vendredi 1 avril 2022

Pierné (Gabriel)

 

Gabriel Pierné


Gabriel Pierné


Gabriel Pierné naît à Metz en Moselle le 16 août 1863 dans une famille de musiciens. Son père, Jean-Baptiste Pierné, est professeur de chant, sa mère est professeur de piano.

Le traité de Francfort de 1871 qui consacre la défaite française et donne Metz à l'Empire allemand amène la famille à opter pour la France et à s'installer à Paris.

Il entre au Conservatoire de Paris, où il a pour maîtres Albert Lavignac, Antoine-François Marmontel, Émile Durand, César Franck et Jules Massenet, et en 1882, il obtient, en même temps que le prix d'orgue, le Grand prix de Rome avec la cantate Édith. 

Au Conservatoire, il côtoie Claude Debussy avec lequel il restera toujours très lié.

À la mort de César Franck en 1890, il a vingt-sept ans. Il remplace son maître à la tribune de l’orgue de l'église Sainte-Clotilde pendant huit ans avant que Charles Tournemire ne prenne la relève en 1898. 

La véritable carrière musicale de Pierné s'effectue à la direction d’orchestre. Il devient en 1903 adjoint d'Édouard Colonne à la tête des Concerts Colonne pour en assurer ensuite seul la direction de 1910 à 1934. 

Il obtient une grande célébrité comme chef d'orchestre et en profite pour imposer les œuvres de compositeurs contemporains : Claude Debussy, Maurice Ravel, Albert Roussel, Igor Stravinsky, etc. Il assure ainsi, notamment, la création de la Symphonie no 3 de Georges Enesco en 1921 ; il s'attire les foudres de son ami Camille Saint-Saëns lorsqu'il dirige la Seconde suite de Darius Milhaud.

Parallèlement à sa carrière de chef d'orchestre, il est aussi l'auteur d'une œuvre musicale diversifiée. 

Il a composé des œuvres symphoniques (Paysages Franciscains, Fantaisie Basque, la musique de scène de Ramuntcho), des oratorios (La Nuit de Noël, l'An Mil, la Croisade des Enfants, Les Enfants de Bethléem et Saint François d'Assise), des pièces pour le théâtre et des opéras-comiques (La Fille de Tabarin, On ne badine pas avec l'amour, Fragonard et Salomé), 5 ballets dont Cydalise et le Chèvre-Pied et Impressions de Music-Hall. Mais c'est dans la musique de chambre qu'il a donné le meilleur de lui-même, il a composé de nombreuses sonates, un trio, et son célèbre quintette pour piano et cordes.

En 1924, il est nommé membre de l’Académie des beaux-arts au fauteuil de Théodore Dubois.

Gabriel Pierné s'éteint en Bretagne, à Ploujean, le 17 juillet 1937 ; il est inhumé à Paris au cimetière du Père-Lachaise (division 13), sous une haute stèle de pierre sculptée par Henri Bouchard, représentant les muses Euterpe et Thalie.

Compositeur aujourd'hui méconnu, éclipsé par ses contemporains Debussy, Ravel et Roussel, il mérite une redécouverte. 

C'est un compositeur plein de charme, de légèreté et qui dispose d'une grande science des coloris. Son oeuvre est marquée par l'influence de ses maîtres: César Franck pour la rigueur architecturale et l'utilisation de thèmes cycliques et Jules Massenet pour le lyrisme et le dramatisme.

J'ai choisi de vous présenter Gabriel Pierné en 10 Albums.


1887 - Concerto pour Piano Op. 12



Le concerto pour piano de Pierné est écrit alors qu'il n'a que 24 ans, on peut considérer que c'est sa première grande oeuvre.

On constate une ressemblance avec le deuxième concerto pour piano de Saint-Saëns, les deux ont un scherzo en guise de second mouvement. On peut distinguer une sorte d'anticipation de Rachmaninov, lorsque Pierné introduit dans le premier mouvement la magnifique mélodie en mi bémol majeur. L'introduction nous fait également penser à Grieg.

Le deuxième mouvement comporte des rythmes légers, l'écriture est brillante et l'orchestration ingénieuse avec les interventions de cor et de trompette.

Le troisième mouvement utilise la technique cyclique qui est due à l'influence de César Franck, par une reprise des thèmes du premier mouvement. Il se termine avec une coda frénétique.

J'ai choisi la version interprétée par Jean-Efflam Bavouzet sous la direction de Juanjo Mena.



Cette oeuvre est couplée à la charmante "Marche des petits soldats de plomb" Op. 14:



On peut également entendre sur cet album les deux suites extraites de la musique de scène de Ramuntcho.

Ramuntcho est un roman de Pierre Loti, livre d'amour et d'aventure situé dans le milieu des contrebandiers basques. Ramuntcho se désespère car sa fiancée est entrée au couvent. C'est un drame sur le conflit entre passion et ferveur religieuse.

Pierre Loti adapte lui-même son roman pour le théâtre et la musique de scène est confiée à Pierné, qui la compose en 1908. Il en tire deux suites orchestrales.

Dans la suite No. 1, Pierné utilise dans l'ouverture le rythme à cinq temps de la zortzico (danse basque à cinq temps).



La suite No. 2 se termine par une rhapsodie dont la grisante conclusion se fonde sur l'hymne national basque non officiel Gernikako arbola.




1898 - L'An Mil, oratorio



Changement total de registre pour cet oratorio qui exprime les peurs des chrétiens autour de l'An Mil. Pierné a été inspiré par les œuvres religieuses de César Franck et a puisé sa thématique dans le répertoire grégorien.

L'oratorio est en trois parties marquées par de vives oppositions.
  1. Miserere Mei: mouvement d'une gravité dramatique et solennelle
  2. Fête des fous et de l'âne: Pierné y fait preuve d'une débauche descriptive: grelots, braiments, rires convulsifs, timbres saugrenus et les chœurs qui braillent à tue-tête. Ce mouvement exprime la peur du peuple et utilise des citations médiévales. On y remarque un humour fin et ambigu.
  3. Te Deum: ce mouvement revient à la gravité initiale.
Voici le premier mouvement interprété par l'Orchestre National de Lorraine et le Chœur Nicolas de Grigny sous la direction de Jacques Mercier.



Cette oeuvre est couplée à Cathédrales et à Paysages Franciscains.

Les Paysages franciscains sont trois pièces pour orchestre opus 43, composées en 1920, inspirées des Pèlerinages franciscains de l'écrivain catholique danois Johannes Jørgensen. 

Pierné fait un voyage dans les environs d'Assise et compose des pages lumineuses inspirées par la méditation et la contemplation de la nature.

Les trois pièces ont pour titres:
  1. Au jardin de Sainte Claire (Couvent de Saint-Damien)
  2. Les Olivaies de la plaine d'Assise (Crépuscule d'Automne)
  3. Sur la route de Poggio Bustone (La Procession)
Voici la troisième pièce:



1900 - Sonate pour Violon et Piano Op. 36


Pierné écrit sa sonate pour violon et piano en 1900. Elle est composée de trois mouvements.
  1. Allegretto: romantique et nostalgique
  2. Allegretto tranquillo: mouvement plein de charme et de délicatesse
  3. Andante non troppo. Allegretto un poco agitato: début lent et grave, suivi d'un passage plus agité et d'une fin passionnée.
Cette sonate figure sur un album passionnant intitulé "La Sonate de Vinteuil", merveilleusement interprété par Maria et Nathalia Milstein. Elle est couplée à la sonate No. 1 de Saint-Saëns et la sonate de Debussy.

L'album consiste à nous faire écouter les sonates candidates à être la "Sonate de Vinteuil", la fameuse sonate dont parle Marcel Proust dans son roman "Du côté de chez Swann". Il s'agit de l'énigme la plus célèbre de la littérature. Les sonates historiquement imaginées ayant pu servir de modèles sont usuellement la sonate de Franck et la sonate No. 1 de Saint-Saëns car elles présentent des similitudes avec les descriptions utilisées par Proust et elles ont fait les beaux jours des salons de la Belle Epoque.

L'album pose la question: pourquoi ce ne serait pas celle de Pierné ? Bien sûr, on ne connaîtra jamais la réponse ...

Voici le second mouvement de la sonate par les sœurs Milstein.




1903 - Konzertstück pour Harpe et Orchestre Op. 39



Le konzertstück pour harpe et orchestre fut créé le 2 Janvier 1903 par Henriette Renié. Cette oeuvre fait briller l'instrument soliste, mais également l'orchestre. Il s'agit d'une partition lumineuse et dansante.

Au disque, j'ai choisi la version interprétée par Xavier de Maistre et le Staatsorchester Rheinische Philharmonie sous la direction de Shao-Chia Lü. Le konzertstück de Pierné est couplé à des œuvres de Boieldieu, Saint-Saëns et Henriette Renié.

Sous Youtube, voici une version interprétée par Marie-Pierre Langlamet, l'Orchestre de Picardie, l'Orchestre National en Région Hauts-de-France dirigés par Laurent Petitgirard, une pièce d'une grande poésie.




1914 - Cydalise et le Chèvre-Pied, ballet



Pierné écrit ce ballet en 1914, il s'agit d'un des ses chefs-d'oeuvre, et certainement une de ses plus belles pièces orchestrales.

En voici l'argument:

Au début du ballet, situé dans la France du XVIIIe siècle, la danseuse Cydalise va avec sa troupe à Versailles pour présenter une comédie-ballet devant le roi. Leur voiture traverse un vallon boisé dans lequel un vieux faune apprend à danser à de jeunes satyres. L’un deux, Styrax, perturbe la leçon et est renvoyé. Il s’accroche en cachette à la voiture de Cydalise et suit celle-ci dans les jardins du château. 

Dans la deuxième scène, un ballet dans le ballet, est présenté La Sultane des Indes avec Cydalise dans le premier rôle. Après la représentation, elle rencontre Styrax qui exécute une danse exubérante. 

La troisième scène se déroule dans la chambre de Cydalise, la nuit. Elle s’endort, après avoir déchiré une pile d’ennuyeuses lettres de soupirants. Passant par la fenêtre, Styrax se glisse dans la chambre et réveille la jeune femme. Fascinée, elle danse avec lui tandis qu’il joue de la flûte de pan. Cependant, des faunes et des nymphes arrivent à la fenêtre et persuadent le satyre de retourner avec eux dans la forêt. 

L’instrumentation de ce ballet est conséquente : bois par trois, cuivres, percussions, deux harpes, célesta, piano et cordes. Cette riche palette est exploitée avec la plus grande délicatesse d’un bout à l’autre. Les solos de bois accompagnés par les cordes divisées sont fréquents, ce qui donne aux somptueux tutti un impact d’autant plus considérable. Le lumineux thème de piccolo de Styrax traverse toute la partition et joue un peu le rôle d’un leitmotiv.

Voici une remarquable partition qui mérite mieux que l'oubli et qui rappelle le Daphnis et Chloé de Ravel qui, lui, a connu d'innombrables enregistrements discographiques.

Il existe deux suites extraites du ballet. Néanmoins, j'ai choisi la version intégrale du ballet interprété par l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg sous la direction de David Shallon.

Pour vous mettre l'eau à la bouche, voici un court extrait du ballet, l'école des Ægipans (les Ægipans sont des faunes).




1917 - Quintette pour cordes et piano Op. 41



En 1917 Pierné compose ce qui peut être considéré comme son chef-d'oeuvre: le quintette pour cordes et piano Op. 41. Ce quintette est dédié à Gabriel Fauré et il évoque la mer et plus particulièrement le Pays Basque pour lequel Pierné avait un attachement particulier.

Le quintette est en trois mouvements:
  1. Moderato molto tranquillo: le premier mouvement est rêveur, le piano est impressionniste et peut parfois rappeler la Mer de Debussy. Son développement est quasiment de caractère symphonique.
  2. Sur un rythme de zortzico: ce mouvement s'inspire de la danse basque à 5 temps. Le thème principal subit de nombreuses métamorphoses, on trouve une écriture scintillante du piano dans l'aigu, qui donne à l'oeuvre un éclat irisé et chatoyant, ainsi que des coloris presque symphoniques.
  3. Lent, allegro vivo ed agitato: ce dernier mouvement exige du pianiste une grande endurance, il est violemment scandé aux cordes sur des accords puissants. Très romantique, il rappelle un scherzo.
Au disque j'ai choisi la version du quatuor Parisii avec Akiko Ebi au piano. Cette oeuvre est couplée au très célèbre quintette de Franck.

Sur Youtube, j'ai sélectionné la version de l'Institut Français de Stuttgart, avec Gustavo Surgik, premier violon, Lilian Heere, second violon, Hedwig Gruber, alto, Olivier Marger, violoncelle et Virginie Déjos, piano.





1922 - Sonate pour violoncelle et piano Op. 46



La sonate pour violoncelle et piano est d'un seul tenant. Elle débute par une section lente, dans laquelle on peut apprécier la beauté d'un solo du violoncelle. L'oeuvre est sérieuse et méditative.

Cette sonate est d'une construction complexe qui nous apparaît comme une vaste fantaisie constamment renouvelée et pourtant d'une parfaite cohérence.

Au disque, j'ai choisi la version interprétée par Aleksandr Khramouchin au violoncelle et Christian Ivaldi au piano. Cette interprétation fait partie d'un double album intitulé "La Musique de Chambre Vol.2" et elle est couplée à des œuvres très intéressantes de Pierné telles que le trio, le voyage au pays du tendre (pour flûte, harpe et cordes) et l'introduction et variations pour quatuor de saxophones.

Sur Youtube, je vous ai sélectionné la version d'Alexis Descharmes au violoncelle et Jean-Philippe Guillo au piano.





1927 - Impressions de Music-Hall Op. 47



Les Impressions de Music-Hall sont un ballet en 5 parties. Gabriel Pierné adorait le cirque et le music-hall ce qui explique pourquoi il leur a consacré cette partition qui est une de ses plus originales avec une orchestration très variée.

Les 5 parties sont les suivantes:
  1. Rideau: bref prélude où l'on entend un chahut des percussions et des cuivres
  2. Chorus Girls (French Blues): marche nonchalante et jazzy aux glissandos de trombone
  3. L'Excentrique: c'est un clown danseur. La trompette bouchée y exprime sa démarche dégingandée
  4. Le Numéro Espagnol: le mouvement démarre par une malaguena aux guitares et aux castagnettes puis fait place à l'élégance et la délicatesse typiques de Pierné
  5. Clowns musicaux (Les Fratellini): ce mouvement nous fait entendre une joyeuse fanfare de cuivres qui n'est pas sans évoquer le Pétrouchka de Stravinsky, il se termine gaiement par des effets de cors de chasse.
J'ai sélectionné la version interprétée par l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg sous la direction de Bramwell Tovey.

Voici le second mouvement, Chorus Girls:



On trouve sur le même album la suite de la musique de scène pour Izéÿl, un drame indien en quatre actes d’Armand Silvestre et Eugène Morand.

Voici la très délicate et orientale Sérénade à Izéÿl:




1927 - Sonata da Camera pour flûte, violoncelle et piano Op. 48



Voici encore une formidable oeuvre pour musique de chambre de Pierné. Cette Sonata da Camera, qui n'est rien d'autre qu'un trio, est en 3 mouvements:
  1. Prélude: on y entend des pizzicatos de violoncelle. L'ambiance est néo-classique, dans l'esprit du XVIIIème siècle.
  2. Sarabande: il s'agit d'un mouvement lent dans lequel on retrouve totalement ce néo-classicisme.
  3. Finale: léger et sautillant.
Au disque, j'ai sélectionné la version de l'ensemble Conchord, qui est couplée à deux rhapsodies et cinq chansons de Loeffler (compositeur américain) et au Prélude, récitatif et variations de Duruflé.

Sur Youtube, j'ai choisi la version du ProMusica Carinthia avec Leona Rajakowitsch à la flûte, Francesco Tamburini au violoncelle et Clemente Prudencio au piano.




1932 - Passacaille Op. 52



La passacaille Op. 52 est une des dernières œuvres de Pierné. C'est une pièce d'une indéniable puissance qui utilise une forme ancienne qui fut magnifiée par Jean-Sébastien Bach. Elle n'est d'ailleurs pas sans rappeler la passacaille et fugue en ut mineur BWV 582.

On peut noter que le thème principal est ré-exposé quasi-textuellement dans un procédé d'ostinato, mais avec un renouvellement de l'habillage thématique. On assiste à un grand crescendo, et après avoir été présenté pas moins de 17 fois, le thème laisse la place à une fugue puis à une grandiose coda.

Cette oeuvre fournit la synthèse d'un art à la fois respectueux du passé et résolument tourné vers l'avenir.

J'ai sélectionné un album interprété par Laurent Wagschal. La Passacaille est couplé avec Trois pièces formant suite de concert Op. 40 et les formidables Variations en ut mineur Op. 42.





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