vendredi 16 août 2019

Bantock (Granville)

Granville Bantock



Granville Bantock


Sir Granville Bantock, né le 7 août 1868 à Londres et mort le 6 octobre 1946 à Londres, est un compositeur britannique. Il est passionné par le monde celte, peut-être est-ce du à ses ancêtres qui viennent de Haute Ecosse. Sa musique est influencée par Liszt, Wagner et surtout Richard Strauss. 

Il a composé de la musique orchestrale, des opéras, de la musique de scène, de la musique de chambre et de la musique pour piano. Sa musique orchestrale se distingue par les riches couleurs de sa palette, sa finesse, mais également sa puissance. C’est principalement pour ses symphonies et sa musique orchestrale en général que j’ai souhaité vous parler de ce compositeur qu’il faut absolument découvrir.

L’album suivant est une découverte totale et met la barre très haute dans mon appréciation de la musique symphonique. Il s’agit d’un des albums de Vernon Handley à la tête du Royal Philharmonic Orchestra qui a réalisé une intégrale des œuvres orchestrales de Granville Bantock, certains de ces albums étant des premières mondiales. 

Ce disque  contient les œuvres suivantes :


A Celtic Symphony

« A Celtic Symphony » (composée en 1940, il s’agit de la symphonie No. 4) : L’originalité de cette symphonie est qu’elle est composée pour six harpes et orchestre à cordes, ce qui lui donne un timbre particulier. Elle est en cinq mouvements :
  1. Lento sostenuto : ce premier mouvement est lent et pastoral.
  2. Allegro con fuoco : une mélodie fraîche, un rythme soutenu, cela m’évoque un monde d’aventures.
  3. Andante con tenerezza : ce morceau laisse entendre un chant folklorique des Hébrides (îles situées à l’ouest de l’Ecosse), il s’agit d’une mélodie douce et nostalgique. Un passage annonce de façon étonnante le thème de « La Comté » dans la musique d’Howard Shore pour le film « Le Seigneur des Anneaux » !
  4. Port-a-Bial – Allegro con spirito : il s’agit d’un branle écossais des Highlands. Ce mouvement est gai et vif, empli de folklore celte.
  5. Largamente maestoso : dans ce mouvement on entend particulièrement les harpes. Le thème est imposant et volontaire. Il se termine par des glissandi des harpes avant la longue tenue finale.




The Witch of Atlas

L’œuvre qui suit est le poème symphonique No. 5 « The Witch of Atlas » (« La Sorcière d’Atlas »). Cette pièce symphonique, tirée d’un poème de Shelley, raconte l’histoire d’une sorcière qui est d’une grande beauté : elle possède des trésors magiques qui asservissent les esprits. Elle dirige une armée d’esprits qui vivent dans les nuages. Elle leur donne un breuvage qui, après leur mort, aura le pouvoir de transformer leur tombe en verdure. La musique est exotique, pleine de nostalgie et de volupté. Elle rappelle un peu Richard Strauss, sans le côté esbroufe.






The Sea Reivers

« The Sea Reivers » (1917) : il s’agit d’un poème marin des Hébrides. Il était initialement prévu pour être le scherzo de la symphonie des Hébrides. C’est un morceau vif et enjoué, ponctué de coups de timbales.






A Hebridean Symphony

« A Hebridean Symphony » (« Symphonie des Hébrides », 1913, il s’agit de la Symphonie No. 1) : Cette symphonie est d’un seule tenant, même si on peut distinguer 9 sections. Voici quelques passages remarquables:
  • La symphonie commence par des images de brumes marines et d’anciennes légendes,
  • Ensuite un violent scherzo exprime la houle qui devient tempête,
  • La musique glorifie la nature, en l’occurrence le thème de la mer qui est omniprésente. Ce passage évoque tantôt Ralph Vaughan Williams tantôt Sibélius.
  • On entend ensuite un air de cornemuse "Pibroch of Donnail Dhu" qui est exprimé par des fanfares des cuivres.
  • La section suivante introduit la chanson des Hébrides "Harris Love Lament" ("Complainte d’amour de Harris") annoncée par les cors. La musique s’élargit pour donner à entendre le chant de victoire des Bardes : la musique se fait épique puis débouche sur un moment de grande douceur aux couleurs orchestrales très soignées.
  • La vision des Hébrides s’évanouit dans le silence d’où elle a surgit.







Le second album de la série nous fait entendre les œuvres suivantes :



Pagan Symphony

« Pagan Symphony » (« Symphonie Païenne », 1925-28, il s’agit de la Symphonie No. 2) : il s’agit d’une œuvre baignée dans l’antiquité, période de prédilection de Bantock. Elle est en six sections :
  1. Tranquillo : Cette partie démarre par une introduction lente et statique dans laquelle on entend la flûte, puis le violon et enfin les bois. Elle exprime un calme pastoral, suivi d’un épisode un peu plus animé.
  2. Allegro : c’est une danse agreste, avec un passage de virtuosité de divers instruments à vent, puis un passage animé avec intervention des cuivres.
  3. Scherzo : Danse des satyres : elle est amusante et grotesque et finit sur un festival de percussions.
  4. Fanfare : danse antique sur pizzicati et tambourin qui débouche sur un passage héroïque. 
  5. Molto lento : il s’agit d’une évocation voluptueuse de la déesse Aphrodite, inspirée du vers suivant de Sappho : « Immortelle Aphrodite sur ton trône doré ». La musique exprime une certaine plénitude.
  6. Finale : Bantock termine sa merveilleuse vision arcadienne sur un triomphant résumé musical de tout ce qui précède. La musique se fait très dansante, il s’agit presque d’une valse. La fin du morceau est triomphale sur des fanfares des cuivres.



Fifine at the Fair

« Fifine at the Fair » (« Fifine à la Foire », sous-titrée : « Défense de l’inconstance ») : Inspiré d’un poème de Robert Browning, ce poème symphonique raconte l’histoire du narrateur qui tombe amoureux de la danseuse Fifine, qu’il a rencontré sur un champ de foire, et qui dédaigne les plaisirs sages de la vie domestique. Il est tiraillé entre son attrait pour Fifine et les mérites de son épouse Elvire. Seuls les caprices de l’exigeante Fifine feront rentrer notre narrateur dans le droit chemin. 

Le poème symphonique est en cinq parties :
  1. « Amphibian » : On entend un thème romantique aux cordes, il s’agit de la tentation de Fifine. Le motif à l’alto désigne le désir impatient du narrateur.
  2. « The Fair », vivace : L’ambiance est festive et le violon joue un thème folklorique.
  3. « Fifine dances » : L’apparition de Fifine se manifeste par des arabesques à la clarinette. La musique se fait lascive.
  4. « Elvire’s theme » : Ce thème est plein de chaleur et d’amour.
  5. « Epilogue » : On entend une fugue aux violoncelles sur le thème d’Elvire. Puis le morceau se termine sur le triomphe du thème de l’amour fidèle d’Elvire.



Ce que j’aime dans ce poème symphonique sont l’humour de l’argument, la beauté orchestrale, les changements de climat entre les parties et le finale romantique.





Pierrot of the minute

L’œuvre suivante est certainement une de mes œuvres favorites de Bantock. Il s’agit de : "Pierrot of the minute : comedy overture" ("Pierrot de la minute : ouverture de comédie" - 1908) : Cette pièce raconte un rêve d’amour de Pierrot qui imagine la venue d’une vierge de la Lune qui lui apprend les coutumes de l’Amour. A son réveil, Pierrot s’aperçoit que son rêve d’amour n’était que l’illusion d’une minute.

La pièce est d’une grande fraîcheur et légèreté. On admire la grande finesse de l’orchestration, qui est souvent plutôt typique de la musique française, mais qui montre ici le savoir faire orchestral de Bantock qui nous joue les émotions variées de Pierrot avec une bonne dose d’espièglerie. 




Cette œuvre, toujours interprétée par Vernon Handley, est couplée aux œuvres suivantes :
  • « Overture to a Greek Tragedy » (1911) : Il s’agit d’une ouverture inspirée par l’Œdipe à Colonne d’après Sophocle. Une musique héroïque avec quelques références à Wagner.
  • « The Song of Songs » (« Le Cantique des Cantiques ») : il s’agit d’un oratorio de 1922, qui s’éloigne des éléments bibliques pour nous livrer une histoire d’amour passionné dans un cadre luxuriant et exotique.




Sappho

En 1906, Bantock compose le cycle « Sappho » composé d’un prélude et de neuf fragments pour mezzo-soprano et orchestre. Il s’agit d’un ensemble de chansons dramatiques sur des textes de la poétesse grecque Sappho, traduits et librement adaptés par Helena Bantock, la femme du compositeur. 

Sappho qui vécu aux VIIème et VIème siècles avant J.C., à Mytilène sur l’île de Lesbos, est restée connue pour ses amours féminines. La musique de ce cycle est éminemment romantique, on y sent les influences de Wagner et Richard Strauss, elle nous livre une vision d’une antiquité idyllique fantasmée.
  • Prélude : c’est un ample morceau plein de romantisme. On y entend des roulements de timbales, pour le côté exaltation, et la harpe, pour le côté exotisme.
  • Fragment 1 : il s’agit d’un Hymne à Aphrodite. La musique est très wagnérienne et imposante.
  • Fragment 2 : Sappho quitte son aimée. On y entend une superbe mélodie du hautbois accompagné par la harpe. Ce morceau est magnifique et vaut à lui seul l’intérêt pour ce cycle.
  • Fragment 3 : Evocation de la planète Vénus. Le violon se fait voluptueux.
  • Fragment 4 : Les yeux de l’amoureuse. Le chant et l’orchestre sont plein de délicatesse.
  • Fragment 5 : Sappho est tourmentée par un rêve. On y entend une reprise exaltée du thème du prélude.
  • Fragment 6 : Jalousie de Sappho quand elle voit son aimée en train de rire à côté d’un homme. La musique se fait plus dramatique.
  • Fragment 7 : Réflexions sur la mort, en particulier la mort d’Adonis qui renaît chaque année. La musique est nostalgique. 
  • Fragment 8 : Célébration du mariage. La musique se fait plus légère.
  • Fragment 9 : Hymne à Aphrodite. La musique laisse une grande place à la harpe pour exprimer l’exotisme et l’onirisme de la scène.



Cette œuvre est complétée par le "Sapphic Poem" pour violoncelle et orchestre : cette pièce est élégiaque, elle exprime le spleen, les sentiments amoureux et le désir. 



Ceci termine cet article sur Bantock, un compositeur qui montre à quel point il est intéressant de défricher la musique britannique des XIXème et XXème siècles.


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