George Benjamin
J’ai souhaité terminer ce panorama de la musique britannique par un des compositeurs contemporains les plus prometteurs : il s’agit de George Benjamin né en 1960 à Londres. George Benjamin commence sa formation musicale par l’apprentissage du piano avec Peter Gellhorn et Yvonne Loriod ; il étudie ensuite la composition avec Olivier Messiaen. A 17 ans, il intègre le Conservatoire de Paris, puis se perfectionne au King’s College de Cambridge où il a pour professeur Alexander Goehr.
Son œuvre « Ringed by the Flat Horizon » est jouée dans le cadre des concerts organisés par la BBC alors qu’il n’a que 20 ans.
Les deux œuvres scéniques de George Benjamin, « Into The Little Hill » (2006, opéra Bastille) et « Written On Skin » (2012, festival d’Aix-en-Provence), sont le résultat d’une collaboration fructueuse avec le librettiste Martin Crimp, et ont reçu de nombreux éloges de la part de la critique et du public.
Il reçoit le Grand Prix du disque 2013 de l'Académie Charles Cros, catégorie « Musique contemporaine » pour son opéra "Written On Skin".
Written on Skin
J’ai voulu vous faire découvrir cet opéra qui ne ressemble à aucun autre et qui a, semble-t-il, soulevé l’enthousiasme du public et de la critique. Il s’agit d’une production originale commandée par le festival d’Aix-en-Provence. L'histoire s'inspire d'une légende occitane du XIIe ou XIIIe siècle sur le troubadour Guillem de Cabestany : « Le cœur mangé ». Le titre de l’opéra « Écrit sur la peau », évoque le parchemin, peau animale qui précéda le papier en Occident et permit, par sa douceur et sa robustesse, le développement de la littérature écrite et de l’illustration.
Voici des extraits du résumé de l’argument écrit par Martin Crimp, le librettiste :
- Un chœur d’anges nous ramène huit cents ans en arrière, à l’époque où chaque livre est un objet précieux «écrit sur la peau». Ils donnent vie à deux des personnages principaux de l’histoire : le Protecteur, un propriétaire terrien, et Agnès, son épouse obéissante. Un des anges devient alors le troisième protagoniste, le Garçon, un enlumineur de manuscrits.
- Le Protecteur demande au Garçon de célébrer sa vie et ses bonnes actions dans un livre enluminé. Comme preuve de son talent, le Garçon présente au Protecteur une miniature, portrait flatteur d’un homme riche et miséricordieux.
- Une nuit, le Garçon s’introduit dans la chambre d’Agnès pour lui montrer une peinture qu’elle lui a demandée. Agnès en vient à reconnaître que l’image de cette femme éveillée dans son lit est son portrait. Comme ils examinent ensemble la peinture, la tension sexuelle monte jusqu’à ce qu’Agnès s’offre au Garçon.
- Le Garçon laisse à Agnès et à son mari une «page secrète». Le Protecteur lit à haute voix la page écrite. Le Garçon y décrit sa relation avec Agnès. Pour le Protecteur, la révélation est accablante. Déchiré entre miséricorde et violence, le Protecteur se rend dans les bois et assassine le Garçon.
- Ensuite, il oblige Agnès à manger le repas placé devant elle pour prouver son «obéissance». Il lui révèle alors qu’elle a mangé le cœur du Garçon.
- Le Garçon réapparaît sous la forme d’un ange pour présenter une dernière image : le protecteur y saisit un couteau pour tuer Agnès, mais elle préfère se suicider en sautant du balcon. Le tableau la montre en train de tomber tandis que trois petits anges peints dans la marge se tournent pour rencontrer le regard du spectateur.
Benjamin réussit un pari audacieux : réconcilier tonalité et atonalité, simplicité et complexité, apporter une certaine modernité dans le langage musical. La tension est constante de la première à la dernière note, les timbres sont originaux avec l’utilisation d’instruments peu usités de nos jours à l’opéra tels que la viole de gambe ou l’harmonica de verre.
Il s’agit certainement d’un des premiers opéras marquants de notre jeune XXIe siècle.
J’ai retenu l’interprétation du Mahler Chamber Orchestra dirigé par George Benjamin lui-même, avec Barbara Hannigan dans le rôle d’Agnès, Christopher Purves dans celui du Protecteur et Bejun Mehta dans celui du Garçon.
Voici un trailer de la version donnée à l'opéra de Berlin:
Et un extrait de l'album:
Three inventions
Pour aller plus loin dans la découverte de George Benjamin, je vous propose d'écouter son œuvre pour orchestre de chambre "Three inventions" interprétée par l'Ensemble Intercontemporain: lancez-vous dans le bain d'une musique empreinte de modernité !
Concerto for Orchestra
Après une splendide saison d’opéras, Into the Little Hill (2006), Written on Skin (2012) et Lessons in Love and Violence (2017), tous trois sur des livrets de Martin Crimp, et dix-sept ans après sa dernière œuvre d’orchestre, Dance Figures (2004), George Benjamin délaisse la voix et renoue avec le monde symphonique stricto sensu par un Concerto for Orchestra.
Celui-ci commémore son "amitié indissoluble" avec Oliver Knussen, dont les qualités musicales, de compositeur et de chef d’orchestre, égalaient, dit-il, la bienveillance et la générosité humaines. Il compose donc ce concerto à la mémoire de son ami.
Benjamin présente ainsi son Concerto for Orchestra, composé en 2021:
"Pendant dix-sept minutes, presque sans interruption, façonnée quasi intégralement dans un seul tempo, la pièce présente une grande diversité d’inventions instrumentales qui évoluent, interagissent et se superposent. Les lignes longues et suspendues tracent leur chemin dans des textures orchestrales contrastées, d’aucunes rapides et saccadées, d’autres plus dynamiques et propulsives."
En voici une version live dirigée par le compositeur à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France:
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