mercredi 7 août 2019

Casella (Alfredo)

Alfredo Casella


Alfredo Casella


Alfredo Casella (né le 25 juillet 1883 à Turin et mort à Rome le 5 mars 1947) est un compositeur, chef d'orchestre et pianiste italien de la première moitié du xxe siècle. Alfredo entre au Conservatoire de Paris en 1896 pour étudier sous la direction de Gabriel Fauré et de Louis Diémer. Il a pour condisciples Maurice Ravel et Georges Enesco. De cette période de sa vie, Casella gardera toujours une grande attirance pour la musique de Claude Debussy, dont il révère le célèbre « Prélude à l'après-midi d'un faune ». 

S'inscrivant dans la grande tradition de la musique instrumentale européenne (Allemagne et France), Casella a composé, avec génie, trois symphonies particulièrement achevées. On lui doit aussi des opéras, de la musique de chambre, ainsi que des pièces pour piano. Un savant mélange de diverses époques et tendances musicales caractérise sa musique. Il sera d’ailleurs souvent critiqué pour son éclectisme. Je trouve qu’il mérite mieux que cela car ses oeuvres sont particulièrement plaisantes et montrent une grande maîtrise.

Je vous invite donc à découvrir ce musicien, riche d’un bagage impressionnant et dont la découverte à été pour moi une véritable révélation.

Symphonie No. 1

En 1905-1906, Casella compose sa Symphonie No.1 Op.5, alors qu’il n’a que 22 ans. On y décèle, entre autres, des influences françaises, tel César Franck, et des influences russes, en particulier Tchaikovsky. Cette symphonie est en 3 mouvements :
  • I - Lento grave - Più mosso - Tempo I : Le début de ce mouvement est lent et grave. Le thème introduit est nostalgique et romantique, un peu franckiste, avec une très belle mélodie. On sent une belle maîtrise orchestrale pour son jeune âge. Vers la fin du mouvement on pense à une sorte de synthèse de diverses influences : Ravel, Wagner, Tchaikovsky.
  • II – Adagio : Ce mouvement lent est influencé par Mahler (que Casella admirait beaucoup). C’est un mouvement lugubre. Etant très réussi, il sera d’ailleurs réutilisé par Casella comme troisième mouvement de sa 2ème symphonie. Un grand romantisme se dégage de ce mouvement qui finit dans une désolation complète.
  • III – Lento Molto – Finale : Allegro vivo, energico : Le troisième mouvement commence par une transition « Lento molto ». Le thème initial peut faire penser à des musiques de films de science-fiction, car il est assez mystérieux. Suit le finale à proprement parlé, beaucoup plus rayonnant et dans lequel on sent la double influence de Wagner et Richard Strauss. Le thème, romantique à souhait, évoque un héros revenant triomphant. La mélodie est très belle. Un solo de violoncelle nous amène vers une fin rayonnante et paisible.



La Symphonie No. 1:



Symphonie No. 2

En 1908-1909, Casella compose sa Symphonie No. 2 Op.12. Elle se place d’emblée sous l’influence de Mahler. Casella connaît par coeur ses symphonies, et il militera afin que sa Symphonie No.2 soit jouée à Paris. Cette symphonie est en 4 mouvements.
  • I - Lento, grave, solenne : Au début du mouvement on entend des cloches, puis une introduction imposante et menaçante. Le thème, très mahlérien, connaît beaucoup de variations de rythme. La fin est lente et solennelle avant un crescendo final.
  • II – Scherzo : Il s’agit d’un mouvement rythmé sur un ostinato. On entend des fanfares joyeuses, des réminiscences de l’  « Apprenti Sorcier ». Par moments l’orchestre se déchaîne, on entend une mélodie russe, très exaltante. A la fin du mouvement on entend à nouveau des cloches.
  • III - Adagio, quasi andante : Ce troisième mouvement débute par une introduction mystérieuse. Puis arrive un passage romantique, on pense successivement à Mahler puis à Tchaikovsky. La mélodie est triste, avec un grand rôle dévolu aux timbales. La fin marque une certaine désolation.
  • IV - Finale. Tempo di marcia ben risoluto. Epilogo : Le mouvement débute par une marche mahlérienne qui sombre bientôt dans une oraison funèbre. Suit un passage très rapide et tourmenté. La marche initiale reprend, suivie à nouveau de cette marche funèbre sans espoir. Ensuite on passe à la partie « Epilogo » : elle démarre par une atmosphère mystique dans laquelle intervient l’orgue. Suit un thème apaisant (reprise du Lento du 1er mouvement). Enfin, le mouvement s’accélère et débouche sur un passage où se mêlent les cloches, l’orgue et tout l’orchestre. La conclusion est éclatante et éxaltée, voire triomphale.



La Symphonie No. 2:




Symphonie No. 3 "Sinfonia"

Ce n’est qu’en 1939-1940 que Casella compose sa Symphonie No. 3 « Sinfonia » Op. 63. Composée près de 30 ans après sa 2ème symphonie, elle apparaît comme son testament symphonique. C’est le Dr Frederick Stock qui invite Casella à composer cette symphonie pour célébrer les 50 ans du Chicago Symphony Orchestra. 

Cette « sinfonia » est d’une forme purement classique, en 4 mouvements. 
  • I – Allegro mosso : Ce mouvement fait penser au dernier Chostakovitch en moins désespéré. La forme est néo-classique. Casella y fait preuve d’une belle maîtrise orchestrale. La mélodie principale est pastorale au hautbois solo.
  • II – Andante : Le mouvement débute par une mélodie triste au violon entouré par les bois. Quand les cordes interviennent, la mélodie fait penser à Mahler, le côté lugubre, presque sarcastique, fait penser à Chostakovitch. On entend un épisode plus rapide et scandé, avec un fortissimo de l’orchestre. Suit un épisode avec le hautbois et la flûte. Le mouvement se termine dans le calme et un climat plus serein.
  • III – Scherzo : Première partie "Minore" : Les rythmes sont pesants, les bois hurlent, les cuivres clament. Cette partie évoque à nouveau Chostakovitch. Seconde partie "Maggiore" : Ce passage est plus léger et évoque Stravinsky. Les percussions y jouent un rôle important. Troisième partie "Variazione" : Cette dernière partie du scherzo est pleine d’humour. L’orchestration est très inventive.
  • IV – Rondo Finale : Ce mouvement débute par un ostinato rythmique aux violoncelles, puis aux cuivres. On est toujours dans un style néo-classique, avec beaucoup d’énergie et de complexité. Le mouvement se fait de plus en plus vif jusqu’à un arrêt soudain. L’épilogue, qui commence lent et doux, finit par une conclusion triomphale.

Actuellement, ma version préférée de ces symphonies est celle dirigée par Gianandrea Noseda à la tête du BBC Philharmonic Orchestra. A noter la beauté des pochettes.



La Symphonie No. 3:




La Donna Serpente (La Femme Serpent)

Je termine par mon oeuvre favorite : les deux suites orchestrales tirées de son opéra « La Donna Serpente » (« La Femme Serpent »). 

« La Donna Serpente », datant de 1932, est un opéra rédigé sur un livret de Cesare Vico Lodovici d'après la fable « La donna serpente » de Carlo Gozzi. A noter que la même fable était la base du premier opéra de Wagner, « Die Feen ». 

L'intrigue concerne un roi, Altidòr, qui tombe amoureux d'une fée, Miranda. Le père de la fée maudit Altidòr: si celui-ci lance un jour un sort contre Miranda, elle deviendra un serpent.

La suite No. 1 Op. 50 bis est constituée de 3 parties :
  • I – Le songe du roi Altidor : ce morceau contient une mélodie mystérieuse au hautbois et prend la forme d’une berceuse.
  • II – Interludio : On entend plusieurs appels des trompettes, suivis d’un passage où l’on sent toute l’appréhension des personnages évoquée par les violoncelles et les contrebasses.
  • III – Marcia Guerriera : il s’agit d’une marche à l’orchestration luxuriante et au rythme scandé. Marquée par les interventions des cuivres, elle est très martiale.

La suite No. 2 Op. 50 ter est également en 3 parties :
  • I – Sinfonia : Il s’agit certainement du passage le plus réussi et le plus original. Casella y impose son propre style. La musique est très vive et flamboyante.
  • II – Preludio : Ce morceau exprime la situation désastreuse dans laquelle se trouvent Altidor et sa reine. On entend des plaintes mélancoliques des cors et du basson. La musique est une évocation parfaite des sentiments de tristesse et de désarroi des personnages, elle est d’une grande teneur expressive et provoque chez l’auditeur beaucoup de compassion.
  • III – Battaglia e finale : Altidor finit par arracher Miranda à sa malédiction. La musique est rapide, brillante et farouche. La pièce se termine par une marche triomphante : « Gioia » (« Joie ») qui est celle qui conclut l’opéra.

A nouveau, l’interprétation qui me semble la meilleure de cette pièce est celle de Gianandrea Noseda à la tête du BBC Philharmonic Orchestra. 

A noter que Gianandrea Noseda a dirigé l’opéra « La Donna Serpente » (un opéra qui est très rarement joué) à Turin en 2016. 

Fragments orchestraux de la Donna Serpente:



Un extrait de l'opéra:





L’album nous permet d’écouter deux autres belles oeuvres de Casella : le concerto pour orchestre et « A Notte Alta ».

Le Concerto pour Orchestre

Le concerto pour orchestre Op. 61 date de 1937 et a été composé par Casella pour fêter les 50 ans de l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam. Il s’agit d’une oeuvre néo-classique en 3 mouvements :
  • I – Sinfonia : Ce premier morceau fait entendre des fanfares enjouées, il fait penser à un scherzo très animé. On est assez proche de Stravinsky.
  • II – Passacaglia : L’introduction lente aux bois fait penser à Prokofiev. Il s’agit d’un thème et variations sur une basse obstinée, le ton de la pièce est plutôt grave.
  • III – Inno (Hymne) : Dans cette pièce on a un contraste entre des rythmes agités et frénétiques et une mélodie expressive qui tente d’atteindre l’ampleur d’un hymne. C’est un peu comme si Sibelius rencontrait la musique française.



A Notte Alta

La dernière oeuvre de cet album, « A Notte Alta » (« Au plus profond de la nuit ») Op. 30 est une oeuvre pour piano et orchestre. Cette oeuvre est en rapport avec la liaison entre Casella et son étudiante Yvonne Müller, il se mariera d’ailleurs plus tard avec elle. Le thème principal est celui de deux amants dans la nuit, et on peut y voir une parenté avec « La Nuit transfigurée » de Schoenberg, mais ici cela évoque plutôt, des dires mêmes de l’auteur : "une nuit d’hiver, claire et froide, d’une insensibilité glaciale envers la souffrance humaine". La pièce est en cinq parties, l’ambiance générale est triste et rêveuse.



A Notte Alta:







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