dimanche 7 juillet 2019

Purcell

Henry Purcell

Henry Purcell


Henry Purcell (10 septembre 1659 – 21 novembre 1695) est un musicien et compositeur anglais, né et mort à Londres dans le quartier de Westminster. Musicien complet, il éclipse par la qualité et la variété de son œuvre tout ce que ses contemporains ont pu écrire dans les genres qu'il a abordés : opéra, musique de scène, cantates profanes et religieuses, musique pour clavier ou musique de chambre. 

Il faudra attendre le 20e siècle, avec des compositeurs tels que Edward Elgar, Ralph Vaughan Williams ou encore Benjamin Britten, pour qu'un compositeur d'origine anglaise égale la renommée de Purcell.

Purcell est un de mes compositeurs baroques préférés, il partage avec Mozart ce don d’exprimer ses sentiments à travers sa musique, c’est un formidable mélodiste, il arrive à nous toucher profondément. Et, tout comme Mozart, il nous laisse une œuvre importante bien qu’il soit mort à 36 ans.

Vous trouverez ci-dessous quelques-uns de mes albums préférés du maître.

D'autre part, je vous ai concocté sur les plateformes de streaming une playlist présentant une anthologie des plus belles œuvres du compositeur.

Voici les liens:


King Arthur



"King Arthur", sous-titré "The British Worthy", est un semi-opéra en cinq actes sur un livret de John Dryden. Il fut donné pour la première fois en mai ou juin 1691 au Théâtre de Dorset Garden de Londres. Il s'agit d'un semi-opéra dans lequel les principaux personnages ne chantent pas mais sont présentés par les personnages secondaires. L'œuvre raconte la quête du roi Arthur pour retrouver sa fiancée, la princesse Emmeline, enlevée par le roi Oswald. J’ai découvert cette oeuvre durant mes études. A l’époque, j’avais acheté en coffret vinyle la version d’Alfred Deller à la tête du Deller Consort. Cette version reste pour moi la meilleure de celles que j’ai écoutées. Elle devance de peu celle de William Christie à la tête des Arts Florissants avec Véronique Gens dans le rôle de Vénus. Les principaux passages sont :
  • L’ouverture : c’est un morceau emprunt d’une certaine solennité, mais en même temps il exprime la fête. C’est un morceau réellement superbe, qui introduit un monde de féérie. 
  • « Hither, this way, this way bend » (« Venez par ici, empruntez ce chemin ») : il s’agit d’un morceau charmant chanté par Philidel, le choeur des esprits de Philidel et le choeur des esprits de Grimbald. 
  • « What power art thou » (« Quelle puissance es-tu ») : il s’agit du célèbre "Air du froid" chanté par le Génie du Froid. La voix du chanteur tremble un peu pour exprimer le froid et l’engourdissement. Le génie veut qu’on le laisse mourir. A noter que cet air a été popularisé par Klaus Nomi dans « The Cold Song » en 1981.
  • Passacaille « How happy the lover » (« Comme l’amant est heureux ») : un superbe air de danse d’une grande classe. On entend un duo entre le soprano et la basse, repris ensuite par le choeur.
  • Trumpet Tune « Ye Blustering Brethren of the skies » (« O vous, frères impétueux des cieux ») : ce morceau commence par une sonnerie de trompettes dont Purcell a le secret, suivi d’un chant du dieu Eole, qui demande aux vents de se calmer. Cet air est interprété par la basse.
  • Song tune « Your Hay it is mow’d » (« Maintenant que votre fourrage est fauché ») : voici une chanson qui ne respire pas la mélancolie ! Cela évoque plutôt une chanson de taverne. C’est une sorte d’hommage à la vieille Angleterre.
  • « Fairest isle » (« Toi l’île la plus belle ») : cet air a une très belle mélodie. Il est chanté par le personnage de Vénus qui glorifie l’Angleterre, comme île de l’amour. Je retiens particulièrement la superbe interprétation qu’en donne Véronique Gens dans la version de William Christie.



Voici le fameux "Air du Froid" par Jakub Jósef Orlinski:






Music for Queen Mary



L’album suivant constitue une sorte d’ascenseur émotionnel : on passe de la plus franche gaieté à la tristesse la plus poignante. Il s’agit de la « Music for Queen Mary » dirigée par John Eliot Gardiner à la tête du Monteverdi Choir & Orchestra. 

En 1694, Purcell compose une ode royale pour l’anniversaire de la reine Mary : « Come Ye Sons of Art » Z. 323. (« Venez, les fils de l’Art »). La reine Mary a 32 ans. La musique de Purcell est très enjouée. Dans cette ode se distinguent les morceaux suivants :
  • L’air « Come Ye Sons of Art » chanté par le contre-ténor, puis repris par tout le choeur. C’est un passage grandiose, emprunt d’une pompe royale.
  • « Strike the Viol » (« Pincez la viole ») : les paroles illustrent le jeu de différents instruments typiquement baroques : « strike the viol, touch the lute » (« pincez la viole, jouez du luth »). 
Quelques mois plus tard la reine contracte la variole et meurt. Purcell compose alors la "Funeral Music for Queen Mary", les passages suivants sont particulièrement poignants : 
  • Marche No. 1 : avec des roulements de tambours sinistres.
  • « Man that is born of a woman » (« L’homme qui est né d’une femme ») : superbe choeur qui évoque une musique céleste.
  • Canzona No. 1 : fanfares et roulements de tambours.
  • Marche No. 2 : qui est une reprise de la marche n° 1 et termine cette musique funéraire comme elle l’a commencée.
Quelques mois après avoir composé cette musique, Purcell meurt à son tour.
John Eliot Gardiner et ses interprètes sont d’une justesse parfaite, cet album est profondément touchant. 

Un aperçu en version audio:





The Fairy Queen



« The Fairy Queen » (« La Reine des Fées ») est un semi-opéra composé par Purcell en 1692. Il s’agit d’une adaptation par un librettiste anonyme de la célèbre pièce de Shakespeare « Le songe d’une nuit d’été ». Le livret emmêle puis résout trois intrigues amoureuses : celle qui oppose la Reine des fées Titania et son époux Obéron, celles qui impliquent deux couples de jeunes amants athéniens (Lysandre, Héléna, Démétrius et Hermia), tout ceci joint à un exercice comique de "théâtre sur le théâtre" ayant pour objet la tragédie de Pyrame et Thisbé. Dès l’ouverture on est plongé dans la magie de cette pièce. 

Ma version préférée est celle dirigée par William Christie à la tête des Arts Florissants en 1989. On assiste à une des premières performances de la soprano Véronique Gens. Cette version se caractérise par sa légèreté : elle nous plonge dans une ambiance fantastique et nocturne qui est très bien rendue. 

Voici les principaux passages mémorables :
  • Act I : « Fill up the Bowl » (« Remplis la coupe »): cet air est chanté par un personnage ivre.
  • Act II : « Now join your warbling voices all. Sing while we trip it » (« Maintenant joignez vos chants. Chantez alors que nous trébuchons »)  : Cet air se caractérise par le caractère sautillant du chant de la soprano et du choeur sur les paroles « Sing while we trip it ». C’est assez irrésistible.
  • « See, even Night herself is here » (« Vois, la nuit elle-même est ici ») : Changement d’ambiance avec cet air nocturne et mystérieux magnifiquement chanté par Nancy Argenta. Purcell est le spécialiste de ces airs lents et l’accompagnement des cordes est ciselé à la perfection.
  • Act III : « If love’s a sweet passion » (« Si l’amour est une douce passion ») : il s’agit d’une des premières interprétations au disque de Véronique Gens. Et malgré sa jeunesse on sent déjà une belle maîtrise des aigus et un beau grave.
  • Le reste de l’acte III fait la place belle à plusieurs danses très courtes (chaque morceau faisant moins d’une minute). 
  • Act IV : Dans cet acte on peut entendre un air pour chaque saison de l’année.
  • Act V : « O let me ever, ever weep » (« Oh, laisse-moi toujours pleurer ») : Il s’agit certainement d’un des airs les plus célèbres de Purcell. Il est interprété de façon magistrale par Lynne Dawson dans le rôle de La Plainte.
  • Finale: « They shall be as happy as they are fair » (« Ils seront aussi heureux qu’ils sont beaux »). Un finale très festif avec au milieu une « Chaconne » qui est une danse très souvent utilisée par Purcell.
Un extrait de The Fairy Queen, l'air "O let me weep":




Alfred Deller - Music for a While





En 1979, trois mois avant sa mort, le contre-ténor Alfred Deller sort un album consacré à des airs de Purcell : « Music for a While ». 

Depuis le début de sa carrière Alfred Deller s’était fait un ardent défenseur de Purcell et des compositeurs élisabéthains. Il avait été le premier à remettre au goût du jour la voix de contre-ténor qui était tombée en désuétude. 

Alfred Deller reprend quelques-uns des airs les plus célèbres de Purcell tels que : 
  • « The Plaint » (extrait de « The Fairy Queen »), 
  • « If Music be the Food of Love »,
  • « Fairest Isle » (extrait de « King Arthur »), 
  • « Music for a while »,
  • « O Solitude » qui est certainement le sommet de l’album avec l’accompagnement de William Christie à l’orgue. 
Ce qui séduit dans cet album est la pureté et le style d’Alfred Deller dans ces airs magnifiques. Cet album a été récompensé par un Diapason d’or. 

O Solitude




Didon et Enée



En 1995, William Christie – encore lui – sort une version magnifique d’une des oeuvres les plus sublimes de Purcell : « Dido & Aeneas » (« Didon et Enée ») qui raconte l’histoire des amours malheureuses de la reine Didon de Carthage et du héros Enée. En effet, Enée étant pressé par les dieux, en particulier Jupiter, d’aller s’installer en Italie où ses descendants fonderont Rome, doit quitter Carthage, abandonnant la reine Didon qui est follement amoureuse de lui. 

Après son départ, la reine est dévastée, et se donnera la mort en maudissant Enée et ses descendants (préfigurant ainsi les futures guerres puniques et la rivalité entre Rome et Carthage). 

La distribution est dominée par la présence sublime de Véronique Gens dans le rôle de Didon. 

Les principaux passages de l’oeuvre sont :
  • Le premier air de Didon : « Ah Belinda » qui est superbe,
  • Le duo « Fear no danger to ensue »,
  • Les airs des sorcières, qui sont traités de manière assez comique par William Christie: « Our next motion », « Destruction’s our delight » et « The Witches’ Dance »,
  • Enfin, ce qui est probablement l’air le plus sublime de Purcell, celui de la mort de Didon : « When I am laid in earth ». Il faut entendre les premiers accords de la viole au début du morceau et l’interprétation parfaite de Véronique Gens.
  • Le choeur conclusif « With drooping wings » illustre de manière très symbolique, voire angélique, les cupidons célestes qui répandent des roses sur la tombe de la reine.
L'air "When I am laid in earth" par Véronique Gens:





Ayres for the Theatre



Un autre album très recommandable de Purcell est : « Ayres for the Theatre » interprété par l’ensemble « The Parley of Instruments » dirigé par Peter Holman. 

Dans cet album on peut entendre l’excellente musique de la pièce « Abdelazer or the Moor’s Revenge » (« Abdelazer ou la revanche du Maure ») dans laquelle on entend le célèbre « Rondeau » qui a été réutilisé par Benjamin Britten dans son oeuvre "The Young Person’s Guide to the Orchestra" sous-titré "Variations et fugue sur un thème de Purcell". 

Ensuite, une mention particulière pour les trompettes qui débutent l’Ouverture de « Timon d’Athènes », autre musique de scène. Cette ouverture est suivie par l’excellent « Curtain Tune », toujours extrait de « Timon d’Athènes ». 

Enfin, je voudrais citer l’oeuvre essentielle de cet album : la célèbre « Chaconne » pour quatre cordes en sol mineur Z730, sublime morceau baroque. La chaconne provient d’une danse lente à trois temps apparue en Espagne au XVIe siècle, elle devient une pièce instrumentale formée de variations sur un motif répété à la basse.

Le célèbre rondeau d'Abdelazer:




Une version intéressante de la Chaconne en sol mineur: 






Amour et Mascarade



L’album suivant est marqué par le côté juvénile et frais des pièces baroques sélectionnées : il s’agit de l’album « Amour et Mascarade » de l’ensemble « Amarillis ». On distingue dans cet ensemble les musiciennes suivantes : Héloïse Gaillard aux flûtes à bec et hautbois baroque, Violaine Cochard à l’orgue et au clavecin, et enfin Ophélie Gaillard au violoncelle. 

Cet album contient des airs anonymes, des pièces de Frescobaldi et une cantate de Francesco Mancini, un contemporain d’Alessandro Scarlatti à Naples. 

De Purcell, on peut entendre les trois airs suivants : 
  • « Bid the Virtues », 
  • « The Plaint » (extraite de « The Fairy Queen ») 
  • « Sound the trumpet ». 
Ils sont merveilleusement interprétés par la très talentueuse soprano Patricia Petibon, dont la voix juvénile est parfaite dans ce répertoire.

Une très belle version de "Sound the Trumpet" par Philippe Jaroussky et Pascal Bertin:



A collection of Ayres



Je terminerai par un album très léger que j’ai redécouvert en préparant cette chronique : il s’agit de « A collection of Ayres » interprété par l’ensemble "La Bande des Hautbois du Roi" dirigé par Paolo Tognon. Cet album se distingue par l’importance accordée aux instruments à vent et en particulier aux trompettes, aux flûtes et aux hautbois. 

Il comprend cinq suites extraites de musiques de scène. On retiendra la suite « Dioclesian » composée en 1690 qui accompagne une pièce librement inspirée de la vie de l’empereur romain Dioclétien. Le thème principal en est la lutte entre l’amour et le devoir. 

Les fanfares de trompettes apparaissent à de nombreuses reprises dans cette suite. On retrouve également la suite de la musique de scène pour la tragédie « Abdelazer or the Moor’s Revenge » dont j’ai déjà parlé. A noter que cette tragédie a été écrite en 1676 par Aphra Behn, l’une des premières femmes de lettres professionnelles d’Angleterre.

Un extrait de Dioclesian, l'air "Triumph Victorious Love" par le Philharmonia Baroque Orchestra:






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