vendredi 17 janvier 2025

Pierre Boulez

Pierre Boulez


Pierre Boulez

Pierre Boulez est un compositeur français de la deuxième moitié du XXe siècle. Il a marqué la musique par le développement des musiques sérielles, électroniques et aléatoires. Il a également fondé l'IRCAM et l'ensemble intercontemporain. Sa musique symbolise certainement une vision très intellectuelle de la musique.

En 2025, nous fêtons le centenaire de la naissance de Pierre Boulez (1925-2016). Il est à la fois un des chefs d'orchestre les plus marquants du XXème siècle avec sa direction d'une rectitude impeccable et un compositeur avant-gardiste puisqu'il a joué, à la suite de l'école de Vienne et de Messiaen, un rôle important dans le développement de la musique du XXème siècle.

Il a fait beaucoup pour la diffusion et la compréhension de la musique contemporaine de la seconde moitié du XXème siècle.

Cette musique laisse encore perplexe une grande partie du public (moi y compris) par son manque de mélodie reconnaissable et sa complexité formelle. On peut reconnaître que cette musique, difficile d'accès pour le grand public, s'adresse plutôt à l'intellect qu'aux sentiments, et demande probablement quelques explications préliminaires à l'écoute des œuvres.

Je me rappelle d'ailleurs avec nostalgie de la série Musica sur Arte, où il y eut plusieurs émissions consacrées à la musique contemporaine dans lesquelles un Pierre Boulez très pédagogue nous présentait et nous expliquait de manière claire et didactique les œuvres qui allaient être jouées.

Je vous propose une immersion dans la musique de Pierre Boulez avec une playlist constituée de dix œuvres présentées de manière chronologique.

Voici les liens vers la playlist.

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D'autre part, voici une sélection d'albums et de vidéos YouTube liée à ces dix œuvres.


1946 - Sonatine pour flûte et piano



Voici une œuvre qui, n'ayant pas forcément de mélodie, et laissant une part d'aléatoire, me semble néanmoins très expressive et véhiculant une certaine force qui me permet de la trouver propre à me communiquer des impressions. 

Il s'agit de la sonatine pour flûte et piano, une œuvre courte, tendue, agressive, pleine de vivacité rythmique et d'éclats incisifs. 

En disque, je vous propose la version interprétée par Philippe Bernold et Alexandre Tharaud.

Sous YouTube, la voici interprétée par Sophie Cherrier, flûte et Sébastien Vichard, piano, membres de l'ensemble intercontemporain.



1946 - Première sonate pour piano



Contemporaine de la sonatine pour flûte et piano, cette sonate, créée par Yvette Grimaud, révèle déjà de nombreux aspects de la personnalité de Boulez.

Comme le note Olivier Messiaen: elle est caractérisée par "des sauts brusques avec des coups de pattes et des attaques par en dessous d'un dynamisme électrique absolument extraordinaire."

Les deux mouvements qui composent la partition sont à la fois opposés et complémentaires.

Le premier mouvement est dominé par un tempo lent et présente un contraste entre des résonances harmoniques et des déflagrations brutales, contraste accentué par des fluctuations de vitesse.

Le second mouvement, de tendance générale rapide, installe "une sorte de toccata implacable" (Antoine Goléa).

Toute la nouveauté de l'œuvre apparaît comme une incessante réinterprétation de groupes d'intervalles.

Au disque, j'ai sélectionné la version de Pierre-Laurent Aimard, que l'on retrouve ici sous YouTube.




1954 - Le marteau sans maître



Le Marteau sans maître est joué pour la première fois en Allemagne (à Baden-Baden) en 1955, dirigé par son dédicataire, Hans Rosbaud.

C’est une œuvre très célèbre et on ne peut s’empêcher d’y penser chaque fois que l’on cite Pierre Boulez. Son découpage en neuf parties met en relief les trois poèmes de René Char : L’Artisanat furieux, Bourreaux de solitude et Bel Édifice et les pressentiments.

Les neuf parties de l'œuvre sont les suivantes:
  • I. Avant « L’Artisanat furieux »
  • II. Commentaire I de « Bourreaux de solitude »
  • III. « L’Artisanat furieux » (avec voix)
  • IV. Commentaire II de « Bourreaux de solitude »
  • V. « Bel Édifice et les pressentiments » - version première (avec voix)
  • VI. « Bourreaux de solitude » (avec voix)
  • VII. Après « L’Artisanat furieux »
  • VIII. Commentaire III de « Bourreaux de solitude »
  • IX. « Bel Édifice et les pressentiments » - double (avec voix)
L’accueil du public lors de la première est enthousiaste. En effet, après une période de compositions austères, agressives et exigeantes pour l’auditeur, cette œuvre de Boulez apparaît beaucoup plus abordable par son aspect plus mélodique (la présence de la voix n’y est pas étrangère). 

De plus, la sonorité d’ensemble fait penser à un orchestre de gamelan balinais du fait d’un assemblage inédit d’instruments, dont un xylorimba (qui imite le balafon africain), un vibraphone (qui rappelle le gender balinais), une guitare (qui s’apparente au koto japonais). Boulez réalise dans cette œuvre un enrichissement du vocabulaire sonore européen par l’écoute extra-européenne.

Le Marteau sans maître peut être considéré comme une réponse de Boulez au célèbre compositeur viennois du début XXe siècle, Arnold Schönberg (mort en 1951). 40 ans auparavant, ce dernier avait composé Pierrot lunaire, œuvre écrite pour une voix et ensemble instrumental, constituée de petites pièces dont l’écriture et l’effectif diffèrent à chaque fois, comme dans Le Marteau sans maître.

Les poèmes sont empruntés au poète surréaliste René Char. Boulez cherche à obtenir avec les sons un équivalent des mots et de l’atmosphère surréalistes. Chaque poème est réparti en plusieurs pièces, qui ne comportent pas systématiquement de partie vocale : ce sont alors aux instruments seuls d’exprimer le contenu du texte.

Au disque, j'ai sélectionné la version interprétée par Hilary Summers (mezzo-soprano) et l'Ensemble intercontemporain dirigé par Pierre Boulez.

Sous YouTube, je vous propose la version de l'Orchestre du Domaine Musical dirigé par Pierre Boulez.




1957-1968 - Figures-Doubles-Prismes




Une œuvre de facture classique qui a été remaniée en 1964 et 1968 et dont le contenu a été étendu.

Le style, caractéristique de Boulez, est fait de succession de mesures courtes, parfois brutales (comme des interjections) suivies de phrases longues déployant un groupe instrumental (avec, au concert, une spatialisation).

Le final est un ajout tardif avec une mélodie ample, linéaire, allusion au Concerto de Violon "A la Mémoire d'un Ange" d'Alban Berg.

La partition est écrite pour un orchestre classique, mais Boulez lui a donné une disposition spéciale. Sur les côtés, 4 groupes réunissent des cordes, une harpe et des cuivres, au centre un duo célesta/vibraphone, un duo de deux violons solos, un quatuor de contrebasses, un duo xylophone/harpe, et entre ces différents ensembles, trois groupes de bois.

Je vous propose la version dirigée par Pierre Boulez à la tête du BBC Symphony Orchestra.





1965-1970 - Eclat/Multiples



Peu après la création d'Éclat pour quinze instruments en 1965, Boulez annonce qu'il a l'intention de l'utiliser comme première partie d'une grande composition pour orchestre. 

Concernant sa tendance à réviser et à élargir ses œuvres de cette période, il commente : 

"Sur le plan créatif, je vis dans une sorte de plasma qui me permet de me déplacer en glissant en avant et en arrière. Je reste dans le même esprit et j'irradie dans plusieurs directions à la fois. J'ai maintenant un matériau souple qui me permet de me déplacer dans le temps et ces recréations."

En conséquence, la version étendue d'Éclat, appelée Éclat/Multiples, est devenue une sorte de travail en cours, avec des extensions continues prévues au fil du temps, bien que l'écrivaine Susan Bradshaw ait suggéré que "la taille et la portée presque surhumaines d'un tel projet [le] condamnaient à rester ouvert."

À propos d'Éclat/Multiples, Boulez a remarqué : 

"Les multiples reflets des images musicales originales interfèrent les uns avec les autres et créent des perspectives divergentes, telles que Paul Klee l'imaginait dans certaines de ses peintures."

Une grande partie du contenu dramatique de Multiples vient de l'interaction des matériaux statiques et dynamiques entendus pour la première fois dans Éclat, les deux se disputant désormais la domination. 

De plus, dans Multiples, les dix altos introduisent une teinte plus sombre, et le cor de basset agit comme une sorte d'intermédiaire entre les cordes et les instruments solistes d' Éclat.

Au disque, j'ai sélectionné la version de Pierre Boulez à la tête de l'Ensemble InterContemporain.

Sous YouTube, je vous propose une version d'Eclat dirigée par Simon Rattle à la tête du Berliner Philharmoniker.





1972, puis 1991-1993 - … explosante-fixe...




…explosante-fixe… est conçue à l'origine, en 1971, comme une œuvre à la mémoire d'Igor Stravinsky, décédé en avril de la même année. 

Il existe plusieurs versions différentes et successives de l'œuvre, composées par Boulez entre 1972 et 1993, et culminant dans une pièce mixte pour flûte-MIDI solo et orchestre de chambre.

Le MIDI, ou Musical Instrument Digital Interface, est un protocole de communication et un format de fichier dédiés à la musique, et utilisés pour la communication entre instruments électroniques, contrôleurs, séquenceurs, et logiciels de musique.

Le titre de l'œuvre est une citation extraite de la phrase de conclusion du premier chapitre de L'Amour fou (1937) d'André Breton : "La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle, ou ne sera pas."

La première version de …explosante-fixe… (1971-1972) consiste en un morceau aléatoire d'une page en sept parties intitulées Originel et Transitoires II-VII, bien que le manuscrit (dont la publication comporte deux pages de musique et douze pages d'instructions) porte le titre de la main du compositeur [... explosante-fixe ...], et les indications "Originel" et "Transitoires II–VII" sont alors les noms des groupes selon lesquels le morceau est divisé. 

Les sept parties représentent chacune un membre d'une série de sept notes issue de la section "Originel": mi ♭, sol, ré, la ♭ , si ♭, la, mi, qui représente Stravinsky pour lequel elle a été composée (la note mi ♭ , tenue au début, est prononcée Es en notation allemande, qui s'apparente à la lettre « S » pour « Stravinsky »). 

Les hauteurs de cette série seront plus tard réutilisées dans Rituel. 

Dans cette forme d'origine, les instruments ne sont pas indiqués, bien qu'une possible notation pour deux violons, deux flûtes, deux clarinettes et harpe soit suggérée. Comme la plupart des autres pièces en mémoire de Stravinsky, cela reflète l'instrumentation de deux brèves œuvres commémoratives écrites par Stravinsky lui-même en 1959 : l' Epitaphium pour flûte, clarinette et harpe, et le Double Canon (à la mémoire de Raoul Dufy) pour quatuor à cordes.

Les deux années suivantes, Boulez développe ...explosante-fixe... en une œuvre pour flûte solo, accompagnée par un ensemble composé de clarinette, trompette, harpe, vibraphone, violon, alto, violoncelle et électronique. Les représentations de cette version font usage d'un nouveau dispositif récemment créé connu sous le nom de Halaphone.

Ce gadget permet au compositeur d'expérimenter un nouveau type de son, et toutes sortes d'effets ingénieux sont possibles. Par exemple, une flûtiste peut jouer un duo avec elle-même, son son sortant dans différentes parties de la salle avec un timbre différent et même un délai (pour cela, il utilise une chambre d'écho).

La version suivante de ...explosante-fixe..., pour vibraphone et électronique, n'a été composée qu'en 1986. Au cours de cette période, des éléments de la matière d'origine de la pièce apparaissent dans d'autres œuvres de Boulez, spécifiquement Rituel (1975) et Mémoriale (1985).

Entre 1991 et 1993, alors à l'IRCAM, Boulez compose une nouvelle version de ...explosante-fixe..., pour flûte-MIDI solo avec électronique en temps réel, deux flûtes "ombres"  et orchestre de chambre. Cette version a été créée à Turin, en Italie, le 13 septembre 1993, par l'Ensemble intercontemporain.

Au disque, j'ai sélectionné la version de l'Ensemble intercontemporain dirigé par Pierre Boulez avec les artistes : Sophie Cherrier, Emmanuelle Ophèle-Gaubert et Pierre-André Valade à la flûte.

Sous YouTube, je vous propose la version interprétée par Sophie Cherrier et Marion Ralincourt, flûtes, Emmanuelle Ophèle, flûte MIDI, l'Ensemble intercontemporain placé sous la direction de Matthias Pintscher.





1974-1975 - Rituel in Memoriam Bruno Maderna




Rituel in memoriam Bruno Maderna est une œuvre de Pierre Boulez écrite pour ensemble orchestral divisé en huit groupes.

Bruno Maderna, compositeur italien, était un ami de longue date de Pierre Boulez. Ils se connaissaient au moins depuis 1958 puisqu'ils avaient dirigé ensemble deux des trois groupes orchestraux pour l'exécution de Gruppen de Karlheinz Stockhausen. Boulez avait dirigé à plusieurs reprises des œuvres de son ami.

L'œuvre a été écrite peu après la mort de Bruno Maderna, survenue le 13 novembre 1973. Boulez décrit sa partition comme une cérémonie de mémoire, dans lequel il y a de nombreuses répétitions des mêmes formules, avec un profil et une perspective en constant changement.

L'œuvre utilise huit groupes de musiciens (avec à chaque fois, différents instruments), séparés spatialement, en référence à plusieurs partitions de Maderna procédant de même (Quadrivium, 1969). 

Chaque groupe est dirigé par un percussionniste (un neuvième percussionniste étant inclus dans le dernier ensemble), doté d'instruments variés, qui impulse un tempo individualisé, donnant ainsi une indépendance rythmique à chaque ensemble, le tout étant dirigé par le chef d'orchestre. La disposition optimale, d'après Boulez, est de mettre le public au centre des différents groupes.

Boulez fonde essentiellement la structure tonale de Rituel sur un ensemble de sept notes correspondant aux sept lettres du nom « Maderna ».

La création a eu lieu à Londres, le 2 avril 1975. L'orchestre symphonique de la BBC était placé sous la direction du compositeur. Son exécution demande environ un peu moins d'une demi-heure. 

L'œuvre a été enregistrée un an plus tard par les mêmes interprètes et c'est cette version que j'ai choisie.




1981-1988 - Répons



Répons (le s ne se prononce pas) est une œuvre ouverte de musique mixte de Pierre Boulez qui connaît trois versions en 1981, 1982 et 1984.

Commandée par le Südwestfunk de Baden-Baden pour le Festival de Donaueschingen, l'œuvre y fut créée le 18 octobre 1981 sous la direction du compositeur. Par la suite, Boulez l'étendra pour aboutir aux versions ultérieures, selon une pratique qui lui est chère.

Dédiée à Alfred Schlee, elle contient les lettres du nom de Paul Sacher.

Le titre fait référence aux répons de la musique liturgique médiévale chrétienne (le chant grégorien) : comme ici, le chant responsorial présente un dialogue entre jeu individuel et jeu collectif. L'œuvre reprend aussi l'idée de prolifération à partir d'un élément simple (comme lorsqu'on développe une polyphonie sur une teneur grégorienne).

Une disposition originale:
L'exécution de Répons nécessite une disposition des interprètes dans l'espace toute particulière. Un orchestre de chambre est installé sur une scène au centre de la salle de concert, entourée par le public. Sur cette scène, les 24 exécutants de l'orchestre sont divisés en trois groupes séparés : cordes, bois, et cuivres. À l'extérieur du périmètre défini par le public se trouvent les six solistes, placés à intervalles équidistants, en surélévation de l'assistance. L'ensemble est dominé par les six groupes de haut-parleurs d'un système électroacoustique complexe, qui sont placés entre les solistes. Ce système enregistre, transforme, et fait circuler dans la salle le jeu des solistes, le tout en temps réel, et l'ingénieur du son peut être considéré comme le septième soliste de la formation.

Cette disposition fait écho à la pratique de la forme médiévale, où un soliste dialogue avec un chœur à une certaine distance.

La plupart des salles ne permettent pas ou très difficilement un tel aménagement : il faut commencer par ôter les premiers rangs de siège et déplacer la scène. En outre, la partie électroacoustique requiert des machines et des logiciels spécifiques à l'IRCAM, avec ce que cela suppose comme problèmes pratiques (disponibilité, droits...). Le coût de la représentation est donc très élevé par rapport à celui d'une œuvre classique, ce qui explique le faible nombre d'exécutions publiques de Répons, malgré un accueil très favorable du public et de la critique.

Structure de l'œuvre:
Elle se compose d'une introduction, de huit sections et d'une coda.

Formation:
  • Instruments solistes : deux pianos, une harpe, un vibraphone, un glockenspiel et un cymbalum.
  • Ensemble instrumental : deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes et clarinette basse, deux bassons, deux cors, deux trompettes, deux trombones, un tuba, trois violons, deux altos, deux violoncelles et contrebasse. 
  • Un système électro-acoustique pour transformer et spatialiser le son des solistes : un ordinateur et six haut-parleurs.
Au disque, je vous propose la version dirigée par Pierre Boulez à la tête de l'Ensemble InterContemporain.

Sous YouTube, voici la version dirigée par Matthias Pintscher à la tête de l'Ensemble InterContemporain.




1985 - Dialogue de l'ombre double



Dialogue de l'ombre double est une œuvre mixte de Pierre Boulez pour clarinette et dispositif électroacoustique composée en 1985. La pièce est dédiée à Luciano Berio pour son soixantième anniversaire. 

Il existe une version pour basson, pour saxophone, pour flûte traversière et pour flûte à bec, chacune réalisée par l'interprète de l'instrument correspondant.

Dialogue de l'ombre double est inspiré par la scène l'ombre double du Soulier de satin de Paul Claudel.

Le clarinettiste dialogue avec son ombre, représentée par une partie de clarinette pré-enregistrée sur bande magnétique et spatialisée au moyen de haut-parleurs répartis autour du public.

La pièce a été créée le 28 octobre 1985 à Florence par Alain Damiens. La version pour saxophone a été créée le 23 juin 2001 au Théâtre des Bouffes du Nord, par Vincent David. La version pour flûte a été créée en mai 2002 à San Francisco par Cécile Daroux. En 2015, une autre version pour flûte à bec est créée par Erik Bosgraaf.

J'ai sélectionné la version d'Alain Damiens au disque, et sous YouTube celle de Gleb Kanasevich, clarinette et James Praznik, électronique.




1996-1998 - Sur incises





Sur incises est une œuvre de Pierre Boulez pour trois pianos, trois harpes, et trois percussions-claviers, composée entre 1996 et 1998.

Elle est dédiée à Paul Sacher, à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire. Il s'agit d'un commentaire sur Incises, une courte pièce pour piano de Boulez de 1994. La version initiale, d'une douzaine de minutes, a été créée à Bâle, le 27 avril 1996, par le compositeur dirigeant les solistes de l'Ensemble InterContemporain. 

La version développée de 1998, se compose de deux « moments » :
  1. moments I (quatorze minutes),
  2. moments II (vingt-trois minutes environ).
Boulez décompose spectralement par le canevas harpes/percussions la sonorité des 3 pianos. Le chiffre 3 semble avoir été choisi comme compromis, pour éviter les ressemblances avec les deux pianos de la Sonate pour deux pianos et percussion de Béla Bartók et les 4 pianos des Noces de Stravinsky. 

De plus cette combinaison permet, par une répartition très précise de cet effectif sur l’espace scénique, des échanges pianistiques qui confinent à la joute virtuose, ainsi que l'exprime Boulez lui-même: 

« […] cette combinaison présentait encore un autre atout : en attribuant à chaque instrumentiste d'amples cadences – un seul pianiste aurait eu du mal à venir à bout de toute la partie virtuose et les autres se seraient ennuyés –, j'ai pu mettre les trois pianistes en situation de compétition. » 

Le son voyage entre les trois groupes de trois instrumentistes – conduits, chacun, par un piano meneur, accompagné d'une harpe et d'instruments de percussion.

L'œuvre possède des timbres originaux par l'emploi du steel band Antillais, parfois remplacé par une percussion électronique, moins aléatoire.

Le titre est tiré de l'utilisation d'une partie du matériau d'une pièce précédente pour piano solo, "Incises"; presque mathématique, tant les retournements de phrase d'un groupe à l'autre sont audibles, la pièce vise à saturer l'écoute par une profusion d'événements, chaque instrumentiste jouant une partie indépendante, ce qui conduit à une polyphonie luxuriante.

Elle est caractérisée par un lyrisme chatoyant, une grande virtuosité (percussive) avec des trilles vertigineuses, un jeu (au sens de ludique) vraiment jouissif et une couleur à dominante très métallique (impact du steel band, foisonnement des harpes).

En 3 groupes instrumentaux, chaque piano est souligné dans sa résonance par la harpe et la percussion.

En 2 parties enchaînées et contrastées, la première plutôt contemplative, qui joue sur les combinaisons sonores et les résonances mystérieuses comme en suspension, la seconde plus vive, avec des embardées soudaines, plus effrénée et chaloupée, presque fiévreuse, pour finir en revenant sur la résonance jusqu'au silence. 

Au disque, je vous propose la version de Pierre Boulez à la tête de l'Ensemble InterContemporain.

Sous YouTube, voici la version dirigée par Matthias Pintscher à la tête de l'Ensemble InterContemporain.

Les solistes sont:
- Pianos :
Hidéki Nagano, Dimitri Vassilakis, Sébastien Vichard
- Harpes :
Ségolène Brutin, Frédérique Cambreling, Bleuenn Le Friec
- Percussions : 
Gilles Durot, Samuel Favre, Victor Hanna





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