mardi 5 avril 2022

Strauss (Richard)

 

Richard Strauss

Richard Strauss


Cet article est dédié à Richard Strauss, compositeur allemand né le 11 juin 1864 à Munich et mort le 8 septembre 1949 à Garmisch-Partenkirchen à l'âge de 85 ans.

Clarifions les choses tout de suite: le patronyme Strauss, qui signifie « bouquet », est extrêmement commun dans les pays germaniques, et il n'existe aucun lien de parenté entre le Bavarois Richard Strauss et les deux Johann Strauss (père et fils), originaires de Vienne (Autriche) et surnommés les rois de la valse.

Richard Strauss, en ce qui le concerne, est le roi de l'orchestration et ce qui a fait sa gloire sont principalement ses poèmes symphoniques et ses opéras.

Il nous laisse une production de 10 poèmes symphoniques, 19 autres compositions orchestrales, 3 ballets, 15 opéras, 18 lieder avec orchestre, 140 lieder avec piano, plusieurs concertos et de la musique de chambre.

La rencontre avec l'écrivain, poète et dramaturge autrichien Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) marquera un tournant décisif dans la carrière du compositeur. Leur correspondance est la plus suivie et la plus éclairante que Strauss ait eue avec ses collaborateurs concernant la genèse de ses œuvres. Les opéras écrits sur un livret de Hofmannsthal sont les suivants : Elektra (1906-08), Le Chevalier à la rose (1909-10), Ariane à Naxos (1912-16), La Femme sans ombre (1914-17), Hélène d'Égypte (1927) et Arabella (1932).

Strauss s'éteint le 8 septembre 1949. Sa femme, Pauline Strauss-De Ahna, ne survécut que six mois à son époux, dont la perte lui fut si douloureuse qu'elle demanda à Georg Solti, après le concert que celui-ci dirigea lors des funérailles et où l'on entendit le trio final du Chevalier à la rose, pourquoi un homme qui avait écrit une telle musique devait un jour mourir.

Je vous ai concocté une sélection de ses poèmes symphoniques, des extraits d'opéras et deux de ses symphonies. On débute avec le célébrissime poème symphonique "Ainsi parlait Zarathoustra" ("Also sprach Zarathustra") par Herbert von Karajan et on termine avec les quatre derniers lieder ("Vier letzte Lieder") par Elisabeth Schwartzkopf.

Voici les liens vers la playlist.


D'autre part, je me suis fixé l'objectif de vous faire découvrir Richard Strauss en 10 albums essentiels.


1895 - Till Eulenspiegel (Till L'Espiègle) Op. 28



Le titre complet de l'oeuvre est "Till Eulenspiegels lustige Streiche", que l'on peut traduire par "Les Plaisantes Farces de Till l’Espiègle" ou "Les Joyeuses Facéties de Till l'Espiègle". Il s'agit d'un poème symphonique composé par Richard Strauss en 1894-1895.

Le personnage de Till vécut dans la première partie du XIVème siècle en Allemagne du Nord, il était né dans une petite ville du Brunswick et devait périr, vers 1350, de la peste. C'est le type même du paysan individualiste, il joua le rôle d'un agitateur et d'un porte-parole des classes rurales. 

Le conte populaire se saisit ensuite du personnage pour lui prêter mille aventures plus ou moins inventées.

Chez Strauss, il est devenu un luron plutôt qu'un authentique révolté, un spécialiste des farces et attrapes, un véritable génie de la provocation. Ainsi il mourra, non plus victime d'une épidémie, mais au gibet tel un vulgaire malfaiteur.

La partition fait preuve d'une virtuosité orchestrale héritée du romantisme, on rappelle que Richard Strauss était un fervent admirateur de Wagner. 

Il s'agit d'un merveilleux conte musical qui est une pièce "à programme", c'est-à-dire qu'elle a pour objectif de décrire les différents situations, en l’occurrence les mésaventures du héros. Cette oeuvre nous fait passer un quart d'heure délicieux et joyeux, car comme l'a écrit Strauss lui-même, il l'a composée: "dans l'intention qu'on pût bien rire, pour une fois, dans une salle de concerts !".

Cela ne fut pas du goût de tout le monde, et je ne résiste pas au plaisir de citer ce qu'en pensait Debussy: "Ce morceau ressemble à une heure de musique nouvelle chez les fous: des clarinettes y décrivent des trajectoires éperdues, des trompettes y sont à jamais bouchées, et les cors, prévenant un éternuement latent, se dépêchent de leur répondre poliment "A vos souhaits !" ... On a envie de rire aux éclats ou de hurler à la mort, et l'on s'étonne de retrouver les choses à leur place habituelle ..."

Pas tendre le père Debussy !!!

Voici ce poème symphonique interprété par Karl Böhm à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. A noter que l'album fournit en couplage deux autres poèmes symphoniques fameux: Don Juan et Ainsi parlait Zarathoustra (une des versions les plus transparentes de l'oeuvre).




1896 - Also sprach Zarathustra (Ainsi parlait Zarathoustra) Op. 30



La scène est culte dans l’histoire du cinéma. Un plan de l’espace parfaitement symétrique, un lever de soleil lent et majestueux, accompagné d’une musique puissante menant progressivement à une explosion glorieuse et lumineuse. La scène d’introduction du film "2001, l’Odyssée de l’espace" de Stanley Kubrick est aujourd’hui inimaginable sans le célèbre poème symphonique de Richard Strauss, Ainsi parlait Zarathustra.

Or, on est assez loin de la science-fiction quand on sait que Richard Strauss a composé ce poème symphonique librement d'après le livre éponyme de Friedrich Nietzsche. 

A l'époque, les gens se sont étonnés que Strauss ose s'approprier la pensée du philosophe, il a donc précisé: "Je n'ai pas voulu écrire de la musique philosophique, ni traduire musicalement la grande oeuvre de Nietzsche. Je me suis proposé de tracer un tableau du développement de la race humaine depuis ses origines ..., jusqu'à la conception nietzschéenne du Surhomme."

Le compositeur met simplement en exergue de sa partition ces vers de l'écrivain: "La musique a trop longtemps rêvé ; nous voulons maintenant nous réveiller. Nous étions des somnambules ; nous voulons devenir des rêveurs éveillés et conscients."

La partition se subdivise en 9 parties enchaînées:
  1. Prélude (lever de soleil): une sorte de portique d'une grandiose solennité. C'est cette introduction que l'on entend dans le film de Kubrick. On notera la présence d'un orgue que l'on perçoit nettement à la fin.
  2. De ceux des arrières-mondes: c'est le domaine des "mondes cachés", des idées religieuses dans lesquelles l'homme cherche une première réponse aux énigmes de l'univers. Mouvement lent.
  3. De l'aspiration suprême: expression de l'élan métaphysique. On y entend le thème de la Nature, et le thème du "Credo" aux cors et à l'orgue.
  4. Des joies et des passions: révolte de l'homme qui revient au monde des passions. Glorification de la vie terrestre, avant la satiété, puis le dégoût (aux trombones).
  5. Le chant du tombeau: l'homme paraît songer à la mort, c'est un chant d'adieu à la vie.
  6. De la science: n'apportant aucune explication de l'univers, la science comme la raison sont à leur tour rejetées. Le sujet est traité en une fugue complexe et austère.
  7. Le convalescent: l'âme se libère du mal et de l'ignorance: le Surhomme se constitue. Riche contrepoint.
  8. Le chant de la danse: le violon solo introduit un rythme de valse "viennoise". Cette ronde de l'univers s'estompe peu à peu et disparaît.
  9. Le chant du voyageur de la nuit: tintement de cloche au plus profond de la nuit. Zarathoustra n'aspire plus qu'à l’Éternité. On entend les thèmes de l'Esprit humain (en si mineur) et de la Nature (en ut majeur). Les derniers accords laissent planer une interrogation.

Au disque, on rencontre la pâte sonore la plus belle dans la version de 1973 d'Herbert von Karajan à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. A noter que l'enregistrement contient également Till L'Espiègle, Don Juan et la danse des sept voiles de Salomé.

En vidéo, j'ai préféré choisir une version live. Voici l'oeuvre interprétée par Mariss Jansons à la tête de l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam.




1897 - Don Quixote (Don Quichotte) Op. 35



Richard Strauss décide d'illustrer le célèbre roman de Cervantès dans un poème symphonique avec violoncelle principal.

Le violoncelle solo incarne le Chevalier à la Triste Figure, et son écuyer Sancho Pança est représenté par un alto. L'oeuvre est composée d'une introduction, d'un thème, de dix variations et d'un finale. En tête de chaque variation, Strauss a indiqué le chapitre du roman dont il s'inspirait, de même que les thèmes qui s'attachent aux protagonistes.

Don Quichotte est une partition pleine d'humanité, tendre et cocasse, d'un profond tragique également.

On peut certainement considérer qu'il s'agit de la composition orchestrale la plus accomplie de Strauss, celle où la pure virtuosité instrumentale n'est jamais gratuite, sans compter ces belles inventions mélodiques et orchestrales: le thème de Dulcinée, celui de l'Idéal, celui de Don Quichotte au violoncelle et le thème de Sancho Pança qui se termine dans l’extrême grave du tuba.  

J'ai été séduit par la version interprétée par Jean-Guihen Queyras au violoncelle, Tabea Zimmermann à l'alto, accompagnés par l'Orchestre du Gürzenich de Cologne dirigé par François-Xavier Roth.

On retrouve les interprètes de ce disque dans la vidéo suivante:




1903 - Sinfonia Domestica Op. 53


Il s'agit de la seconde œuvre d'inspiration autobiographique du musicien, écrite peu après Une vie de héros de la même veine. Elle est dédiée à sa femme et à son fils, Franz.

D'ailleurs Richard Strauss a écrit lui-même: "Je ne vois pas pourquoi je n'écrirais pas une symphonie sur moi-même. Je me trouve aussi intéressant que Napoléon ou Alexandre le Grand."

Sa femme, Pauline de Ahna, se fait rapidement une réputation pour son caractère coriace, autant avec son mari qu’avec ses amis et ses invités. Elle surveille de près les dépenses, la santé et l’alimentation de son mari, et le gronde lorsqu’elle le trouve oisif. Malgré sa nature stricte, Strauss trouvera en Pauline de Ahna une muse idéale. Soprano talentueuse, elle ouvre les yeux de son mari au potentiel de la voix féminine. Elle sera toujours incluse dans ses œuvres autobiographiques.

La structure de sa Sinfonia Domestica est inhabituelle, avec cinq parties de taille très inégale, s'apparentant sans doute plus à un poème symphonique de grande ampleur qu'à une symphonie traditionnelle. Strauss en parle d'ailleurs en employant à plusieurs reprises ce premier terme.

Le côté « domestique » contraste avec la particulière richesse de l'orchestration dont est coutumier Strauss. Il décrit l'atmosphère familiale sereine à trois, avec ses moments de tendresse et de disputes.

La première a lieu le 21 mars 1904 au Carnegie Hall de New York avec le Wetzler Symphony Orchestra sous la direction du compositeur. Anecdotiquement, les représentations suivantes eurent lieu dans le hall d'un grand magasin de la cité américaine.

Il s'agit d'une composition pleine d'élan, en perpétuel rebondissement, elle exprime un dialogue permanent entre les personnages grâce à une pulsation variée. Dans tous les cas, il s'agit d'une partition qui mériterait plus de reconnaissance.

J'ai sélectionné la version de 1973 de Karajan qui m'accompagne depuis toujours.



1905 - Salomé Op. 54



Strauss connaît un succès éclatant sur la scène lyrique grâce à Salomé, drame en un acte d'après la pièce d'Oscar Wilde. Son style ne renonce pas à l'orientalisme, à une sensualité exacerbée et à l'expression de sentiments d'une extrême violence par un langage qui se situe parfois aux limites de l'atonalité.

L’orchestration généreuse, dans laquelle interviennent orgue, harmonium et percussions, s’inscrit dans la ligne tracée par Wagner, autant que l’utilisation systématique du leitmotiv. 

Il s'agit d'une musique envoûtante qui raconte l'épisode biblique du pouvoir corrompu d'Hérode qui a fait prisonnier Saint Jean-Baptiste (appelé Jochanaan dans l'opéra). La princesse Salomé est la belle-fille d'Hérode, pour laquelle il a un désir coupable. C'est une beauté dangereuse, dont le mélange de naïveté et de perversité verse peu à peu un goût de sexe et de sang sur l’opéra.

Un des sommets de l'opéra est la Danse des Sept voiles, au cours de laquelle Salomé se dévêt peu à peu pour terminer totalement nue, sous les regards lubriques d’Hérode. Tous les degrés de ses fantasmes se coulent dans l’orchestre moite et luxuriant de Strauss.

Hérode exulte, prêt à tout pour récompenser Salomé d’avoir ainsi dansé. Sur un ton parfaitement naïf, Salomé lui réclame alors… la tête de Jochanaan ! Hérode refuse d’emblée et lui propose toutes ses richesses, voire même la moitié de son royaume, plutôt que ce caprice insensé ! Mais rien n’y fait. Salomé s’obstine et exige son dû : la tête du prophète sur un plateau d’argent. Acculé, car tenu par son serment, Hérode n’a d’autre choix que de s’exécuter. Il envoie un bourreau dans la prison de Jochanaan.

Salomé a obtenu la tête de Jochanaan. Après un monologue adressé à la tête en sang du prophète, elle atteint le comble de la jouissance lorsqu’elle la saisit et embrasse à pleine bouche ses lèvres mortes. Horrifié, Hérode ordonne la mise à mort de Salomé, que les soldats écrasent en un éclair sous leurs boucliers.

Au disque, la soprano Cheryl Studer incarne parfaitement cette princesse adolescente et perverse, sous la direction passionnée de Giuseppe Sinopoli.

En vidéo, voici la Danse des Sept Voiles interprétée par la soprano suédoise Malin Byström qui sait également danser. Une scène exotique, sensuelle et provocante.




1909 - Elektra Op. 58


Elektra de Richard Strauss est l’œuvre lyrique la plus violente, la plus déchaînée et la plus sombre de tout le répertoire lyrique. 

L’argument est tiré de la pièce éponyme de Sophocle remanié par Hugo von Hofmannsthal. 

Avec son amant Egisthe, Clytemnestre a assassiné son mari Agamemnon. Leur fille Elektra (Electre) dans une démence hystérique s’est plongée dans un abîme de revanche et elle attend le retour de son frère Oreste - qui s’est fait passer pour mort - pour qu’il soit la main du meurtre du couple criminel. 

Sa sœur Chrysothémis tente de la ramener à la raison mais cet appel se fracasse contre le mur de la folie d’Elektra. Après le double assassinat commis dans un fracas épouvantable, Elektra se lance dans une danse sauvage et sa vengeance accomplie, meurt. 

L'accueil de la 1ère représentation à Dresde le 25 janvier 1909 fût plutôt tiède ! Mais depuis plus d’un siècle, Elektra constitue un jalon majeur du répertoire lyrique, marqué par les plus grands artistes.

Au disque, j'ai choisi la version dirigée par Giuseppe Sinopoli, avec Alessandra Marc dans le rôle d'Elektra et l'excellente Deborah Voigt dans le rôle de Chrysothémis.

En vidéo, voici le finale de l'opéra avec Hildegarde Behrens dans le rôle d'Elektra et Deborah Voigt dans celui de Chrysothémis, au Metropolitan Opera en 1994. Une scène d'une rare intensité qui me donne toujours des frissons.




1911 - Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la Rose) Op. 59


Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose en français) est un opéra en trois actes composé par Richard Strauss, sur un livret de Hugo von Hofmannsthal, dédié à Harry Kessler d'après "Les Amours du chevalier de Faublas" de Jean-Baptiste Louvet de Couvray.

L'action se situe à Vienne, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Alors que la Maréchale se réveille d’une nuit passionnée avec son jeune amant Octavian, son cousin le Baron Ochs vient la déranger pour lui annoncer ses fiançailles avec la jeune Sophie : il faut, selon les traditions, qu’un chevalier aille porter à la fiancée une rose d’argent avant le mariage. 

Octavian est choisi pour être le porteur de la rose. Toutefois, lorsqu’il vient présenter cette rose à Sophie, les deux jeunes gens succombent à un coup de foudre immédiat. Désormais, Sophie n’est plus guère pressée d’épouser Ochs, aussi pleutre et grossier que prompt à s’encanailler avec la première femme de chambre venue. 

Octavian organise un piège pour le Baron Ochs. Celui-ci, surpris en galante compagnie, n’aura plus qu’à renoncer à ses noces, et à s’effacer devant l’amour solaire de Sophie et Octavian.

Le sommet de l'opéra est le trio final:  la Maréchale est restée seule avec Sophie et Octavian. Le jeune homme ne sait que dire mais la Maréchale a déjà compris que le jour qu'elle redoutait est arrivé. Elle conduit Sophie vers Octavian et se retire. Les deux jeunes gens, restés seuls, chantent leur bonheur.

La version de référence de cette oeuvre reste pour moi celle interprétée par Elisabeth Schwarzkopf (La Maréchale), Otto Edelmann (Ochs), Christa Ludwig (Octavian), Teresa Stich-Randall (Sophie), Eberhard Wächter (Faninal), avec le Philharmonia Orchestra dirigé par Herbert von Karajan, chez EMI classics, publié en 1956.

A noter, qu'en 1945, Strauss autorise la publication d'une Suite tirée de son opéra, mais n'est apparemment pas impliqué dans l'arrangement de celle-ci. Le chef Artur Rodziński en serait à l'origine et la dirige même une première fois en octobre 1944 à la tête de l'Orchestre philharmonique de New York. De nos jours, elle est régulièrement programmée au concert.

J'ai sélectionné la version de Manfred Honeck de cette suite, pour ceux qui sont intéressés par la partie orchestrale de l'oeuvre, et les célèbres valses dans l'esprit viennois. (L'album contient également la suite de l'opéra Elektra).



Voici le merveilleux finale de l'opéra dans une distribution de rêve: Elisabeth Schwarzkopf (La Maréchale), Anneliese Rothenberger (Sophie), Sena Jurinac (Octave), donné au Festival de Salzbourg 1960, grand palais, avec le Wiener Philharmoniker dirigé par Herbert von Karajan.




1915 - Eine Alpensinfonie (Une symphonie alpestre) Op. 64



A l'époque où Strauss est complètement investi par ses œuvres théâtrales, la symphonie alpestre apparaît comme une parenthèse.

C'est l'évocation musicale d'une journée passée dans les Alpes bavaroises. Cette oeuvre est plus proche d'un poème symphonique - elle est d'une seule coulée - que d'une véritable symphonie.

Le programme de la symphonie est le suivant: nuit, lever du soleil, ascension, sur les cimes, descente, et enfin retour de la nuit.

On y décèle une soixantaine de motifs dont certains très éphémères.

Souvent sous-estimée, cette symphonie présente une certaine grandeur, et nous offre dans la partie "Gewitter und Sturm" ("Orage et Tempête") la tempête la plus longue et la plus tonitruante de toute l'histoire de la musique.

Dans ce déchaînement orchestral on ne peut rêver meilleur interprète que Herbert von Karajan à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Berlin (dans une version de 1981). A noter que la scène de la tempête se trouve vers 35 minutes.



 

1919 - Die Frau ohne Schatten (La Femme sans Ombre) Op. 65



Après Elektra, Le Chevalier à la rose et Ariane à Naxos, la nouvelle collaboration entre Richard Strauss et Hugo von Hoffmannstahl raconte l'histoire d'une Impératrice sans ombre, fille du Roi des esprits, qui abandonne son héritage divin pour donner naissance à un enfant. 

La fille du Roi des Esprits est devenue la femme de l’Empereur des îles du sud-est au prix de la perte de ses dons magiques mais elle n’a pas réussi à acquérir une ombre, qui serait le signe tangible de sa nouvelle appartenance au monde des humains. 

Le père de l’Impératrice lui fait savoir qu’il lui reste trois jours pour parvenir à projeter une ombre, sinon, son époux sera changé en pierre et elle devra rejoindre le monde des esprits. Dès lors, l’Impératrice est prête à tout pour se procurer une ombre, promesse d’humanité et de fertilité. 

Sa fidèle nourrice lui promet de la conduire vers le monde des humains où il lui sera possible d’en négocier une auprès de la femme insatisfaite du pauvre teinturier Barak. La Nourrice usant de sortilèges parvient à convaincre la femme de Barak de céder son ombre mais au dernier moment, l’Impératrice, touchée par le malheur qui attend le couple ensorcelé, renonce à son propre bonheur pour les sauver.

Par ce renoncement, elle devient enfin humaine, rompant la malédiction qui pesait sur les deux couples dont les voix fusionnent dans un quatuor célébrant l’amour conjugal et la fécondité.

Avec son fini instrumental et sonore et une distribution au sommet, la version de Georg Solti s'impose. On y retrouve Julia Varady, l'impératrice, Placido Domingo, l'empereur, Hildegarde Behrens, la femme de Barak et José van Dam dans le rôle de Barak.

Voici, en extrait, l'Acte II Scene II où l'empereur s'entretient avec le faucon.



1948 - Vier Letzte Lieder (Quatre Derniers Lieder)



On s’intéresse souvent aux derniers mots des grandes figures de l'histoire, mais qu’en est-il des dernières notes des compositeurs ?
 
À peine un an avant sa mort, à l’âge de 84 ans, Richard Strauss compose ses Vier letzte lieder (Quatre derniers lieder). Il prévoit d’abord de composer un cycle de cinq lieder mais le projet reste inachevé. Il compose cependant quatre lieder qui sont, après sa mort, réunis par son éditeur en un seul volume, intitulé "Quatre derniers lieder".

Le dernier des quatre lieder, "Im Abendrot" ("Au coucher du soleil"), nous parle, tel le chant du cygne, des dernières pensées du compositeur mises en musique. Inspiré du poème éponyme de Joseph Freiherr von Eichendorff, le lied exprime les derniers moments d'un couple âgé qui admire le coucher du soleil et se demande si cela ne serait pas la mort :

Dans la peine et la joie / Nous avons marché main dans la main; / De cette errance nous nous reposons / Maintenant dans la campagne silencieuse.
Autour de nous les vallées descendent en pente, / Le ciel déjà s’assombrit; / Seules deux alouettes s’élèvent, / Rêvant dans la brise parfumée.
Approche, laisse-les battre des ailes; / Il va être l’heure de dormir; / Viens, que nous ne nous égarions pas / Dans cette solitude.
Ô paix immense et sereine, / Si profonde à l’heure du soleil couchant / Comme nous sommes las d’errer / Serait-ce déjà la mort ?

Toutes les grandes interprètes de Strauss se sont mesurées à ces quatre derniers lieder: Lisa Della Casa, Gundula Janowitz, Lucia Popp, Jessye Norman, Kiri Te Kanawa, Felicity Lott, Renée Fleming et nous ont livré de remarquables versions, mais toutes se mesurent à l'aune de la version d'Elisabeth Schwarzkopf accompagnée par George Szell à la tête de l'Orchestre Symphonique de la radio de Berlin.

Voici le lied final "Im Abendrot" par Elisabeth Schwarzkopf.



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