samedi 27 juillet 2019

Ibert (Jacques)

Jacques Ibert



Jacques Ibert


Jacques François Antoine Marie Ibert est un compositeur français, né le 15 août 1890 à Paris 10e, ville où il est mort (16e arrondissement) le 5 février 1962. Il a composé des opéras, des ballets, des musiques pour le théâtre, le cinéma et la radio, des œuvres vocales ou instrumentales légères et mélodieuses qui n'oubliaient pas des instruments souvent délaissés. Il a collaboré étroitement avec Marcel Mule, qui a donné ses lettres de noblesse au saxophone. Sa musique illustre brillamment les qualités de clarté et d'élégance que l'on reconnait généralement à la musique française.




Escales



En 1922, après avoir effectué une croisière en mer Méditerranée, Ibert se base sur ses impressions de voyage pour composer son oeuvre la plus célèbre : « Escales », en trois parties.
  • I. Rome – Palerme : Le morceau commence par un air mystérieux à la flûte, suivi de draperies sonores au hautbois. Le thème principal apparaît, superbe, exotique, d’une grande suavité. Durant cette pièce on rêve à des plages méditerranéennes brûlées par le soleil. A noter la très belle utilisation des vents, qui est une caractéristique de la musique d’Ibert.
  • II. Tunis – Nefta : Ce morceau fait une grande place aux percussions. On y entend une musique aux mélismes arabisants qui évoquent vaguement une caravane de chameaux dans le désert.
  • III. Valencia : Dans cette pièce on entend une musique hispanisante qui fait un peu penser à Ravel ou à Espana de Chabrier. Les couleurs orchestrales sont très belles, et le morceau est très vif et très festif.

Il existe de nombreux enregistrements de cette oeuvre, dont une intéressante version dirigée par Ibert lui-même. Ma version favorite est celle de Jean Martinon à la tête de l’Orchestre National de l’ORTF. 

La version de Charles Munch est également excellente:
 

 



Tropismes pour des amours imaginaires



En outre, cet album fournit un couplage avec une oeuvre passionnante d’Ibert : "Tropismes pour des amours imaginaires". Cette pièce, pour piano et orchestre, est aussi étrange que son titre. On pense qu’Ibert s’est servi du terme "tropisme" selon la définition utilisée par Nathalie Sarraute : "sentiment fugace, bref, intense mais inexpliqué". 

Il s’agit d’une pièce de 25 minutes faisant une large place aux percussions. La musique en est lyrique, inventive, elle part dans de nombreuses directions. Sa forme, très libre, défie la description. 

Cette pièce est envoûtante et a un charme indéfinissable. Les interventions du piano sont assez peu fréquentes. Vers 11:30 on entend un passage jazz à la Gershwin, et vers la fin du morceau on entend de très belles mélodies aux cordes : une qui évoque le monde du cirque, l’autre plus nostalgique. 

C’est une oeuvre qui s’apprécie mieux après un certain nombre d’écoutes. Il semble d’ailleurs que la version de Jean Martinon soit la seule de cette partition, qui pour des raisons qui m’échappent semble boudée par les interprètes.


Version audio:







Concertino pour Saxophone



En 1933, Ibert compose le Concertino da Camera pour saxophone alto et 11 instruments. Ce qui fait l’originalité de cette oeuvre est que le saxophone est rarement utilisé en musique classique comme instrument soliste. 

Le 1er mouvement est moderne, un peu à la manière de Prokofiev, Stravinsky, Poulenc ou encore Milhaud. 

Le 2ème mouvement est plus impressionniste. 

Le 3ème mouvement est quant à lui plutôt néo-classique, il est virevoltant et demande une grande virtuosité. 

La version sélectionnée fait partie d’un album de concertos pour saxophone, interprétés par John Harle accompagné par l’Academy of Saint-Martin in the Fields dirigée par Neville Marriner. On y entend des oeuvres de Debussy, Villa-Lobos, Glazounov, Richard Rodney Bennett et Dave Heath : très intéressant panorama pour un instrument dont j’aime beaucoup la sonorité.

Une version par Claude Delangle:





Musique de Chambre



Un domaine assez peu connu d’Ibert, mais qui mérite largement d’être exploré est sa musique de chambre. Elle est pleine de légèreté, d’inventivité et d’originalité. Elle montre à quel point ce compositeur est sous-estimé – on le présente souvent comme un sous-Ravel, ce qui est totalement injuste étant donné la différence de style évidente entre les deux compositeurs. 

L’intégrale de la musique de chambre tient sur 2 compact discs. Je ne saurais que vous recommander d’y jeter une oreille. 

J’ai sélectionné les oeuvres suivantes :
  • "Le Jardinier de Samos" (1924): il s’agit d’une pièce très originale pour flûte, clarinette, trompette, violon, violoncelle et percussion. Elle est d’une grande modernité, avec ses timbres très originaux, elle rappelle certaines pièces de Stravinsky.
  • "Entracte" pour flûte et guitare (1935) : une pièce de musique hispanisante.
  • "L’âge d’or" pour saxophone et piano, extrait du "Chevalier errant" (1935/36) : il s’agit d’une pièce mélancolique et nostalgique.
  • "Quatuor à cordes" (1937-42) : cette oeuvre fait preuve d’une grande légèreté. Le 1er mouvement illustre une utilisation très fluide des instruments, le 2ème est moderne, le 3ème est en pizzicati et fait un peu penser à Ravel, enfin le 4ème est à nouveau moderne.
  • "Trio pour violon, violoncelle et harpe" (1944) : encore une combinaison très originale. Avec un 1er mouvement impressionniste, le second tantôt romantique, tantôt emprunt de modernité, le 3ème, très rapide, est également moderne.
Une mention spéciale pour la superbe pochette sur une peinture de Pissarro.

Une version du trio:





Cet aperçu de la musique d’Ibert montre à quel point celle-ci est difficile à classer tant elle est protéiforme : parfois impressionniste, parfois folklorique, toujours originale et emprunte de modernité. Ibert est un compositeur d’une grande finesse qui mérite largement d’être redécouvert.

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