dimanche 1 mai 2022

Roussel (Albert)

 

Albert Roussel


Albert Roussel


Albert Roussel est un compositeur français, né à Tourcoing le 5 avril 1869 et mort à Royan le 23 août 1937.

Il est admis à l'École navale en 1887 et sert quelques années dans la Marine nationale. Il naviguera beaucoup et ses nombreux voyages seront une source d'inspiration pour ses œuvres musicales.

Il enseigne le contrepoint à la Schola Cantorum entre 1902 et 1913. Son influence sur les jeunes musiciens de l'entre-deux guerres qui le considéraient comme un chef de file est capitale.

Bien qu'influencé au début de sa carrière par Claude Debussy et Vincent d'Indy, son professeur d'orchestration, Roussel fit preuve assez vite d'une grande originalité. Sa musique se distingue par le raffinement de l'harmonie, les audaces rythmiques et la richesse du coloris toujours au service d'une musique pure libérée de tout pittoresque ou de références folkloriques. 

Il a laissé entre autres des mélodies, de la musique de chambre, diverses pièces pour piano, deux concertos (pour piano et pour violoncelle), quatre symphonies (la troisième, en sol mineur, est considérée comme l'un des chefs-d'œuvre du genre), les ballets Le Festin de l'araignée, Bacchus et Ariane et Aeneas. L'opéra-ballet Padmâvatî et le triptyque symphonique avec solistes et chœur Évocations furent inspirés par son voyage de noces aux Indes.

Il est enterré dans le petit cimetière marin de Varengeville-sur-Mer, près de Dieppe (Seine-Maritime) avec son épouse Blanche Preisach (15 mars 1880 - 6 février 1962). Son tombeau, sculpté par Marcel Gaumont porte l'inscription suivante : "C'est en face de la mer que nous finirons nos existences et que nous irons dormir pour entendre encore au loin son éternel murmure ..."

Sa musique ne se laisse pas facilement apprivoiser, je pense que cela est du à son extrême complexité, mais après plusieurs écoutes, si on a la patience, on peut ressentir de grandes émotions, notamment en écoutant ses merveilleux ballets "Le Festin de l'Araignée" et "Bacchus et Ariane". Ce qui caractérise Albert Roussel c'est cette fabuleuse maîtrise de l'orchestre et en ce qui concerne la musique de chambre c'est ce métier et ces coloris hérités de César Franck et Claude Debussy.

Je vous invite à découvrir ce compositeur atypique à travers 10 œuvres que j'ai sélectionnées. Les œuvres sont classées par ordre chronologique de fin de composition.


1902 - Trio pour piano et cordes Op. 2



Il s'agit d'une œuvre de relative jeunesse, le compositeur ayant commencé assez tard sa carrière de musicien. Elle a été écrite alors que Roussel était l'élève de Vincent d'Indy à la Schola Cantorum. La même année, il en devint enseignant.

Il s'agit de la première œuvre de musique de chambre du musicien qui avait auparavant écrit quelques pièces vocales et pour piano.

La première en a été donnée le 14 avril 1904 à Paris. La partition en a été révisée en 1927.

L'œuvre comporte trois mouvements et son exécution demande environ une demi-heure.
  1. Modéré, sans lenteur – Très animé: se caractérise par une douce atmosphère.
  2. Lent: sombre méditation d'une âme inquiète.
  3. Très lent – Vif et gaiement: mouvement plein d'élan et d'une joie presque enfantine.
Au disque, je vous recommande le coffret de Brilliant Classics qui fournit en 3 CDs l'intégrale de la musique de chambre de Roussel. On notera au passage la très belle pochette de l'album qui utilise un tableau de Renoir, "La Seine à Champrosay".

Le trio Op. 2 est interprété par Jet Röling, piano, Jean-Jacques Kantorow, violon et Herre-Jan Stegenga, violoncelle.








1906 - Symphonie No. 1 "Le Poème de la Forêt" Op. 7



La Symphonie no 1 en ré mineur op. 7, sous-titrée "Le Poème de la Forêt", a été composée de 1904 à 1906 par Albert Roussel. Il s'agit de la première de ses quatre symphonies. Elle est dédiée à Alfred Cortot et fut créée à Bruxelles le 22 mars 1908 sous la direction de Sylvain Dupuis.

Ses quatre mouvements reprennent le cycle des saisons. L'œuvre fait partie de sa période 1902-1913 d'inspiration impressionniste qui culmine avec son Festin de l'araignée.
  1. Prélude - Forêt d'hiver: Le hautbois expose un thème d'une grande mélancolie.
  2. Allegro - Renouveau: Atmosphère champêtre et lyrique d'une belle grâce mélodique soutenue par différents pupitres avec un épisode poétique mettant au premier plan les flûtes et les hautbois.
  3. Adagio - Soir d'été: Page d'une calme douceur initiée par le violoncelle et le cor. La coda offrant au violon solo de belles couleurs crépusculaires.
  4. Finale - Faunes et dryades: Alternance d'exubérance rythmique et de pauses agrestes dominées par les bois. Préfiguration de la "bacchanale" de Bacchus et Ariane. La fin du mouvement fait réapparaître les teintes assourdies du thème initial de la "Forêt d'hiver".
Son exécution demande un peu plus d'une demi-heure environ.

J'ai sélectionné au disque et sous Youtube la version interprétée par Charles Dutoit et l'Orchestre National de France qui retranscrit parfaitement l'atmosphère champêtre de cette partition.




1912 - Le Festin de l'Araignée Op. 17




Le Festin de l'araignée opus 17 est un ballet-pantomime d'Albert Roussel, sur un argument de Gilbert de Voisins et une chorégraphie de Léo Staats.

Commandé par le Théâtre des Arts en 1912, il s'inspire des Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre. Plutôt symboliste, le ballet se concentre sur l'arrivée des insectes servant de repas à la fameuse araignée. Il est créé le 3 avril 1913 à Paris.

C'est l'une des œuvres les plus jouées de Roussel et un de ses chefs-d'oeuvre.

Roussel en a tiré des fragments symphoniques qui sont les suivants:
  1. Prélude: décrivant le jardin ensoleillé, avec un accompagnement délicat de la flûte.
  2. Entrée des fourmis: musique militaire ayant le caractère d'une mécanique implacable.
  3. Danse du papillon: musique légère et enjouée, tandis que suit soudain son agonie douloureuse sous l'étreinte de l'araignée illustrée par des stridences aux vents.
  4. Éclosion de l'éphémère: musique délicate et sautillante aux vents, en particulier le hautbois.
  5. Danse de l'éphémère: écriture allègre et transparente, danse effrénée, avec les timbres du célesta, de la harpe et du violon solo.
  6. Funérailles de l'éphémère: sentiment poignant de désolation, doublure du cor anglais et de la clarinette.
  7. La nuit tombe sur le jardin solitaire: le calme et la tranquillité reviennent dans un clair de lune baigné de sérénité
La partition de Roussel est pleine de délicatesse, de finesse et de subtilité et c'est ce qui en fait sa grande valeur.

Au disque je vous propose la version de Stéphane Denève qui met en exergue toutes les qualités de cette partition. A noter que Stéphane Denève s'est fait un ardent propagateur de la musique d'Albert Roussel au disque. Est-ce parce que, comme le compositeur, il est natif de Tourcoing ?

Le disque propose un excellent couplage avec les suites orchestrales de Padmâvatî.

Sur Youtube, j'ai choisi la version live des fragments symphoniques dirigée par Barbara Hannigan.




1924 - Sonate pour piano et violon No. 2 Op. 28



Cette sonate a été composée en 1924 et dédicacée au compositeur Guy Ropartz. La création en a été faite le 25 octobre 1925 par Asselin et Caffaret.

On note qu'elle est appelée "pour piano et violon" et non l'inverse comme il est de tradition, ceci probablement pour insister sur l'équivalence des deux parties.

Cette sonate est en trois mouvements:
  1. Allegro con moto: ce mouvement est composé d'un thème-cri d'une passion incandescente et d'une mélodie langoureuse proche du jazz.
  2. Andante: après un début austère, on assiste à une progression dramatique au souffle immense avant un retour à l'apaisement.
  3. Presto: ce mouvement est un jeu d'esprit étincelant et virtuose. A la fin, la sonate s'évanouit sur la pointe des pieds.
Jean-Jacques Kantorow au violon et Jet Röling au piano nous en livrent une version parfaite dans le coffret contenant l'intégrale de la musique de chambre de Roussel.





1925 - Sérénade pour flûte, harpe, violon, alto et violoncelle Op. 30

Cette sérénade est d'une originalité totale tant par la forme que par le choix des instruments.

Elle est en trois mouvements:
  1. Allegro: ce mouvement évoque les pieds ailés de danseurs, le rythme y règne en souverain.
  2. Andante: d'une envoûtante poésie, c'est la contemplation immobile d'un paysage méditerranéen.
  3. Presto: de la forme d'un rondo libre avec la présence d'un intermède délicieusement alangui aux touches de couleur créées par des glissandos harmoniques.
Au disque, j'ai encore sélectionné une version tirée de l'intégrale de la musique de chambre de Roussel avec Paul Verhey, flûte, Erika Waardenburg, harpe, Janneke van der Meer, violon, Henk Guittart, alto et Viola de Hoog, violoncelle.

Et parce que c'est plus vivant, sous Youtube j'ai choisi une exécution live de la Sérénade par l'ensemble du Festival Mozaic.





1927 - Concerto pour piano Op. 36



Le Concerto pour piano et orchestre de Roussel est composé entre juillet et octobre 1927, et dédié à Lucie Caffaret. Il est créé le 7 juin 1928 à Paris par le pianiste Alexandre Borovsky, salle Pleyel, sous la direction de Serge Koussevitzky.

Dans une lettre à Albert Roussel, Paul Dukas écrit que ce concerto « veut un toucher plus rare et qui vient de plus loin que les doigts ».

L’œuvre adopte la structure traditionnelle du concerto en trois mouvements:
  1. Allegro molto : mouvement d'un dramatisme marqué qui oppose violemment thèmes et rythmes, soliste et orchestre, le tout se réconciliant à la fin;
  2. Adagio : mouvement d'un calme immatériel et envoûtant;
  3. Allegro con spirito : danse pleine de fougue avec variations aux sonorités fermes et maîtrisées.
Il s'agit encore d'une partition qui demande plusieurs écoutes avant de se révéler. A noter que l'oeuvre sonne davantage comme une symphonie avec piano concertant que comme un véritable concerto.

J'ai sélectionné la version interprétée par Alexandre Tharaud au piano, l'ensemble orchestral de Paris est sous la direction de David Stern.

1er mouvement:



2ème mouvement:



3ème mouvement:




1930 - Symphonie No. 3 Op. 42



La Symphonie no 3 en sol mineur opus 42 d'Albert Roussel est une de ses œuvres les plus connues, composée entre 1929 et 1930.

Roussel a composé quatre symphonies. En ce qui concerne sa troisième symphonie, il s'agit d'une œuvre de sa maturité, à peu près contemporaine de son Bacchus et Ariane. Cette symphonie a été composée suite à une commande de l'orchestre symphonique de Boston pour son cinquantième anniversaire (dont fait partie également la symphonie n°1 (H. 75) d'Arthur Honegger, la symphonie no 4 de Prokofiev et la Symphonie de Psaumes d'Igor Stravinsky).

Elle fut créée à Boston le 24 octobre 1930 sous la direction de Serge Koussevitzky.

Elle se compose de quatre mouvements et son exécution demande un peu moins d'une demi-heure. Un thème de 5 notes apparaît dans les quatre mouvements.
  1. Allegro vivo: présente un premier thème énergique, vigoureusement rythmé à 3 temps et un second de caractère élégiaque.
  2. Adagio: le mouvement développe le thème de 5 notes sous forme de marche et en style fugué. La conclusion se fait dans une lumière d'or chatoyante et douce.
  3. Vivace: c'est un scherzo d'une alacrité extrême, animé d'une sorte de truculence ironique.
  4. Allegro con spirito: le dernier mouvement est emporté, parfois violent, d'une rare intensité expressive. Un passage Andante introduit plus d'intimité. La conclusion se fait sur le thème de 5 notes dans une véhémente exaltation.
J'ai sélectionné la très dynamique version de Leonard Bernstein à la tête de l'Orchestre National de France.

1er mouvement:



2ème mouvement:



3ème mouvement:



4ème mouvement:






1930 - Bacchus & Ariane Op. 43



Bacchus et Ariane op 43 est une musique pour ballet composée par Albert Roussel en 1930 sur un argument d'Abel Hermant.

Il s'agit d'une œuvre de maturité, à peu près contemporaine de sa troisième symphonie. Elle décrit l’enlèvement d’Ariane par le dieu Bacchus et leurs amours.

L’œuvre originale, en deux actes, a été créée par l’orchestre de l’opéra de Paris sous la direction de Philippe Gaubert le 22 mai 1931 avec une chorégraphie de Serge Lifar et des décors de Giorgio de Chirico. Roussel en tira deux suites pour orchestre, chacune correspondant à un acte du ballet. Elles furent créées par l'Orchestre symphonique de Paris, la première sous la direction de Charles Münch le 2 avril 1933, la seconde sous celle de Pierre Monteux le 2 février 1934.

Il s'agit certainement de l'oeuvre la plus géniale de Roussel, en particulier le finale avec cette incroyable bacchanale.

Au disque, j'ai sélectionné la version de Georges Prêtre à la tête de l'Orchestre National de France.

Sur Youtube voici tout d'abord une version live de la suite No. 2 interprétée par Alain Altinoglu à la tête du Frankfurt Radio Symphony Orchester.



Et voici la version du ballet intégral par Georges Prêtre en audio:




1934 - Sinfonietta Op. 52



Appartenant à l'ultime époque créatrice d'Albert Roussel, la Sinfonietta est contemporaine de la quatrième symphonie du compositeur. Écrite durant l'été 1934 à Varengeville, lors d'une période de convalescence (Roussel se remet d'une pneumonie compliquée de jaunisse), la partition est achevée le 6 août 1934. 

Elle est dédiée à Jane Evrard, qui crée l’œuvre le 19 novembre à Paris, salle Gaveau, à la tête de l'Orchestre féminin de Paris. La création est un succès, au point que l’œuvre est intégralement bissée.

Véritable condensé de symphonie, la Sinfonietta est une œuvre courte, « d'une fraîcheur étonnamment juvénile, et d'une élégance d'écriture toute « classique » ». Dévolue aux cordes seules, elle est structurée en trois mouvements, dont les deux derniers s'enchaînent :
  1. Allegro molto
  2. Andante
  3. Allegro
Une version de la sinfonietta dirigée par André Cluytens est disponible dans le coffret en 11 CDs de l'Edition Albert Roussel. On retrouve également cette version dans un album séparé.

Sur Youtube, j'ai sélectionné la version dirigée par Paavo Järvi.





1936 - Concertino pour violoncelle Op. 57




Le Concertino pour violoncelle et orchestre est composé en trois semaines, en août 1936, et dédié à Marix Loevensohn. Il est créé le 6 février 1937 à Paris, aux concerts Poulet-Siohan, par le violoncelliste Pierre Fournier, salle Pleyel, sous la direction de Robert Siohan.

La partition est la dernière œuvre orchestrale d'Albert Roussel, et affiche une coloration "souriante, directe et accessible".

De tonalité générale d'ut majeur, l’œuvre adopte la structure traditionnelle du concerto en trois mouvements :
  1. Allegro moderato
  2. Adagio
  3. Allegro molto
La version sélectionnée se trouve également dans l'album intitulé "Concertos pour Orchestre", elle est interprétée par Jean-Guihen Queyras au violoncelle et dirigée par David Stern à la tête de l'Ensemble Orchestral de Paris.

Voici le 1er mouvement:



Le 2ème mouvement:



Et le 3ème mouvement:





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