mardi 4 janvier 2022

Napoléon Ier et la musique

 

Napoléon Ier
Jacques-Louis David - Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard (1801)

Napoléon Ier


Napoléon Bonaparte est né le 15 août 1769 à Ajaccio. Après avoir été premier consul, il se fait couronner empereur et règne du 18 mai 1804 au 6 avril 1814 et du 20 mars au 22 juin 1815, sous le nom de Napoléon Ier. 

Si pendant son règne, Napoléon Ier dispose du pouvoir exécutif qui lui donne une totale main-mise sur l'état, il ne faut pas oublier qu'il dispose également d'un pouvoir important sur les arts, et qu'il s’arroge le privilège de donner son accord sur tout ce qui est joué. 

En ce qui concerne la musique, le style français le rebute par sa sévérité et ce qu'il préfère par dessus tout c'est le chant italien. Il n'aime pas la musique purement instrumentale.

A cette époque, ce sont donc les italiens qui vont dominer la scène comme Giovanni Paisiello, Nicola Zingarelli ou surtout Gaspare Spontini. Néanmoins, Napoléon reste équitable et s'il préfère l'opéra italien, il laissera la part belle à nos compositeurs français qui ont accompagné la révolution française comme André Grétry, Etienne-Nicolas Méhul, Charles-Simon Catel, François-Joseph Gossec ou François-Adrien Boieldieu.

Ce sont tous ces compositeurs que je vous invite à découvrir à travers un florilège d’œuvres qui ont marqué cette époque.

Tout d'abord dans une playlist dont voici les liens.


1789 - Giovanni Paisiello - Nina, o sia La pazza per amore



Giovanni Paisiello est un compositeur italien de la période classique. On peut considérer qu'il était le compositeur favori de Napoléon. En effet, celui-ci considère les airs de ses opéras comme le modèle absolu, en particulier un air comme la pastorale "Gia il sol si cala dietro alla montagna" extrait de l'opéra "Nina".

Au disque, je recommande la version de cet opéra dirigée par Richard Bonynge.

Voici l'air préféré de Napoléon, "Gia il sol si cala dietro alla montagna", par Renato Pagnoncelli. On remarquera les musettes qui jouent.




1791 - François-Joseph Gossec - Hymne à Voltaire (Invocation)



Gossec fait partie de ces musiciens qui ont fêté la révolution française par des hymnes solennels comme cet "Hymne à Voltaire" (également appelé "Invocation"). Ce morceau a été composé par Gossec sur un texte du poète Marie-Joseph Chénier pour commémorer la translation des cendres de Voltaire au panthéon.

On retrouve cet hymne dans un album consacré à des chants célèbres de la révolution française dirigés par Michel Plasson à la tête des Chœurs et de l'Orchestre du Capitole de Toulouse.

Voici cet "Hymne à Voltaire", on remarquera le côté grandiose de l'oeuvre.




1794 - Etienne-Nicolas Méhul - Chant du Départ


 
Sur ce même album on trouve l'un des hymnes les plus célèbres de cette époque: le "Chant du Départ" de Méhul. 

Cet hymne est exécuté pour la première fois le 26 juin 1794 après la bataille de Fleurus afin de célébrer la victoire des armées de la République. Le Comité de salut public demande son exécution le 14 juillet 1794 pour l'anniversaire de la prise de la Bastille. 

A noter qu'il est ensuite utilisé pendant la Première Guerre mondiale pour exalter les soldats partant au front.

Voici une version live dirigée par Peter Hicks.




1793 - Jean-François Lesueur - La Caverne



Lesueur est également un compositeur important de cette époque. Il a d'ailleurs composé une partie de la musique du sacre de Napoléon, dont on doit la plus grande partie à Giovanni Paisiello, j'y reviens plus loin.

Son opéra le plus célèbre est "Ossian ou les Bardes". Malheureusement, il semble qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun enregistrement de cet opéra. Je me suis donc rabattu vers un autre opéra de Lesueur, "La Caverne".

La Caverne, ou Le Repentir est un opéra en trois actes. Il fut créé au Théâtre Feydeau, à Paris, le 16 février 1793. Le livret, d'Alphonse François "Paul" Palat-Dercy, est basé sur un épisode du roman de Lesage "Gil Blas". 

La Caverne a été le premier opéra de Lesueur à être mis en scène et il est devenu l'une des œuvres les plus populaires de l' époque révolutionnaire française. Je n'ai pas trouvé d'enregistrement au disque de cet opéra.

Voici le très bel air de Rolando: "Dans ce péril certain", superbement interprété par le baryton Pierre-Yves Pruvot:




1796 - Niccolò Antonio Zingarelli - Giulietta e Romeo



Zingarelli est un compositeur italien né à Naples le 4 avril 1752 et mort à Torre del Greco le 5 mai 1837. Il est principalement connu pour ses nombreux opéras et sa riche musique sacrée.

Au printemps 1796, après sa victoire de Lodi, Napoléon Bonaparte séjourne à Milan et y assiste à une représentation de l'opéra "Giulietta e Romeo" de Zingarelli. Napoléon sera conquis par cet opéra qu'il fera jouer à Paris en 1809. Il semble qu'il fut également conquis par la diva Giuseppina Grassini (qui jouait Juliette), puisque, même s'il la repousse dans un premier temps, celle-ci deviendra sa maîtresse.

Napoléon est enchanté par cet opéra et notamment le grand air "Ombra adorata aspetta", interprété à l'époque par le plus éblouissant castrat : Girolamo Crescentini, seul chanteur à émouvoir l’Empereur jusqu'aux larmes.

En voici une version interprétée par le haute-contre Franco Fagioli, que l'on retrouve dans un album intitulé "L'Opéra de Napoléon" consacré à cet opéra.




1800 - François-Adrien Boieldieu - Le Calife de Bagdad


François-Adrien Boieldieu est né le 16 décembre 1775 à Rouen et mort le 8 octobre 1834 à Varennes-Jarcy.

Il est resté célèbre pour ses nombreux opéras et pour son concerto pour harpe.

Parmi ses opéras, l'un des plus célèbres est "La Dame Blanche" (1825) qui est un des premiers opéras à introduire du fantastique. 

Pendant le consulat, son opéra le plus remarquable est "Le Calife de Bagdad". On retrouve l'ouverture de cet opéra dans l'album "Grandes Ouvertures Françaises" dirigé par Kurt Redel, au milieu d'autres ouvertures de compositeurs tels que Herold, Méhul, Gretry, Adam et Auber.

En voici une version dirigée par Ondrej Lenard, cette ouverture est légère et enjouée.




1802 - Charles-Simon Catel - Sémiramis



Charles-Simon Catel, né le 10 juin 1773 à L'Aigle (Orne) et mort le 29 novembre 1830 à Paris, est un compositeur et pédagogue français. 

Il est chef assistant de François-Joseph Gossec auprès de l'orchestre de la Garde nationale en 1790. Membre de l'Institut, il compose avec ce maître de beaux morceaux de musique militaire pour les cérémonies de la République, entre autres l’Hymne à la Victoire.

Outre ses œuvres vocales pour la révolution, il a composé de nombreux opéras, tels que Sémiramis, une tragédie lyrique inspirée de Voltaire.

En voici un plaisant extrait, "La danse des Africains", interprété par Le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet.




1803 - Ludwig van Beethoven - Symphonie No. 3 "Héroïque"



En 1803, Beethoven compose sa 3ème symphonie. Acquis aux idées de la révolution française il considère alors le Premier consul Bonaparte comme un héros de la liberté et nomme sa symphonie "Sinfonia Grande, intitolata Bonaparte". C'est plus qu'une dédicace, Bonaparte est carrément le titre de la symphonie.

Or, le 2 décembre 1804, Bonaparte se fait sacrer empereur: le héros du 18 brumaire devient par là-même un symbole de tyrannie.

De rage, Beethoven efface le nom de Bonaparte de sa symphonie, et le titre définitif sera "Sinfonia eroica, composta per festegiare il sovveenire d'un grand'uomo" ("Symphonie héroïque pour célébrer la mémoire d'un grand homme").

Cette symphonie ne sera jamais jouée à Paris du temps de l'empereur. Rappelons que Napoléon préfère l'opéra à la musique instrumentale, au point qu'un décret de 1811 contraint toute association symphonique à dédommager l'Opéra.

J'ai sélectionné une version interprétée par le Concert des Nations dirigé par Jordi Savall jouant sur instrument anciens. Voici le 1er mouvement de la symphonie:




1804 - Giovanni Paisiello - Messe et Te Deum du sacre de l'Empereur Napoléon



C'est un des grands moments de la carrière de Napoléon, son sacre le 2 décembre 1804 en la cathédrale de Notre-Dame de Paris.

Napoléon en confie la composition à son cher Paisiello. A noter que Paisiello réutilisera du matériel d'une messe et d'un Te Deum déjà composés et ne sera pas présent le jour du sacre, il est reparti en Italie. 

Les répétitions et la direction de la musique seront effectués par Lesueur qui composera également une marche pour le sacre.

J'ai sélectionné une version de la messe du sacre dirigée par Armand Birbaum avec Pierre Cochereau aux orgues de Notre-Dame et parmi les interprètes la soprano Mady Mesplé.




1807 - Gaspare Spontini - La Vestale





Une fois Paisiello parti, une place est à prendre, et c'est le compositeur italien Gaspare Spontini qui va devenir le compositeur préféré de l'Empereur.

Il devient le professeur de musique de l'Impératrice Joséphine, et joue en 1806 une cantate à la gloire de l'empereur. Il compose un vaudeville "Tout le monde a tort", écrit pour la fête de l'Empereur et qui est joué par ses sœurs et ses courtisans. 

Puis viennent les grandes œuvres lyriques dans le style français que Spontini a su adopter: La Vestale (1807), Fernand Cortez (1809) et Olimpie (1819) qui fut admiré par Weber. Cela marque la naissance du premier opéra romantique français.

J'ai sélectionné l'opéra le plus célèbre de Spontini: "La Vestale".

Au disque, je vous recommande la version qui est sortie en mai 2023, publiée par le Palazzetto Bru Zane, dirigée par Christophe Rousset à la tête des Talens Lyriques et du Flemish Radio Choir, avec dans les rôles principaux Marina Rebeka (Julia), Stanislas de Barbeyrac (Licinius) et Tassis Christoyannis (Cinna).

Sous Youtube, voici la version audio de l'Ouverture:




En vidéo, j'ai choisi l'air "Toi que j'implore" superbement interprété par la soprano Alexandra Deshorties.




1808-1810 - Etienne-Nicolas Méhul - Symphonies



Méhul est certainement un des plus grands compositeurs français de cette époque. Ses symphonies sont superbes et méritent une redécouverte.

Voici le finale de la Symphonie No. 1 en sol mineur, elle soutient la comparaison avec les symphonies contemporaines écrites par Beethoven. Jugez-en par vous même.




1809 - François-Joseph Gossec - Symphonie à 17 parties



Un autre symphoniste majeur de l'époque est François-Joseph Gossec, dont la symphonie à 17 parties n'a pas à rougir de la comparaison avec le grand Beethoven.

François-Xavier Roth et l'orchestre les Siècles n'ont d'ailleurs pas hésité et ont osé le couplage avec la 5ème de Beethoven.

Gossec, tout comme Méhul, mérite une redécouverte, il suffit pour s'en persuader d'écouter le superbe finale de cette symphonie à 17 parties qui célèbre le 20ème anniversaire de la prise de la Bastille.




1810 - Charles-Simon Catel - Les Bayadères



Pour terminer ce panorama de la musique à l'époque de Napoléon Ier, retour à l'opéra et au compositeur Charles-Simon Catel pour un merveilleux opéra, "Les Bayadères", qui dispose d'un enregistrement de référence avec cette production du Palazzetto Bru Zane (centre de musique romantique française, basé à Venise), emmenée par le chef d'orchestre Didier Talpain.

L'opéra "Les Bayadères" raconte les amours contrariées du rajah indien Démaly et de la bayadère Laméa. En effet, en tant que bayadère, Laméa est une danseuse sacrée attachée au culte de Brahma et elle ne peut pas se marier. Mais, Démaly feignant une blessure mortelle obtiendra du Brame l'autorisation de se marier afin d'assurer le salut de son âme.

Voici la très belle ouverture de cet ouvrage:



Et, pour finir, voici le finale de l'acte II "Loin de nous cette folle gloire" :


 

4 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je vous remercie pour votre article passionnant. Je joue dans un quatuor à cordes amateur et nous souhaiterions jouer quelques pièces de cette époque et si possible ayant un lien avec Napoléon auriez vous des pistes à nous conseiller ? je ne trouver rien de concluant pour l'instant mais un de nos membres est capable de faire des arrangements !
    Merci !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour,
      Merci pour votre gentil commentaire.
      Je connais les quatuors à cordes suivants qui sont de l'époque (à ma connaissance ils n'ont pas de lien direct avec Napoléon, celui-ci étant peu féru de musique instrumentale):
      François-Joseph Gossec - Six Quatuors Op. 15: https://www.youtube.com/watch?v=FPiCjYSuU2w (ce sont mes quatuors préférés de l'époque).
      Luigi Cherubini: Quatuor à cordes No. 5: https://www.youtube.com/watch?v=RXEwhifPfgg (un peu plus tardif mais je le trouve pas mal du tout).
      Giovanni Paisiello: Quatuor à cordes No. 5: https://www.youtube.com/watch?v=RN4O8lX217A
      Et si vous avez la possibilité de faire des transcriptions, il y a les quatuors avec flûte Op. 23:
      https://www.youtube.com/watch?v=26X8VdwBzPY
      J'espère que vous trouverez votre bonheur dans cette sélection !
      Cordialement.

      Supprimer
  2. Je vous remercie sincèrement d'avoir pris le temps de me répondre et pour votre précieuse sélection. Je vais écouter ces quatuors avec attention lors de ce weekend prolongé !
    bonne continuation pour votre blog et joyeuse Pâques !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup. Je vous souhaite de joyeuses Pâques également !

      Supprimer