époque de Godard, faute de moyens techniques, il n'était pas possible de représenter cette partie sur scène: elle était donc donnée rideau fermé, ce qui permet de comprendre un certain rejet du public de l'époque. On se prend donc à rêver d'une représentation de cet opéra à notre époque avec les moyens techniques d'aujourd'hui. Les spectateurs de l'opéra de Saint-Etienne ont eu la chance d'assister à l'exhumation de cet opéra en 2019.  

Au disque, on retiendra l'excellente distribution, avec notamment Edgaras Montvidas dans le rôle de Dante, et Véronique Gens dans celui de Béatrice.

Je vous invite à savourer l'extrait suivant, un duo entre Dante et Béatrice, tiré de l'acte 2:



Sonate pour violoncelle et piano Op. 104


La musique de chambre de Godard se distingue par sa délicatesse et sa richesse thématique. La preuve en est cette sonate pour violoncelle et piano qui fait légèrement penser à Fauré. J'apprécie particulièrement dans le premier mouvement les passages évoquant une tempête.

Voici une version live avec Corinne Morris au violoncelle et Nico de Villiers au piano qui montre combien cette sonate est loin d'être insignifiante:

 

Mélodies



On a souvent qualifié la musique de Benjamin Godard de "musique de salon". Cela n'est pas faux en écoutant ces mélodies, mais cela ne doit pas être considéré comme péjoratif vu la qualité des œuvres regroupées dans cet album délicatement ciselé et interprété par le baryton grec Tassis Christoyannis, joliment secondé par Jeff Cohen. 

Au charme général de cet album se joint un humour certain, particulièrement bien rendu par Tassis Christoyannis, dans l'adaptation de fables de La Fontaine:

La Cigale et la Fourmi
 


Symphonie Orientale Op. 84



Composée en 1884, la Symphonie Orientale de Benjamin Godard séduit immédiatement par ses ambiances variées.

La Symphonie est en cinq mouvements:
  1. Les Eléphants (Arabie): la musique évoque la marche chaloupée des éléphants
  2. Chinoiserie (Chine): un mouvement à la musique sautillante et à l'instrumentation délicate
  3. Sara la Baigneuse (Grèce): la musique se fait lascive sur un rythme proche de la valse
  4. Le rêve de la Nikia (Perse): dans ce mouvement la musique est mystérieuse et onirique, on y apprécie l'utilisation délicate des bois
  5. Marche Turque (Turquie): la musique de ce mouvement est martiale et gaie
L'orchestre Royal Scottish National Orchestra sous la direction de Martin Yates nous livre une version qui respecte la finesse de l'instrumentation de l'oeuvre:




Suite pour flûte et piano Op. 116



La suite pour flûte et piano Op. 116 est en trois mouvements:
  1. Allegretto
  2. Idylle
  3. Valse
cette oeuvre se distingue à nouveau par sa délicatesse et la virtuosité demandée à la flûte en particulier dans la virevoltante valse finale.

L'excellente flûtiste Sharon Bezaly nous en livre une superbe version dans un très intéressant programme de musique française, avec également des œuvres de Sancan, Widor, Roussel et Milhaud.

J'ai également sélectionné cette version live avec Hye Sung Choe à la flûte et Aurelien Eulert au piano:




Trios et Berceuse de Jocelyn



Godard a composé deux trios avec piano. Il se révèle un excellent compositeur chambriste, dans un style qui rappelle un peu César Franck.

J'ai choisi cet album également pour la célèbre Berceuse tirée de l'opéra Jocelyn. Cette oeuvre existe en deux versions: pour trio (violon, violoncelle et piano) comme la version incluse dans cet album et pour mezzo-soprano et trio. 

Pour cette version avec mezzo-soprano, j'ai choisi l'interprétation de Karine Deshayes, une oeuvre d'une belle mélancolie:





Etudes Op. 149



Godard nous propose quatre livres d'Etudes pour piano:
  1. Etudes enfantines
  2. Etudes mélodiques
  3. Etudes rythmiques
  4. Etudes de concert
Ce qui pour moi caractérise ces études c'est qu'elles ne sont absolument pas arides comme cela peut souvent être le cas. 

Les études enfantines sont particulièrement charmantes avec leur citation de "Nous n'irons plus aux bois" et qui finit par "Le menuet des bambins" qui me rappelle "La tartine de beurre" de Mozart. 

Dans les études mélodiques, on remarque le "Nocturne italien" qui évoque Chopin, et la "Barcarolle crépusculaire" qui annonce la musique impressionniste. 

Dans les études rythmiques, je retiens particulièrement l'"Allegro scherzando" avec ses accentuations. 

Les études de concert sont les plus virtuoses. J'ai particulièrement apprécié la seconde etude "Allegretto" proche de la valse et la cinquième étude "Vivace" qui déroule ses doubles-croches.

L'interprétation de Jean Martin est sans faille et d'une grande distinction:





dimanche 19 avril 2020

Mahler (Gustav)

Gustav Mahler


Gustav Mahler


Gustav Mahler, né le 7 juillet 1860 à Kaliste en Bohème et mort à Vienne le 18 mai 1911, est un compositeur autrichien. Il fit ses études au conservatoire de Vienne.

Il a mené toute sa vie une double carrière de compositeur et chef d'orchestre. Après avoir dirigé dans de petites villes, il devient chef dans les villes suivantes: Prague (1885-1886), Leipzig (1886-1888), Budapest (1888-1891) et Hambourg (1891-1897). Enfin, en 1897, il devient directeur de l'opéra de Vienne ce qui est le couronnement de sa carrière.

En 1902, il se marie avec Alma Schindler, avec laquelle il aura deux filles. Son activité de chef d'orchestre ou de directeur de l'opéra ne lui laisse pas beaucoup de temps pour composer. Il composera surtout durant les mois d'été.

Il a écrit, somme toute, un nombre peu élevé d’œuvres, par contre il faut considérer combien ces œuvres sont denses et souvent très longues.

Voici la liste de ses compositions:
  • 10 Symphonies, dont la dixième est inachevée (seul l'adagio initial est complet)
  • Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre) souvent considéré comme une onzième symphonie, tout en étant un cycle de 6 lieder orchestraux
  • Das klagende Lied (1878-1880) 
  • Lieder eines fahrenden Gesellen (1883-1885)
  • Lieder aus Des Knaben Wundenhorn (1888-1889)
  • Rückert-Lieder (1901-1902)
  • Kindertotenlieder (1901-1904)
Mahler a révolutionné la symphonie par l'ampleur de ses développements, l'utilisation d'énormes effectifs (avec par exemple la symphonie No. 8 dite "Des Mille" puisqu'elle réclame environ 1000 exécutants), une très grande richesse de timbres, l'utilisation d'instruments inusités et d'une percussion très fournie, qui marquera d'ailleurs l'ouverture d'une classe de percussions à Vienne, et enfin des libertés de plus en plus grandes prises avec l'harmonie et la tonalité qui annoncent l'arrivée d'Arnold Schönberg et de la seconde école de Vienne.

Dans ma sélection j'ai fait un choix: j'ai souhaité vous parler en particulier des Symphonies et du cycle "Das Lied von der Erde" qui sont mes œuvres préférées.

D'autre part, n'étant pas musicologue, je n'ai pas choisi de rentrer dans le détail compositionnel de ces œuvres (des livres entiers ont été écrits sur le sujet), mais par contre je me propose d'associer à chaque oeuvre un tableau, et d'expliquer pourquoi j'ai choisi cette association. Je me propose également de vous donner mes versions préférées au disque et sur Youtube.

D'une façon générale, en ce qui concerne les symphonies, je vous recommande les intégrales suivantes: Claudio Abbado, Eliahu Inbal, Michael Gielen et Leonard Bernstein.

Je vous ai concocté une playlist des principales œuvres de Mahler: dans ma sélection figurent de larges extraits de ses 10 symphonies, j'ai choisi les mouvements qui me semblent les plus représentatifs de l'art de Mahler.

J'ai ensuite sélectionné une œuvre méconnue du compositeur: son quatuor avec piano. Enfin, la playlist se termine par une anthologie de lieder et de musique vocale avec des extraits de: Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre), Das klagende Lied (La Complainte), Des Knaben Wunderhorn (Le Cor enchanté de l'Enfant), Lieder eines fahrenden Gesellen (Les Chants du compagnon errant), Rückert-Lieder (Lieder sur des textes de Friedrich Rückert) et Kindertotenlieder (Chants pour des enfants morts).



Symphonie No. 1 "Titan"

Théodore Rombouts - Prométhée

Pour illustrer cette symphonie j'ai choisi le héros Prométhée, qui pour avoir donné le feu aux hommes, fut condamné par Zeus à avoir le foie dévoré continuellement par un aigle. Ce tableau rappelle le thème principal de la symphonie qui évoque un héros qui cherche la délivrance. Cela est particulièrement bien illustré dans le 3ème mouvement de la symphonie où l'on peut entendre la chanson "Bruder Martin" ("Frère Jacques") en mineur, et lors duquel Mahler apparaît sous des aspects tantôt parodiques, tantôt démoniaques.

Au disque, ma version préférée est celle de François-Xavier Roth dirigeant l'ensemble Les Siècles: une version d'une très grande lisibilité.

En voici le premier mouvement:




Symphonie No. 2 "Résurrection"

Paolo Véronèse - La résurrection du Christ
La Symphonie No. 2 de Mahler est sous-titrée "Résurrection", en effet le dernier mouvement utilise le poème "Die Auferstehung" ("La Résurrection") de Friedrich Gottlieb Klopstock. Il s'agit d'une oeuvre grandiose avec soprano, contralto et un choeur. Le mouvement final baigne dans un sentiment d'exaltation que reflète exactement le tableau de Véronèse avec l'aura qui entoure le Christ.  

Mahler dirige la première audition de cette symphonie à Berlin en 1895. Sa sœur Justi est présente ; elle écrit : « On aura peine à revivre une telle intensité dans l’enthousiasme. J’ai vu pleurer des hommes adultes […] Lorsque le chœur s’est fait entendre pour la première fois, un souffle s’est exhalé de toutes les poitrines. L’effet était indescriptible ! »

Au disque: je recommande la version de Michael Gielen à la tête du SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, avec Juliane Banse, soprano, Cornelia Kallisch, contralto et l'EuropaChorAkademie. Une grande version comme toute l'intégrale de Gielen, d'une grande homogénéité.

En vidéo, je sélectionne la version de Claudio Abbado.






Symphonie No. 3

Paul Cézanne - Intérieur de Forêt

La Symphonie No. 3 de Mahler exprime le triomphe de la nature. J'ai choisi ce tableau de Cézanne qui exprime à mon avis le côté brut et sauvage de la nature qui est particulièrement bien illustré dans le 1er mouvement de la symphonie qui est un monde à lui tout seul.

Au disque: j'ai choisi la version d'Eliahu Inbal à la tête du Radio Sinfonie Orchester Frankfurt. Une version qui m'accompagne depuis des années et avec laquelle j'ai découvert cette symphonie.

En vidéo, j'ai choisi la version dirigée par Claudio Abbado, qui nous a laissé de nombreux témoignages de son excellence dans Mahler. Il est accompagné par Anna Larsson, contralto, le Arnold Schoenberg Chor, le Tolzer Knabenchor et le Lucerne Festival Orchestra.



Symphonie No. 4

Henri Matisse - La Danse

Afin d'illustrer la Symphonie No. 4 de Mahler, qui est certainement la symphonie la plus rayonnante du compositeur, j'ai choisi "La Danse" de Matisse car elle illustre le côté festif du 4ème mouvement de la symphonie où intervient la mezzo-soprano qui chante un air tiré de "Aus Des Knaben Wunderhorn" (du recueil "Le cor enchanté de l'enfant"). L'air s'intitule "Das himmliche Leben" ("La vie céleste"), en voici le premier paragraphe:


Nous goûtons les joies célestes,
détournés des choses terrestres.
Du ciel on n'entend guère
le tumulte du monde !
Tout vit dans la plus douce paix !
Nous menons une vie angélique !
Mais quelle n'est pas notre gaieté!
Nous dansons et bondissons,
nous gambadons et chantons !
Et Saint Pierre, en ces lieux, nous regarde !

Au disque, je recommande la version dirigée par Eliahu Inbal et chantée par Helen Donath qui est parfaite.

En vidéo, je choisis la version dirigée par Claudio Abbado avec Magdalena Kožená, mezzo-soprano et le Lucerne Festival Orchestra:



Symphonie No. 5

Bernardo Bellotto - Le Grand Canal à Venise

La Symphonie No. 5 contient certainement le mouvement le plus connu, le célèbre "Adagietto" qui a été utilisé par Luchino Visconti pour son film "Mort à Venise". Et comment ne pas choisir un tableau de Venise pour illustrer cette symphonie, Venise qui est certainement une des grandes villes de la musique. J'ai choisi un tableau de Bernardo Bellotto (le neveu du grand Canaletto), car j'ai trouvé que les bleus utilisés ici exprimaient la beauté profonde et classique de l'Adagietto.

Au disque: je recommande deux versions (que je n'ai pas réussi à départager) celle de Claudio Abbado à la tête du Berliner Philharmoniker et celle de Michael Gielen.

En vidéo, il n'y a pas de concurrence, c'est toujours la version de Claudio Abbado à la tête du Lucerne Festival Orchestra qui s'impose par sa délicatesse (écoutez la harpe dans l'Adagietto!) :




Symphonie No. 6 "Tragique"

Jacques-Louis David - Léonidas aux Thermopyles

On a voulu voir dans cette symphonie, probablement la plus sombre de Mahler, une sorte de prémonition. En effet, dans le dernier mouvement, le héros que la musique évoque reçoit trois coups du destin, dont le dernier l'abat comme un arbre. Ces trois coups sont frappés par un marteau, instrument très rarement utilisé. D'aucuns y ont vu comme une anticipation de l'année 1907, horrible année pour Mahler: il perd son poste à l'opéra de Vienne suite à une cabale, sa fille âgée de 4 ans meurt de la scarlatine, enfin on lui annonce qu'il a une maladie de cœur incurable. 

Afin d'évoquer un héros inéluctablement terrassé, j'ai choisi le tableau de David qui illustre le roi de Sparte Léonidas, lors de la fameuse bataille des Thermopyles où avec seulement 300 spartiates et 700 soldats de Thespies, il fait face à l'armée perse de Xerxès, dont les estimations varient entre 70 000 et 300 000 soldats.

Au disque, je choisis encore la version de Michael Gielen.
En vidéo, la version de Claudio Abbado s'impose encore:



Symphonie No. 7 "Chant de la Nuit"

Vincent Van Gogh - La Nuit Etoilée

La Symphonie No. 7 de Mahler est certainement celle dont la facture est la plus moderne, ce qui lui a longtemps été préjudiciable. Néanmoins, elle est d'une sombre beauté, à mi-chemin entre romantisme et modernité. Son ambiance nocturne et son modernisme me la fait spontanément associer à "La Nuit Etoilée" de Van Gogh. Notamment, je retrouve dans le rondo-finale le côté virevoltant que l'on peut observer dans les tournoiements du ciel du tableau.

Au disque, je continue de sélectionner pour cette symphonie la version de Gielen.
En vidéo, je continue également de choisir la version Abbado:




Symphonie No. 8 "Des Mille"

Jean Brunet (1849-1917), La Nuit du Sabbat (d'après le "Faust" de Goethe)

La Symphonie No. 8 de Mahler est certainement une des symphonies les plus monumentales de la musique (avec la Symphonie Gothique de Havergal Brian), puisqu'elle demande pas loin de mille exécutants, dont 850 choristes.

La symphonie se divise en deux grandes parties:

Hymnus : Veni Creator Spiritus, Allegro Impetuoso
Schluss Szene aus « Faust » [Scène Finale de « Faust »] Poco Adagio, etwas bewegter

Mahler a choisi d'illustrer dans la deuxième partie de sa symphonie (qui constitue la plus grande partie de celle-ci) la scène finale du Second Faust de Goethe: dans cette scène finale, Méphistophélès veut prendre l'âme de Faust. Mais celui-ci n'est pas damné, et sauvé de l'enfer grâce aux prières de Marguerite. Le dernier vers conclut: "l'éternel féminin nous élève". C’est donc bien Marguerite qui sauve Faust de l’emprise de Méphistophélès.

J'ai trouvé très évocateur le tableau sombre et triste de Jean Brunet. Il ne faut pas oublier que Marguerite est une pénitente: le tableau évoque la mélancolie, mais également la pureté du personnage à qui Faust devra son salut. On retrouve cette pureté dans le choeur final de la symphonie.

Au disque, j'ai sélectionné la version très inspirée de Leonard Bernstein à la tête du Wiener Philharmoniker.

En vidéo, j'ai également choisi Leonard Bernstein qui sait divinement bien rendre toute la ferveur de la partition. Leonard Bernstein est accompagné d'un plateau de choix: the Vienna Philharmonic Orchestra, the Vienna State Opera Chorus, the Vienna Boys Choir, Edda Moser (soprano), Judith Blegen (soprano), Gerti Zeumer (soprano), Ingrid Mayr (contralto), Agnes Baltsa (contralto), Kenneth Riegel (ténor), Hermann Prey (baryton) and Jose Van Dam (basse). Le finale nous laisse sans voix:




Symphonie No. 9

Harald Engman - Danse Macabre

La Symphonie No. 9 est une oeuvre sombre, qui fait partie des trois dernières oeuvres du musicien (avec la dixième et le Chant de la Terre). Elle exprime en fin de compte le triomphe de la mort, Mahler en fait l'amer constat et l'exprime dans le déchirement de l'adagio final. Mais c'est plus le troisième mouvement, le fameux Rondo-Burleske, que j'ai voulu illustrer avec ce tableau macabre d'Harald Engman, car ce mouvement exprime à merveille la désillusion du compositeur dans une musique sardonique et démoniaque.

Au disque: des nombreuses versions écoutées au disque, je continue de sélectionner pour cette symphonie la version de Michael Gielen.
En vidéo: vous ne serez pas surpris, par le fait que je choisis encore la version d'Abbado: à la toute fin de l'adagio, Abbado réussit à faire garder le silence à tout le public pendant 1 minute 30. En effet, après un finale aussi beau et terrible il est vraiment difficile de rompre le silence. J'ai rarement vu quelque chose d'aussi impressionnant:




Symphonie No. 10

Gustav Klimt - Le Baiser

Cette symphonie ne fut pas terminée par Gustav Mahler. Il laissa uniquement l'adagio initial complètement terminé, par contre il existe des esquisses pour les autres mouvements. Nous devons au compositeur et musicologue Deryck Cooke d'avoir rendu la partition complète exécutable. La version finale est constituée de 5 mouvements.

Je ne pouvais pas terminer la revue des symphonies de Mahler sans en associer au moins une à l'autre grand Gustav de l'époque: Gustav Klimt, le représentant de l'Art Nouveau et l'exact contemporain de Mahler.

J'ai non seulement choisi un peintre représentatif de l'époque, mais également son oeuvre la plus emblématique: "Le Baiser", et comment mieux associer un tableau à cette symphonie à la musique passionnée, qui exprime tout l'amour de Gustav Mahler pour Alma, même si leur situation conjugale était compliquée.

Au disque: ma version préférée est celle de Michael Gielen, même si j'ai tendance à considérer que la version de Simon Rattle est également excellente.
Sur Youtube, j'ai d'ailleurs choisi la version de Simon Rattle (en version audio) qui me semble être la meilleure disponible:




Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre)

Leng Mei - Banquet d'une soirée de printemps

Je termine cette sélection avec une oeuvre qui est à mi-chemin entre une symphonie et un cycle de six lieders. Les six poèmes utilisés dans cette œuvre sont des adaptations par Hans Bethge de poèmes chinois dont la plupart sont l'oeuvre de Li Bai (ou Li Po) qui vécut au VIIIème siècle.

Ces six poèmes sont:

Das Trinklied vom Jammer der Erde (« Chanson à boire de la douleur de la terre »), poème de Li Bai
Der Einsame im Herbst (« Le Solitaire en automne »), poème de Qian Qi
Von der Jugend (« De la jeunesse »), poème de Li Bai
Von der Schönheit (« De la beauté »), poème de Li Bai
Der Trunkene im Frühling (« L’Ivrogne au printemps »), poème de Li Bai
Der Abschied (« L’Adieu »), poèmes de Meng Haoran et Wang Wei 

J'ai choisi pour illustrer ce cycle une peinture de Leng Mei (peintre chinois fin XVIIe, début XVIIIe siècle), car son tableau cite un poème de Li Bai. La musique de Mahler n'est pas tout à fait orientalisante, mais l'évocation de l'orient n'est pas très loin.

Au disque: la version de référence est celle dirigée par Bruno Walter en 1952, avec Kathleen Ferrier, contralto et Julius Patzak, ténor. Dans les versions plus récentes je retiens celle d'Eliahu Inbal, avec Jard van Nes, contralto et Peter Schreier, ténor.

En vidéo: j'ai retenu les vidéos de Jonas Kaufmann dirigé par Abbado, qui me semble être la meilleure version actuelle. Pour le poème final "L'Adieu", j'ai choisi la version d'Anna Larsson dirigée par Bernard Haitink.


Jonas Kaufmann - Das Trinklied vom Jammer der Erde


Jonas Kaufmann - Der Trunkene im Frühling


Anna Larsson - Der Abschied





mercredi 15 avril 2020

Led Zeppelin

Led Zeppelin


Led Zeppelin


Led Zeppelin est un groupe de rock britannique, originaire de Londres, en Angleterre. Il est fondé en 1968 par - de gauche à droite sur la photo - John Bonham (batterie), Robert Plant (chant), Jimmy Page (guitare) et John Paul Jones (basse, claviers). Il est considéré comme un des plus grands groupes de rock.

Suite à la mort de John Bonham en 1980, les membres du groupe décident de le dissoudre. Quelques collaborations sporadiques verront le jour. Le regretté John Bonham est considéré comme un des meilleurs batteurs de tous les temps.

Le nom du groupe provient d'une discussion entre Jimmy Page et Keith Moon le batteur des Who: Jimmy Page veut recruter des musiciens pour son nouveau groupe, Moon qui n'a aucune envie de quitter les Who, lui dit que son projet va s'écraser comme un Zeppelin de plomb (en anglais: a lead Zeppelin). Le "a" de "lead" sera ensuite supprimé, car ce mot a une connotation négative aux Etats-Unis où il signifie: drogué, défoncé.

Voici une sélection de morceaux choisis parmi certains des neuf albums réalisés par le groupe.

1969 - Led Zeppelin II


Un bon riff de guitare, tout le talent de Jimmy Page, la voix éraillée de Robert Plant, et toute l'énergie du groupe, pour ce premier choix, "Whole Lotta Love":



1970 - Led Zeppelin III



Sur cet album j'ai sélectionné le morceau "Immigrant Song", à la rythmique massive et où Robert Plant pousse sa voix dans l'aigu.

A noter que ce morceau a été utilisé plusieurs fois au cinéma, notamment dans "The Girl with the Dragon Tattoo" (Millénium), et dans "Thor Ragnarok".



1971 - Led Zeppelin IV



Le quatrième album du groupe est connu le plus souvent sous le nom "Led Zeppelin IV", alors qu'il est sorti sans titre, sans nom de groupe, et il faut l'avouer avec une des pochettes les plus laides de l'histoire du rock.

Jimmy Page a décidé de ne pas donner de titre à l'album mais plutôt de mettre à l'intérieur de la pochette quatre symboles, un pour chaque membre du groupe. Cela a d'ailleurs provoqué une polémique certains esprits grincheux y voyant des symboles sataniques.

Ces symboles sont illustrés dans l'image suivante:

Logos du quatrième album de Led Zeppelin (de gauche à droite: Page, Jones, Bonham et Plant).

Il s'agit d'un des meilleurs albums du groupe avec des titres fameux comme "Stairway to Heaven", "Rock And Roll", "Black Dog" ou "When the Levee Breaks".

Stairway to Heaven est certainement le morceau le plus connu du groupe, et il fournit l'occasion à Jimmy Page d'exécuter un des plus beaux solos de guitare de l'histoire du rock (écoutez à partir de 6:00):



J'ai également sélectionné une version live de "Rock And Roll" un morceau qui déménage bien:



1973 - Houses of the Holy



De cet album, j'ai sélectionné "The Song Remains the Same", un morceau flamboyant:



1975 - Physical Graffiti


A mon sens "Physical Graffiti" est le meilleur album du groupe. J'en ai extrait deux perles, à commencer par ce morceau si célèbre aux sonorités indiennes et au thème martelé: Kashmir.


Mon deuxième choix s'est porté sur la chanson "Houses of the Holy", encore un sérieux riff de guitare !



1979 - In Through the Out Door



Sur cet album j'ai sélectionné un morceau plus lent à la très belle mélodie "All My Love":



Led Zeppelin & J.R.R. Tolkien

Vous serez peut-être surpris de l'apprendre, mais il se trouve que Page et Plant, fascinés par les mythologies Européennes et Indiennes, ont fait de nombreuses références aux œuvres de Tolkien.

Voici quatre morceaux qui y font allusion.

Ramble On

Il s'agit d'un morceau se trouvant sur Led Zeppelin II. La chanson, écrite par Robert Plant, fait allusion aux voyages d'un certain Frodo Baggins: 

It was in the darkest depths of Mordor
I met a girl so fair
But Gollum, and the evil one
Crept up and slipped away with her

On comprend une référence aux Seigneur des Anneaux, Gollum est nommément cité et "the evil one" est certainement Sauron. Quant à la fille "a girl so fair", c'est peut-être une allusion déguisée à l'anneau lui-même que Gollum appelle "mon précieux".



Misty Mountain Hop

Ce titre se trouve sur Led Zeppelin IV. Il ne fait qu'une référence cryptique au roman de Tolkien "Le Hobbit" en citant dans son titre "Misty Mountain" (Les monts brumeux). Dans la chanson il ne s'agit que d'évoquer un endroit tranquille loin de la civilisation.



The Battle of Evermore

Egalement situé sur Led Zeppelin IV, c'est certainement le morceau qui fait le plus nettement référence au Seigneur des Anneaux, et en particulier à la Bataille des Champs du Pelennor.
J'ai noté les citations suivantes:
  • the dark lord: Sauron
  • horses' thunder/angels of Avalon: il s'agit certainement des cavaliers du Rohan
  • queen of light: Galadriel
  • the prince of peace: certainement Frodon lui-même
  • the tyrant's face is red: une référence à la colère de Sauron suite à sa défaite
  • eastern glow: signifie "lueur orientale" et peut faire référence à l’œil de Sauron qui veille depuis le Mordor
  • the drums will shake the castle wall: une référence aux murs de Minas Tirith qui céderont sous les coups de butoir des Orques
  • the ring wraiths ride in black: une référence aux Nazguls, les serviteurs de l'anneau
  • the sunlight blinds his eyes: la lumière rend aveugle Sauron, le seigneur des ténèbres

Voici ce morceau épique aux parfums celtiques, et parfois indiens:



Over the Hills and Far Away

Ce dernier morceau se trouve sur l'album "Houses of the Holy". Le titre du morceau fait référence au titre similaire d'un poème de Tolkien de 1915: "Over old hills and far away". Ici les références directes à Tolkien sont bien moindres, on sait juste que le protagoniste s'apprête à faire un voyage.



mardi 14 avril 2020

Jackson Browne

Jackson Browne


Jackson Browne


Jackson Browne est un auteur-compositeur-interprète de rock & folk. Sa carrière commence vers 1966, où il écrit des chansons et participe à l'album de la chanteuse allemande Nico, égérie du Velvet Underground. 

Son style se caractérise par des chansons pour la plupart dans des tempos lents, de belles mélodies, le thème principal de ses chansons est l'amour, et elles sont souvent mélancoliques. A partir de 1983 ses textes sont plus engagés politiquement et il participe à la création de l’association écologiste "Musicians United for Safe Energy" (MUSE) à l'origine des concerts No Nukes.

Il se produit toujours aujourd'hui mais n'a pas réalisé d'album depuis 2014.


Voici une petite sélection dans sa discographie qui se compose aujourd'hui de 17 albums studio.

1973 - For Everyman



For Everyman est son second album, et j'ai choisi deux titres. Tout d'abord "These days", une chanson que Jackson Browne a composé pour Nico et qui se trouve sur l'album "Chelsea Girl", il l'a écrite alors qu'il n'avait que 16 ans. Cette chanson a été influencée par le blues parlé de Dylan et de Woody Guthrie.



Ensuite, voici un morceau célèbre qui a été écrit en collaboration par Jackson Browne et Glenn Frey du groupe Eagles. Le morceau s'appelle "Take It Easy", il est sorti tout d'abord sur l'album "The Eagles", et l'année suivante Jackson Browne l'a sorti à son tour. 

C'est une chanson typique des voyages sur la route et elle parle de « standing on the corner in Winslow, Arizona. » Quand on sait que cet angle de rue se trouve sur la mythique Route 66, on comprend pourquoi il est devenu une attraction touristique en hommage à la chanson:




1974 - Late for the Sky



Late for the Sky est le troisième album de Jackson Browne et certainement celui qui a eu le plus de succès. 

Il se distingue en particulier par sa superbe pochette qui s'inspire du tableau de René Magritte "L'Empire des Lumières".

Magritte - L'Empire des Lumières (1954)


Voici le morceau "Late for the Sky", une très belle ballade folk typique du style de Jackson Browne:



Dans la même veine on trouve le titre "Before the Deluge":




1976 - The Pretender



Sur l'album suivant j'ai sélectionné le titre éponyme qui parle de l'acceptation d'un monde qui ne nous correspond pas tout à fait. 

En voici une version d'anthologie enregistrée en 2009 au Madison Square Garden avec Crosby, Stills & Nash:



1977 - Running on Empty



De nouveau un très bel album, nous sommes dans la période la plus riche de Jackson Browne. Voici le morceau éponyme dans lequel Jackson Browne est accompagné par ses complices du groupe "The Section" en 2018, un titre plus rythmé que d'habitude:



Les deux morceaux suivants, qui sont toujours enchaînés, sont certainement les meilleurs morceaux de toute la discographie de Jackson Browne. Il s'agit de "The Load Out / Stay". 

A noter qu'il existe une version d'anthologie de Stay enregistrée par Jackson Browne, Bruce Springsteen et Rosemary Butler dans laquelle la "grosse voix grave" est interprétée par Clarence Clemons le saxophoniste de l'E Street Band, le groupe de Bruce.

Voici tout d'abord une version live donnée en 1978 à la BBC de "The Load Out / Stay":


Et la version de Stay donnée par Jackson Browne, Bruce Springsteen et Rosemary Butler lors du concert "No Nukes" de 1979:



1986 - Lives in the Balance



Cet album est nettement plus pop que les albums précédents et bien ancré dans les années 80. En même temps, il contient des chansons plus engagés politiquement et en particulier, il critique la politique menée par le président Reagan, notamment en Amérique centrale.

Voici le morceau éponyme lors d'un concert acoustique où Jackson Browne est accompagné par David Crosby, Graham Nash & David Lindley:



1989 - World in Motion



Dans cet album, se détache la chanson "I am a Patriot" dans laquelle Jackson Browne a souhaité exprimer son amour pour son pays, même s'il n'est pas l'auteur de la chanson qui a été écrite par Steven Van Zandt, un auteur-compositeur membre du E Street Band de Bruce Springsteen. 

Suite à ses prises de positions politique, Jackson Browne a voulu clarifier le fait qu'on n'aime pas moins son pays même si on n'est pas toujours favorable à certaines décisions de son gouvernement. Il a donné un style reggae au morceau.



1993 - I'm Alive



De nouveau, c'est un morceau à la sonorité reggae qui se détache de cet album. Il s'agit de "Everywhere I Go", un titre festif et joyeux, qui tranche avec les nombreux morceaux mélancoliques auxquels Jackson Browne nous a habitué.




2008 - Time The Conqueror



Le thème de la chanson éponyme est écologiste: Jackson Browne nous rappelle que nous ne sommes ici que de passage, et que si nous voulons préserver la terre pour les générations futures, nous n'avons pas le choix: il nous faut changer ou tout perdre. 

Le temps est de notre côté, il peut guérir toutes les blessures, mais en même temps il peut tout nous voler: "le temps est le conquérant".




2014 - Standing in the Breach



Jackson Browne a décidé d'inclure sur son dernier album un vieux morceau qu'il a écrit dans les années 60 et qui était un portrait de Nico: il se rappelle de sa beauté et du fait que toutes les portes s'ouvraient devant elle. 

La chanson s'intitule "The Birds of St. Marks", voici la chanson folk d'un jeune homme de 18 ans: