Henri Dutilleux
Henri Dutilleux est un compositeur français de musique savante des périodes musicales moderne et contemporaine, né le 22 janvier 1916 à Angers et mort le 22 mai 2013 dans le 4ème arrondissement de Paris.
L'enfance d'Henri Dutilleux se déroule dans le département du Nord. Il entre en 1926 au conservatoire de Douai dirigé par Victor Gallois (Premier prix de Rome 1905) avec lequel il prend des cours d'harmonie et qui décèle ses dons. Il y suit également une formation classique en piano, théorie et contrepoint.
Il entame en 1933 des études au conservatoire de Paris. Il remporte en 1938 le Premier prix de Rome, avec la cantate l'Anneau du Roi.
Avant de partir pour la guerre en 1939, il approfondit intensément son étude de la musique de d'Indy, de Stravinsky et de Roussel.
Pendant la guerre, il adhère au Front national des musiciens, organe de la Résistance, et compose clandestinement en 1944 la Geôle sur un sonnet du poète résistant Jean Cassou.
Il épouse le 17 septembre 1946 à Paris la pianiste Geneviève Joy, qui fut longtemps sa principale interprète.
Il meurt le 22 mai 2013, laissant derrière lui une œuvre majeure, abondamment jouée de son vivant partout dans le monde.
Le nombre de ses œuvres est restreint, mais il a composé dans de nombreux domaines: la musique orchestrale, les concertos, la musique de chambre, la musique pour piano, la musique vocale et la musique de film.
Dutilleux couvre presque un siècle de par sa longévité et puise des influences déterminantes chez deux artistes majeurs du XIXe siècle, à savoir Vincent van Gogh et Charles Baudelaire.
Ses influences les plus notables en peinture sont Vincent van Gogh, notamment la Nuit étoilée (dont il s'inspire pour Timbres, espace, mouvement), mais aussi Paul Gauguin, Nicolas de Staël, Kandinsky.
En poésie et littérature, Dutilleux s'est souvent inspiré dans ses compositions de Charles Baudelaire (notamment en créant les titres des sections de Tout un monde lointain).
En musique, ses maîtres sont les Polyphonistes de la Renaissance, Beethoven (pour le renouvellement de la forme), Berlioz l’inventeur, Debussy, Henri Duparc, Ravel, Albert Roussel, Bartok, Stravinsky, et Schoenberg.
La musique de Dutilleux est parfois atonale, mais elle utilise toujours des principes hiérarchiques, ce qui lui fait dire qu'il a toujours utilisé une écriture modale et qu'il ne deviendra jamais dodécaphoniste.
Son rythme est insaisissable. Dutilleux change très souvent de signatures rythmiques et de tempo.
Pour les mouvements lents, il brouille le sentiment de pulsation par des rythmes complexes donnant un caractère improvisé à la musique. Il ajoute parfois des chocs électriques brefs et incisifs, rompant avec la linéarité de certaines phrases (Métaboles, IIe Symphonie).
Pour les mouvements rapides, on trouve très souvent une écriture en mouvement perpétuel de doubles croches, avec une prédilection pour le ternaire.
L'écriture de Dutilleux peut rappeler parfois Bartok ou Stravinsky dans l’usage de contretemps et accents décalés (comme dans Le Sacre du printemps ou Musique pour cordes, percussions célesta ).
Personnellement, j'aime le côté rêveur de sa musique, l'originalité de ses timbres et la fenêtre qu'il ouvre vers un ailleurs imaginaire.
J'ai préparé une playlist chronologique basée sur une sélection de ses oeuvres les plus connues.
Voici les liens vers la playlist.
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D'autre part, je vous propose une sélection de cinq œuvres du compositeur.
1965 - Métaboles
Métaboles est une œuvre pour orchestre commandée au compositeur par le chef d'orchestre George Szell en 1959, à l'occasion du quarantième anniversaire de son orchestre, elle est composée en 1963-64, puis créée le 14 janvier 1965 par l'Orchestre de Cleveland, dirigé par le commanditaire George Szell.
Le terme de métabole est utilisé en rhétorique pour désigner la répétition d'une idée avec des mots et expressions différentes. Dans le lexique de la biologie, il désigne la métamorphose, en général lente et progressive, d'un organisme vivant, par exemple celle d'une chenille se transformant en papillon.
L'œuvre est en cinq partie:
- Incantatoire : Répétition d'un court motif qui évoque l'incantation
- Linéaire : Polyphonie de cordes qui se divisent au fur et à mesure
- Obsessionnel : Passacaille rapide où les cuivres dominent
- Torpide : Pièce sans thème qui met en valeur la percussion
- Flamboyant : Pièce rapide à la manière d'un scherzo qui sollicite tout l'orchestre
Au disque, je vous recommande la version dirigée par Gustavo Gimeno à la tête du Luxembourg Philharmonic.
Sous YouTube, je vous propose la version dirigée par Kwamé Ryan à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France.
1970 - Tout un monde lointain … Concerto pour violoncelle
Tout un monde lointain… est un concerto pour violoncelle composé par Henri Dutilleux de 1967 à 1970. Il s'agit d'une des œuvres les plus connues et jouées du compositeur.
Le titre est emprunté à un vers du poème La Chevelure, extrait des Fleurs du mal de Charles Baudelaire: « Tout un monde lointain, absent, presque défunt ».
Chacun des cinq mouvements contient également en exergue quelques vers extraits de ce recueil, mais il ne s'agit nullement d'une illustration directe.
De langage atonal, il fait partie des chefs-d'œuvre de la musique contemporaine et reste largement accessible de par son caractère poétique et onirique.
L'œuvre a été créée le 25 juillet 1970 au festival d'Aix-en-Provence par Mstislav Rostropovitch et l'Orchestre de Paris sous la direction de Serge Baudo. Son exécution dure environ trente minutes.
Voici la liste des cinq mouvements enchaînés avec les vers mis en exergue:
1- Énigme (Très libre et flexible):
« …Et dans cette nature étrange et symbolique… », Poème XXVII
2- Regard (Extrêmement calme)
« …le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers… », Le Poison
3- Houles (Large et ample)
« …Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts… », La Chevelure
4- Miroirs (Lent et extatique)
« Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux. », La Mort des amants
5- Hymne (Allegro)
« …Garde tes songes:
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous! », La Voix
Au disque, j'ai sélectionné une version relativement récente interprétée par Edgar Moreau. Il est à noter que ce concerto dispose de très bonnes interprétations par Mstislav Rostropovitch, Jean-Guihen Queyras ou Emmanuelle Bertrand.
Sous YouTube, je vous propose la version interprétée par Nicolas Altstadt, le Detroit Symphony Orchestra est dirigé par Fabien Gabel.
1977 - Ainsi la Nuit - Quatuor à Cordes
Le quatuor à cordes « Ainsi la nuit » d'Henri Dutilleux a été composé entre 1971 et 1977 en réponse à une commande de la fondation Serge Koussevitzky destinée au Quatuor Juilliard. Dédié à la mémoire de l'amateur d'art américain Ernest Sussman, ami du compositeur, il est créé le 6 janvier 1977 à Paris par le Quatuor Parrenin.
Fait rare pour la musique du XXe siècle, l'œuvre fut bissée à sa création.
L'œuvre est composée de sept sections composées à l'origine isolément puis liées entre elles par des passerelles nommées « parenthèses » et forme ainsi, dans un processus créatif en évolution, un ensemble unitaire et cohérent : « tout se transforme insensiblement en une sorte de vision nocturne, […] cela se présente, en somme, comme une suite d'états avec un côté un peu impressionniste ».
Cet unique quatuor illustre le concept de mémoire à travers le principe de la variation et de la préfiguration et, tout en étant pleinement de son temps, remet en question, tels les quatuors de Beethoven et de l'École de Vienne, le temps musical.
- Nocturne I
- Miroir d'espace
- Litanies I
- Litanies II
- Nocturne II
- Constellations
- Temps suspendu
Les cinq premières parties sont séparées par des « parenthèses », qui reprennent ou anticipent les thèmes et ambiances des mouvements principaux.
Sa durée d'exécution est d'environ 17 minutes.
Au disque, je vous propose la version du quatuor Ebène.
Sous YouTube, j'ai sélectionné la version du quatuor Bela.
1989 - Mystère de l'Instant
Il transparaît à la lecture de ses écrits et à l'écoute de ses interviews que Dutilleux avait une grande difficulté à composer, même si cet effort était doublé du véritable bonheur de la création.
Cela explique le temps très long qui lui est nécessaire entre la commande d'une œuvre et sa réalisation finale. C'est ainsi qu'il s'est passé dix-sept ans entre les premiers échanges avec Paul Sacher au sujet d'une pièce pour les vingt-quatre cordes du Collegium musicum de Zurich, et la création en 1989.
En 1985, Dutilleux écrit à Paul Sacher à propos d'une pièce pour 24 cordes et détaille ses inspirations. En effet, si la pièce n'est pas avancée, le compositeur en a déjà une idée assez claire. Le premier mouvement lui sera inspiré par une soirée en Touraine, dans le village de Candes Saint Martin où il a une maison.
Il écrit :
"Dans le plus grand des silences, mais un silence meublé des sons imperceptibles de la nature, il y eut soudain comme un étrange appel, un mélange de sons presque inquiétants, se répercutant en vagues successives de plus en plus proches. Il s’agissait d’oiseaux, bien sûr, d’oiseaux innombrables et non identifiables, se déplaçant toujours dans la même direction. Cela s’est prolongé pendant de longs moments avant de disparaître au loin. Intrigué par le phénomène, je suis revenu sur les lieux le lendemain, à la même heure et également les soirs suivants, muni de mon magnéto, dans l’espoir de capter ces extraordinaires appels nocturnes, mais plus rien ne s’est produit."
L’œuvre, intitulée "Mystère de l'Instant", créée à la Tonhalle de Zürich le 22 octobre 1989, est écrite pour vingt-quatre cordes, cymbalum et percussions.
Elle fait se succéder une dizaine de séquences ou fragments qui vont de la polyphonie la plus serrée à la litanie la plus nue.
Au disque, j'ai sélectionné la version dirigée par Darrell Ang.
Sous YouTube, je vous propose la version dirigée par Cristian Macelaru à la tête de l'Orchestre National de France.
1997 - The Shadows of Time
Composé puis créé en 1997, The Shadows of Time comprend cinq épisodes:
- Les Heures
- Ariel maléfique
- Mémoire des ombres: "Pour Anne Frank, et pour tous les enfants du monde, innocents" - Interlude
- Vagues de lumière
- Dominante bleue ?
Dutilleux s’intéresse une nouvelle fois à la question du temps, traitant à la fois des « images intemporelles » et « des événements lointains dont l’intensité (…) n’a cessé de [le] hanter ».
Par exemple, l’Interlude situé à la fin de Mémoire des ombres évoque la Seconde Guerre Mondiale à travers les voix de trois enfants qui s’interrogent. « Pourquoi nous ? Pourquoi l’étoile ? » Le compositeur français s’adresse ici « à tous les enfants du monde, innocents ».
La partition fait aussi entendre la marche infernale du temps par un battement régulier, présent au début et à la fin de l’œuvre.
Au disque, j'ai sélectionné la version dirigée par Seiji Ozawa à la tête du Boston Symphony Orchestra.
Sous YouTube, je vous propose la version dirigée par Mikko Franck à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France.
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