dimanche 5 décembre 2021

La Tempête

 

La Tempête

Claude Joseph Vernet - Tempête de mer avec épaves de navires


La Tempête dans la musique


La tempête en musique permet de développer toutes les couleurs de la palette orchestrale: ajouter de la tension, jouer très vite, effectuer des changements de rythme, faire jouer l'orchestre de manière tonitruante, effrayante, augmenter la dynamique et le grondement des basses afin d'imiter le tonnerre.

L'expression de la tempête en musique va prendre des formes différentes en fonction des époques, même si le point commun est l'énergie développée par l'orchestre.

Voici, de 1667 à 2004, un florilège des musiques les plus représentatives et les plus descriptives de la tempête.

J'en ai tiré une playlist disponible sur les principales plateformes de streaming.



Matthew Locke - The Tempest (1667)



La plus célèbre tempête de la littérature est la pièce de théâtre de Shakespeare intitulée "La Tempête" ("The Tempest") qui raconte l'histoire du magicien Prospéro, duc déchu, et de sa fille Miranda, isolés sur une île. Grâce à sa magie, il maîtrise les éléments et les esprits (tel Ariel, l'esprit du vent) et va pouvoir déclencher une tempête pour faire chavirer le bateau de l'usurpateur qui lui a volé son titre.

Un des premiers compositeurs à adapter en musique la pièce de Shakespeare est Matthew Locke (1621-1677). On retrouve des extraits de cette oeuvre dans le programme très intéressant et varié de l'album "The Tempest"  donné par l'ensemble La Tempête dirigé par Simon-Pierre Bestion.

On retrouve la musique de scène de Matthew Locke dans la vidéo suivante, l'oeuvre est interprétée par l'ensemble Dorian Baroque. On entend le thème de la tempête dans les basses et les percussions, écoutez en particulier les accélérations et l'emphase données dans le "Curtain Tune".



Marin Marais - Alcione (1706)


Alcione est considéré comme le chef-d'oeuvre théâtral de Marin Marais. Cet opéra raconte le mythe grec de Ceix et Alcyone extrait des Métamorphoses d'Ovide, qui est certainement le livre le plus passionnant sur la mythologie grecque.

J'ai sélectionné l'album des "Suites des airs à jouer d'Alcione" interprété par Jordi Savall à la tête du Concert des Nations.

Voici la scène de la tempête dans laquelle on entend nettement la machine à vent (ou éoliphone) et les percussions.



Antonio Vivaldi - La Tempesta di Mare RV 433 (1720) & RV 253 (1725)




Antonio Vivaldi a composé plusieurs concertos portant le nom de "Tempesta di Mare" et évoquant une tempête en mer.

Le premier concerto sélectionné est le concerto pour flûte et violoncelle en fa majeur Op. 10 No. 1 RV 433 interprété par Héloïse Gaillard à la flûte, Ophélie Gaillard au violoncelle et l'ensemble Amarillis.

En vidéo, voici une version par Jean-Christophe Spinosi et Sebastian Marq à la flûte. Les effets de la tempête sont reflétés par les cordes basses de l'orchestre.



Il existe d'autres concertos de Vivaldi intitulés "La tempesta di Mare", en particulier le concerto en mi bémol majeur Op. 8 No. 5 RV 253, pour violon et cordes, extrait du célèbre opus 8 "Il Cimento dell'Armonia e dell'Inventione" dont font partie les quatre saisons.

Voici le concerto par l'ensemble Il Giardino Armonico. On sent l'aspect tempétueux dans la fougue des violons, donnant un effet très moderne:




 Antonio Vivaldi - Concerto L'Eté RV 315 (1725)



On ne présente plus le célèbre recueil de concertos "Les quatre saisons" ("Le Quattro Stagioni") de Vivaldi.

Il existe un excellent coffret de 3 CD édité par Brilliant Classics qui regroupe "Le Quattro Stagioni", ainsi que "Le Humane Passioni" et les "Concerti per le Solennita", interprétés par Giuliano Carmignola accompagné par l'ensemble "Sonatori de la Gioiosa Marca".

Le presto de l'été nous donne une superbe représentation d'un orage estival. Voici une version endiablée interprétée par Mari Samuelsen accompagnée par les solistes de Trondheim. La tension de l'oeuvre est très bien rendue, un vrai régal !



Jean-Philippe Rameau - Les Indes Galantes (1735), Hippolyte et Aricie (1733), Les Boréades (1763)



Jean-Philippe Rameau est le principal représentant du grand opéra à la Française. Il a, à plusieurs reprises dans ses opéras, utilisé la représentation de la tempête. En particulier dans son testament musical, l'opéra les Boréades (qui désignent les deux fils de Borée, le vent du nord), il a fait usage de cette méthode descriptive.

Jordi Savall a réuni des extraits de trois opéras de Rameau: les Indes Galantes, Hippolyte et Aricie et les Boréades et a intitulé le tout "Orages & Tempêtes".




Ludwig van Beethoven - Sonate No. 17 "La Tempête" (1802)




Il semble que Beethoven n'a pas donné lui-même le titre "La Tempête" à sa sonate, néanmoins il a conseillé aux gens qui écouteraient sa sonate de lire la pièce de Shakespeare pour mieux la comprendre. Il s'agit d'une oeuvre assez sombre qui correspond à la période où Beethoven écrit le Testament de Heiligenstadt, désespéré par sa surdité grandissante. Dans cette oeuvre la tempête est plutôt intérieure.

Au disque j'ai choisi l'interprétation d'Hélène Grimaud dans son superbe disque "Credo".

En vidéo, j'ai choisi l'interprétation de Valentina Lisitsa et la façon très originale dont sont filmées les mains de la pianiste:




Carl Maria von Weber - Der Freischütz (1821)



"Der Fresischütz" ("Le Franc-Tireur") est un opéra romantique de Carl Maria von Weber. Dans la scène qui nous intéresse, le forestier Kaspar, qui a vendu son âme au maléfique Samiel propose à Max, un autre forestier, de lui procurer des balles magiques afin qu'il gagne le concours de garde-forestier. 

Dans l’effrayante Gorge aux loups, les deux hommes fondent sept balles qui ne ratent jamais leur but. Max ignore que la dernière obéira à la volonté de Samiel et qu’elle est destinée à sa fiancée. Samiel compte les balles une à une jusqu’à la septième qu’il lui appartiendra de diriger vers sa nouvelle victime. Il déchaîne une tempête qui tourne au sabbat.

C'est ce passage que j'ai sélectionné dans la version de 1974 dirigée par Carlos Kleiber (la scène de tempête commence vers 5 minutes et correspond à une accélération de la musique):



Gioacchino Rossini - Guillaume Tell (1829)


Guillaume Tell est le chef-d'oeuvre romantique de Rossini, qui raconte l'histoire du libérateur des Suisses contre l'occupant Autrichien. 

Dans l'acte IV, une tempête éclate alors que Guillaume Tell est dans un bateau.

Rossini illustre la tempête par des changements de rythme, des accents forts aux cordes, et la ponctuation des timbales:



Richard Wagner - Le Vaisseau Fantôme (1840)



Dans l'ouverture de son opéra "Der Fliegende Hollander" ("Le Hollandais Volant", traduit en français par le "Vaisseau Fantôme"), Wagner nous livre l'archétype de la tempête vue par le romantisme musical: tout un déchaînement de l'orchestre qui correspond à celui des éléments.

J'ai sélectionné la version dirigée par Georg Solti qui conduit avec fougue le Chicago Symphony Orchestra.




Piotr Ilitch Tchaïkovsky - La Tempête (1873)


Tchaïkovsky fait partie des nombreux compositeurs qui ont créé une oeuvre inspirée par la Tempête de Shakespeare. Tchaïkovsky a d'ailleurs composé plusieurs morceaux symphoniques inspirés par Shakespeare tels que Romeo et Juliette ou Hamlet.

Dans la fantaisie symphonique la Tempête, le thème de l'amour tient un rôle important, mais il nous livre également une belle tempête des éléments que l'on peut entendre dans la version suivante (à partir de 6'45) dirigée par Dmitry Matvienko.



Richard Strauss - Une Symphonie Alpestre (1915)



La symphonie alpestre ("Eine Alpensinfonie") de Richard Strauss est une oeuvre particulièrement descriptive dans laquelle il raconte une excursion en montagne jusqu'au sommet et à l'arrivée de la nuit.

L'orchestration en est particulièrement riche. Il emploie plusieurs instruments inhabituels dont une machine à vent dans les percussions, un heckelphone, espèce de hautbois au registre plus grave, ou des aérophones, dispositifs permettant de tenir une note particulièrement prolongée aux vents. Il emploie également, en plus du pupitre des vents de l'orchestre, une fanfare séparée constituée de 12 cors, deux trompettes et deux trombones.

Voici le passage intitulé "Gewitter und Sturm, Abstieg" ("L'orage et tempête, descente"). On ne saurait penser à nul autre que Herbert von Karajan pour magnifier cette pâte orchestrale. Je pense qu'il s'agit de la tempête la plus impressionnante de l'histoire de la musique, jugez plutôt:



Jean Sibelius - La Tempête Op. 109 (1925)



Jean Sibelius, spécialiste de la musique descriptive, nous livre également une musique de scène pour la Tempête de Shakespeare. Il en tire ensuite deux suites.

Voici l'ouverture de la Tempête interprétée par le Lahti Symphony Orchestra dirigé par Okko Kamu. Cette pièce évoque irrésistiblement une étendue glacée fouettée par le blizzard.



Thomas Adès - La Tempête Op. 22 (2004)



Thomas Adès, compositeur actuel britannique, né en 1971, a lui aussi écrit un opéra inspiré de la pièce de Shakespeare.

En extrait, j'ai choisi de vous présenter l'ouverture de l'oeuvre qui illustre comment un compositeur contemporain a choisi d'évoquer la tempête en musique. Le Chamber Orchestra of Europe est dirigé par le compositeur.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire