dimanche 19 avril 2020

Mahler (Gustav)

Gustav Mahler


Gustav Mahler


Gustav Mahler, né le 7 juillet 1860 à Kaliste en Bohème et mort à Vienne le 18 mai 1911, est un compositeur autrichien. Il fit ses études au conservatoire de Vienne.

Il a mené toute sa vie une double carrière de compositeur et chef d'orchestre. Après avoir dirigé dans de petites villes, il devient chef dans les villes suivantes: Prague (1885-1886), Leipzig (1886-1888), Budapest (1888-1891) et Hambourg (1891-1897). Enfin, en 1897, il devient directeur de l'opéra de Vienne ce qui est le couronnement de sa carrière.

En 1902, il se marie avec Alma Schindler, avec laquelle il aura deux filles. Son activité de chef d'orchestre ou de directeur de l'opéra ne lui laisse pas beaucoup de temps pour composer. Il composera surtout durant les mois d'été.

Il a écrit, somme toute, un nombre peu élevé d’œuvres, par contre il faut considérer combien ces œuvres sont denses et souvent très longues.

Voici la liste de ses compositions:
  • 10 Symphonies, dont la dixième est inachevée (seul l'adagio initial est complet)
  • Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre) souvent considéré comme une onzième symphonie, tout en étant un cycle de 6 lieder orchestraux
  • Das klagende Lied (1878-1880) 
  • Lieder eines fahrenden Gesellen (1883-1885)
  • Lieder aus Des Knaben Wundenhorn (1888-1889)
  • Rückert-Lieder (1901-1902)
  • Kindertotenlieder (1901-1904)
Mahler a révolutionné la symphonie par l'ampleur de ses développements, l'utilisation d'énormes effectifs (avec par exemple la symphonie No. 8 dite "Des Mille" puisqu'elle réclame environ 1000 exécutants), une très grande richesse de timbres, l'utilisation d'instruments inusités et d'une percussion très fournie, qui marquera d'ailleurs l'ouverture d'une classe de percussions à Vienne, et enfin des libertés de plus en plus grandes prises avec l'harmonie et la tonalité qui annoncent l'arrivée d'Arnold Schönberg et de la seconde école de Vienne.

Dans ma sélection j'ai fait un choix: j'ai souhaité vous parler en particulier des Symphonies et du cycle "Das Lied von der Erde" qui sont mes œuvres préférées.

D'autre part, n'étant pas musicologue, je n'ai pas choisi de rentrer dans le détail compositionnel de ces œuvres (des livres entiers ont été écrits sur le sujet), mais par contre je me propose d'associer à chaque oeuvre un tableau, et d'expliquer pourquoi j'ai choisi cette association. Je me propose également de vous donner mes versions préférées au disque et sur Youtube.

D'une façon générale, en ce qui concerne les symphonies, je vous recommande les intégrales suivantes: Claudio Abbado, Eliahu Inbal, Michael Gielen et Leonard Bernstein.

Je vous ai concocté une playlist des principales œuvres de Mahler: dans ma sélection figurent de larges extraits de ses 10 symphonies, j'ai choisi les mouvements qui me semblent les plus représentatifs de l'art de Mahler.

J'ai ensuite sélectionné une œuvre méconnue du compositeur: son quatuor avec piano. Enfin, la playlist se termine par une anthologie de lieder et de musique vocale avec des extraits de: Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre), Das klagende Lied (La Complainte), Des Knaben Wunderhorn (Le Cor enchanté de l'Enfant), Lieder eines fahrenden Gesellen (Les Chants du compagnon errant), Rückert-Lieder (Lieder sur des textes de Friedrich Rückert) et Kindertotenlieder (Chants pour des enfants morts).



Symphonie No. 1 "Titan"

Théodore Rombouts - Prométhée

Pour illustrer cette symphonie j'ai choisi le héros Prométhée, qui pour avoir donné le feu aux hommes, fut condamné par Zeus à avoir le foie dévoré continuellement par un aigle. Ce tableau rappelle le thème principal de la symphonie qui évoque un héros qui cherche la délivrance. Cela est particulièrement bien illustré dans le 3ème mouvement de la symphonie où l'on peut entendre la chanson "Bruder Martin" ("Frère Jacques") en mineur, et lors duquel Mahler apparaît sous des aspects tantôt parodiques, tantôt démoniaques.

Au disque, ma version préférée est celle de François-Xavier Roth dirigeant l'ensemble Les Siècles: une version d'une très grande lisibilité.

En voici le premier mouvement:




Symphonie No. 2 "Résurrection"

Paolo Véronèse - La résurrection du Christ
La Symphonie No. 2 de Mahler est sous-titrée "Résurrection", en effet le dernier mouvement utilise le poème "Die Auferstehung" ("La Résurrection") de Friedrich Gottlieb Klopstock. Il s'agit d'une oeuvre grandiose avec soprano, contralto et un choeur. Le mouvement final baigne dans un sentiment d'exaltation que reflète exactement le tableau de Véronèse avec l'aura qui entoure le Christ.  

Mahler dirige la première audition de cette symphonie à Berlin en 1895. Sa sœur Justi est présente ; elle écrit : « On aura peine à revivre une telle intensité dans l’enthousiasme. J’ai vu pleurer des hommes adultes […] Lorsque le chœur s’est fait entendre pour la première fois, un souffle s’est exhalé de toutes les poitrines. L’effet était indescriptible ! »

Au disque: je recommande la version de Michael Gielen à la tête du SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, avec Juliane Banse, soprano, Cornelia Kallisch, contralto et l'EuropaChorAkademie. Une grande version comme toute l'intégrale de Gielen, d'une grande homogénéité.

En vidéo, je sélectionne la version de Claudio Abbado.






Symphonie No. 3

Paul Cézanne - Intérieur de Forêt

La Symphonie No. 3 de Mahler exprime le triomphe de la nature. J'ai choisi ce tableau de Cézanne qui exprime à mon avis le côté brut et sauvage de la nature qui est particulièrement bien illustré dans le 1er mouvement de la symphonie qui est un monde à lui tout seul.

Au disque: j'ai choisi la version d'Eliahu Inbal à la tête du Radio Sinfonie Orchester Frankfurt. Une version qui m'accompagne depuis des années et avec laquelle j'ai découvert cette symphonie.

En vidéo, j'ai choisi la version dirigée par Claudio Abbado, qui nous a laissé de nombreux témoignages de son excellence dans Mahler. Il est accompagné par Anna Larsson, contralto, le Arnold Schoenberg Chor, le Tolzer Knabenchor et le Lucerne Festival Orchestra.



Symphonie No. 4

Henri Matisse - La Danse

Afin d'illustrer la Symphonie No. 4 de Mahler, qui est certainement la symphonie la plus rayonnante du compositeur, j'ai choisi "La Danse" de Matisse car elle illustre le côté festif du 4ème mouvement de la symphonie où intervient la mezzo-soprano qui chante un air tiré de "Aus Des Knaben Wunderhorn" (du recueil "Le cor enchanté de l'enfant"). L'air s'intitule "Das himmliche Leben" ("La vie céleste"), en voici le premier paragraphe:


Nous goûtons les joies célestes,
détournés des choses terrestres.
Du ciel on n'entend guère
le tumulte du monde !
Tout vit dans la plus douce paix !
Nous menons une vie angélique !
Mais quelle n'est pas notre gaieté!
Nous dansons et bondissons,
nous gambadons et chantons !
Et Saint Pierre, en ces lieux, nous regarde !

Au disque, je recommande la version dirigée par Eliahu Inbal et chantée par Helen Donath qui est parfaite.

En vidéo, je choisis la version dirigée par Claudio Abbado avec Magdalena Kožená, mezzo-soprano et le Lucerne Festival Orchestra:



Symphonie No. 5

Bernardo Bellotto - Le Grand Canal à Venise

La Symphonie No. 5 contient certainement le mouvement le plus connu, le célèbre "Adagietto" qui a été utilisé par Luchino Visconti pour son film "Mort à Venise". Et comment ne pas choisir un tableau de Venise pour illustrer cette symphonie, Venise qui est certainement une des grandes villes de la musique. J'ai choisi un tableau de Bernardo Bellotto (le neveu du grand Canaletto), car j'ai trouvé que les bleus utilisés ici exprimaient la beauté profonde et classique de l'Adagietto.

Au disque: je recommande deux versions (que je n'ai pas réussi à départager) celle de Claudio Abbado à la tête du Berliner Philharmoniker et celle de Michael Gielen.

En vidéo, il n'y a pas de concurrence, c'est toujours la version de Claudio Abbado à la tête du Lucerne Festival Orchestra qui s'impose par sa délicatesse (écoutez la harpe dans l'Adagietto!) :




Symphonie No. 6 "Tragique"

Jacques-Louis David - Léonidas aux Thermopyles

On a voulu voir dans cette symphonie, probablement la plus sombre de Mahler, une sorte de prémonition. En effet, dans le dernier mouvement, le héros que la musique évoque reçoit trois coups du destin, dont le dernier l'abat comme un arbre. Ces trois coups sont frappés par un marteau, instrument très rarement utilisé. D'aucuns y ont vu comme une anticipation de l'année 1907, horrible année pour Mahler: il perd son poste à l'opéra de Vienne suite à une cabale, sa fille âgée de 4 ans meurt de la scarlatine, enfin on lui annonce qu'il a une maladie de cœur incurable. 

Afin d'évoquer un héros inéluctablement terrassé, j'ai choisi le tableau de David qui illustre le roi de Sparte Léonidas, lors de la fameuse bataille des Thermopyles où avec seulement 300 spartiates et 700 soldats de Thespies, il fait face à l'armée perse de Xerxès, dont les estimations varient entre 70 000 et 300 000 soldats.

Au disque, je choisis encore la version de Michael Gielen.
En vidéo, la version de Claudio Abbado s'impose encore:



Symphonie No. 7 "Chant de la Nuit"

Vincent Van Gogh - La Nuit Etoilée

La Symphonie No. 7 de Mahler est certainement celle dont la facture est la plus moderne, ce qui lui a longtemps été préjudiciable. Néanmoins, elle est d'une sombre beauté, à mi-chemin entre romantisme et modernité. Son ambiance nocturne et son modernisme me la fait spontanément associer à "La Nuit Etoilée" de Van Gogh. Notamment, je retrouve dans le rondo-finale le côté virevoltant que l'on peut observer dans les tournoiements du ciel du tableau.

Au disque, je continue de sélectionner pour cette symphonie la version de Gielen.
En vidéo, je continue également de choisir la version Abbado:




Symphonie No. 8 "Des Mille"

Jean Brunet (1849-1917), La Nuit du Sabbat (d'après le "Faust" de Goethe)

La Symphonie No. 8 de Mahler est certainement une des symphonies les plus monumentales de la musique (avec la Symphonie Gothique de Havergal Brian), puisqu'elle demande pas loin de mille exécutants, dont 850 choristes.

La symphonie se divise en deux grandes parties:

Hymnus : Veni Creator Spiritus, Allegro Impetuoso
Schluss Szene aus « Faust » [Scène Finale de « Faust »] Poco Adagio, etwas bewegter

Mahler a choisi d'illustrer dans la deuxième partie de sa symphonie (qui constitue la plus grande partie de celle-ci) la scène finale du Second Faust de Goethe: dans cette scène finale, Méphistophélès veut prendre l'âme de Faust. Mais celui-ci n'est pas damné, et sauvé de l'enfer grâce aux prières de Marguerite. Le dernier vers conclut: "l'éternel féminin nous élève". C’est donc bien Marguerite qui sauve Faust de l’emprise de Méphistophélès.

J'ai trouvé très évocateur le tableau sombre et triste de Jean Brunet. Il ne faut pas oublier que Marguerite est une pénitente: le tableau évoque la mélancolie, mais également la pureté du personnage à qui Faust devra son salut. On retrouve cette pureté dans le choeur final de la symphonie.

Au disque, j'ai sélectionné la version très inspirée de Leonard Bernstein à la tête du Wiener Philharmoniker.

En vidéo, j'ai également choisi Leonard Bernstein qui sait divinement bien rendre toute la ferveur de la partition. Leonard Bernstein est accompagné d'un plateau de choix: the Vienna Philharmonic Orchestra, the Vienna State Opera Chorus, the Vienna Boys Choir, Edda Moser (soprano), Judith Blegen (soprano), Gerti Zeumer (soprano), Ingrid Mayr (contralto), Agnes Baltsa (contralto), Kenneth Riegel (ténor), Hermann Prey (baryton) and Jose Van Dam (basse). Le finale nous laisse sans voix:




Symphonie No. 9

Harald Engman - Danse Macabre

La Symphonie No. 9 est une oeuvre sombre, qui fait partie des trois dernières oeuvres du musicien (avec la dixième et le Chant de la Terre). Elle exprime en fin de compte le triomphe de la mort, Mahler en fait l'amer constat et l'exprime dans le déchirement de l'adagio final. Mais c'est plus le troisième mouvement, le fameux Rondo-Burleske, que j'ai voulu illustrer avec ce tableau macabre d'Harald Engman, car ce mouvement exprime à merveille la désillusion du compositeur dans une musique sardonique et démoniaque.

Au disque: des nombreuses versions écoutées au disque, je continue de sélectionner pour cette symphonie la version de Michael Gielen.
En vidéo: vous ne serez pas surpris, par le fait que je choisis encore la version d'Abbado: à la toute fin de l'adagio, Abbado réussit à faire garder le silence à tout le public pendant 1 minute 30. En effet, après un finale aussi beau et terrible il est vraiment difficile de rompre le silence. J'ai rarement vu quelque chose d'aussi impressionnant:




Symphonie No. 10

Gustav Klimt - Le Baiser

Cette symphonie ne fut pas terminée par Gustav Mahler. Il laissa uniquement l'adagio initial complètement terminé, par contre il existe des esquisses pour les autres mouvements. Nous devons au compositeur et musicologue Deryck Cooke d'avoir rendu la partition complète exécutable. La version finale est constituée de 5 mouvements.

Je ne pouvais pas terminer la revue des symphonies de Mahler sans en associer au moins une à l'autre grand Gustav de l'époque: Gustav Klimt, le représentant de l'Art Nouveau et l'exact contemporain de Mahler.

J'ai non seulement choisi un peintre représentatif de l'époque, mais également son oeuvre la plus emblématique: "Le Baiser", et comment mieux associer un tableau à cette symphonie à la musique passionnée, qui exprime tout l'amour de Gustav Mahler pour Alma, même si leur situation conjugale était compliquée.

Au disque: ma version préférée est celle de Michael Gielen, même si j'ai tendance à considérer que la version de Simon Rattle est également excellente.
Sur Youtube, j'ai d'ailleurs choisi la version de Simon Rattle (en version audio) qui me semble être la meilleure disponible:




Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre)

Leng Mei - Banquet d'une soirée de printemps

Je termine cette sélection avec une oeuvre qui est à mi-chemin entre une symphonie et un cycle de six lieders. Les six poèmes utilisés dans cette œuvre sont des adaptations par Hans Bethge de poèmes chinois dont la plupart sont l'oeuvre de Li Bai (ou Li Po) qui vécut au VIIIème siècle.

Ces six poèmes sont:

Das Trinklied vom Jammer der Erde (« Chanson à boire de la douleur de la terre »), poème de Li Bai
Der Einsame im Herbst (« Le Solitaire en automne »), poème de Qian Qi
Von der Jugend (« De la jeunesse »), poème de Li Bai
Von der Schönheit (« De la beauté »), poème de Li Bai
Der Trunkene im Frühling (« L’Ivrogne au printemps »), poème de Li Bai
Der Abschied (« L’Adieu »), poèmes de Meng Haoran et Wang Wei 

J'ai choisi pour illustrer ce cycle une peinture de Leng Mei (peintre chinois fin XVIIe, début XVIIIe siècle), car son tableau cite un poème de Li Bai. La musique de Mahler n'est pas tout à fait orientalisante, mais l'évocation de l'orient n'est pas très loin.

Au disque: la version de référence est celle dirigée par Bruno Walter en 1952, avec Kathleen Ferrier, contralto et Julius Patzak, ténor. Dans les versions plus récentes je retiens celle d'Eliahu Inbal, avec Jard van Nes, contralto et Peter Schreier, ténor.

En vidéo: j'ai retenu les vidéos de Jonas Kaufmann dirigé par Abbado, qui me semble être la meilleure version actuelle. Pour le poème final "L'Adieu", j'ai choisi la version d'Anna Larsson dirigée par Bernard Haitink.


Jonas Kaufmann - Das Trinklied vom Jammer der Erde


Jonas Kaufmann - Der Trunkene im Frühling


Anna Larsson - Der Abschied





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire