lundi 28 novembre 2022

Fauré (Gabriel)

 

Gabriel Fauré
Gabriel Fauré par John Singer Sargent (vers 1889)


Gabriel Fauré


Dans une lettre qu'il lui adresse en 1897, Marcel Proust écrit de lui: "Je n'aime, je n'admire, je n'adore pas seulement votre musique, j'en ai été, j'en suis encore amoureux. Je connais votre oeuvre à écrire un volume de trois cents pages dessus." Il s'agit de Gabriel Fauré.

Gabriel Fauré est né à Pamiers (Ariège) le 12 mai 1845 et mort à Paris le 4 novembre 1924. Il s'agit d'un spécialiste d’une musique intimiste et complexe, d'un maître de l'harmonie et d'un grand mélodiste. Il a composé de la musique pour piano, de la musique de chambre, plus de 100 mélodies, de la musique orchestrale, un opéra : "Pénélope", et de la musique vocale dont son fameux Requiem. Il laisse environ 255 œuvres.

Je vous propose une sélection de ses plus belles œuvres. Ce que j'apprécie surtout chez ce compositeur c'est son originalité, la beauté de certaines de ses mélodies qui sont sublimes, son utilisation incomparable de l'harmonie, qu'il manie avec une science à la fois complexe mais également incroyablement maîtrisée.

Je cite les œuvres choisies par ordre chronologique de composition. Quand il y a deux années précisées, elles correspondent à la date de début et de fin de composition. Quand il y a plusieurs œuvres figurant sur un album, il m'arrive d'en sélectionner plusieurs pour leur intérêt. Dans ce cas, les autres œuvres choisies ne suivent pas l'ordre chronologique.



1861 - Le Papillon et la Fleur Op. 1 No. 1



Fauré, tout au long de sa carrière, composera plus de cent mélodies. Ce corpus constitue une partie très importante de sa production musicale. Il en composera tout au long de sa vie.

Et c'est en effet, à l'âge de 16 ans qu'il compose sa première oeuvre. Il s'agit de la mélodie "Le Papillon et la Fleur" qui sera le premier numéro de l'opus 1. C'est une pièce charmante composée sur un texte de Victor Hugo qui raconte les malheurs d'une fleur qui voudrait bien être libre comme un papillon. Elle lui demande d'avoir des ailes comme lui, ou bien de s'enraciner comme elle.

J'ai sélectionné un magnifique album intitulé "Fauré et ses poètes" et composé de 31 mélodies. Les interprètes sont Marc Mauillon, baryton et Anne Le Bozec, piano. L'album est tellement parfait que Marc Mauillon apparaît comme l'interprète idéal des mélodies de Fauré, son interprétation est pleine de délicatesse et de légèreté, la diction est excellente, et exempte de tout maniérisme.

Voici "Le Papillon et la Fleur":



Extraite du même album, j'ai également sélectionné la mélodie "Rêve d'amour" Op. 5 No. 2 (composée en 1864), toujours sur un texte de Victor Hugo, une déclaration d'amour à la bien-aimée.



Enfin, j'ai choisi "Les Berceaux" Op. 23 No. 1 (composé en 1879) sur un poème de Sully Prudhomme. Il s'agit d'une mélodie mélancolique qui parle des hommes qui partent en mer laissant leurs femmes, et leurs enfants dans leurs berceaux.





1865 - Cantique de Jean Racine Op. 11




Fauré a 19 ans quand il compose l'une de ses œuvres les plus connues, le Cantique de Jean Racine. Le texte de Jean Racine (1639-1699) est en fait une paraphrase de l'hymne "Consors paterni luminis" datant de l'Antiquité tardive (IVe siècle). Dédiée à César Franck, la partition obtint le premier prix de composition au concours de sortie de l'École Niedermeyer de Paris, dont Fauré était élève.

Cet hymne demande à Jésus Christ d'être favorable à son peuple fidèle et qu'il répande le feu de sa grâce puissante. 

Au disque, j'ai sélectionné la version d'un des meilleurs chœurs, l'ensemble Accentus, dirigé par Laurence Equilbey. Le Cantique de Jean Racine y est couplé à une des meilleures version du Requiem de Fauré avec parmi les solistes Sandrine Piau et Stéphane Degout.

Sous Youtube, voici la Maîtrise de Radio France, dirigée par Sofi Jeannin, avec Vincent Warnier à l'orgue qui interprètent cette très belle oeuvre.




1875 - Nocturne No. 1, Op. 33 No. 1



Au cours de sa vie Fauré a composé 13 nocturnes. Ils occupent également un part importante puisque le dernier (le nocturne No. 13) porte le numéro d'opus 119 et date de 1921.

Au disque, j'ai sélectionné la version du pianiste Eric Le Sage qui a enregistré l'intégrale des nocturnes. Il s'agit de pièces raffinées d'un lyrisme intime et délicat, où Fauré se positionne comme héritier de Chopin.

Voici le Nocturne No. 1 par Eric Le Sage.





1875-1876 - Sonate pour violon et piano No. 1 Op. 13



La musique de chambre de Fauré représente une oeuvre essentielle dans la musique de chambre française. Cette première sonate fut en grande partie composée durant l'été 1875, alors que Fauré - alors dans sa trentième année - séjournait chez les Clerc, ses amis, dans leur propriété normande de Sainte-Adresse. Elle fut achevée au début de 1876, et présentée au public parisien l'année suivante, le 27 janvier 1877 à la Société Nationale (salle Pleyel), par la violoniste Marie Tayau et l'auteur au piano.

Le succès fut grand et Saint-Saëns devait écrire quelques temps plus tard:

"On trouve dans cette sonate tout ce qui peut séduire, la nouveauté des formes, la recherche des modulations, des sonorités curieuses, l'emploi des rythmes les plus imprévus; sur tout cela plane un charme qui enveloppe l'oeuvre entière et fait accepter à la foule des auditeurs ordinaires, comme choses toutes naturelles, les hardiesses les plus imprévues... M. Fauré s'est placé d'un bond au niveau des maîtres."

Cette partition porte l'empreinte de la joie des fiançailles de Fauré avec Marianne Viardot, la fille de Pauline. Malheureusement, la joie fut brève puisque la jeune fille devait rompre avec le compositeur dès la fin de l'année 1877.

Cette sonate demeure aujourd'hui une des œuvres de musique de chambre les plus appréciées des interprètes français. Elle est en quatre mouvements et dure environ 20 minutes.

Ma version favorite au disque est celle de Christian Ferras au violon et Pierre Barbizet au piano. Elle offre en couplage les deux sonates pour violon et piano.

Sous Youtube, je vous propose l'interprétation de Renaud Capuçon au violon et de Guillaume Bellom au piano.





1877 - Après un rêve Op. 7 No. 1



"Après un rêve" est une mélodie pour voix moyenne et piano, d'après une poésie toscane d'un auteur anonyme italien "Levati sol que la luna è levata", traduite par Romain Bussine (1830-1899).

On peut penser que cette mélodie mélancolique fut inspirée par la déception de Fauré suite à la rupture de ses fiançailles. Cette pièce évoque un amoureux qui se réveille et qui s'aperçoit que son rêve était trompeur et qu'il était victime des mensonges de la nuit.

Une superbe interprétation de cette mélodie est donnée par Véronique Gens sur son album de 2000 "Nuit d'étoiles" consacré à des mélodies de Fauré, Debussy et Poulenc. Véronique Gens par sa diction et sa souveraine distinction se révèle une interprète parfaite pour Fauré.

Voici la version de l'album.



Cette mélodie a connu de nombreuses interprétations des meilleures cantatrices françaises, Sabine Devieilhe n'est pas en reste et nous livre sa version en 2020 dans laquelle elle joue plus sur sa puissance pour exprimer le désespoir évoqué. Je ne pouvais pas omettre de citer cette version. (Elle est accompagnée par Alexandre Tharaud au piano).





1876-1879 - Quatuor pour piano et cordes No. 1 Op. 15



Fauré composa ce premier quatuor avec piano en grande partie en 1876, chez ses amis Clerc à Sainte-Adresse (près du Havre); mais deux années s'écoulèrent ensuite pour en voir l'achèvement - mécontent de son finale, le musicien le récrivit entièrement.

Le quatuor fut terminé en 1879 et créé le 14 février 1880 à Paris, à la société nationale (salle Pleyel). Fauré tenait la partie de piano.

Emile Vuillermoz a émis ce jugement (qui s'applique à la fois aux deux quatuors et aux deux quintettes avec piano):

"La flexibilité de leur écriture pianistique est prodigieuse. Enveloppés par les arpèges, les accords et les traits insinuants du clavier, les archets tissent à l'aise leur trame serrée et homogène, que le piano incruste de perles de cristal. Fauré obtient ainsi une étoffe d'une richesse et d'une somptuosité rares".

Le premier quatuor comporte quatre mouvements et dure un peu plus de 30 minutes. Il s'agit pour moi d'un véritable chef-d'oeuvre.

Au disque j'ai sélectionné l'album du Trio Wanderer accompagné par Antoine Tamestit (alto). L'album fournit en couplage les deux quatuors avec piano. On notera au passage la superbe pochette avec le tableau de Seurat "La Grande Jatte".

Voici le quatuor No. 1 interprété par Pierre Colombet, violon, Arnaud Thorette, alto, Felix Drake, violoncelle et Akiko Yamamoto, piano.



Voici le quatuor No. 2 Op. 45, composé en 1885-1886, par l'Aurora Piano Quartet.





1878-1879 - Concerto pour violon Op. 14



L'album que j'ai sélectionné, dirigé par Moshe Atzmon, nous permet d'entendre les principales œuvres concertantes de Fauré telles que: la ballade pour piano Op. 19, la berceuse pour violon Op. 16, l'élégie pour violoncelle Op. 24 et la fantaisie pour flûte Op. 79.

Mais ce qui fait le principal intérêt de cet album est la présence du concerto pour violon Op. 14, très rare au disque, une oeuvre de jeunesse tout à fait intéressante, même si elle fut reniée par la suite par le compositeur.

Cette oeuvre est interprétée par Jean-Marc Philips-Varjabédian au violon. Moshe Atzmon dirige l'Orchestre de Bretagne.





1880 - Elégie pour violoncelle et piano Op. 24



L'album d'Ophélie Gaillard et Bruno Fontaine va nous permettre d'entendre les plus belles œuvres de Fauré pour violoncelle et piano: l'élégie Op. 24, Papillon Op. 77, les deux sonates pour violoncelle et piano et la Sicilienne Op. 78.

L'Elégie Op. 24 fut dédiée au violoncelliste Jules Loëb et créée à Paris le 15 décembre 1883 par son dédicataire. Les thèmes sont un lamento que chante le violoncelle, pathétique, sur une scansion de marche funèbre, et un deuxième thème joué au piano sinueusement délié. L'expressivité de cette partition et sa belle pureté de lignes, en ont assuré le succès. Elle sera transcrite par Fauré lui-même pour violoncelle et orchestre en 1895. 



La pièce Papillon Op. 77 composée vers 1884 est virevoltante.



La sonate pour violoncelle et piano No. 1 Op. 109 fait partie des œuvres du dernier Fauré puisqu'elle fut composée en 1917 pendant un été passé à Saint-Raphaël.

Harry Halbreich a écrit à propos de cette sonate qu'elle n'est pas d'un accès facile. Mais ... "il faut persévérer au-delà de ce premier contact pour découvrir un nouveau chef-d'oeuvre, d'une densité de pensée exceptionnelle, encore soulignée par une tension contrapuntique magistrale, d'une expression sobre et virile, d'une vigueur rythmique digne du meilleur Roussel. Au reste, les deux derniers mouvements sont d'un abord plus aisé que le premier".

Les trois mouvements sont un Allegro (le plus développé), un Andante et un Allegro commodo. La sonate dure environ 20 minutes.

La voici interprétée par Ophélie Gaillard au violoncelle et Bruno Fontaine au piano.



La sonate pour violoncelle et piano No. 2 Op. 117 se base sur un chant funéraire écrit par Fauré pour le centenaire de la mort de Napoléon 1er, qui est utilisé dans le mouvement central. Les deux autres mouvements furent écrits pendant le printemps et l'automne 1921 à Paris, puis à Ax-les-Thermes. Cette sonate est beaucoup plus mélodique et souriante que la précédente. Deux Allegros sensiblement de mêmes proportions entourent l'Andante, transcription du chant funéraire, qui est plus concis. La sonate dure environ 19 minutes.

En voici une version par Vashti Hunter (violoncelle) et Zoltan Fejervari (piano).



Je termine la revue des œuvres de cet album par la Sicilienne Op. 78. Interlude en si bémol majeur pour violoncelle (ou violon) et piano, elle est destinée à l'origine à la musique de scène du "Bourgeois Gentilhomme" de Molière. Après une première composition préparatoire pré-orchestrale de mars 1893, Gabriel Fauré transposera l’œuvre en 1898 pour piano et violoncelle dans une version définitive qui sera publiée la même année, avec une partie pour violon alternative. 

A noter que l’œuvre sera ultérieurement orchestrée et utilisée pour la musique de scène de "Pelléas et Mélisande", Op.80.

Voici cette oeuvre superbe interprétée par Gautier Capuçon (violoncelle) et Michel Dalberto (piano).





1880-1881 - Barcarolle No. 1 Op. 26




Composées durant une grande partie de sa vie créatrice, empreintes de charme, d’une sombre grandeur ou dépouillées, les 13 Barcarolles de Fauré témoignent du raffinement de son écriture comme de l’évolution de son langage. 

A l'origine, chant traditionnel des gondoliers vénitiens au balancement caractéristique, la barcarolle a connu au piano ses lettres de noblesse avec le chef-d’oeuvre de Chopin. Si les 13 Barcarolles que Gabriel Fauré écrivit entre 1881 et 1921 s’inscrivent dans son sillage, c’est avant tout pour leur raffinement harmonique, leur ton et la variété de leurs atmosphères n’appartenant qu’au compositeur français.

Le premier disque de Jean-Philippe Collard fut consacré au Barcarolles de Fauré. Près de cinquante ans plus tard, les œuvres ont mûri tout au long de sa carrière et en 2022 il nous livre une nouvelle mouture qui bénéficie de toute l'expérience de l'artiste.

Voici la Barcarolle No. 1 extraite de ce nouveau disque.



Jean-Philippe Collard considère la Barcarolle No. 5 Op. 66 comme le chef-d'oeuvre du recueil. La voici.





1887 - Pavane Op. 50




Fauré compose sa Pavane pour orchestre et chœur ad libitum à l'été 1887. Il s'agit d'une pièce éminemment proustienne, puisque sa dédicataire, la flamboyante Élisabeth de Riquet de Caraman-Chimay, comtesse Greffulhe, serait le modèle de la duchesse de Guermantes dans "A la recherche du temps perdu", et l’auteur du poème utilisé par Fauré, Robert de Montesquiou, célèbre dandy et cousin de la précédente, celui du baron de Charlus. 

Un solo de flûte suave, dans le grave de l’instrument, a assuré la célébrité de cette page en ut dièse mineur, à laquelle les savoureuses hésitations modales, le discret archaïsme confèrent une mélancolie étrange, plutôt que la gravité associée normalement à cette danse de la Renaissance.

J'ai sélectionné l'album de Seiji Ozawa à la tête du Boston Symphony Orchestra, qui à lui seul nous fournit une formidable anthologie de la musique orchestrale de Fauré.

Voici, tout d'abord, la Pavane, interprétée par le Chœur de Radio France dirigé par Martina Batic.



Cet album contient d'autres chef-d’œuvres tels que la suite Pelleas & Melisande Op. 80. Il s'agit au départ d'une musique de scène écrite en 1898 par Gabriel Fauré pour une représentation en langue anglaise, le 21 juin 1898 à Londres, de la pièce Pelléas et Mélisande de Maeterlinck. C'est pourquoi, la "Chanson de Mélisande" est chantée en anglais.

L'orchestration de l'oeuvre fut confiée à Charles Koechlin. Une suite de cinq morceaux pour orchestre fut publiée en 1900, et créée en 1901 par l'Orchestre Lamoureux dirigé par Camille Chevillard. Elle a aussi été arrangée pour piano seul et piano à quatre mains. Elle est parfois donnée en 4 parties seulement lorsque la "Chanson de Mélisande" est omise.

Dans ce cas, les 4 parties sont:
  1. Prélude
  2. La fileuse
  3. Sicilienne
  4. Mort de Mélisande
En voici une version live dirigée par Mikko Franck à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France.



Le morceau "Après un rêve" Op. 7 No. 1 a déjà été sélectionné plus haut en tant que mélodie pour voix et piano. En 1918, elle fut transcrite pour violoncelle (ou voix) et orchestre par Henri Büsser. 

Voici une version interprétée par Gautier Capuçon au violoncelle, l'Orchestre de Chambre de Paris est dirigé par Douglas Boyd.



Voici l'Elégie Op. 24 que nous avons déjà sélectionné dans sa version pour violoncelle et piano. Elle est interprétée par Gautier Capuçon et le Malta Philharmonic Orchestra dans sa version pour violoncelle et orchestre.



La Suite "Dolly" Op. 56 fut écrite par Fauré en l’honneur d’une petite fille prénommée Hélène, que sa mère, Emma Bardac, future seconde épouse de Debussy, surnommait affectueusement Dolly. Il se trouve qu'avant de devenir Madame Debussy, Emma Bardac fut un temps la maîtresse de Fauré. Il lui écrivit d'ailleurs le recueil de mélodies "La Bonne Chanson".

La Suite "Dolly" prend place, écrit Harry Halbreich, "aux côtés des Scènes d’enfants de Schumann et du Children’s Corner de Debussy, parmi les musiques les plus ravissantes jamais inspirées par l’enfance". 

Les titres des pièces indiquent combien cette suite fait  allusion à des situations ou à des personnages familiers : la Berceuse avait été écrite trente ans plus tôt pour une petite Suzanne, dont le père était préfet et ami de Fauré ; Kitty (en réalité Ketty) était le nom du chien des Bardac ; "Le jardin de Dolly" est une "promenade au jardin du Tendre", selon Jean-Michel Nectoux, qui voit dans "Le pas espagnol", l’ultime page du recueil, "un éblouissant hommage à España de l’ami Chabrier"; quant à "Mi-a-ou, il ne s’agit pas d’une allusion à un chat mais à "Monsieur Raoul", frère de Dolly (qu’elle appelait "Aoul").

La suite fut initialement écrite pour piano à quatre mains et fut transcrite pour orchestre par Henri Rabaud en 1905.

Voici cette suite interprétée par Cristian Măcelaru à la tête de l'Orchestre national de France.





1887-1900 - Requiem Op. 48



Le Requiem est sans doute l'oeuvre la plus célèbre de Fauré. Sa composition s’étend de 1887 à 1900. On pense que Fauré, qui était agnostique, l’a composé suite aux décès successifs de sa mère et de son père. Le Requiem de Fauré ne se veut pas comme une messe des morts à proprement parlé, mais plutôt comme un message d’espoir, Fauré voyant dans la mort une délivrance heureuse. 

Il existe deux versions du Requiem: une version de 1893 avec des effectifs instrumentaux réduits. C'est cette version qui est utilisée par Laurence Equilbey et le choeur Accentus dans leur superbe version.

La version de 1900 est quant à elle ré-orchestrée et fait appel à des effectifs plus importants. Elle est utilisée dans la version de Paavo Järvi à la tête du Chœur de l'Orchestre de Paris et de l'Orchestre de Paris.

L'album de Paavo Järvi est très complet car, outre le Requiem, il nous permet d'entendre le Cantique de Jean Racine, La Pavane, L'Elégie ainsi que la première version enregistrée du motet "Super flumina Babylonis".

Le document vidéo suivant est remarquable car il nous permet d'écouter toutes ces œuvres sous la baguette de Paavo Järvi.





1888 - Souvenirs de Bayreuth Op. posth.




Entre 1879 et 1896, Fauré entend les opéras de Wagner à Cologne, Munich, Londres ou Bayreuth. Même s’il est l’un des rares à l’époque à résister à l’influence du "vieux Klingsor" (le sorcier dans Parsifal), il compte bien parmi ses admirateurs. 

Les réactions sont à la mesure de la déferlante wagnérienne, et les parodies en particulier ne se font pas attendre – manière douce de renverser l’idole. Chabrier travestit ainsi Tristan et Isolde dans ses "Souvenirs  de Munich". 

Fauré et son ami André Messager lui emboîtent le pas vers 1888 avec leurs "Souvenirs de Bayreuth", fantaisie en forme de quadrille sur les thèmes favoris de l’Anneau du Nibelung de Richard Wagner, pour piano à quatre mains. Le sublime germanique transporté au sein d’une danse populaire française ? Le ressort comique (matériau sublime malmené et ramené dans un cadre trivial) est irrésistible.

Au disque, j'ai retenu cet album de duos et trios avec piano. Alexandre Tharaud y donne la réplique à Eric Le Sage dans les "Souvenirs de Bayreuth", la suite "Dolly" et "Masques et Bergamasques".

Sous Youtube, voici les "Souvenirs de Bayreuth" interprétés par Pierre-Alain Volondat et Patrick de Hooge, une pièce pleine d'humour!



L'album sélectionné contient également la Fantaisie Op. 79 pour flûte et piano interprété par Eric Le Sage au piano et Emmanuel Pahud à la flûte. Cette pièce fut composée par Fauré en 1898 pour le concours du Conservatoire.

La voici interprétée par Emmanuel Pahud et l'Orchestre de Chambre de Paris sous la direction de François Leleux, dans l'arrangement pour flûte et orchestre de Louis Aubert.





1888 - Caligula Op. 52




En 1888, le directeur du théâtre de l’Odéon, Paul Porel, reprend la tragédie Caligula d’Alexandre Dumas père (1837). Gabriel Fauré, qu’il sollicite, en compose la musique de scène durant l’été, partition conçue pour n’intervenir que dans le Prologue et le 5ème Acte. Créée le 8 novembre 1888, la production connaîtra trente-quatre représentations. 

En parallèle, Fauré arrange la partition pour le concert. Sa structure reste identique, mais un orchestre remplace l’ensemble chétif du théâtre de l’Odéon. Cette version est donnée en première le 6 avril 1889 à la Société nationale de musique.

Cette partition est en 5 parties:
  • I. Fanfares, Marche et Chœur 'Nous Sommes les Heures Guerrières'
  • II. Chœur 'L'Hiver S'Enfuit'
  • III. Air de dance
  • IV. Mélodrame et Chœur 'De Roses Merveilles'
  • V. Mélodrame et Chœur 'César a Fermé La Paupière'.

Caligula reste une partition injustement méconnue qui mérite vraiment d'être redécouverte, les timbres de l'orchestre et l'utilisation du chœur sont superbes.

Michel Plasson à la tête de l'Orchestre du Capitole de Toulouse et de l'Ensemble Vocal Alix Bourbon nous permet d'apprécier cette suite dans un album d'anthologie de la musique orchestrale de Fauré.





1889 - Shylock Op. 57



Courant 1889, le directeur du théâtre de l’Odéon, Paul Porel, commande à Fauré la musique de scène de la comédie Shylock, d’Edmond de Haraucourt – comme vu ci-dessus, Porel avait déjà sollicité Fauré pour la musique de scène de Caligula d’Alexandre Dumas père. 

Le musicien compose la partition en septembre-novembre 1889 : au total une dizaine d’interventions musicales, le deuxième des trois actes de la pièce en étant dépourvu. Créée le 17 décembre 1889, Shylock (une adaptation du "Marchand de Venise" de Shakespeare) connaît cinquante-six représentations. 

Comme avec Caligula, Fauré adapte rapidement sa partition en une suite orchestrale destinée au concert. Elle est donnée le 17 mai 1890 à la Société nationale de musique (à l’exception du Final, peut-être pas encore réorchestré), sous la direction de Gabriel Marie. 

Cette suite débute par la "Chanson", dont les accords posent le décor nocturne, et qui séduit par son esprit galant. 

"L’entracte", en fait destiné à accompagner la "Scène des coffrets", est une marche évoluant au gré des entrées des personnages. 

Dans le "Madrigal", donné par l’infant d’Aragon sous les fenêtres de Portia, Fauré joue de tous ses talents de séducteur. 

"L’Épithalame" développe un motif entendu dans l’Entr’acte jusqu’à un majestueux climax. 

D’une magnifique délicatesse, le "Nocturne" capte la magie de la scène d’amour entre Lorenzo et Jessica (satisfait du chant des violons, Fauré parlait ici d’un "clair de lune vénitien"). 

Le "Final" offre une musique pleine de verve, alors que convergent les intrigues de la pièce.

Michel Plasson nous offre un deuxième disque d'anthologie de la musique orchestrale de Fauré et nous livre une version de la musique de Shylock. Une partition qui elle aussi mérite une découverte.

Voici le délicat "Nocturne", dans lequel Fauré se révèle à nouveau un magicien des teintes orchestrales, interprété par Michel Plasson.





1892-1894 - La Bonne Chanson Op. 61



Gabriel Fauré composa entre 1892 et 1894 des mélodies sur 9 des poèmes du recueil "La Bonne Chanson" de Paul Verlaine et les dédia à Emma Bardac.

Mais, dans cette sélection, ce n'est pas tant un cycle particulier dont j'ai voulu parlé, mais plutôt célébrer les mélodies de Fauré dans leur ensemble, et saluer la sortie d'un coffret de 3 albums interprétés par le ténor Cyrille Dubois et le pianiste Tristan Raës.

Ces interprètes nous offrent une quasi intégrale des mélodies de Fauré (seuls les duos ne sont pas inclus) et de part la qualité de leur interprétation ce coffret constitue une nouvelle référence qui fera date.

Comme dit dans le livret de l'album: 

"Lorsque l’on pense « mélodie française », le nom de Gabriel Fauré vient immanquablement à l’esprit. Compositeur extrêmement prolifique, il mit son talent au service de toutes les formes d’expression musicale : du magnifique catalogue instrumental jusqu’au somptueux Requiem, en passant par une production de musique de chambre abondante. Néanmoins, c’est dans l’art de la mélodie que réside la quintessence de son oeuvre. L’empreinte de ce maître est indélébile sur ce répertoire avec plus d’une centaine de pièces à mettre à son crédit. Tant le choix des poèmes que leur mise en abyme musicale le hissent au Parnasse des compositeurs caractéristiques de cet art mélodique."

J'ai sélectionné 3 mélodies extraites des principaux cycles de Fauré et 3 mélodies indépendantes.

Voici un extrait du cycle "La Bonne Chanson" Op. 61, "La lune blanche luit dans les bois" (Paul Verlaine).



Extrait de "La Chanson d'Eve" Op. 95, voici "O mort, poussière d'étoiles" sur un poème de Charles van Lerberghe.



"L'Horizon Chimérique" Op. 118 est le dernier cycle de mélodies composées par Fauré en 1921 sur un cycle de poèmes de Jean de la Ville de Mirmont. J'ai sélectionné "Je me suis embarqué".



Voici "Notre amour" Op. 23 No. 2, mélodie pour voix élevée et piano, d'après un poème de Armand Silvestre (1837-1901).



La mélodie "Chanson d'Amour" Op. 27 No. 1 est également basée sur un poème d'Armand Silvestre.



La dernière mélodie sélectionnée est "Tristesse d'Olympio", Op. posth., sur un poème de Victor Hugo, un auteur qui a beaucoup été utilisé par Fauré dans sa jeunesse.




1893-1896 - Dolly Op. 56




Nous avons déjà parlé de la suite Dolly, mais il s'agissait de la transcription orchestrale de l'oeuvre. Initialement la suite Dolly fut écrite pour piano à 4 mains, et j'ai une certaine préférence pour cette version.

Les sœurs Katia & Marielle Labèque ont sorti un superbe coffret intitulé "Piano Fantasy". Le troisième album du coffret est consacré à la musique française et nous permet d'entendre la quintessence des pièces pour piano à quatre mains: Jeux d'Enfants de Bizet, Ma Mère l'Oye de Ravel, des pièces isolées de Poulenc, Scaramouche de Milhaud et bien sûr Dolly de Fauré.

J'ai retrouvé sur internet deux photos touchantes de Dolly (Hélène Bardac), fille de Fauré et Emma Bardac.



A gauche, on voit Dolly enfant avec son beau-père Claude Debussy. A droite, on voit Dolly jeune femme à côté de sa jeune demi-sœur Claude-Emma Debussy (la fille de Claude Debussy et Emma Bardac) plus connue sous le surnom de "Chouchou" et pour laquelle Debussy a composé "Children's Corner".

Voici la 6ème partie de la suite Dolly, "Le Pas Espagnol", par les sœurs Labèque.



Et comme la suite mérite d'être citée en entier, voici une version live dans laquelle on sent que les interprètes ont pris beaucoup de plaisir à la jouer. Il s'agit de Joyce Chahine et Jordan Yeates.




1903-1906 - Quintette pour piano et cordes No. 1 Op. 89



Le Quintette pour piano et cordes no 1 en ré mineur opus 89 est le premier quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle de Gabriel Fauré. Composé entre 1903 et 1906 à Lausanne et Zurich, il est créé le 23 mars 1906 à Bruxelles avec le quatuor Ysaÿe et le compositeur au piano. Il est dédié à Eugène Ysaÿe.

Il est en 3 mouvements:
  1. Molto moderato (à 4/4)
  2. Adagio
  3. Finale : Allegretto moderato (alla breve, en ré majeur)
Sa durée d'exécution est d'environ trente minutes.

J'ai sélectionné la version du quatuor Ébène et de Eric Le Sage au piano dans un album qui regroupe les deux quintettes.

Les notes du livret spécifient:

Ce n’est qu’un hasard, bien sûr : les splendides Quintettes de Fauré, achevés en 1906 et 1921, bornent presque la rédaction du grand roman de Proust "À la Recherche du temps perdu", débutée en 1908 et achevée en 1922. La proximité des esthétiques de Fauré et de Proust a déjà été relevée : les deux créateurs se sont efforcés d’exprimer l’indicible, de mettre à jour la vérité de l’âme et la profondeur de l’existence, en révélant ces « impressions vraies » dont le quotidien de la vie nous éloigne, ainsi que Proust l’explique dans Le Temps retrouvé. 

Chacun dans son domaine, le musicien et l’écrivain sont parvenus à ce miracle poétique au moyen de procédés assez semblables, la virtuosité harmonique et les arabesques de Fauré, qui égarent l’auditeur et entretiennent la fluidité mélodique, faisant écho à la phrase contournée et sans cesse prolongée de Proust. Gorgées d’un lyrisme envoûtant, les œuvres des deux artistes annoncent la modernité sans rompre les amarres avec le passé. Créations de haute culture, elles héritent de plusieurs siècles de tradition, auxquels elles semblent offrir un ultime épanouissement, presque décadentiste.

Sous Youtube voici une version interprétée par: Renaud Capuçon, violon, Raphaëlle Moreau, violon, Gérard Caussé, alto, Aurélien Pascal, violoncelle et Théo Fouchenneret, piano.



Le Quintette pour piano et cordes no 2 en ut mineur opus 115 est le second quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle de Gabriel Fauré. Composé de septembre 1919 à février 1921 à Monte-Carlo, Nice, et à Veyrier sur les bords du lac d'Annecy, il est créé avec grand succès le 21 mai 1921 à la Société nationale de musique à Paris avec le quatuor Hekking et Robert Lortat au piano. Dédié à Paul Dukas, l'œuvre tient une place éminente dans la musique de chambre française.

Il est en 4 mouvements:
  1. Allegro moderato
  2. Scherzo : Allegro vivo
  3. Andante moderato (à 4/4, en sol majeur)
  4. Finale : Allegro molto
Sa durée d'exécution est d'environ trente trois minutes.

Les notes du livret remarquent:

Charles Koechlin avait-il lu À la recherche du temps perdu, lorsqu’il écrivait en 1927 que le merveilleux « Andante moderato » du second Quintette de Fauré lui faisait imaginer « des bras qui se tendent vers un passé qui ne reviendra plus… » ? Sans pouvoir dire, bien souvent, si elle est sereine ou résignée, on peut entendre dans la profonde nostalgie fauréenne un équivalent sonore du thème si magistralement traité par Proust dans sa fresque, celui de l’incapacité de l’homme à saisir le présent tandis que sa mémoire affective fait remonter le temps perdu à sa conscience.

Sous Youtube, voici une version interprétée par: Guillaume Sutre (violon), Manon Galy (violon), Marie Chilemme (alto), Yovan Christoph Richter (violoncelle) et Thomas Hoppe (piano).





1922-1923 - Trio pour piano, violon et violoncelle Op. 120



Le Trio est une oeuvre tardive alors que Fauré est âgé de 77 ans et qu'il souffre de diverses infirmités dont une surdité presque totale. Ébauchée à Paris en mai et juin 1922, elle est poursuivie en août et septembre à Annecy, où Fauré est hébergé par son ami Fernand Maillot. L'oeuvre est terminée pendant l'hiver et le printemps 1922-1923.

Après sa création, une seconde audition en juin 1923 bénéficia du concours du trio Cortot-Thibaud-Casals et eut un grand retentissement. Ce qui fit dire à certains à l'époque: "S'il vit jusqu'à cent ans, jusqu'où ira-t-il ?"

J'ai sélectionné l'album du Trio Wanderer qui couple les trios de Fauré et Pierné.

On notera au passage la très belle pochette illustrée par le tableau de Seurat "La Seine à la Grande Jatte".

Voici le trio interprété par le Trio Atos: Annette von Hehn (violon), Stefan Heinemeyer (violoncelle) et Thomas Hoppe (piano).





1923-1924 - Quatuor à cordes Op. 121



Le quatuor à cordes en mi mineur Op. 121 est la dernière oeuvre de Fauré. Comme de nombreux compositeurs, il a attendu presque la fin de sa vie pour s'attaquer au quatuor à cordes, un type d'oeuvre qui portait la marque du génie de Beethoven, et que les compositeurs avaient peur d'aborder à leur tour.

C'est de juillet à septembre 1923 à Annecy chez ses amis les Maillot que Fauré commence à composer le mouvement lent. Le premier mouvement fut ensuite composé à Paris pendant l'automne. Il reprenait des thèmes d'une oeuvre de jeunesse, son concerto pour violon Op. 14, qu'il avait ensuite renié.

Fauré fit une pause pendant l'hiver et ce n'est que vers la fin de juin 1924 qu'il repris la composition lors d'un séjour à Divonne. C'est de nouveau à Annecy qu'il composa le finale achevé le 11 septembre 1924.

Fauré s'éteignit le 4 novembre 1924 et n'assista donc pas à la création donnée le 12 juin 1925 à Paris.

Harry Halbreich a écrit de l'oeuvre: "Moins brillant, moins immédiatement séduisant que ceux de Debussy et Ravel, le Quatuor de Fauré atteint cependant à des cimes infiniment plus hautes."

Il est indéniable que ces trois quatuors, de Debussy, Ravel et Fauré, ont marqué d'une empreinte durable la musique de chambre française. C'est pourquoi, outre la qualité artistique de l'interprétation, il était intéressant de choisir un album regroupant les trois œuvres.  Le Quatuor Ébène nous livre une version de référence de ces trois œuvres.

Le quatuor de Fauré est en 3 mouvements:
  1. Allegro moderato - 00:00
  2. Andante - 06:50
  3. Finale - 17:25
Les minutages indiquent le début des mouvements dans la vidéo suivante du Quatuor Ébène. L'oeuvre dure 25 minutes.