mardi 20 septembre 2022

Händel - Les oratorios (4/4)

 

Händel


Händel - Les oratorios


Pendant plus de 35 ans Händel consacra son temps à l'opéra italien. Mais parce que les succès n'étaient pas toujours au rendez-vous et que l'occasion s'est présentée, il a mis au point l'oratorio en anglais et il en est devenu le maître incontesté.

C'est certainement dans l'oratorio que l'on trouve les plus belles pages de Handel, et même si on trouve de très belles choses dans les autres domaines, je garde une petite préférence pour celui-ci.

Un des objectifs de ce dernier article consacré à Handel est de vous montrer qu'il n'y a pas que le Messie, et que Handel a été capable de créer d'autres pièces fabuleuses, notamment les arias et les chœurs dont lui seul avait le secret.

Je vous propose ma sélection des oratorios de Handel. Pour chaque oratorio, j'ai choisi de vous faire écouter l'ouverture et les extraits les plus fameux. Les oratorios sont classés par ordre de création.



Il Trionfo del Tempo e del Disinganno HWV 46a (1707)



"Il Trionfo del Tempo e del Disinganno" ("Le triomphe du Temps et de la Désillusion") est à la fois le premier et le dernier oratorio de Handel.

En effet, Handel compose en 1707 une première mouture de cet oratorio sur un texte en italien du Cardinal Benedetto Pamphili. En 1737, alors que l'opéra londonien était en crise et que Handel cherchait un domaine musical alternatif, il remania et augmenta son oratorio qui prit alors comme nouveau titre "Il Trionfo del Tempo e della Verita". A partir de cette époque Handel allait composer un oratorio par an jusqu'en 1751 et la composition de Jephtha, construisant un édifice musical inégalé.

Enfin, en 1757, alors qu'il est devenu aveugle, il dicte à son disciple John Christopher Smith la dernière mouture de cet oratorio. Dans le même temps, le librettiste Thomas Morell traduit et adapte le texte en anglais. Cette dernière version prendra pour nom "The Triumph of Time & Truth".

Cet oratorio met en scène quatre personnages allégoriques: la Beauté, le Plaisir, le Temps et la Désillusion. La Beauté, qui a juré fidélité au Plaisir, est bientôt rappelée à l'ordre par le Temps et par la Désillusion. Après moult atermoiement, la Beauté fera volte face, et se détournera du "miroir trompeur", pour rejoindre le "miroir du vrai" que lui tendent la Désillusion et le Temps.

Il s'agit donc d'une fable morale, et si le livret est faible, il permet à Handel de déployer une musique spontanée et foisonnante, qui constitue déjà un premier chef-d'oeuvre dans le domaine.

Au disque, j'ai sélectionné la version dirigée par Emmanuelle Haïm à la tête du Concert d'Astrée. On les retrouve ici dans la sonate qui fait office d'ouverture, dans un clip d'une grande modernité.



On continue avec les airs "Voglio tempo per risolvere", "Il bel pianto" et "Tu del ciel" interprétés par Natalie Dessay, dans le rôle de la Beauté (la vidéo est de qualité médiocre, mais l'audio et l'interprétation sont de grande qualité).



On termine avec les deux derniers airs de l'oratorio "Pure del cielo intelligenze eterne" & "Tu del ciel ministro eletto" interprétés par Sabine Devieilhe dans le rôle de la Beauté, accompagnée par l'ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon.





La Resurrezione HWV 47 (1708)





Le principal bienfaiteur romain de Handel était le marquis Francesco Maria Ruspoli (1672-1731), qui en 1708 fut fait prince de Cerveteri par le pape Clément XI. 

Le marquis, qui avait soudain hérité d’une immense fortune, se fit à partir de 1705 l’ardent mécène et hôte de divertissements musicaux. Entre 1707 et 1721, il mit ses jardins sur l’Esquilin à la disposition des réunions de l’Académie de l’Arcadie, cercle littéraire et artistique dont il était membre. Bon nombre des cantates de chambre italiennes de Handel furent composées pour ces occasions.

À partir de 1707, Ruspoli organisa des exécutions d’oratorios et de cantates chez lui le dimanche pendant le carême. Sa saison de concerts du carême 1708 comprenait principalement des œuvres d'Alessandro Scarlatti et de Handel.

La culmination de cette saison de concerts chez Ruspoli arriva le dimanche de Pâques, 8 avril 1708, avec le nouvel oratorio de Handel, "La Resurrezione di Nostro Signor Gesù Cristo". Le livret de "La Resurrezione" était de Carlo Sigismondo Capece, secrétaire de Maria Casimira, reine catholique exilée de Pologne. Capece, membre de l’Académie de l’Arcadie, était un influent librettiste d’opéra. 

L’action prend place deux jours consécutifs, alternant deux histoires : une qui commence avec un ange qui arrive aux portes de l’enfer pour annoncer la victoire du Christ sur l’arrogant Lucifer, lequel ange conduit ensuite la "descente aux enfers", où les âmes des justes, menées par Adam et Ève, sont libérées de leur esclavage. 

La seconde se situe à Jérusalem, où Marie Madeleine et Marie Cléophas, affligées, retrouvent l’espoir lorsque saint Jean l’Évangéliste leur rappelle la promesse du Christ de revenir auprès d’elles le troisième jour. Le dimanche de Pâques au matin, l’ange vainc Lucifer impuissant en lui montrant les deux Marie qui se rendent sur la tombe vide, puis il apparaît aux femmes pour proclamer la Résurrection du Christ.

Après la composition de "La Resurrezione", Handel n’était plus simplement un organiste allemand prometteur, mais s’était épanoui en un compositeur de premier rang d’une musique italianisante expressive et hardie.

Au disque, je vous propose la version dirigée par Emmanuelle Haïm. En voici l'ouverture.



Voici l'air flamboyant de l'ange interprété par Camilla Tilling, accompagnée d'une trompette.



Voici le duo "Dolci chiodi, amate spine" de Marie Madeleine et Marie Cléophas interprété par Christiane Karg (soprano) et Sonia Prina (contralto). L'orchestre philharmonique de Berlin est dirigé par Emmanuelle Haïm.



Enfin voici l'air de Saint Jean "Caro figlio", interprété par Toby Spence (ténor).







Brockes-Passion HWV 48 (1716)



Après s’être installé définitivement à Londres en 1712, Handel n’a mis en musique des textes allemands
qu’à deux occasions, et les deux fois sur des textes du poète hambourgeois Barthold Heinrich Brockes
(1680-1747).

Le texte qui nous intéresse ici est l’oratorio de la passion "Der für die Sünde der Welt gemarterte und sterbende Jesus" ("Jésus martyrisé et mourant pour les péchés du monde") publié pour la première fois en 1712 et connu sous le nom de "Passion de Brockes" ou plus simplement "Brockes-Passion".

Le texte de Brockes, imprégné d’esprit piétiste, paraphrase librement le récit de la Passion, assemblé à partir des quatre Évangiles, avec ses moments forts d’émotion dramatique (le remords de Pierre, la culpabilité de Judas, l’adieu du Christ à sa mère), complétés par de nombreuses réflexions contemplatives sous forme d’abondantes interruptions du récit par des arias attribuées à la pieuse Fille de Sion et à des Âmes fidèles, sur des textes poétiques aux métaphores frappantes.

Handel et Brockes devaient déjà se connaître depuis l'époque de Halle, et il est possible qu'ils se soient de nouveau rencontrés à Hambourg. Ceci expliquerait pourquoi Handel aurait écrit cette passion sur le texte de Brockes. La partition fut terminée en 1716, et on pense que la première exécution eut lieu en 1719 à Hambourg, il se peut néanmoins qu'elle ait été exécutée avant cela.

Il faut également considérer que ce texte eut un grand succès auprès des compositeurs de l'époque, puisque les compositeurs suivants composèrent également une Brockes-Passion: Telemann, Mattheson, Keiser, Fasch et Stölzel, de plus elle influença Bach pour ses propres passions.

Au disque, j'ai sélectionné la version interprétée par l'ensemble Arcangelo dirigé par Jonathan Cohen, avec notamment Sandrine Piau parmi les solistes.

Voici l'ouverture par Arcangelo.



Voici l'air de la Fille de Sion "Brich, mein Herz" interprété par Elizabeth Watts, accompagnée par l'Academy of Ancient Music dirigée par Richard Egarr.



On termine avec le duo "Soll mein Kind, mein Leben sterben", interprété par Sabine Devieilhe (Marie) et Stéphane Degout (Jésus).




Acis & Galatea HWV 49a (1718)




Acis and Galatea (HWV 49a/49b) n'est pas exactement un oratorio, cette oeuvre est plutôt considérée comme un semi-opéra. Le texte en anglais est de John Gay et il contient des adaptations ou des pages originales d'autres auteurs dont Pope et Hughes, d'après la légende d'Acis et Galatée tirée des Métamorphoses d'Ovide. 

Il s'agissait pour Handel de la première oeuvre d'importance écrite sur un texte anglais. L'esprit de la musique est pastoral.

Elle fut probablement écrite et créée à Cannons (où Handel réside alors chez James Brydges, comte de Carnavon, futur duc de Chandos) entre 1718 et 1720, puis représentée officiellement et dans sa version définitive à Londres en 1731.

La légende : Galatée (soprano), une nymphe demi-divine aime le berger Acis (ténor) d'une passion partagée. Leur idylle est empêchée par le cyclope Polyphème (basse), également amoureux de Galatée. Polyphème écrase Acis sous un rocher. Galatée, brisée par la douleur, métamorphose Acis en un ruisseau.

Handel avait déjà traité le sujet dans la sérénade "Aci, Galatea e Polifemo" composée pendant son séjour en Italie, dont il réutilisa une partie dans ses versions ultérieures de l'œuvre.

La même légende avait déjà inspiré Jean-Baptiste Lully en 1686 pour sa pastorale héroïque Acis et Galatée.

Au disque, j'ai sélectionné la version de William Christie, qui s'impose également pour tous les extraits Youtube.

Voici la sinfonia d'ouverture.



On continue avec le duo entre Acis et Galatea (Paul Agnew et Sophie Daneman), "Happy We".



L'air est repris par le chœur.



On termine avec l'air d'Acis "Love sounds th'alarm".





Esther HWV 50a/50b (1718/1732)




Esther est le premier oratorio écrit en anglais et le premier où les chœurs tiennent une telle importance.

Cet oratorio connut deux versions, une première écrite en 1718 ou 1720 (les sources sont discordantes) et il fut probablement représenté, c'est pourquoi on considère en général cette première version (connue sous le numéro HWV 50a) comme un masque. La première exécution eut probablement lieu à Cannons chez le Comte de Carnavon. 

Le  livret fut écrit par John Arbuthnot et Alexander Pope, d'après la tragédie de Jean Racine inspirée de l'Ancien Testament (Livre d'Esther).

La seconde version d'Esther est probablement la conséquence d'une certaine désaffection du public londonien par rapport à l'opéra italien dont Handel avait été le champion dès 1711 avec Rinaldo. Cette désaffection se manifestait par le succès incroyable de l'opéra satirique de John Gay et Johann Christoph Pepusch, "The Beggar's Opera" ainsi que par la déroute financière, en 1729, de la Royal Academy of Music dont Handel était le principal compositeur. Le besoin de se renouveler se faisait donc sentir.

Esther fut donc reprise le 23 février 1732 dans sa version initiale pour trois représentations privées : le succès rencontré suscita une représentation pirate qui poussa Handel à réviser en profondeur la partition pour en faire un véritable oratorio (HWV 50b) dont la première exécution eut lieu au King's Theatre à Haymarket le 2 mai 1732 et qui devint le prototype de l'oratorio anglais tel que Handel allait en composer pendant le reste de sa carrière.

Au disque, je vous recommande la version dirigée par Christopher Hogwood à la tête de l'orchestre et du chœur de l'Academy of Ancient Music.

Voici l'ouverture dans cette version.



Enfin, voici l'air "Tune your Harps" par Thomas Cooley, tenor; Marc Schachman, hautbois baroque et l'ensemble Voices of Music.





Athalia HWV 52 (1733)




Athalia est le troisième oratorio anglais de Handel après Esther et Deborah.

Sa composition en 1733 répond à une commande pour le Publick Act à Oxford, cérémonie de remise des prix des collèges de cette ville dont l'un proposa à Handel un titre Honoris Causa que, d'ailleurs, il déclina. La première exécution eut lieu le 10 juillet 1733 au Sheldonian Theatre à Oxford.

L'histoire se fonde sur celle de la reine Athalie, personnage de l'Ancien Testament ; comme Esther, ce personnage avait inspiré à Jean Racine une de ses deux dernières tragédies, toutes deux tirées de récits bibliques.

Le grand prêtre Joad et sa femme Josabeth ont élevé Joas, un jeune garçon qui est l'héritier véritable du trône, alors occupé de manière illégitime par Athalia. Athalia, apprenant l'existence du garçon, veut s'en occuper et l'emmener dans son palais, mais celui-ci refuse car il reproche à Athalia ses pratiques païennes d'adoration du dieu Baal. 

Joad demande à Joas qui il prendrait pour modèle s'il devait devenir roi. Celui-ci répond que son modèle serait le roi David. Joad et Josabeth le célèbrent alors comme le vrai héritier du trône et démettent le faux prêtre Mathan qui était à la solde d'Athalia.

Mais Athalia ne veut pas reconnaître sa défaite. Bien qu'elle voie que le Dieu de Juda l'emporte et que sa mort est proche, elle reste déterminée à triompher malgré tout. L'oratorio se termine avec un duo entre Joad et Josabeth qui célèbrent les joies que le ciel leur envoie et un chœur final de louanges.

Je recommande la version de Christopher Hogwood à la tête de l'Academy of Ancient Music. Voici l'ouverture par ces interprètes.



On continue avec l'air "Soothing tyrant, falsely smiling" chanté par Emma Kirkby dans le rôle de Josabeth.



Ensuite, voici l'air "Hark! His thunders round me roll" par Anthony Rolfe Johnson dans le rôle de Mathan.



Enfin, voici le finale, le chœur de louanges "Give Glory to his awful name".





Saul HWV 53 (1739)



Handel composa Saul entre juillet et septembre 1738. Il fut représenté le 16 janvier 1739 au King's Theatre de Londres.

Le livret fut écrit par Charles Jennens. C'était le premier oratorio de Handel basé sur un livret de Charles Jennens, cette collaboration se répéta à cinq reprises.

Acte 1: le peuple célèbre la victoire de David sur les Philistins et en particulier contre Goliath. Saul, premier roi d'Israël, a trois enfants: une fille aînée, Mérab, qu'il propose en mariage à David, Jonathan qui offre son amitié à David, et la cadette, Michal, qui tombe amoureuse de lui.

Mérab méprise David qui n'est pas de la même classe sociale et ne veut pas du mariage. Comme les acclamations de la foule vont plus vers David que vers lui-même, Saul finit pas éprouver de la jalousie et demande à son fils Jonathan de le tuer.

Acte 2: Jonathan rappelle à son père les mérites de David. Saul se laisse convaincre et lui propose alors d'épouser Michal. Saul envoie David au combat en espérant qu'il y périsse mais celui-ci revient vainqueur. Saul tente alors de tuer David d'un coup de lance. Saul finit par accuser son propre fils Jonathan de traîtrise et lance contre lui sa lance. Le peuple exprime alors sa réprobation.

Acte 3: Saul part consulter une sorcière qui invoque le prophète Samuel. Il prédit la mort de Saul et de Jonathan vaincus par les Philistins. Un amalécite, ennemi du peuple d'Israël, annonce à David la mort de Saul et Jonathan. Une marche funèbre se fait entendre et le peuple exprime sa tristesse en un chant de douleur. L'oratorio se termine par un chant triomphant à la gloire de David qui devient le nouveau roi.

Au disque, j'ai sélectionné la version dirigée par René Jacobs à la tête du Concerto Köln et RIAS Kammerchor. Voici la symphonie d'ouverture.



Voici "What Do I Hear ?", suivi du chœur "David His Ten Thousands Slew" et de l'air de Saul "With Rage I Shall Start Burst His Praises to Hear".



Ensuite, voici l'air de Mérab: "Capricious Man".



Récitatif "With Me What Would'st Thou" suivi de l'air "Infernal Spirits" (Sorcière).



La marche funèbre.



Le chant de douleur du peuple d'Israël "Mourn, Israël". Une page de toute beauté!



Le chœur final adressé en triomphe à David "Gird on thy sword, thou man of might".





Israël in Egypt HWV 54 (1739)




Israël in Egypt est un oratorio en trois parties. Le texte en anglais est intégralement tiré des Saintes Écritures ; l'oratorio comprend une proportion inusitée de parties chorales. Il y a très peu d'arias et de récitatifs. 

Quant à la musique, elle provient de très nombreux emprunts, soit à d'autres compositions de Haendel, soit à des œuvres d'autres musiciens. En fait la première partie de l'oratorio, intitulé "Chant de Moïse", n'est rien d'autre que l'hymne funèbre pour la mort de la reine Caroline "The ways of Zion do mourn".

Il est représenté le 4 avril 1739 au King's Theatre de Londres, peu de temps après Saul. C'est un texte extrait de la Bible du roi Jacques. Il décrit la sortie d'Égypte du peuple d'Israël, les plaies d'Égypte (les grenouilles, la peste, la grêle, etc.), la traversée de la Mer Rouge (avec l'engloutissement des armées du Pharaon) et les hymnes de reconnaissance d'Israël envers son Dieu.

Au disque, j'ai sélectionné la version d'Andrew Parrott. En voici quelques extraits en commençant par la Sinfonia d'ouverture.



Le chœur "Sons of Israël do mourn".



Le chœur, "He gave them hailstones for rain".



Le chœur, "He smote all the first-born of Egypt".



Le duo "The Lord is a man of war".



Le chœur, "The depths have covered them".



Le finale: "Sing ye to the Lord".





L'Allegro, Il Penseroso ed Il Moderato HWV 55 (1740)



L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato est une ode pastorale que Handel composa durant l'hiver 1740.

Sa première production eut lieu le 27 février 1740 au Theater in Lincoln's Inn Fields à Londres.

Pendant l'hiver 1740, Londres connut le froid le plus terrible de son histoire ; la Tamise fut complètement gelée pendant plusieurs semaines, et les théâtres durent fermer leurs portes quelque temps. Pour Haendel ce fut une période de crise : c'en était fini de ses grandes années de compositeur d'opéras, – rôle qu'il exerça dès son arrivée à Londres en 1710 – alors que ses plus beaux oratorios feraient leur apparition bien plus tard. 

Malgré tout, en l'espace de 17 jours, il créa son œuvre la plus prodigieusement inventive, la plus diversifiée et la plus typiquement anglaise malgré son titre italien, "L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato". On en donna cinq représentations au Theater in Lincoln's Inn Fields, et le public y fut attiré avec la promesse d'y trouver un peu de chaleur …

L'Allegro ed il Penseroso, littéralement l'Homme Gai et l'Homme Méditatif, sont les deux pôles de l'esprit humain : l'homme, tel un pendule, oscille d'un côté à l'autre. Bien que les deux caractères soient personnifiés et chantent en aria et en récitatif, ils ne sont pas définis, car ils oscillent entre le soprano, le ténor, et la basse, et ceci afin de clairement marquer les différentes personnifications de l'esprit. Le point essentiel de la troisième partie est de proposer une certaine réconciliation, rationnelle et caractéristique du XVIIIe siècle anglais, en joignant la modération (Il Moderato) à ces deux extrêmes.

Au disque, j'ai sélectionné la version de John Eliot Gardiner.

Je trouve cette oeuvre tellement géniale, que plutôt que de vous proposer des extraits, j'ai décidé de vous faire écouter la version intégrale par Alexis Kossenko dirigeant le Kammerchor der Musikakademie Ljubljana et l'Orchester der Akademie für Alte Musik Bruneck.

L'oratorio dure à peu près 1h10.






Messiah HWV 56 (1741)




Le Messie est l'oeuvre la plus célèbre de Handel et on le doit à l'initiative de son librettiste Charles Jennens:

"Handel dit qu'il ne fera rien l'hiver prochain, mais j'espère le convaincre de mettre en musique un autre recueil d'après les Écritures que j'ai fait pour lui [...] J'espère qu'il y consacrera tout son Génie et son Art, de sorte que la Composition puisse surpasser toutes ses Compositions antérieures, car le Sujet surpasse tout autre sujet. Le Sujet est le Messie." (Charles Jennens, 10 juillet 1741).

Et, en effet, Handel mis environ trois semaines à la fin de l'été 1741 pour composer le Messie. Néanmoins la première exécution n'eut lieu qu'en 1742 à Dublin. Il fallut attendre mars 1743 pour qu'il fut exécuté à Londres, et comme il fut l'objet d'une cabale de dévots qui reprochaient à l'oeuvre d'être trop grandiloquente, elle n'eut pas succès.

Toujours à propos du Messie, je ne résiste pas au plaisir du vous citer, in extenso, un extrait du livre "Les Très Riches Heures de l’Humanité" de Stefan Zweig, dont une nouvelle s’intitule "La résurrection de Haendel":

"Des larmes voilaient le regard de Haendel, tant la ferveur qui troublait son âme était grande. II lui restait encore à lire plusieurs pages, la troisième partie de l’oratorio. Mais après cet "Alleluia !" il n’y tint plus ; ce chant de joie l’emplissait tout entier, montait et grossissait déjà en lui comme un fleuve de feu prêt à déborder. Oh ! comme il l’oppressait, l’étouffait dans sa hâte à vouloir sortir et remonter vers le ciel. Haendel saisit à la hâte une plume et se mit à tracer des notes : les signes s’alignaient avec une rapidité prodigieuse. Il ne pouvait plus s’arrêter. Comme un navire dont la voilure est aux prises avec la tempête, il était emporté toujours plus loin. Autour de lui la nuit était muette ; l’ombre, humide et silencieuse, enveloppait la grande ville. Mais la lumière affluait en lui et dans la pièce retentissait, imperceptible, la musique de l’infini."

La version que je vous recommande est celle dirigée par Emmanuelle Haïm, à la tête du Concert d'Astrée.

Voici la sinfonia d'ouverture.



Air de ténor "Ev'ry valley shall be exalted".



Choeur "And he shall purify".



Air de soprano "Rejoice greatly, o daughter of zion" par Regula Mühlemann dirigée par Alondra de la Parra.



Air d'alto "He was despised" par Jakub Jozef Orlinski.



Choeur "Hallelujah" dirigé par Emmanuelle Haïm (on remarque Lea Desandre au premier plan parmi les choristes féminines).



Air pour basse "The Trumpet shall sound" interprété par Christopher Purves.



Choeur final "Worthy is the lamb that was slain - Amen".




Pour les amateurs je vous propose une version intégrale du Messie dans une version exceptionnelle donnée dans la Grace Cathedral de San Francisco par les American Bach Soloists and Choir dirigés par Jeffrey Thomas.





Samson HWV 57 (1741 ou 1743)




Samson est un oratorio en trois actes, considéré comme l'une de ses plus belles œuvres dramatiques, il est généralement interprété comme un oratorio sous forme de concert, mais à l'occasion, il peut également être mis en scène comme un opéra. 

L'histoire est la suivante: Samson, juge d'Israël, a épousé une femme philistine, Dalila, qui a découvert que sa force surnaturelle provenait du fait qu'il ne se coupait jamais les cheveux. 

Dalila coupe les cheveux de Samson pendant son sommeil et le livre à son peuple, les Philistins, ennemis des Israélites. Les Philistins capturent Samson et lui crèvent les yeux. La scène se passe devant la prison de Gaza. Comme c'est un jour de fête en l'honneur du dieu philistin, Dagon, Samson est autorisé à sortir de sa cellule de prison, bien qu'enchaîné, et à recevoir des visiteurs.

Pour se venger des Philistins, Samson abat le temple sur lui-même et sur le peuple. Le cadavre de Samson est amené au son d'une marche funèbre et les enfants d'Israël déplorent sa mort. L'ouvrage se termine sur une note d'action de grâce alors que les Israélites louent leur Dieu.

J'ai sélectionné la version dirigée par Leonardo Garcia Alarcon dirigeant le Chœur de Chambre de Namur et le Millenium Orchestra.

Voici l'ouverture.



Air pour ténor "Total Eclipse!" par Aaron Sheehan.



Air de Dalila et sa suivante: "My faith and truth".



Air "Let the bright Seraphim" pour soprano (Rowan Pierce) et trompette (David Blackadder).



Finale.





Semele HWV 58 (1744)



Handel reprend le livret que William Congreve a écrit pour l'opéra Sémélé de John Eccles, et compose la musique en un mois, du 3 juin au 4 juillet 1743. 

L'œuvre prend naturellement la forme d'un opéra, mais Haendel voit la possibilité de la donner pendant la série de concerts de carême du théâtre royal en février 1744, sachant que cette série lui assurerait la création de l'œuvre et un cachet. 

Il adapte donc cette dernière pour la présenter "à la manière d'un oratorio". En 1760, dans sa biographie de Handel, John Mainwaring indiquera "Semele est un opéra anglais, mais appelé oratorio, et exécuté en tant que tel."

L'histoire de Semele est celle de ses amours avec Jupiter. Trompée par Junon, elle demande à Jupiter de se montrer tel qu'il est, et non en simple humain. Malheureusement, elle ne sait pas qu'un mortel ne peut soutenir la vision du dieu, et Semele meurt brûlée par ses éclairs. Apollon annonce qu'un phénix naîtra des cendres de Semele.

J'ai choisi la version dirigée par John Eliot Gardiner.

Voici l'ouverture.



Air "Where'er you walk" avec Robert Murray (Jupiter) et Heidi Stober (Semele).




Air "Myself I shall adore" par Louise Alder.



Et le finale: "Happy, happy we shall be".






Judas Maccabeus HWV 63 (1746)



Judas Maccabæus, en français Judas Maccabée, est un oratorio en trois actes composé en 1746 sur un livret en anglais du Révérend Thomas Morell. L'argument est tiré de l'histoire de Judas Maccabée, héros biblique de la révolte des israélites contre l'Empire séleucide.

L'oratorio a été composé (du 9 juillet au 11 août 1746) pour célébrer la victoire, le 16 avril, du prince William Augustus, duc de Cumberland, le second fils du roi George II de la Maison de Hanovre sur les forces jacobites de Charles Édouard Stuart, prétendant à la couronne d'Angleterre, à la bataille de Culloden. 

Haendel avait composé, au début de l'année, et de façon anticipée pour la même circonstance, l’Occasional Oratorio. Judas Maccabæus fut créé le 1er avril 1747 au Haymarket.

Voici le résumé de l'argument:

Acte I
Le peuple israélite se lamente de la mort de son chef Mattathias, mais le fils de ce dernier tente de ranimer leur foi et les appelle aux armes (Arm, arm, ye brave). Le frère de Simon, Judas, s'impose comme chef et fait renaître parmi le peuple les idéaux de liberté et de victoire grâce à la puissance de Yahvé.

Acte II
Les israélites sont revenus victorieux, mais Judas s'inquiète de la vanité du peuple, qui pourrait s'attribuer le mérite de cette victoire. Lorsque parvient la nouvelle que le chef séleucide Gorgias est en train de préparer la revanche, le peuple hébreu passe de la joie de la victoire à la déception et à l'abattement. A nouveau, Judas réveille son peuple (Sound an alarm) et insiste pour que les autels des idoles soient détruits et que les fausses religions soient bannies.

Acte III
La victoire est finalement acquise par les hébreux (See, the Conqu'ring Hero Comes !). Alors arrive la nouvelle que Rome veut nouer une alliance avec Judas contre l'Empire séleucide. Le peuple se réjouit de ce que la paix a fini par revenir dans leur pays (O lovely peace).

Au disque, j'ai sélectionné la version dirigée par Rolf Beck, avec dans la distribution la soprano Nuria Rial.

Voici l'ouverture.



Choeur "Mourn, ye afflicted children".



Voici le très beau chœur "See, the conqu'ring hero comes". A noter que le thème en fut repris par Beethoven pour ses 12 variations sur un thème de Handel.




Voici le finale "Rejoice, o Judah ... Hallelujah, Amen".





Solomon HWV 67 (1749)



Haendel a composé Solomon entre le 5 mai et le 13 juin 1748. La première a eu lieu le 17 mars 1749 au théâtre royal de Covent Garden de Londres sans y rencontrer le succès escompté. 

Il y a eu trois exécutions durant cette saison puis deux autres en 1759 dans une version largement tronquée quelques jours avant la mort du compositeur.

Le livret se base essentiellement sur les Livres des Rois et le Livre des Chroniques, et en ce qui concerne la visite de la Reine de Saba, sur les Antiquités judaïques de l'historiographe romain et juif Flavius Josèphe.

Chaque acte évoque un événement différent de la vie de Solomon:
  • L'acte 1 parle de l'édification du temple de Jérusalem
  • L'acte 2, du jugement de Salomon
  • L'acte 3, de la rencontre avec la reine de Saba
J'ai sélectionné la version de Paul McCreesh à la tête des Gabrieli Consort & Players.

Voici l'ouverture.




Chœur "Your harps and cymbals".



Voici la célèbre symphonie de l'acte 3 intitulée "Arrival of the Queen of Sheba" ("Arrivée de la reine de Saba").




Finale: "The Name of the Wicked".





Theodora HWV 68 (1750)



Theodora est un oratorio en trois actes composé en 1749 sur un livret de Thomas Morell, et créé le 16 mars 1750, au Théâtre royal de Covent Garden à Londres.

L'argument est fondé sur l'histoire, parfois considérée comme légendaire, de la martyre chrétienne Théodora pendant les persécutions de l'Empire Romain.

Haendel composa Theodora durant la dernière partie de sa carrière. Il était âgé de soixante-quatre ans lorsqu'il débuta la composition en juin 1749. Il avait composé les oratorios Solomon et Susanna l'année précédente. Theodora sera son pénultième oratorio.

Theodora se distingue des deux oratorios précédents par son caractère tragique, et sa fin mettant en scène la mort de l'héroïne et de l'amoureux converti. C'est le seul oratorio hagiographique de Haendel, mais aussi le seul oratorio dramatique de Haendel en langue anglaise consacré à un sujet chrétien.

J'ai choisi la version de Paul McCreesh à la tête des Gabrieli Consort & Players.

Voici l'ouverture.



Air "Angels ever bright and fair" (Theodora) par Stefanie True et l'ensemble Voices of Music.



Air "Lord, to thee" par Elisabeth Kulman.



Chœur "How strange their ends" par Emmanuelle Haïm.



Choeur final "O love divine".






Jephtha HWV 70 (1752)



Jephtha fut le dernier oratorio composé par Handel en 1751 sur un livret en anglais du Révérend Thomas Morell d'après le Livre des Juges et Jephthes sive Votum (1554) de George Buchanan.

La première représentation eut lieu en concert au théâtre Covent Garden de Londres le 26 février 1752.

L'oratorio raconte l'histoire de Jephtha, commandant des armées Israélites contre les ennemis Ammonites. Afin de se ménager les bonnes grâces de Dieu, il fait un marché avec lui: s'il lui apporte la victoire il lui sacrifiera la première personne qui viendra l'accueillir après le combat.

Jephtha est victorieux, mais la première personne qui l'accueille n'est autre que sa propose fille Iphis. Il doit sacrifier sa fille, qui est elle-même prête à mourir. 

Jephtha prie pour le salut de sa fille. Juste avant le sacrifice, un ange apparaît et délivre la parole de Dieu: Iphis n'aura pas besoin de mourir. Elle devra juste vivre pure et vierge toute dédiée à Dieu. Jephtha bénie le nom du Seigneur.

Au disque, j'ai choisi la version dirigée par Harry Christophers à la tête de l'ensemble The Sixteen.

Voici l'ouverture.




Chœur "How dark, o Lord, are thy decrees".




Air "Waft her, angels" par James Gilchrist dans le rôle de Jephtha.




Chœur final: "Ye house of Gilead, with one voice".




The Triumph of Time and Truth HWV 71 (1757)



Voici enfin la dernière mouture de ce qui est à la fois le premier et le dernier oratorio de Handel.

La troisième mouture ré-écrite sur un texte anglais s'intitule "The Triumph of Time and Truth".

Même si l'oratorio Jephtha est considéré comme le dernier véritable oratorio composé par Haendel, cette troisième version d'une œuvre composée pendant sa jeunesse est encore postérieure.

La cantatrice Isabella Young a créé le rôle de Counsel (la Vérité, transformation du personnage initial de la Désillusion).

Il sera donné pour la dernière fois à Covent Garden en 1758.

Au disque, j'ai choisi la version de l'ensemble Ludus Baroque, dirigé par Richard Neville-Towle.

Youtube nous fournit une compilation des meilleurs extraits de cette oeuvre dans cette même version, la voici donc.





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