vendredi 16 août 2019

Brian (Havergal)

Havergal Brian


Havergal Brian


A la question "Where is Brian ?", je suis sûr que vous avez envie de répondre "Brian is in the kitchen" ! (Surtout si vous connaissez le sketch de Gad Elmaleh). 

Mais, ce n’est pas le cas ici car Brian n’est pas le prénom, c'est le nom de ce compositeur. Et dans ce cas précis, j’aurais plutôt tendance à répondre : "Brian is in the symphonies !"

En effet, William "Havergal" Brian (né le 29 janvier 1876 à Dresden dans le Staffordshire et mort le 28 novembre 1972 à Shoreham-by-Sea dans le Sussex de l'Ouest), est un compositeur et critique musical britannique.

Havergal Brian est vraiment le compositeur de tous les records :
  • Il meurt à 96 ans, ce qui est un âge très respectable.
  • Il a composé la symphonie la plus longue de l’histoire de la musique. En effet, la Symphonie No. 1 « Gothique » dure environ 1 heure et 45 minutes.
  • Il a composé en tout 32 symphonies.
  • La plupart de ces symphonies ont été créées après sa mort, il ne les a jamais entendues.
  • Parmi ses 32 symphonies, 27 ont été composées après ses 70 ans (ainsi que 4 opéras), il termine sa 32ème symphonie en octobre 1968, il a 92 ans.
  • En 1972, sa fille Elfreda décède peu de temps avec lui. Il lui dédie rétrospectivement sa 2ème symphonie.

Ce qui m’attire dans la musique de Brian c’est sa richesse et sa maîtrise symphonique, qui fait que ses œuvres sont très variées. Même s’il est difficile de suivre son discours tellement la variété des thèmes, des rythmes et des traitements est importante dans ses œuvres, on se laisse facilement emporter dans ce flot. 

Il faut également noter que si sa première symphonie est très longue et très imposante, la plupart des symphonies de Brian sont courtes et font appel à des effectifs plus légers. Son œuvre symphonique est passionnante et il faut mentionner que le compositeur Granville Bantock était un ardent défenseur de la musique de son ami Brian.


Symphonie No. 1 "Gothique"

Il est bien évident que l’on ne peut pas parler d’Harvegal Brian sans évoquer sa gigantesque Symphonie No.1 « Gothique » composée entre 1919 et 1927. 

Cette symphonie demande des effectifs pléthoriques : 210 musiciens, dont 17 percussionnistes parmi lesquels 6 timbaliers, plus 4 ensembles de cuivres situés en coulisse. En ce qui concerne les chanteurs, les effectifs se composent de 4 solistes, 4 chœurs mixtes et des chœurs d’enfants. 

Lors de l'interprétation des Proms de Londres en 2011, on comptait six cents chanteurs – considéré comme taille idéale par Martyn Brabbins, le chef d'orchestre. On est dans des tailles d’effectifs similaires à la symphonie des mille de Gustav Mahler. Ces effectifs expliquent qu’il est très difficile de monter une interprétation de cette symphonie, qui n’a connu à ce jour que sept réalisations. 

Le sous-titre « Gothique » désigne l’admiration qu’avait Brian pour l’architecture gothique, en particulier celle des cathédrales du Moyen-Âge. C’est ce qu’il a voulu exprimer par une musique grandiose et très variée : explorant toutes les périodes de la musique, du chant grégorien et de la musique d’église élisabéthaine à l’atonalité et aux accords en clusters. 

C’est un peu comme si on mélangeait la 9ème de Beethoven, le requiem de Berlioz et du Ligeti ! 

La symphonie est dédiée à Richard Strauss à qui Brian vouait une grande admiration. Après avoir lu la partition, Richard Strauss lui dit qu’il l’a trouvait « grossartig » (« magnifique »).

Cette symphonie comporte 2 parties :
  • Une première partie uniquement instrumentale composée de trois mouvements
  • Un gigantesque Te Deum en trois parties durant à lui tout seul plus d’une heure.

Elle se compose donc au total des six mouvements suivants :
  • I- Allegro assai : c’est un mouvement tonitruant qui donne dès le départ une impression de gigantisme avec surtout les interventions des cuivres et des timbales. Le mouvement connaîtra de nombreux changements de rythme et de dynamique, ce qui semble être une constante chez Brian. On entend ensuite un passage plus calme avec un solo de violon accompagné par les harpes. L’orgue intervient dans la dernière partie du mouvement.
  • II- Lento espressivo & solenne : Il s’agit d’une marche lente, comme celle d’un cortège funéraire, avec, à nouveau, une intervention de l’orgue. Le mouvement se termine très doucement.
  • III- Vivace : C’est un mouvement vif d’une grande complexité thématique et formelle. Vers 9 minutes, on entend un solo virtuose de xylophone sorte d’ « étude d’exécution transcendante » qui montre la formidable modernité d’Havergal Brian.
  • IV- Te Deum Laudamus : La partie chorale débute par le chœur a capella, suivi de fanfares. Quand le chœur revient, c’est accompagné par tout l’orchestre. Suit un passage dans lequel le rôle principal est tenu par les percussions. Brian commence dans ce mouvement à explorer différentes périodes de la musique occidentale. 
  • V- Iudex crederis esse venturus : Ce mouvement commence par un traitement très moderne du chœur a capella. Puis intervient la soprano dans un registre suraigu. Le style évoque alors Ligeti. Suit un retour de l’orchestre avec des fanfares des quatre groupes de cuivres. Ensuite on peut entendre un passage dynamique avec les cuivres dans le grave. Quand le chœur revient, c’est accompagné par l’orchestre. Suit un passage plus doux qui évoque Mahler. Le finale du mouvement est triomphal.
  • VI- Te ergo, quaesumus : il s’agit du mouvement le plus long de la symphonie. Il débute calmement avec une mélodie jouée par le hautbois, suivi du ténor qui chante dans un style ancien proche de l’Ars Nova, qui évolue rapidement vers des styles plus modernes. On entend un passage romantique aux cordes accompagnées par le ténor. Le chœur intervient, on entend plusieurs passages fortissimo avec tout le chœur, l’orchestre et les percussions. L’orgue joue une marche grandiose. Puis, on assiste à une transition avec un passage plus doux, le chœur débute doucement, puis de plus en plus fort. On assiste à nouveau à de nombreux changements de rythme et de dynamique. Puis on entend à nouveau le ténor dans un air de style wagnérien. On assiste à un véritable déchaînement de l’orchestre, des percussions, puis des fanfares. Le chœur apparaît à nouveau a capella. L’œuvre se termine sur le chœur qui murmure : « Non confundar in aeternum » (« Que plus jamais, je ne sois confondu »).

La version que je recommande de cette œuvre gigantesque est celle des deux cent dix musiciens et des six cents choristes dirigés par Martyn Brabbins lors des Proms 2011, à la tête de deux orchestres symphoniques et de six chœurs.



Je vous propose quelques extraits de la fin de cette symphonie, grâce à une vidéo amateur, imparfaite certes, mais qui permet de réaliser la démesure de cette oeuvre, il n'y a malheureusement pas eu d'enregistrement vidéo par la BBC:





Concerto pour Violon

Vers 1934, Harvergal Brian compose son Concerto pour Violon, une pièce moderne qui fait un peu penser au concerto pour violon de Stravinsky. Il est en trois mouvements :
  • I- Allegro moderato : Ce mouvement commence dans l’urgence et la tension. Brian nous livre une mélodie folklorique assez dansante, suivie de dissonances. Le violon exprime la volonté d’exister dans le fatras sonore de l’orchestre. Cette pièce comprend un passage humoristique où le violon donne libre cours à une fantaisie virtuose. La fin du mouvement est plus romantique et sentimentale, on y sent l’expression d’un désir.
  • II- Lento : Ce mouvement débute de manière percussive et passionnée. Il connaît de nombreux changements de rythme et d’ambiance. C’est une passacaille comprenant de nombreuses variations. Le violon se fait insistant, enveloppé par un orchestre très présent. La fin se fait romantique et mélodique, le compositeur s’épanche enfin.
  • III- Allegro fuoco : Le mouvement commence par des broderies savantes du violon qui ne sont pas sans évoquer à nouveau Stravinsky. On assiste à des interventions puissantes et martiales, l’orchestration est belle et grandiose. Le violon joue dans un style néo-classique une sorte de menuet. Suit un passage plus triste où l’orchestre se crispe. Le violon joue une cadence. La fin de l’œuvre est triomphale, dans un style plus russe que britannique.

La version interprétée par Marat Bisengaliev au violon, accompagné par le BBC Scottish Symphony Orchestra dirigé par Lionel Friend, nous laisse entendre en couplage la Symphonie No. 18 de 1961, une symphonie à la forme classique, qui nous laisse entendre une élégie, dans le mouvement central, entourée de deux mouvements au néo-classicisme empli d’ironie.


Le mouvement final:




Concerto pour Orchestre

Enfin, en 1964, Brian compose un Concerto pour Orchestre. Il s’agit d’une œuvre en un seul mouvement qui ne se laisse apprivoiser qu’après un certain nombre d’écoutes. Il s’agit d’une pièce moderne avec beaucoup de changements de rythme. Les thèmes se juxtaposent rapidement, donnant une impression de mouvement assez vif. En ce qui concerne l’harmonie, celle-ci contient des dissonances, mais cela n’empêche pas d’apprécier l’œuvre. 

Le début est tonitruant : avec de nombreuses sonneries des cuivres dans le grave. Les cordes jouent également dans le grave. D’une manière générale la pâte orchestrale est massive avec les cuivres et les percussions qui interviennent de manière très fréquente. Le rythme est souvent très scandé. On entend plusieurs interventions des flûtes et des hautbois qui se répondent. On pense à une sorte de scherzo, comme si les instruments se poursuivaient. Vers la fin, la mélodie est plus romantique, et les percussions interviennent avec des accents exotiques. Puis, apparaît une sorte de danse avortée pleine d’ironie, qui fait un peu penser à du Chostakovitch. L’œuvre se termine comme elle a commencé : de manière tonnante et retentissante. 



Cette œuvre se trouve sur un album, comprenant entre autres deux symphonies (Nos 10 et 30), interprété par Martyn Brabbins à la tête du Royal Scottish National Orchestra. 



La Symphonie No. 30:



L'English Suite No. 3:




Brian, un formidable symphoniste oublié, mérite certainement une redécouverte et sa musique est digne de figurer plus souvent dans les concerts.

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