dimanche 4 août 2019

Frank Zappa

Frank Zappa

Frank Zappa


Dancin' Fool


Tout commence en 1979 : j’écoute sur France Inter une émission de Patrice Blanc-Francard, et j’entends une espèce d’énergumène qui chante une parodie de disco qui s’intitule “Dancin’ Fool”:

“I don't know much about dancin', that's why I got this song
One of my legs is shorter than the other and both my feet's too long
'Course now right along with 'em, I got no natural rhythm
But I go dancin' every night, hopin' one day I might get it right
I'm a dancin' fool (Dancin' fool)
I'm a dancin' fool
I'm a dancin' fool (Dancin' fool)
I'm a dancin' fool
I hear that beat, I jump outa my seat
But I can't compete 'cause I'm a dancin' fool (Dancin' fool)"

Traduction :
"Je ne connais pas grand-chose à la danse
C'est pourquoi j'ai fait cette chanson
Une de mes jambes est plus courte que l'autre
Et mes deux pieds sont trop grands
Bien sûr je me démerde avec
Je n'ai pas le sens du rythme
Mais je vais danser tous les soirs
En espérant qu'un jour je le ferais bien
Je suis un bouffon de la danse, je suis un
Crétin dansant
J'entends ce rythme, je saute de mon fauteuil
Mais je ne fais pas le poids, car je suis un
Crétin dansant, je suis un Crétin dansant"

Ce morceau est totalement décoiffant … et l’artiste s’appelle Frank Zappa. 





Cet artiste inclassable est capable d’être un des meilleurs guitaristes au monde, de jouer avec les meilleurs musiciens, du rock, du jazz, du blues, de la musique contemporaine, du doo-wop, et tout cela à la fois, dans un mélange éclectique, savant, délirant, allumé et irrévérencieux, parfois même obscène, en tout cas en gros décalage avec une certaine Amérique bien-pensante. 

Né en 1940 à Baltimore, Frank Zappa nous lègue 57 albums au moment de sa mort en 1993. Depuis, compte tenu du nombre très important d’albums posthumes sortis, grâce aux importantes réserves constituées par Zappa lui-même de son vivant, le nombre total d’albums se monte à une centaine, sans compter les 25 compilations et bootlegs, tels que la série des "Beat the Boots".
 
Afin de vous offrir un large éventail des morceaux de musique de ce génie, je vous ai préparé une playlist intitulée Le melomane eclectique - Frank Zappa ou tout simplement Frank Zappa.


Au moment où j'ai créé cette deuxième playlist, intitulée "Frank Zappa Albums Posthumes", la discographie de Frank Zappa s'élevait à 127 albums. Quand Frank Zappa est mort, en 1993, le nombre d'albums disponibles étaient de 62.

J'ai donc pioché dans l'énorme quantité d'albums posthumes qui contient non seulement des inédits, mais également de nombreux morceaux enregistrés lors de concerts couvrant toutes les périodes, du début des années 70 jusqu'au début des années 90. 

Les vrais fans de Zappa en demandent toujours plus, sachant que Zappa avait un sous-sol rempli de bandes magnétiques de ses concerts.

Je vous laisse donc vous immerger dans la discographie de ce génie.

Voici les liens vers la playlist.

Spotify:
Qobuz:
Apple Music:
Deezer:



Il semble difficile de citer tous les albums d’importance dans une discographie aussi riche. Aussi, mon parti pris a été de sélectionner les albums les plus représentatifs des différents genres abordés par ce génie protéiforme. 

Je vous propose ci-dessous une anthologie arbitraire des albums de Frank Zappa.


Le plus jazz : Hot Rats (1969)


Lorsque cet album est conçu, Zappa vient de dissoudre le groupe The Mothers of Inventions et décide de s’entourer du fidèle Ian Underwood, un multi-instrumentiste dont la spécialité sont les claviers et le saxophone et de pointures du jazz tels que les violonistes Don « Sugarcane » Harris et Jean-Luc Ponty. Avec cet album Zappa invente le jazz-fusion quasiment simultanément avec Miles Davis qui sort à la même époque son « Bitches Brew », quelle époque bénie ! 

Un mot sur la pochette originale de l’album où l’on peut voir Miss Christine Ann Frka sortir la tête, avec un maquillage outrancier, d’une piscine vide qui se trouve dans la propriété d’Errol Flynn, alors devenue un parc public. Il faut noter que Miss Christine est entre autre un membre du groupe féminin les GTO’s (Girls Together Outrageously) qui est produit par Frank Zappa, également la petite amie de Vincent Furnier, futur Alice Cooper, et la babysitter de Moon Unit, la fille de Frank Zappa.

Un mot sur les morceaux de cet album :
  • Peaches en Regalia : savante fusion de rock et de jazz, ce titre nous propose une des mélodies les plus malignes de Zappa. Dans ce morceau le saxophone et l’orgue électronique s’en donnent à coeur joie. 
  • Willie the Pimp : morceau de bravoure, il s’agit DU solo de guitare du maître. Après l’intervention du violon de Sugarcane Harris et l’introduction vocale de Captain Beefheart, Zappa y déploit un des solos de guitare les plus durs à exécuter. Des guitaristes, tels que Phil Manzanera du groupe Roxy Music, témoignent même avoir essayé de le jouer et s’être arrêtés avant la fin par épuisement ! A noter que le batteur John Guerin n’est pas en reste. 
  • Son of Mr Green Genes est une reprise instrumentale du morceau « Mr Green Genes » figurant sur le double-album « Uncle Meat ». Zappa nous livre une mélodie qui peut apparaître un peu bête au premier abord, c’est son côté provocateur. Mais ensuite il s’arrange pour la magnifier et la complexifier à l’envi. Résultat : un morceau où les entrelacs des cuivres, guitare, basse et batterie se complètent savamment et nous livrent une pièce absolument jubilatoire qui ne ressemble à rien d’autre que du Zappa.
  • Little Umbrellas : voici un morceau jazz un peu plus classique, mais néanmoins fort délectable, où la part principale est dévolue au piano. Une sorte de morceau de transition avant le plat de résistance que constitue le titre suivant.
  • The Gumbo Variations : passant de 13 minutes sur le vinyle à près de 17 minutes sur le CD, il s’agit d’une longue improvisation jazz dominée par Ian Underwood au saxophone qui nous montre toute l’étendue de sa maîtrise, rejoint par le violon de Sugarcane Harris tout en virtuosité. Ce morceau au lyrisme exacerbé produit une très forte impression.
  • It must be a camel : Dernier morceau de l’album sur lequel Sugarcane Harris cède la place à Jean-Luc Ponty au violon. C’est un titre au tempo plutôt lent d’une assez grande modernité, Zappa y ose quelques audaces harmoniques et une grande variété de climats. Cela n’empêche pas le morceau d’être diablement plaisant et finalement assez cool.
Peaches en regalia

Little Umbrellas




Le plus blues : One Size Fits All (1975)


Sur cet album Zappa est accompagné des membres suivants qui composent les Mothers of Inventions : George Duke aux claviers et au chant, Napoléon Murphy Brock au chant et au saxophone, Ruth Underwood aux percussions, Tom Fowler à la basse et Chester Thompson à la batterie. Et, spécifiquement sur cet album, Johnny « Guitar » Watson, un guitariste très apprécié de Zappa. Il s’agit d’une des meilleures incarnations des Mothers.
  • Inca Roads : Morceau d’une incroyable originalité, peut-être un des meilleurs morceaux de Zappa, il commence très fort avec les percussions de Ruth Underwood, les synthétiseurs en mode « film de science-fiction » et le chant de George Duke. Ce titre raconte l’histoire bizarre d’un véhicule qui atterrit dans les Andes. Il fait certainement référence aux géoglyphes de Nazca : de grandes figures tracées sur le sol par la civilisation Nazca, une culture pré-inca, entre -200 et 600. Entre 2:00 et 4:37, Zappa nous livre son solo de guitare. A partir de 4:37, une superbe mélodie est chantée en choeur par tout le groupe. A 5:10, les percussions réapparaissent. Vers 6:35, on passe à un solo déjanté de George Duke au synthétiseur, à la fois jazzy et prog.
  • Can’t Afford No Shoes est un bon gros rock, bourré d’humour zappaïen, avec une excellente rythmique.
  • Sofa No. 1 est un morceau instrumental dominé par le piano et les marimbas.
  • Po-jama People raconte l’histoire de « gens en pyjama ». C’est une sorte de pochade dans laquelle Zappa se moque gentiment de gens qui sont tellement ennuyeux qu’ils lui donnent envie de dormir. Il semble d’ailleurs qu’il stigmatise certains membres de son groupe de 1973, notamment Ruth, George et Jean-Luc Ponty qui préfèrent jouer aux échecs ou au yahtzee, quand ils ne sont pas sur scène, plutôt que de sortir et de faire la fête. En outre, Zappa précise, avec son humour potache que ces pyjamas ont une trappe derrière (« a little trap-door back around them ») et des pieds comme pour une barboteuse (« some cozy little footies »).
  • Florentine Pogen est une caricature des enfants riches. En l’occurrence, il raconte l’histoire d’une fille de riches. Son père est un « Florentine Pogen », c’est-à-dire un riche fabricant de cookies (les « Pogens » semblent être une marque de cookies) originaire de Florence. Au passage Zappa lance des attaques humoristiques à son road manager Marty Perellis et à son batteur Chester Thompson, victime des avances d’une groupie peu attractive surnommée « Chester’s gorilla ».
  • Evelyn, a modified dog : le texte de cette chanson est un véritable poème surréaliste sur « Evelyn, un chien ayant subi des modifications ». En fait, Evelyn est un échidné (un ordre de mammifère dont fait partie l’ornithorynque). Frank Zappa nous explique l’histoire de cet animal dans une interview : « Le zoo de Los Angeles a un programme dans lequel vous aidez à payer pour le soutien des animaux en les adoptant. Nous avons donc adopté l'échidné. Et cela signifie que nous leur en avons donné un <mot indéchiffrable> pour que toute la nourriture de l'échidné soit payée par nous. Ensuite, vous obtenez une petite plaque sur la cage des animaux. C'est donc Evelyn. »
  • San Ber’dino est le morceau le plus bluesy de l’album. Il raconte une triste mésaventure qui est arrivée à Frank Zappa : en effet, celui-ci écope de dix jours de prison à effectuer dans la prison du Comté de San Bernardino, pour obscénité sur une cassette. Zappa, lors d’une interview, explique que la cassette lui a été demandée par le type qui l’a arrêté et qui se prétendait être un vendeur de voitures d’occasion. Toujours selon Zappa, cela serait un coup monté afin de l’exproprier de son studio d’enregistrement de Cucamonga qui empêchait l’élargissement d’une avenue. Ce morceau très connu est chanté par Johnny « Guitar » Watson et on peut y entendre Bloodshot Rollin’ Red à l’harmonica.
  • Andy est également un superbe blues, toujours chanté par Johnny « Guitar » Watson.
  • Sofa No. 2 est la version chantée de « Sofa » et la première apparition officielle de cette chanson sur un album de Zappa. Cette chanson fut créée lors d’un concert au casino de Montreux le 4 décembre 1971, à l’époque où le duo Flo and Eddie, composé de Mark Volman et Howard Kaylan, faisait partie du groupe de Zappa. Elle apparaît sur l’album bootleg « Fire ! » qui est intégré à la compilation « Beat the Boots II ». Le morceau se caractérise par sa délicate instrumentation et le fait qu’il est presqu’entièrement chanté en allemand. Il semble que Zappa était très apprécié en Europe et particulièrement par le public allemand. Il a certainement voulu lui faire un clin d’oeil et il devait trouver amusant de dire des absurdités dans une langue étrangère rien que pour la sonorité. Enfin, Zappa nous en donne une explication fantaisiste, toujours lors du concert de Montreux. Il imagine qu’à la création de l’univers il n’y avait rien d’autre « qu’un grand sofa marron suspendu au centre du vide » (ce qui explique la présence du sofa flottant dans l’espace sur la pochette de l’album) et qu’il fallait lui fabriquer un sol pour qu’il repose dessus : « And so in order to attain the floor, he (God) consulted with the celestial corps of engineers and addressed them formally with a little song in Deutsch, because that is the way he talks whenever it’s heavy business ». (Traduction : « Et pour atteindre le sol, Dieu consulta le corps céleste des ingénieurs et leur adressa formellement une petite chanson en allemand, parce que c’est le langage qu’il utilise pour les affaires sérieuses »).

Inca roads

San Ber'dino




Le plus rock : Zoot Allures (1976)


On retrouve sur cet album Ruth Underwood au synthétiseur et marimbas et Napoléon Murphy Brock au saxophone et au chant, accompagnés par Terry Bozzio à la batterie. 

D’autres albums de Zappa méritent certainement d’être considérés comme des albums rock, mais celui-ci est le premier où Zappa se recentre sur des morceaux purement rock : ici pas de jazz, ni de musique contemporaine. De plus, certains titres contribuent à créer la légende de Zappa tels que « Black Napkins » ou « The Torture Never Stops ». Le titre de l’album, quant à lui, serait une transcription zappaïenne de l’expression française : « Zut, alors ! »
  • Wind Up Workin’ in a Gas Station évoque un gars qui bosse dans une station service, ce qui est pour Zappa l’un des endroits les plus ennuyeux. La chanson illustre bien ce côté pénible par une grande répétitivité des phrases « Let me see your thumb » (« Fais voir ton pouce ») ou « Wind Up Workin’ in a Gas Station » (« Tu te retrouves à bosser dans une station service »). Le son du morceau est assez heavy metal.
  • Black Napkins : D’après une interview, Zappa se remémore un repas de Thanksgiving particulièrement raté et ces « serviettes noires » qui l’ont marqué. En tout cas, si le repas était raté, ce n’est pas le cas du solo de guitare qui est certainement un des solos les plus réussis de Zappa. Sur l’album « Zoot Allures » ce morceau ne dure que 4:16. Pour les fans, on peut recommander la superbe version qui se trouve sur l’album « Halloween », qui dure 16:56, et qui fut enregistrée à « The Palladium, NYC » en 1978.
  • The Torture Never Stops : Dans ce morceau, Zappa s’amuse à nous éprouver en nous décrivant un cachot de désespoir (« dungeon of despair ») où des gens sont enfermés dans un environnement terriblement sale et glauque pour être torturé sans fin. Ce qui caractérise ce morceau sont les râles féminins ambigus, car on ne sait pas s’il s’agit de l’expression de la douleur ou du plaisir. Pendant ce temps, Zappa égrène les paroles de la chanson avec une voix calme et sardonique. Zappa, dans une interview, laisse entendre que les râles ont été produits par deux filles, dont l’une était sa femme, et que sur les quatre heures d’enregistrement il n’a gardé que dix minutes. Et, avec son humour habituel, il conclut l’interview par : « Er, I don’t think it’s worth telling you precisely what went on ... you wouldn’t be allowed to publish it » (« Euh, je ne pense pas que cela vaille la peine de vous dire exactement ce qui s’est passé ... vous ne seriez pas autorisé à la publier »). 
  • Ms Pinky est une chanson dont le personnage principal est une poupée gonflable. Ms Pinky vaut 69,95$ et la chanson est plus qu’explicite. Zappa chante avec gouaille, comme s’il faisait la promotion d’un produit, et Don Vliet (alias Captain Beefheart) joue de l’harmonica.
  • Find her finer est un morceau bluesy dans lequel Zappa donne des conseils de drague.
  • Friendly Little Finger est un titre instrumental dans lequel Zappa inaugure une technique de mixage qu’il a inventé : la xénochronie. Cette technique consiste à synchroniser différentes pistes provenant de sources différentes et ayant au départ des rythmes différents, afin de réaliser une composition finale avec des relations rythmiques impossible à atteindre par d’autres moyens. Dans ce morceau, la guitare et la basse, enregistrées ensemble, sont synchronisées avec une piste de batterie provenant d’un autre enregistrement n’ayant rien à voir.
  • Wonderful Wino : morceau très rock sur l’addiction à la boisson.
  • Zoot Allures est un titre instrumental d’une grande élégance. La sonorité de la guitare est superbement traitée et la basse, en contrepoint de la guitare, est particulièrement bien mise en valeur.
  • Disco Boy est une parodie de disco, toujours sur un morceau rock, dans la veine des futurs « Broken Hearts are for Assholes » et le célèbre « Dancin’ Fool ». Dans ce titre, Zappa n’a d’autre objectif que l’entertainment !

Zoot Allures

Black Napkins

The Torture Never Stops




Le meilleur live : Zappa In New York (1978)


Enregistré fin 1976 au Palladium de New York, j’ai choisi ce live entre tous pour les morceaux « Titties & Beer » et surtout « The Black Page ».
  • Titties & Beer : Notre héros, interprété par Zappa, par une nuit très noire, fait une rencontre avec le diable, interprété par Terry Bozzio : celui-ci prétend avoir mangé la petite amie de Zappa, une certaine Chrissy, et lui propose un contrat à signer. Il lui dit qu’il possède déjà les âmes de Nixon et Agnew. Mais, Zappa propose au diable un arrangement : deux choses l’intéressent « Titties & Beer » (« Les seins et la bière »), cela rend fou le diable qui ne veut plus qu’il signe le contrat. Zappa nous offre ici une parodie délirante du pacte de Faust, tourné en dérision, cette adaptation très libre étant émaillée de propos triviaux. 
  • Cruisin’ for Burgers est un instrumental dont le thème était déjà présent sur l’album « Uncle Meat », il comprend un solo de guitare flamboyant.
  • I Promise Not to come in Your Mouth est un instrumental proche de la musique contemporaine et du jazz.
  • Punky’s Whips : ce morceau est un gag entier sur la passion de Terry Bozzio pour une photo de Punky Meadows guitariste du groupe Angel. Warner Bros refusa de mettre la piste sur la première publication de l’album.
  • Honey, Don’t you want a man like me est une pochade dont Zappa a le secret sur un morceau très rythmé. 
  • The Illinois Enema Bandit raconte l’histoire du criminel Michael Kenyon, un voleur qui donnait des lavements à ses victimes féminines ! Le morceau est un blues mémorable.
  • I’m the Slime décrit un personnage pervers et dérangé.
  • Pound for a Brown : morceau instrumental déjà entendu sur « Uncle Meat » dans une version différente. 
  • Manx Needs Women : le titre est un jeu de mots pour les habitants de l’île de Man et le film de science-fiction « Mars Needs Women ». Il s’agit d’un morceau instrumental d’avant-garde.
  • The Black Page Drum Solo est un formidable solo de percussions d’une incroyable originalité.
  • Big Leg Emma est un rock classique qui utilise un jeu de mots entre « Big Leg Emma » et « Big Dilemma ».
  • Sofa est un instrumental, il reprend un des morceaux phares de l’album « One Size Fits All ».
  • Black Page #2 : Pour ceux que la musique d’avant-garde rebute, Zappa a ajouté une mélodie au solo de batterie de « The Black Page » pour le rendre plus disco, c’est « Black Page #2 the easy teenage New York version » ! Cela donne droit à une rencontre originale entre la musique contemporaine et le funk.
  • The Torture Never Stops : il s’agit de la version live du morceau figurant sur l’album « Zoot Allures ». Exit les râles, ici on a droit à une très belle instrumentation et un fabuleux solo de guitare dont Zappa seul a le secret.
  • The Purple Lagoon – Approximate : Il s’agit d’un très long morceau de free jazz, qui dure plus de 16 minutes. Dans Approximate, chaque musicien peut choisir les notes jouées dans des sections prédéfinies. Cela illustre le talent et la maîtrise dont devaient faire preuve les musiciens qui accompagnaient Zappa.

Titties & Beer


The Black Page #1 & #2 par Dweezil Zappa




Le meilleur patchwork : Uncle Meat (1969)


Cet album contient la musique d’un long métrage qui verra le jour longtemps après. C’est un véritable patchwork de jazz, de musique d’avant-garde, de doo-wop, de blues et de rock. Les paroles, comme souvent chez Zappa, sont satiriques ou absurdes. 

Le chef-d’oeuvre de cet album est la suite instrumentale « King Kong », morceau épique digne des meilleures oeuvres de la musique classique « officielle ».

Les principaux titres sont :
  • Main Title Theme : instrumental dominé par les marimbas et le clavecin.
  • Nine types of industrial pollution : instrumental mêlant une guitare brodant des phrases complexes et des percussions.
  • Dog Breath, the year of the plague est un véritable collage dada avec des paroles incompréhensibles pour qui est extérieur au groupe formé par Zappa et ses musiciens. Notamment, elles parlent de « El Monte Legion Stadium » qui était le lieu où se produisaient les groupes de doo-wop.
  • The Dog Breath variations, comme leur titre l’indique, sont des variations instrumentales.
  • The Uncle Meat variations sont également des variations instrumentales utilisant le clavecin et le saxophone. C’est un peu comme si Bach avait rencontré John Coltrane.
  • Prelude to King Kong est un morceau d’avant-garde avec un ensemble d’instruments à vent, accompagné par la batterie, jouant des entrelacs de plus en plus complexes et dissonants : une belle cacophonie qui reste maîtrisée grâce à l’art de Zappa.
  • Ian Underwood Whips It Out : Ian Underwood raconte comment il s’est présenté à Zappa la première fois et joue un solo de saxophone endiablé, genre free jazz speedé.
  • Mr Green Genes est une chanson délirante qui commence par le conseil de manger des légumes, puis des chaussures, et même le camion qui les a amenées. Le thème de ce morceau sera repris dans « Hot Rats » en version instrumentale.
  • Project X est un morceau d’avant-garde avec instruments à vent et percussions qui finit avec du synthétiseur. 
  • King Kong est le plat de résistance de cet album. C’est une suite orchestrale pour saxophone et groupe rock composée d’un thème et de cinq variations qui montrent toute l’étendue du talent de compositeur de Zappa. La variation intitulée « Gardner varieties » est absolument superbe, Bunk Gardner y joue toutes sortes de clarinettes et saxophones. Dans King Kong V, Zappa manipule la vitesse des bandes. King Kong VI est une version live enregistrée plus tard. On atteint avec ce titre au chef-d’oeuvre. Parmi les nombreux « tributes » à King Kong, on retiendra l’album du violoniste Jean-Luc Pontry : « King Kong, Jean-Luc Ponty plays the music of Frank Zappa » avec une version résolument jazzy.
  • Pour ceux qui sont séduits par cet album, je recommande également l’écoute de l’album « Meat Light » paru en 2016 qui présente la séquence originale de l’album ainsi que des morceaux inédits sortis de la « chambre forte » de Zappa. 
King Kong

The Uncle Meat Variations





La meilleure musique de film : 200 Motels (1971) 


Le sujet principal du film 200 Motels peut être résumé par la phrase « Touring can make you crazy » (« Faire des tournées peut vous rendre fou »). Zappa se transforme en Mr Loyal d’un cirque surréaliste, à la fois producteur, réalisateur et scénariste de ce film, mais également, bien entendu, compositeur de cette fable abracadabrante sur la vie du groupe en tournée. 

Le film est un documentaire surréaliste et totalement décalé, entièrement filmé en vidéo, avec des effets spéciaux aujourd’hui datés. La musique est quant à elle un collage entre deux mondes : d’une part la musique contemporaine, héritière de Varèse et Bartok, jouée par le London Symphony Orchestra et très sérieuse, voire absconse, d’autre part, des morceaux pop/rock joués avec la verve habituelle du maestro. 

Le tout constitue un chef-d’oeuvre pour certains, un album indigeste pour les autres, Zappa ne laisse jamais indifférent. En tout cas, l’album contient un nombre de partitions remarquables dont certaines seront reprises plus tard de manière encore plus convaincante sur des albums comme « Orchestral Favorites » ou « London Symphony Orchestra ». 

A noter que, fait unique dans les albums de Zappa, le son de l’album est très mauvais et il est très étonnant qu’il n’y ait jamais eu de mixage correct de cet album, à croire qu’il n’existe pas de source de qualité ? 

La publication, en 2013, de l’album « 200 Motels – The Suites » dirigé par Esa-Pekka Salonen ne m’a pas convaincu : l’interprétation est trop lisse, trop propre, en un mot trop "classique". Il y manque la gouaille et la folie de Zappa et ses acolytes. 

Quelques mots sur une sélection de titres de cet album :
  • Semi-Fraudulent-Direct-From-Hollywood Overture : Dans cette ouverture, c’est la musique contemporaine qui rencontre Broadway : musique dissonante et fanfares d’avant-garde sont au menu. La présentation initiale du film est faite par Théodore Bikel, acteur et chanteur américain. Ce morceau sera repris sous le titre « Bogus Pomp » sur les albums « Orchestral favorites » et « London Symphony Orchestra ».
  • Mystery Roach : transition totale avec un morceau rock très rythmé et assez classique.
  • This town is a sealed tuna sandwich introduit un thème musical qui sera utilisé à de nombreuses reprises, constituant la « Sealed Tuna Sandwich Suite ».
  • Lonesome Cowboy Burt : morceau country chanté par Jimmy Carl Black, surnommé « L’indien du groupe ».
  • Touring can make you crazy est de la pure musique contemporaine. Les contrebasses débutent la pièce dans l’extrême grave, Zappa introduit ensuite des dissonances prononcées qui ne sont pas sans évoquer la Passacaille pour Orchestre Op. 1 d’Anton Webern.
  • Centerville : la particularité de ce morceau est qu’il est totalement hybride entre musique d’avant-garde et chant de comédie musicale de type « délire zappaïen ».
  • Dental Hygiene Dilemma est un morceau sur lequel un récitant raconte une histoire sur une musique fantaisiste. Ce type de narration sera utilisé dans des histoires fleuves telles que « Billy the mountain » et « Greggery Peccary ».
  • Penis Dimension : C’est une chanson de style hybride sur un sujet trivial, ou comment Broadway rencontre Varèse.
  • Magic Fingers est certainement le morceau le plus rock de l’album, avec solo de guitare obligé.
  • Strictly Genteel : ce morceau commence avec humour sur les paroles « And may the lord have mercy on the fate of this movie » (« Et puisse le seigneur avoir pitié du destin de ce film »). Ce morceau sera repris en version orchestrale sur les albums « Orchestral Favorites » et « London Symphony Orchestra Vol. I & II ». Il contient une belle mélodie consonante, malheureusement trahie par une prise de son déficiente. Elle conduit à un morceau rock qui durera jusqu’à la fin. A noter que ce titre donne son nom à une compilation de 1997.
200 motels - le film entier est disponible sur dailymotion:

Et pour vous donner une idée, voici "Mystery Roach":



Et "Penis Dimension":





Le plus « dance » : Sheik Yerbouti (1979)


Est-ce parce qu’il s’agit de l’album que Zappa a sorti lorsque je l’ai découvert ? Toujours est-il que j’ai toujours eu un faible pour cet album. C’est certainement un des albums les plus accessibles et les plus « commerciaux » de Zappa. Ici pas de musique d’avant-garde, mais toujours du rock avec, cette fois, des influences funk et même parfois punk. Zappa continue d’être satirique et multiplie les parodies. 

Le titre lui-même est un jeu de mots et la transcription de « Shake your booty » (« Bouge tes fesses »), certainement en référence au titre disco de KC and the Sunshine Band. C’est sans conteste un album avec lequel on peut débuter la découverte de Zappa.
  • Dans « Flakes », Zappa introduit une parodie de Bob Dylan qui est imité avec verve par Adrian Belew, guitariste dans le groupe.
  • I’m so cute est une parodie de musique punk. Zappa y insiste sur la pauvreté des paroles.
  • Rat Tomago est le premier long solo de guitare de l’album : il s’agit d’une reprise du solo de « The Torture Never Stops ».
  • Bobby Brown Goes Down est une critique de l’American way of life, de la société consumériste et des frimeurs de boîte de nuit.
  • The Sheik Yerbouti Tango, comme son titre l’indique, est une parodie de tango.
  • Baby Snakes est encore une chanson à caractère sexuel, masqué par une métaphore.
  • City of Tiny Lites est un des morceaux les plus recherchés musicalement, un vrai régal.
  • Dancin’ Fool évoque un danseur disco qui n’est pas très doué. On pense à un clin d’oeil à Saturday Night Fever.
  • Yo’ Mama : Zappa se moque des gens qui restent chez leur maman, genre « Tanguy », et nous livre par la même occasion un long solo de guitare (le morceau fait 12:37).
Flakes

Yo' mama





L’opéra rock : Joe’s Garage (1979) 


Joe’s Garage raconte l’histoire de Joe et de ses amis musiciens traqués par une espèce de Big Brother représenté par le "Central Scrutinizer" joué par Zappa lui-même, avec une voix transformée électroniquement. 

L’action se situe dans un avenir imaginaire où la musique a été interdite, car elle provoque trop de dommages. Le Central Scrutinizer nous prévient des dangers de la musique et pour les illustrer, les représente à travers les déboires de Joe depuis qu’il a monté un groupe de rock. Il aura affaire à la première église d’Appliantology, qui est une parodie de l’église de Scientologie de L. Ron Hubbard. 

A la fin, Joe ne peut plus jouer de musique, il imagine alors dans sa tête des solos de guitare, et sombre peu à peu dans la folie. Il lui semble alors entendre la voix de sa petite amie Mary qui lui dit:
« L'information n'est pas le savoir. Le savoir n'est pas la sagesse. La sagesse n'est pas la vérité. La vérité n'est pas la beauté. La beauté n'est pas l'amour. L'amour n'est pas la musique. La musique est la meilleure chose qui soit !! »
Joe invente alors un dernier solo de guitare, le merveilleux “Watermelon in Easter Hay”.

Le dernier morceau n'appartient pas à l'histoire ; c'est le Central Scrutinizer qui le chante ; il s'agit de “A Little Green Rosetta”, une farce débile où tout le monde s'en donne à cœur joie.


Joe's Garage

Watermelon in Easter Hay




Le meilleur de la guitare : Shut Up and Play Your Guitar (1981)


Pari audacieux, Zappa sort un album avec trois disques vinyles contenant vingt solos de guitare, soit 2 heures de musique purement instrumentale. Zappa fait ainsi un pied de nez à un critique qui lui reprochait de trop parler sur scène. 

Cet album montre la virtuosité et la créativité de Zappa, en particulier, il sélectionne trois solos issus du titre « Inca Roads » enregistrés trois soirs différents et qui montrent toute la capacité de renouvellement et d’improvisation de Zappa. 

Mes coups de coeurs : 
  • Variations on the Carlos Santana Secret Chord Progression
  • Canarsie
  • Ship Ahoy
  • The Deathless Horsie
  • Pink Napkins
  • Canard du Jour

Canard du jour

Variations on the Carlos Santana Secret Chord Progression





Le meilleur de la musique contemporaine : The Yellow Shark (1993)


Il s’agit du troisième album de musique contemporaine après « The Perfect Stranger » et « London Symphony Orchestra Vol. I and II ». Les deux premiers albums nous permettait de voir enfin la facette « sérieuse » de Zappa dans ses meilleures compositions sous les apprêts d’un orchestre symphonique. C’était intéressant, mais il manquait ce grain de folie propre à la musique de Zappa. 

Or, dans the Yellow Shark, les interprètes sont les musiciens de l’Ensemble Modern dirigés par Peter Rundel. Ce sont des artistes habitués à jouer de la musique contemporaine sur instruments classiques, néanmoins on les sent tellement attirés par la musique de Zappa qu’ils arrivent à transcrire cette énergie, ce rythme qui vient du jazz et du rock, en un mot cette verve zappaïenne que l’on attendait depuis longtemps dans les interprétations de la musique de Zappa par un ensemble orchestral classique. 

A noter que The Yellow Shark est le dernier album publié du vivant de Frank Zappa.
  • Intro : Dès l’introduction faite par Zappa lui-même, l’humour est présent : 
« Now, let's get serious, ladies and gentlemen, I know you came here to see really FINE performances by a really FINE modern music ensemble, conducted by a really FINE conductor. And here comes the FINE conductor now, Peter Rundel, ladies and gentlemen! And if you feel like throwing underpants onto the stage, put 'em over there. » 

Traduction: 
« Maintenant, soyons sérieux, Mesdames et Messieurs, je sais que vous êtes venus ici pour assister à un VRAI spectacle d'un VRAI ensemble de musique moderne, dirigé par un VRAI chef. Et voici le VRAI chef d'orchestre, Peter Rundel, mesdames et messieurs! Et si vous avez envie de jeter des sous-vêtements sur la scène, mettez-les là-bas. »
  • Dog Breath Variations est un morceau extrait d’Uncle Meat et réorchestré par Zappa.
  • Uncle Meat est un extrait de l’album éponyme, il reprend « Main Title Theme » et « The Uncle Meat Variations ». L’orchestration comprend des fanfares. Joué ainsi, le morceau prend une certaine ampleur.
  • Outrage at Valdez est extrait de la musique d’un documentaire « Alaska : Outrage at Valdez » sur l’accident de l’Exxon Valdez, et la marée noire qui s’ensuivit. La version originale était interprétée au Synclavier et a été réorchestrée par Zappa.
  • Times Beach II : il s’agit de musique contemporaine à l’état pur dans laquelle on ne retrouve plus trop la patte de Zappa. Cela sonne académique et pas forcément aussi original que lorsqu’on reconnaît le style de Zappa.
  • III Revisited donne le même sentiment que le morceau précédent.
  • The Girl in the Magnesium Dress : le sujet est une fille qui déteste les hommes et les tue avec sa robe spéciale. La version originale qui était pour Synclavier a été réorchestrée, le piano et le xylophone évoquent le miroitement de la robe en magnésium.
  • Be-Bop Tango : ce morceau est un arrangement classique d’un morceau existant. Il comprend un passage jazzy au milieu et un énorme saxophone à la fin.
  • Ruth is sleeping : Morceau pour Synclavier, il a été adapté pour deux pianos. Il offre la même texture que « The Girl in the Magnesium Dress » et fait appel à une polyphonie très complexe.
  • None of the Above : il s’agit d’un quatuor à cordes façon Zappa.
  • Pentagon Afternoon décrit les gars du pentagone en train d’imaginer leur prochaine cible. A la fin du morceau, l’Ensemble Modern prend des armes et mime la mort du quintette à cordes.
  • Questi Cazzi di Piccione : le titre signifie « Ces foutus pigeons ». Les musiciens frappent sur leurs instruments. Initialement, c’était pour compter les temps, étant donné la complexité rythmique de la pièce. Quand Zappa les a entendu jouer, il a dit de garder cela. Aussi, maintenant on peut imaginer que ce sont les pigeons qui font ce bruit.
  • Times Beach III est de la même veine que Times Beach II, il s’agit d’un morceau triste.
  • Food Gathering In Post-Industrial America, 1992 : On y entend des bruissements faits avec un Didgeridoo (instrument australien) qui trempe dans un seau rempli d’eau.
  • Welcome to the United States : Zappa a voulu montrer la stupidité de la carte des douanes américaines. Le contenu est lu en entier sur une musique dissonante et satirique. On admire la performance du récitant Herman Kretzschmar.
  • Pound for a Brown + Exercise #4 : Il s’agit d’une reprise d’un morceau de « Uncle Meat ». Plusieurs mélodies simples sont entremêlées pour former une construction irrégulière et plus complexe.
  • Get Whitey : appelé initialement « Whitey » parce qu’on utilisait uniquement les touches blanches du piano, ce morceau développe une mélodie très complexe qui fait penser à des ondes qui se déplacent.
  • G-Spot Tornado était initialement une pièce pour Synclavier qui apparaissait sur « Jazz from Hell ». C’est un morceau au rythme enjoué et rapide, vraiment époustouflant. Si toute la musique contemporaine pouvait sonner comme cela on en redemanderait. Ce morceau conclut en beauté cet album passionnant.

G-Spot Tornado

Outrage at Valdez



Les meilleures compilations : 

Pour ceux qui souhaitent découvrir Frank Zappa, je recommande les albums suivants :
  • Strictly Commercial, The Best of Frank Zappa (1995)
  • Zappatite : Frank Zappa’s tastiest tracks (2016)

Les meilleurs sites web : 

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Zappa, je recommande les sites suivants :






1 commentaire:

  1. 22041952
    J’ai découvert Zappa en 1969 vers mes 17ans en découvrant « Uncle Meat ». Une musique savante et innovante, un chef d’œuvre que j’écoute toujours aujourd’hui .

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