vendredi 9 septembre 2022

Händel - La musique vocale (2/4)

 

Händel



Händel - La musique vocale


Dans le catalogue exceptionnel de la musique de Händel, je traite maintenant de sa musique vocale. J'en exclus volontairement les opéras et les oratorios qui feront l'objet d'articles spécifiques.

On trouve donc dans cette musique vocale: la musique sacrée, les cantates, les odes, les duos et les hymnes (appelés "anthems" en anglais).

Les œuvres sont classées chronologiquement par date de composition.

Nota bene: certaines vidéos sélectionnées ne peuvent pas être lues directement sur le site, mais si vous cliquez sur le lien, vous pouvez les lire sous Youtube.


Dixit Dominus HWV 232 (1707)




Le Dixit Dominus est le plus ancien autographe daté de Handel et le premier d'une oeuvre d'une telle envergure. Il fut composé alors que Handel se trouve en Italie et qu'il entre en relation avec le marquis Francesco Ruspoli ainsi que plusieurs cardinaux romains.

La composition est donc terminée à Rome en avril 1707. Le compositeur a 22 ans et montre déjà une belle maîtrise dans le traitement tout à la fois des solistes, du chœur et de l'orchestre.

Au disque, j'ai sélectionné la version de John Eliot Gardiner, qui dispose avec le Monteverdi Choir d'un chœur d'un niveau exceptionnel.

En vidéo, je vous ai sélectionné la version dirigée par Emmanuelle Haïm à la tête du chœur du Concert d'Astrée et de l'orchestre radio symphonique de Francfort.




Carmelite Vespers: Nisi Dominus HWV 238, Saeviat Tellus HWV 240, Salve Regina HWV 241, etc. (1707)



C'est vraisemblablement le cardinal Colonna qui engagea Handel à composer, pendant son séjour romain, des œuvres pour les cérémonies catholiques de la fête de Notre-Dame du Mont Carmel célébrées le 16 juillet 1707.

Handel mit donc en musique plusieurs psaumes tels que le Dixit Dominus (dont j'ai parlé ci-dessus), le Laudate Pueri, le Nisi Dominus, le Saeviat Tellus et le Salve Regina, entre autres.

Andrew Parrot à la direction des Taverner Choir & Players nous livre dans un double album la quintessence de ces œuvres, en intercalant des antiphons grégoriens.

J'ai sélectionné trois extraits de cet album qui m'a vraiment enchanté.

Chorus, "Nisi Dominus edificaverit" extrait du Nisi Dominus HWV 238:



Aria, "Saeviat tellus inter rigores" du Saeviat Tellus HWV 240 interprétée par la soprano Jill Feldman, on notera les très beaux aiguës de la chanteuse.



Enfin, un extrait du Salve Regina HWV 241, l'Aria, "Salve Regina, mater misericordiae", chantée par Emily van Evera.






Cantate Delirio Amoroso HWV 99 (1707)




Lors de son séjour italien Handel a pu profiter d'un environnement favorable avec de très bons chanteurs et instrumentistes, afin d'acquérir la maîtrise qui lui permettra de devenir un compositeur d'opéras.

Il assimile l'art de compositeurs romains tels que Corelli ou Alessandro Scarlatti. Durant son séjour à Rome, il ne peut pas composer d'opéras car ce genre a été interdit de représentations par le pape. Il créera ses opéras dans d'autres villes telles que Florence ou Venise.

A Rome, il va donc se mettre à composer des cantates. Il se trouve que le cardinal Benedetto Pamphili qui apprécie la musique de Handel, lui propose un de ses textes pour une cantate qui va s'intituler "Delirio amoroso".

Il s'agit de l'histoire de Chloris qui est anéantie par la douleur suite à la mort de son bien-aimé Thyrsis. Mais Chloris se met à "délirer" et imagine que Thyrsis a été relégué dans les enfers pour avoir rejeté son amour. Elle décide de se rendre elle-même aux enfers pour le ramener, mais constate avec effroi que Thyrsis continue de la rejeter. Elle décide néanmoins de l'amener aux Champs Elysées. La fin de la cantate nous montre que tout ce récit se passait dans l'imagination de Chloris.

L'album interprété par Natalie Dessay accompagnée par Le Concert d'Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm est un pur diamant, et en tout cas un des sommets discographiques à la fois de Natalie Dessay et des cantates consacrées à Handel.

J'ai choisi trois extraits de cette cantate.

Introduzione, avec un délicieux hautbois.



L'air "Un pensiero voli in ciel", dans lequel la soprano dialogue avec le violon, est une pure merveille.



Dans l'air "Lascia omai le brune vele", la soprano est délicieusement accompagnée par la flûte à bec.



Je termine la revue de cet album par un extrait d'une autre cantate: Mi palpita il cor HWV 132b. Voici l'aria "Ho tanti affanni in petto". Cette fois la soprano est accompagnée par un hautbois. On voit déjà tout l'art de Handel par cette maîtrise instrumentale et vocale.






Cantate La Lucrezia HWV 145 (1708)



Aux cours de ses trois années italiennes, Handel s'est illustré dans des genres aussi divers que l'opéra, l'oratorio et le motet. Mais comme les opéras étaient interdits à Rome, le genre dans lequel Handel écrivit le plus est celui de la cantate profane. 

En effet, il ne composa pas moins de 80 cantates à cette époque, notamment pour l'Académie Arcadienne fondée à Rome afin de défendre la poésie italienne.

Il composa donc des cantates à caractère pastoral pour satisfaire aux demandes de ses commanditaires. Néanmoins, les cantates de cet album de Véronique Gens sont plutôt dans le style tragique et théâtral qu'appréciait Handel.

Le texte de la cantate La Lucrezia est de nouveau l'oeuvre du cardinal Benedetto Pamphili. Il exprime les tourments de l'héroïne qui vitupère contre Tarquin, le Romain impie, qui a souillé son honneur. Elle veut se venger et appelle les divinités à son secours. Comme celles-ci restent sourdes à ses appels, elle décide de mourir et de poursuivre Tarquin de sa haine depuis les enfers.

Voici l'aria "Gia superbo del mio affanno". La soprano Véronique Gens est accompagnée par le violoncelle de Bruno Cocset.





Ode for the birthday of Queen Anne HWV 74 (1713)



Cette ode a été composée par Handel pour fêter l'anniversaire de la reine Anne, et a été sous-titrée "pour la paix" en référence à la paix d'Utrecht que la souveraine était sur le point de signer. Cela marquait la fin de la guerre de Succession d'Espagne.

Au disque j'ai sélectionné la version de Marcus Creed et en vidéo, voici la version de Lars Ulrik Mortensen à la tête de l'European Union Baroque Orchestra.





Te Deum d'Utrecht HWV 278 - Jubilate d'Utrecht HWV 279 (1713)




La Paix d’Utrecht fut conclue le 11 avril 1713. Ce traité mit fin à presque deux siècles d’une guerre qui s’était étendue dans le monde entier. 

Préalablement à cet événement historique, Utrecht fut pendant un an et demie hôte, théâtre, et partenaire pour les représentants internationaux qui devaient déterminer le futur de l’Europe. 

À Utrecht, en 1713, l’offre artistique et culturelle riche et festive fut ce qui permit de rapprocher les négociateurs et diplomates de différentes cultures et de faciliter la signature de ce traité historique: ce fut une réussite pour la diplomatie, grâce à l’hospitalité des habitants d’Utrecht. 

La Paix d’Utrecht fut célébrée musicalement, avec un feu d’artifice festif et des œuvres composées pour l’occasion telles que le Te Deum et le Jubilate d’Utrecht de George Frideric Handel et l’Ode for the Peace of Utrecht de William Croft (1678-1727).

Au disque, j'ai sélectionné la version de Jos van Veldhoven qui nous permet d'entendre le Te Deum et le Jubilate de Handel, ainsi que l'Ode de Croft.

Voici le Te Deum interprété par Lars Ulrik Mortensen.



On continue avec un extrait du Jubilate dirigé par Howard Arman: le chœur "Glory be to the Father".



Je vous propose également la très belle ouverture de l'Ode pour la paix d'Utrecht de William Croft interprétée par Jos van Veldhoven.





Musique pour la reine Caroline: Te Deum for Queen Caroline HWV 280 (1714) - The Ways of Zion do mourn (musique funèbre pour la reine Caroline) HWV 264 (1737)





Caroline d’Ansbach (1683-1737) est l’une des souveraines les plus remarquables du XVIIIe siècle. Fille d’un margrave de la maison Hohenzollern souverain de la principauté de Brandebourg-Ansbach, où l’opéra a connu une brève période florissante durant le dernier tiers du XVIIe siècle, elle a étudié le chant avec le maître de chapelle Francesco Antonio Pistocchi, un castrat célèbre. 

D’une grande beauté, Caroline est très courtisée et choisit d’épouser, en 1705, le prince Georg August de Hanovre. À Hanovre, Caroline fait la connaissance de Handel. Elle le recommande chaleureusement au poste de maître de chapelle en 1710, et c’est apparemment à sa demande qu’il compose cinq de ses duos de chambre en italien. 

En 1714, le beau-père de Caroline accède au trône d’Angleterre sous le nom de George Ier, c'est le souverain pour lequel Handel écrira la fameuse Water Music. A la mort de George Ier en 1727, elle devient reine de Grande-Bretagne et d’Irlande, reine consort du roi George II. 

Très attirée dès son plus jeune âge par la sphère intellectuelle, elle est en Angleterre un mécène des arts et des sciences. Lectrice passionnée, elle fait construire une vaste bibliothèque dans le palais Saint-James, entretient une correspondance régulière avec Voltaire et supervise la création des jardins royaux de Richmond et de Kensington. 

Des personnalités telles qu’Alexander Pope et Isaac Newton fréquentent ses salons. "Giulio Cesare" de Handel figure parmi les opéras italiens qui lui sont dédiés. En outre, avec le soutien d’Horace Walpole, premier ministre de George Ier puis de George II, elle exerce en coulisses une influence politique considérable et assure la régence pendant les absences prolongées de son époux à Hanovre. 

Handel a probablement composé le Te Deum en ré majeur HWV 280, pour l’arrivée en Angleterre de George Ier et du prince de Galles en septembre 1714, mais il sera rejoué le 17 octobre en l’honneur, cette fois, de l’arrivée de la princesse Caroline, et l’on a coutume de le désigner comme le Te Deum “pour la Reine Caroline”.

Je recommande la superbe version de William Christie à la tête des Arts Florissants.




La mort inattendue de la reine à l’âge de cinquante-quatre ans suscite la consternation. Handel compose pour ses funérailles l'antienne "The Ways of Zion do mourn" ("Les chemins de Sion sont en deuil").

L'oeuvre, qui tire son texte de versets de divers livres de l’Ancien Testament, est en deux parties : une lamentation sur la mort de la reine suivie d’une évocation plus générale des récompenses accordées aux vertueux. 

Après le décès de la reine Elisabeth II, hier, cette musique poignante est on ne peut plus d'actualité. En voici un extrait interprété par William Christie à la tête des Arts Florissants.





Motet Silete Venti HWV 242 (1724)



On ne sait pas dater avec certitude la composition de ce motet, j'ai pris pour base la date donnée par le site de référence gfhandel.org.

Le motet comprend cinq mouvements. L'interprétation nécessite une voix de soprano virtuose très aguerrie.

Le premier mouvement commence à la façon d'une ouverture à la française dont le thème est celui du début du premier mouvement (A tempo ordinario e staccato) du deuxième concerto pour orgue de l'opus 4.

Ce très beau motet figure dans l'album de Trevor Pinnock intitulé "Italian Cantatas", ce qui n'est pas en l'occurrence une appellation tout à fait exacte, puisqu'il s'agit plutôt d'un motet.

En vidéo, j'ai choisi la version live de William Christie dirigeant les Arts Florissants avec Emmanuelle de Negri, soprano.





Coronation Anthems - Zadok the Priest HWV 258 (1727)




Handel composa les 4 "Coronation Anthems" pour le couronnement de George II et de son épouse la reine Caroline, qui eut lieu à l'abbaye de Westminster le 11 octobre 1727.

Les textes de ces hymnes furent choisis par Handel lui-même qui connaissait parfaitement bien les Saintes Écritures.

En particulier, l'hymne "Zadok the Priest" est utilisé lors de l'onction (Zadok était le grand prêtre du temple de Salomon) et "My hear is inditing" convient lorsque la reine est couronnée. "The King shall rejoice" est entonné lorsque le roi est couronné et "Let thy hand be strenghened" lorsqu'il est présenté à ses sujets. 

L'hymne "Zadok the Priest" fut tellement apprécié, qu'il a depuis toujours été utilisé lors du couronnement des souverains britanniques.

Au disque, je suggère la version de Trevor Pinnock. En vidéo, je vous propose la version de William Christie dirigeant Les Arts Florissants et les élèves du département Historical Performance de la Juilliard School 415 de New York. Cette version est vraiment grandiose.





Ode for Saint Cecilia's Day HWV 76 (1739)




Entre 1683 et 1703, chaque année, le 22 novembre, on jouait une ode pour célébrer Sainte Cécile, la patronne de la musique. Le premier a créer une ode pour cette occasion fut Purcell avec "Welcome to all the pleasures". Puis, pour une raison inconnue, la tradition s'arrêta. 

En 1739, Handel composa une nouvelle ode à Sainte Cécile et celle-ci fut jouée le 22 novembre au Lincoln’s Inn Field’s Theatre Royale.

Au disque, j'ai beaucoup aimé la version de Daniela Dolci à la tête de l'ensemble Musica Fiorita.

En vidéo, j'ai choisi la version dirigée par John Butt pour la qualité des solistes, la qualité de l'image, et cerise sur le gâteau, les sous-titres en français qui permettent de suivre le texte.






Te Deum de Dettingen HWV 283 (1743)



La bataille de Dettingen oppose le 27 juin 1743, pendant la guerre de Succession d'Autriche, l'armée française du maréchal de Noailles à une armée anglo-hanovrienne commandée par George II, qui remporte une victoire inattendue.

Pour fêter cette victoire, Handel compose un Te Deum et un Anthem.

Au disque je vous recommande la version de Trevor Pinnock et Simon Preston.

En vidéo, j'ai sélectionné la version de Howard Arman.



Pour l'Anthem de Dettingen, j'ai choisi l'extrait "The King shall rejoice" interprété par l'English Concert (cette oeuvre ne doit pas être confondue avec le Coronation Anthem de même titre).




Arcadian Duets - Ahi, nelle sorte umane HWV 179 (1745)



"Ahi, nelle sorte umane", pour deux sopranos, est le dernier duo de chambre composé par Handel. C'est probablement sa dernière composition en italien.

La partition autographe subsiste et est signée et datée du 31 août 1745. Il s'agit d'un duo pathétique de superbe facture, qui semble trahir un sentiment de nostalgie.

L'album "Arcadian Duets" d'Emmanuelle Haïm fait appel à une brochettes de chanteurs et de cantatrices parmi les meilleurs de la musique baroque. En particulier, le duo sélectionné fait appel aux sopranos Véronique Gens et Natalie Dessay, autant le dire tout de suite, il s'agit d'une réunion au sommet, et c'est probablement une des plus belles interprétations d'une oeuvre de Handel.

Voici ce duo en deux parties:

Première partie: "Ahi, nelle sorte umane"



Seconde partie: "Ma le speranze vane"






Handel goes wild (2017)



Je vous propose de terminer cet article de manière un peu folle et en même temps d'annoncer le prochain article qui sera consacré aux opéras.

En 2017, Christina Pluhar et son ensemble l'Arpeggiata sortent un album appelé "Handel goes wild" ("Handel devient fou"), qui est une libre improvisation sur des thèmes et des airs des opéras de Handel, par des instrumentistes baroques et jazz. Cela donne un mélange détonant, qui prouve que parfois les musiciens baroques peuvent se laisser aller et que la musique n'a pas de frontières.

Je vous propose en extrait une version revisitée de la Sinfonia qui ouvre l'opéra Alcina, le morceau se termine dans un délire proche du jazz manouche. Voici un album à consommer sans modération!



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