vendredi 22 juillet 2022

Les fils Bach - Wilhelm Friedemann Bach (1/4)

 

Wilhelm Friedemann Bach


Wilhelm Friedemann Bach


Johann Sebastian Bach ne s'est pas contenté d'être un musicien génial, il a été aussi le père de quatre compositeurs de premier plan ce qui est un fait rarissime dans la musique.

Alors que quelques temps après sa mort, la musique de Johann Sebastian Bach tombe peu à peu dans l'oubli et qu'au contraire celle de ses fils, en particulier la musique de Carl Philipp Emmanuel Bach, connaît une grande popularité, à partir de sa redécouverte au XIXe siècle, la tendance s'inverse.

Le génie de Johann Sebastian Bach éclate, sa musique est reconnue, jouée, enregistrée et c'est paradoxalement la musique de ses fils que l'on entend de moins en moins.

Enfin, parce que l'on s'intéresse beaucoup plus maintenant à la musique du passé, la musique des fils Bach se fait entendre à nouveau, mais de façon inégale. 

Celui qui a eu la place la plus importante reste Carl Philipp Emmanuel Bach, suivi de Johann Christian, mais la musique de Wilhelm Friedemann Bach et celle de Johann Christoph Friedrich reste encore de nos jours méconnue.

C'est pourquoi j'ai prévu de consacrer quatre articles aux quatre fils de Bach. 

Nous commençons avec Wilhelm Friedmann Bach: il est le fils aîné de Johann Sebastian, né de son union avec sa première femme Maria Barbara.

Wilhelm Friedemann Bach est né à Weimar le 22 novembre 1710, et mort le 1er juillet 1784 à Berlin. Il était surnommé le "Bach de Dresde" ainsi que le "Bach de Halle".

Il passe pour le plus doué des fils du grand compositeur. Cependant, malgré ses remarquables dispositions musicales — contrapuntiste, organiste et improvisateur accompli —, c'est aussi, parmi les quatre frères musiciens, celui qui a eu le moins de réussite dans sa carrière. 

On pense que cela est du principalement à son caractère fantasque, caractère que l'on retrouve d'ailleurs dans sa musique.

De 1733 à 1746, il est organiste à l'église Sainte-Sophie de Dresde.

De 1746 à 1764, il est directeur de la musique et organiste de l'église Notre-Dame de Halle.

En 1762, on lui propose le poste de maître de chapelle de la cour à Darmstadt, mais il le refuse pour une raison inconnue. 

Il abandonne finalement son poste à Halle en 1764. À partir de ce moment, il n'a plus de position stable et essaye d'assurer ses ressources en donnant des concerts, des cours et en composant. 

À cette époque, les musiciens sont presque toujours attachés au service d'un prince, d'une église, d'une ville, d'un opéra ou de quelque organisation puissante et riche. Il est donc l'un des premiers musiciens à tenter de mener une carrière indépendante ; ce qui ne lui réussit guère car il sombre progressivement dans la pauvreté.

Il finit par s'établir à Berlin en 1774 et organise plusieurs concerts d'orgue.

Malheureusement, il ne trouve pas d'emploi régulier. Wilhelm Friedemann Bach meurt le 1er juillet 1784 à Berlin, dans le dénuement.

Il laisse un catalogue d'environ 120 œuvres dans les domaines suivants: musique de chambre et pour clavier, symphonies, concertos et cantates.

La musique de Wilhelm Friedemann Bach marque une évolution sensible par rapport à la musique de son père, même si on y note encore des emprunts (il n'hésitera pas à faire passer certaines de ses œuvres pour des œuvres de son père et n'hésitera pas à piller ou adapter des œuvres paternelles).

Il est réellement à la charnière de la transition entre musique baroque et musique classique.

Sa musique, véritablement impressionnante par son originalité, mérite largement une redécouverte, elle est passionnante et porte la marque d'un génie, qui fut malheureusement écrasé par la figure paternelle.

Le catalogue des œuvres de Wilhelm Friedemann Bach a été établi en 1913 par Martin Falck, les œuvres sont donc indiquées par un F ou Fk devant un chiffre.

Je vous propose mon anthologie des albums et des œuvres de ce compositeur atypique.

D'autre part, j'ai réalisé une playlist sur la musique des quatre fils Bach.




Bach (CPE & WF) - Concertos pour deux clavecins - Reinhard Goebel




L'album sélectionné présente des œuvres pour deux clavecins: un concerto de Carl Philipp Emmanuel et une sonate et un concerto de Wilhelm Friedemann. 

Les œuvres sont interprétées par l'ensemble Musica Antiqua Köln dirigé par Reinhard Goebel, et avec Andreas Staier et Robert Hill au clavecin.

Le "Concerto a duoi Cembali concertati" (ou "Sonate pour deux clavecins") en fa majeur Fk.10 est une des œuvres les plus célèbres de son temps. Il s'agit d'une partition brillante en 3 mouvements: le premier mouvement (Allegro moderato) utilise la forme sonate, le deuxième est un Andante en ré mineur qui s'impose comme un des premiers "grands" mouvements lents du compositeur. Le finale (Presto) est de style différent et apparenté au genre "concerto" avec ses alternances de tutti (unisson des quatre mains) et de soli et sa forme "ritournelle". 

On pense que l'oeuvre fut composée à Dresde vers 1740, elle sonne déjà plus classique que baroque.




Les concertos de Wilhelm Friedemann sont tous pour clavecin, il y en a 7, dont un pour 2 clavecins: le concerto en mi bémol Fk.46.

Il s'agit d'un ouvrage solennel ajoutant aux cordes deux trompettes, deux cors et les timbales. Il est en 3 mouvements:
  1. Un poco allegro: il combine puissance et vastes zones sombres
  2. Cantabile senza accompagnamento: l'orchestre se tait et les deux clavecins restent seuls
  3. Vivace: le finale combine les sonorités baroques du premier mouvement à une thématique plus classique





Concertos pour clavecin et cordes - Maude Gratton



Cet album est celui qui m'a le plus enthousiasmé en ce qui concerne les concertos pour clavecin de Wilhelm Friedemann. Il nous permet d'entendre les concertos Fk.41, Fk.43 et Fk.45, ainsi que la Sinfonia Fk.67.

L'enregistrement complet de l'album est disponible sous Youtube:



Maintenant, si on veut rentrer plus dans le détail voici des informations sur le concerto Fk.45:

Wilhelm Friedemann y fait preuve d’une maîtrise exemplaire. On est frappé par la densité contrapuntique déployée dès les premières mesures du premier mouvement, sans indication de tempo. 

On entend certes l’influence paternelle dans certaines formules, on la ressent dans ce développement extrêmement pesé, mais on perçoit aussi l’originalité dans certaines figures rythmiques, en particulier dans l’écriture pour le clavecin ; on trouve aussi déjà les interruptions, les revirements qui feront les richesses des pièces pour clavier seul de Wilhelm Friedemann Bach. 

Le deuxième mouvement, Larghetto, est d’inspiration nettement plus galante et la tension mélancolique du premier mouvement fait place à une conversation aimable entre les cordes et le clavier — non sans ombres cependant en son centre. 

L’Allegro ma non molto final donne lieu à un peu plus de virtuosité mais demeure d’une grande concentration.

En voici une version par Claudio Astronio:



La Symphonie en fa majeur Fk.67 est une oeuvre hybride, tenant à la fois de la symphonie (ou sinfonia) et de la suite. Il y a quatre mouvements, dont les deux extrêmes ont des accents proches de Haendel. Il s'agit pour moi d'une des plus belles œuvres de Wilhelm Friedemann.

En voici une autre très belle réalisation, l'ensemble Il Giardino Armonico est dirigé par Giovanni Antonini.




Sinfonias, Suite en sol mineur, Concerto en ré majeur - Tafelmusik - Jeanne Lamon




J'ai sélectionné cet album car il nous donne un beau panorama des Sinfonias de Wilhelm Friedemann Bach. En effet, l'album propose les sinfonias Fk.64, Fk.65 et Fk.67, complétées par la suite en sol mineur BWV 1070 (ainsi numérotée puisqu'elle avait d'abord été attribuée à Johann Sebastian Bach) et le concerto pour clavecin in ré majeur Fk.41.

Ces œuvres sont interprétées par l'ensemble baroque canadien Tafelmusik dirigé par Jeanne Lamon.

La symphonie en ré majeur Fk.64, utilisée comme introduction à la cantate "Dies ist der Tag" Fk.85, est assez proche de celles composées à Berlin par son frère Carl Philipp Emmanuel.

Elle ajoute aux cordes des flûtes et des cors, et comporte trois mouvements: un Allegro a maestoso un peu dans l'esprit des ouvertures de Johann Sebastian, un Andante en sol où les cors se taisent, et un Vivace de rythme ternaire.

Je trouve cette symphonie encore pas mal dans l'esprit baroque.

I. Allegro e maestoso



II. Andante



III. Vivace




La symphonie en ré mineur Fk.65 pour deux flûtes et cordes ne comporte que deux mouvements enchaînés: un adagio et une fugue. Elle est d'ailleurs fréquemment appelée "Adagio et fugue".

Les flûtes interviennent dans l'adagio, page très expressive et émouvante. La fugue est magistrale, à mi-chemin entre Johann Sebastian et l'Adagio & Fugue K.546 de Mozart. Elle a du être composée vers 1758.

J'ai choisi une version live interprétée par Reinhard Goebel à la tête du Budapest Festival Orchestra.




12 Polonaises Fk.12, Sonate en ré majeur Fk.3, Fantaisie Fk.23 - Robert Hill




L'album sélectionné nous permet d'entendre l'intégrale des 12 Polonaises Fk.12, qui font partie des œuvres pour clavier les plus originales et les plus libres du compositeur.

J'ai choisi l'interprétation de Robert Hill au forte-piano qui donne un éclairage tout à fait surprenant de ces polonaises.

Voici la polonaise No. 8 en mi mineur par Robert Hill. Elle fait entendre deux thèmes: le premier construit comme une mélodie ornée sur basse continue et le second qui fait contraste par le rythme tumultueux de ses arpèges de triples croches.



A noter que l'on peut entendre la même polonaise, interprétée sur piano moderne par Daniil Trifonov, un pianiste que j'adore, sur son album de 2021 "The Art of Life". En ralentissant le tempo, il donne à l'oeuvre un recueillement tout particulier.



La sonate en ré majeur Fk.3 fut probablement composée à Dresde en 1745. Elle est en trois mouvements: 
  1. Un poco allegro: il débute par des motifs fiévreux et animés
  2. Adagio: au contrepoint dense il semble inspiré par Johann Sebastian
  3. Vivace: mouvement à deux temps au rythme de gigue
Chaque mouvement se termine par le même petit trait de cadence, ce qui évoque un procédé cyclique.

Voici le 1er mouvement Un Poco Allegro:


Le second mouvement: Adagio.



Le troisième mouvement: Vivace.



La fantaisie en la mineur Fk.23 est certainement une oeuvre très moderne pour l'époque. On notera la partie prestissimo de la fin, ne sonne-t-elle pas déjà romantique ?




Cantates, vol. 1 - L'Arpa Festante - Ralf Otto



Ralf Otto à la tête du Bachchor Mainz et de l'ensemble l'Arpa Festante nous permet d'entendre les cantates de Wilhelm Friedemann Bach avec de très bons solistes. 

On sait peu de choses sur les conditions de compositions de la plupart des cantates du compositeur.

J'ai sélectionné deux cantates extraites de cet album car on trouve sous Youtube des vidéos enthousiasmantes donnés par ces mêmes interprètes.

Voici tout d'abord la cantate "Ach, dass du den Himmel zerrissest" Fk.93 pour le 1er jour de Noël.



J'ai ensuite sélectionné la cantate "Gott fähret auf mit Jauchzen" Fk.75 ("Dieu est monté au milieu des acclamations") pour l'Ascension. On y note la présence de trompettes et de timbales.





Fantaisies, Sonates et Fugues - Maude Gratton



Cet album de Maude Gratton nous permet de continuer l'exploration des œuvres pour clavier de Wilhelm Friedemann: fantaisies, sonates, fugues et polonaises. Il est à noter que pour cet album, elle a obtenu un diapason d'or de l'année 2009.

J'ai sélectionné la Fantaisie en ré mineur Fk.19, qui fait partie des œuvres les plus originales du compositeur, une musique déconcertante toute en ruptures et en tensions.

Voici cette fantaisie interprétée par Claudio Astronio.




Fugues et Sonates - Ewald Demeyere



J'ai choisi, pour terminer ce bref survol de l'oeuvre de Wilhelm Friedemann Bach, cet album car il permet d'entendre les 8 Fugues Fk.31. Il nous permet en outre d'entendre les sonates Fk.4, Fk.8 et Fk.9.

J'ai sélectionné la Fugue No. 8 en fa mineur, la dernière de la série. Elle exprime un sentiment étrange avec son fort chromatisme.










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